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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/27103/2022

ACPR/428/2024 du 10.06.2024 sur OTMC/1575/2024 ( TMC ) , REFUS

Descripteurs : DÉTENTION PROVISOIRE;RISQUE DE COLLUSION;RISQUE DE FUITE;PROPORTIONNALITÉ
Normes : CPP.221; CPP.197; CPP.237

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/27103/2022 ACPR/428/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 10 juin 2024

 

Entre

A______, actuellement détenu à la prison de B______, représenté par Me C______, avocat,

recourant,

 

contre l'ordonnance de mise en détention provisoire rendue le 23 mai 2024 par le Tribunal des mesures de contrainte,

 

et

LE TRIBUNAL DES MESURES DE CONTRAINTE, rue des Chaudronniers 9,
1204 Genève - case postale 3715, 1211 Genève,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A.           Par acte expédié le 29 mai 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 23 mai précédent, notifiée à l'audience, par laquelle le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après : TMC) a ordonné sa mise en détention jusqu'au 21 juin 2024 et mis à sa charge un émolument de CHF 50.-.

Le recourant conclut à l'annulation de ladite ordonnance et à sa libération immédiate, subsidiairement moyennant des mesures de substitution, qu'il énumère, et plus subsidiairement à ce que sa mise en détention provisoire soit ordonnée pour une durée maximum de deux semaines. Les frais de la procédure [devant le TMC et la Chambre de céans] doivent être laissés à la charge de l'État et une juste indemnité doit être versée à son conseil d'office.

B.            Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. A______ est prévenu d'escroquerie (146 CP), de blanchiment d'argent (305bis CP), de complicité d'utilisation frauduleuse d'un ordinateur (147 CP), ou de tentative de commission d'un tel délit, pour avoir, à Genève, d'août 2022 "à ce jour", à plusieurs reprises, aidé D______ [son frère] et F______, ou d'autres personnes, à se procurer des numéros de cartes de crédit usurpés et à les utiliser pour acheter du matériel, ou pour tenter d'en acquérir, dans divers magasins, à Genève et E______ [VD], notamment.

Il lui est aussi reproché d'avoir, probablement pour D______ et F______ notamment, reçu des sommes d'argent pour des articles ou services mis en vente sur la plateforme G______ [du réseau social] H______, alors que ces mises en vente avaient pour seule fonction de susciter des versements sans contrepartie. Il lui est dans ce contexte notamment reproché d'avoir mis à disposition son numéro de téléphone lié à un compte I______, donné à plusieurs victimes, dont J______ [qui a déposé plainte pour avoir payé CHF 257.- pour des chaussures de la marque K______ qu'elle n'a jamais reçues] et L______ [qui a déposé plainte pour avoir versé CHF 100.- pour la location de deux voitures], pour obtenir le payement convenu.

Il lui est enfin reproché d'avoir reçu, le 23 mai 2023, sur son compte bancaire la somme de CHF 9'960.- provenant d'une escroquerie de type "fausse assistance" dont une certaine M______ aurait été victime.

b. N______ et F______ ont été entendus en octobre 2023 dans le cadre d'une procédure ouverte devant le Tribunal des mineurs pour les faits susvisés les concernant. À cette occasion, leurs téléphones ont été saisis et perquisitionnés.

Dans un rapport de 26 pages du 5 décembre 2023, la police y énumère les données qu'elle en a extraites, dont trois vidéos montrant de nombreuses espèces en euros et francs suisses et des boîtes de [téléphones portables de marque] O______, les contacts de ces deux prévenus avec A______, dont deux raccordements téléphoniques étaient enregistrés sous "l'ancien". Il en ressort des éléments suspectant l'implication de nombreuses personnes dans les infractions en cause visant le patrimoine d'autrui et nombre d'actes d'enquête à exécuter par la police.

c. Selon le rapport de police du 21 mai 2024, A______ a été interpellé le jour en question au petit matin, alors qu'il séjournait dans un hôtel à la rue 1______ avec sa petite amie.

d. Lors de son audition devant la police, il a contesté l'intégralité des faits reprochés, à l'exception de la mise à disposition de son compte bancaire pour le versement des CHF 9'960.- susmentionnés. Il n'avait toutefois pas touché les CHF 2'000.- qui lui étaient destinés pour son intervention. Il avait été embauché par un certain P______ [prénom], rencontré dans une boîte de nuit à Genève

Il a soutenu dans un premier temps n'avoir aucun compte I______ lié à son compte bancaire pour ensuite, "en réfléchissant bien", indiquer que cela était possible mais ne lui disait rien. Il avait vendu le téléphone contenant la carte SIM afférente au numéro rallié à ce compte il y avait plus d'un an et demi et avait jeté ladite carte. Il n'avait jamais posté d'annonce sur H______. Il lui semblait avoir reçu de l'argent qu'il devait renvoyer, sans se souvenir à qui, ce qui devait ressortir de ses relevés téléphoniques [transactions via I______], ni du motif des transactions en cause.

