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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/22520/2022

ACPR/404/2024 du 31.05.2024 sur ONMMP/4568/2023 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : DÉCISION D'IRRECEVABILITÉ;INFRACTIONS CONTRE LE PATRIMOINE;CYBERCRIMINALITÉ;INFRACTIONS CONTRE LE DOMAINE SECRET;CONTRAINTE(DROIT PÉNAL);INFRACTIONS CONTRE LA LIBERTÉ
Normes : CPP.310; CP.143bis; CP.179; CP.181

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/22520/2022 ACPR/404/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 31 mai 2024

 

Entre