F______ était une connaissance proche. Il était exact que lui-même apparaissait sur une vidéo [du 20 avril 2023], assis sur les places arrières d'un véhicule [de marque] V______ conduit par N______, véhicule dont le vide-poches était rempli d'une grande quantité de billets CHF 1'000.-, CHF 200.- et CHF 100.-. Cet argent s'y trouvait déjà lorsqu'il était entré dans la voiture. Il était également l'individu apparaissant sur une vidéo [du 27 mars 2023] portant une cagoule et sortant une énorme liasse de billets en francs suisses et en euros, à l'intérieur d'une voiture conduite par N______. Il était aussi le passager avant d'une voiture de marque W______, conduite par le précité, que l'on voyait en train de sortir de l'argent de sa sacoche. Cet argent provenait de ses économies, "tout au plus EUR 2'500.-".

Son [téléphone portable] O______, que sa petite amie lui avait acheté trois mois plus tôt, se trouvait en réparation dans un magasin à Q______ [France], dont il ignorait les coordonnées.

e. Devant le Ministère public le 22 mai 2024, A______ a déclaré qu'il n'était pas l'auteur des infractions qui lui étaient reprochées, mais avait un sentiment de regret s'agissant de ce qui avait pu arriver "à ces personnes", étant donné qu'il avait rendu des services ayant "indirectement aidé à ces escroqueries-là". Il n'avait fait qu'envoyer son numéro I______ sur demande. Il n'en avait pas retiré une source de revenus sur laquelle il pouvait compter. Il ignorait quel était le rôle et le degré d'implication de son frère [D______]. Il connaissait N______.

f. Lors de son audition devant le TMC, A______ a indiqué qu'une fois libéré, il retournerait habiter chez sa tante, où se trouvaient toutes ses affaires. Il voyait peu son frère, qui vivait et travaillait dans le canton de Vaud, et n'aurait aucun problème à ne pas le contacter, pas plus que les autres personnes impliquées dans la procédure. Il était prêt à aller chercher son téléphone à Q______ et à le remettre aux autorités. Il n'avait pas le mot de passe R______ [service de cloud], de sorte qu'il ne pouvait rien effacer.

g. A______, originaire de Suisse, est né le ______ 2004 en Grande-Bretagne. Il dit avoir suivi toute sa scolarité à Genève. Il est célibataire et sans emploi. Sa mère est partie vivre à S______ (France) avec sa sœur. Depuis lors, son adresse officielle est au T______ [GE] chez sa tante. Il a indiqué se trouver souvent dans le canton de Vaud pour chercher du travail et loger, alors, chez son cousin ou sa grand-mère, à U______. Il a obtenu en juin 2023 un CFC d'employé de commerce et veut trouver un emploi "à la hauteur de cette qualification". Il dit ne pas vouloir poursuivre une activité de livreur pour X______, telle que déployée de décembre 2023 à avril 2024.

C.            Dans l'ordonnance querellée, le TMC a retenu, outre des charges suffisantes et graves, des risques de fuite – ce risque pouvant être pallié par des mesures de substitution une fois le risque de collusion suffisamment contenu – et de collusion, ce dernier étant qualifié de très important à ce stade – initial – de l'enquête. Les faits reprochés à A______ étaient liés notamment aux actes reprochés à son frère, ainsi qu'à des tiers, dont certains n'étaient pas encore localisés ni n'avaient donc été entendus. Il était impératif que A______ ne puisse pas prendre contact avec eux, une interdiction de contact étant insuffisante en l'état. Il n'existait en revanche pas de risque de réitération.

D.            a. À l'appui de son recours, A______ expose que l'ordonnance querellée violait le droit et était "frappée d'inopportunité".

Il conteste l'existence de charges suffisantes. S'il lui était arrivé d'être naïf et de faire confiance à de mauvaises personnes, étant rappelé qu'il n'avait alors que 18 - 19 ans, il n'avait pas participé à la commission d'une quelconque infraction. Le Ministère public et le TMC ne se basaient que sur des conjectures et de pures spéculations pour retenir l'existence de telles charges, comme une vidéo où on le voyait avec des liasses de billets. Dans la mesure où on ne retenait à son encontre qu'une complicité d'escroquerie et d'utilisation frauduleuse d'un ordinateur, respectivement la tentative de commission d'un tel délit, les indices allant dans le sens de sa participation directe à une quelconque infraction étaient éminemment faibles. À voir le numéro de procédure, l'instruction semblait avoir démarré en 2022 déjà, de sorte que les exigences pour une mise en détention devaient être d'autant plus strictes.

Ni le Ministère public ni le TMC ne parvenaient à se fonder sur des faits tangibles pour retenir un risque de fuite. Il avait toujours été clair sur le fait qu'il vivait chez sa tante au T______ [qui l'a attesté le 28 mai 2024, de même que sa mère] et ne dormait que ponctuellement chez son cousin et ses grands-parents dans le canton de Vaud. Sa vie se trouvait en Suisse.

Tout risque de collusion devait être nié. Il avait pleinement collaboré avec les autorités pénales et constamment été concordant dans ses propos. Il s'était soumis aux diverses mesures de contrainte ordonnées, de même que sa petite amie. Son rôle s'était limité à rendre des services et à faire confiance à de mauvaises personnes. Rien au dossier ne permettait de remettre en cause sa version des faits. Il ne manquait que l'audition de certaines personnes, dont seule la localisation n'était pas connue, mais ce qui devrait être fait rapidement. Le risque de collusion devait être d'autant plus nié que les éléments qui lui étaient reprochés ressortaient de l'audition de N______ et F______, ainsi que de la perquisition de leur téléphone, ce au mois d'octobre 2023, soit huit mois auparavant. S'il fallait réellement éviter que les coaccusés se mettent d'accord sur une version des faits commune et fassent disparaître d'hypothétiques moyens de preuve, le Ministère public et la police auraient agi bien plus rapidement. Il était donc inadmissible d'avoir requis une mise en détention de trois mois et, pour le TMC, de l'avoir validée pour un mois. Il peinait à comprendre pourquoi il serait le seul à avoir été mis en détention, alors que les deux précités, également majeurs au moment de leur audition, ne l'avaient pas été, vu l'absence de risque de collusion.

En tout état, un risque de collusion pourrait être pallié par des mesures de substitution telles que l'interdiction de contact avec les autres personnes visées, le cas échéant assortie de la peine menace prévue à l'art. 292 CP.

La mise en détention violait le principe de proportionnalité, dès lors que le TMC se contentait d'indiquer abstraitement que la peine concrètement encourue la justifierait, que des mesures de substitution auraient pu être prononcées et compte tenu de la durée ordonnée.

b. Le Ministère public conclut au rejet du recours.

Il existait un risque de fuite, dans la mesure où le recourant était sans domicile fixe, puisqu'il avait indiqué n'être que de passage chez sa tante au T______ [GE] où il n'avait que quelques affaires, aucune chambre et dormait sur le canapé. Il n'avait même pas les clés du logement. De plus, il était né au Royaume-Uni et, dans la mesure où son frère avait indiqué à la police le 4 octobre 2022 être arrivé en Suisse à l'âge de 13 ans, il était probable que le recourant, né 11 mois après lui, y soit arrivé à 12 ans et conserve partant des liens avec le Royaume-Uni.

L'instruction avait été ouverte à l'encontre du recourant le 10 août 2023, mais un mandat d'arrêt avait dû être diffusé le 26 avril 2024, vu l'impossibilité d'identifier son lieu de vie. La police avait dès le mois d'août 2023 eu le mandat d'entendre les deux frères A______/D______. Ce n'était toutefois que grâce au contrôle de chambres d'hôtels que le recourant avait pu être interpellé dans l'une d'elles, le 21 mai 2024.

Le risque de collusion était extrêmement important. La police n'avait pas pu mettre la main sur le téléphone du recourant et ce dernier n'avait fourni aucune indication claire sur le lieu où il se trouvait, pas plus que sur ses identifiants Apple qui auraient permis d'accéder à son R______. Les faits qui lui étaient reprochés étaient étroitement liés à ceux reprochés à son frère. Or, D______ avait indiqué le 4 octobre 2022 que "A______", à savoir son frère, lui avait remis le numéro de téléphone au moyen duquel il avait pu recevoir le paiement illicite. Il ressortait par ailleurs de leurs échanges Snapchat qu'il était en contact avec le recourant durant les opérations. De plus, Me Y______ était allé voir le recourant à la prison de B______, au motif de se constituer, avant d'y renoncer et d'annoncer sa constitution à la défense de D______, ce qui démontrait que les liens entre les deux frères étaient étroits. Il importait que la confrontation entre eux deux puisse avoir lieu en minimisant au maximum les possibilités de se coordonner sur les explications à donner.

La police recherchait activement D______, qui était sous mandat d'arrêt, étant relevé qu'il ne se trouvait pas au domicile de sa petite amie à Z______ [VD] au moment où la police avait voulu récemment l'interpeller, contrairement à ce qu'avait prétendu le recourant. D______ avait annoncé qu'il se rendrait au poste de police pour être entendu le 7 juin 2024. Restait à voir si cette annonce serait suivie d'effets. La durée de la détention était nécessaire, étant relevé qu'il était impossible d'entendre D______ tant qu'il se cachait.

F______ et N______ n'étaient pas parties à la présente procédure.

c. Dans sa réplique, A______ ajoute que le Ministère public avait sciemment caché le fait que son frère aîné avait déjà entendu par la police le 4 octobre 2022, sur les mêmes faits pour lesquels lui-même avait déjà été interrogé à deux reprises. Il n'y avait donc pas de risque de collusion entre eux. Au vu des trois classeurs fédéraux complets de la procédure, toutes les personnes potentiellement impliquées avaient déjà été entendues. Pour certaines personnes, la cause était même en état d'être jugée, à l'instar de P______. Le Ministère public passait comme "chat sur braises" sur le reste collusion avec N______ et F______. Ce dernier n'était plus partie à la procédure, dans la mesure où les juridictions vaudoises avaient repris la cause, selon ordonnance de disjonction du 24 juillet [sic] 2024.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 222 et 393 al. 1 let. c CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant conteste l'existence de charges suffisantes et graves.

2.1.       Pour qu'une personne soit placée en détention provisoire ou pour des motifs de sûreté, il doit exister à son égard des charges suffisantes ou des indices sérieux de culpabilité, susceptibles de fonder de forts soupçons d'avoir commis une infraction (art. 221 al. 1 CPP). L'intensité de ces charges n'est pas la même aux divers stades de l'instruction pénale; si des soupçons, même encore peu précis, peuvent être suffisants dans les premiers temps de l'enquête, la perspective d'une condamnation doit apparaître avec une certaine vraisemblance après l'accomplissement des actes d'instruction envisageables. Au contraire du juge du fond, le juge de la détention n'a pas à procéder à une pesée complète des éléments à charge et à décharge ni à apprécier la crédibilité des personnes qui mettent en cause le prévenu. Il doit uniquement examiner s'il existe des indices sérieux de culpabilité justifiant une telle mesure (ATF 143 IV 330 consid. 2.1; 143 IV 316 consid. 3.1 et 3.2).

2.2.       En l'espèce, il existe, à ce stade initial de la procédure concernant le recourant, qui n'a en effet pu être interpellé que le 21 mai 2024, alors qu'il était recherché depuis le mois d'août 2023, des soupçons suffisants de sa participation à des escroqueries, utilisations frauduleuses d'un ordinateur et blanchiment d'argent. Les charges doivent être qualifiées de graves, que les infractions en cause aient été consommées ou soient demeurées au stade de la tentative, et que le recourant ait agi comme co-auteur ou complice de deux autres prévenus, mineurs au moment des faits, ainsi que de son frère. Si l'enquête a pour but de déterminer l'ampleur de son activité coupable, le recourant a d'ores-et-déjà admis, confronté aux éléments recueillis notamment par la police, avoir donné son numéro de téléphone à l'une des victimes pour un paiement et perçu de l'argent pour rendre service à des amis, notamment en prêtant l'accès à son compte I______. Il a en particulier reçu sur son compte bancaire près de CHF 10'000.- le 23 mai 2023, à la suite d'une escroquerie dite de "fausse assistance" et concédé qu'une commission de CHF 2'000.- devait lui être versée pour ce service.

Il n'est pas besoin dans ces circonstances de s'attarder davantage sur le contenu de trois vidéos, sur lesquelles le prévenu apparaît dans des voitures, dont de marque V______ et W______, en compagnie de N______, où il s'exhibe ou se montre à proximité de liasses de billets. Il admet que sur l'une d'elles il sortait "tout au plus EUR 2'500.-" de sa sacoche, qui proviendraient de ses économies. Or, il sera rappelé que le prévenu était durant la période des infractions, sans emploi et étudiait à l'école de commerce où il a obtenu un CFC en juin 2023. Il n'a travaillé comme livreur pour X______ que de décembre 2023 à avril 2024, en tout état postérieurement à la saisie et la perquisition des smartphones de N______ et F______, en octobre 2023, ayant mené à la découverte des vidéos incriminées.

Le grief d'absence de charges suffisantes et graves doit ainsi être rejeté.

3.             Le recourant conteste un risque de collusion.

3.1.       Conformément à l'art. 221 al. 1 let. a CPP, la détention provisoire peut être ordonnée s'il y a sérieusement lieu de craindre que le prévenu se soustraie à la procédure pénale ou à la sanction prévisible en prenant la fuite. Selon la jurisprudence, le risque de fuite doit s'analyser en fonction d'un ensemble de critères, tels que le caractère de l'intéressé, sa moralité, ses ressources, ses liens avec l'État qui le poursuit ainsi que ses contacts à l'étranger, qui font apparaître le risque de fuite non seulement possible, mais également probable. La gravité de l'infraction ne peut pas, à elle seule, justifier le placement ou le maintien en détention, même si elle permet souvent de présumer un danger de fuite en raison de l'importance de la peine dont le prévenu est menacé (ATF 145 IV 503 consid. 2.2; 143 IV 160 consid. 4.3).

3.2.       En l'occurrence, le risque de collusion est patent entre le recourant et son frère. Ce dernier a pu être entendu une première fois en octobre 2022 et a impliqué "A______", qui ne semble être autre que le recourant. Le Ministère public et la police avaient d'emblée la volonté d'entendre les deux frères A______/D______ dès le mois d'août 2023, ce qui n'a toutefois pas été possible dans la mesure où le recourant est demeuré introuvable jusqu'au 21 mai 2024, date à laquelle un contrôle dans un hôtel des Pâquis à Genève a permis de le trouver, dans une chambre, avec sa petite amie. C'est son frère qui est désormais introuvable et sous mandat d'arrêt.

Une confrontation s'impose effectivement entre eux vu leur mise en cause dans les mêmes complexes de faits.

Tant et si longtemps que celle-ci ne sera pas intervenue, ce risque sera patent. Il semble d'ailleurs s'être concrétisé par la visite au recourant, à la prison de B______, d'un avocat qui s'est ensuite constitué pour son frère.

Il est essentiel de pouvoir déterminer le rôle de chacun des frères et donc indispensable d'éviter que le recourant ne donne connaissance à D______ des éléments recueillis durant l'enquête, laquelle a grandement progressé depuis l'audition de celui-ci le 4 octobre 2022.

Vu l'intensité de ce risque à ce stade de la procédure, il n'est pas besoin d'examiner si un tel risque existe également à l'égard d'autres protagonistes impliqués dans les infractions en cause. Par ailleurs, aucune mesure de substitution ne serait à même de le pallier.

4.             Le recourant conteste tout risque de fuite.

4.1.       Conformément à l'art. 221 al. 1 let. b CPP, la détention provisoire ne peut être ordonnée que lorsque le prévenu est fortement soupçonné d'avoir commis un crime ou un délit et qu'il y a sérieusement lieu de craindre qu'il compromette la recherche de la vérité en exerçant une influence sur des personnes ou en altérant des moyens de preuve. Pour retenir l'existence d'un risque de collusion, l'autorité doit démontrer que les circonstances particulières du cas d'espèce font apparaître un danger concret et sérieux de manœuvres propres à entraver la manifestation de la vérité, en indiquant, au moins dans les grandes lignes et sous réserve des opérations à conserver secrètes, quels actes d'instruction doivent être encore effectués et en quoi la libération du prévenu en compromettrait l'accomplissement. Dans cet examen, entrent en ligne de compte les caractéristiques personnelles du détenu, son rôle dans l'infraction ainsi que ses relations avec les personnes qui l'accusent. Entrent aussi en considération la nature et l'importance des déclarations, respectivement des moyens de preuve susceptibles d'être menacés, la gravité des infractions en cause et le stade de la procédure. Plus l'instruction se trouve à un stade avancé et les faits sont établis avec précision, plus les exigences relatives à la preuve de l'existence d'un risque de collusion sont élevées (ATF 137 IV 122 consid. 4.2; 132 I 21 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 1B_577/2020 du 2 décembre 2020 consid. 3.1).

4.2.       En l'espèce, le risque de fuite existe sous la forme d'une nouvelle disparition du prévenu, que la police a dû rechercher pendant plus de huit mois avant de pouvoir l'interroger et le confronter aux éléments de l'enquête. Une obligation de résidence chez sa tante au T______, voire d'autres mesures de substitution telles que l'obligation de se présenter régulièrement à un poste de police et déposer ses documents d'identité, ne suffirait pas à ce stade de l'enquête à pallier ce risque, à l'aune du risque patent de collusion tel qu'examiné ci-dessus.

5.             Le recourant conteste la proportionnalité de la mesure.

5.1.       À teneur des art. 197 al. 1 et 212 al. 3 CPP, les autorités pénales doivent respecter le principe de la proportionnalité lorsqu'elles appliquent des mesures de contrainte, afin que la détention provisoire ne dure pas plus longtemps que la peine privative de liberté prévisible. Selon une jurisprudence constante, la possibilité d'un sursis, voire d'un sursis partiel, n'a en principe pas à être prise en considération dans l'examen de la proportionnalité de la détention préventive (ATF 133 I 270 consid. 3.4.2 p. 281-282 ; 125 I 60 ; arrêts du Tribunal fédéral 1B_750/2012 du 16 janvier 2013 consid. 2, 1B_624/2011 du 29 novembre 2011 consid. 3.1 et 1B_9/2011 du 7 février 2011 consid. 7.2).

5.2.       En l'espèce, le TMC a réduit à un mois depuis l'interpellation du recourant, soit au 21 juin 2024, sa mise en détention provisoire. Cette durée s'avère nécessaire pour permettre à la police et au Ministère public de poursuivre leurs démarches en vue de localiser et d'entendre les autres protagonistes liés aux infractions reprochées au prévenu. Ce dernier ne peut valablement soutenir, vu les plus de huit mois qui ont été nécessaires à la police pour le localiser et l'interpeller, que l'enquête ne se poursuivrait pas sans relâche.

Ce grief doit être rejeté.

6.             Le recours s'avère ainsi infondé et doit être rejeté.

7.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03). En effet, l'autorité de recours est tenue de dresser un état de frais pour la procédure de deuxième instance, sans égard à l'obtention de l'assistance judiciaire (arrêts du Tribunal fédéral 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6 et 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4).

8.             Le recourant plaide au bénéfice d'une défense d'office.

8.1.       Selon la jurisprudence, le mandat de défense d'office conféré à l'avocat du prévenu pour la procédure principale ne s'étend pas aux procédures de recours contre les décisions prises par la direction de la procédure en matière de détention avant jugement, dans la mesure où l'exigence des chances de succès de telles démarches peut être opposée au détenu dans ce cadre, même si cette question ne peut être examinée qu'avec une certaine retenue. La désignation d'un conseil d'office pour la procédure pénale principale n'est pas un blanc-seing pour introduire des recours aux frais de l'État, notamment contre des décisions de détention provisoire (arrêt du Tribunal fédéral 1B_516/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5.1).

8.2.       En l'occurrence, quand bien même le recourant succombe, on peut admettre que l'exercice de ce premier recours ne procède pas d'un abus.

L'indemnité du défenseur d'office sera fixée à la fin de la procédure (art. 135 al. 2 CPP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours arrêtés à CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant (soit, pour lui, son défenseur), au Ministère public et au Tribunal des mesures de contrainte.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Valérie LAUBER et
Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.


 

P/27103/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

ACPR/

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

 

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

 

- délivrance de copies (let. b)

CHF

 

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

 

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

815.00

 

 

Total

CHF

900.00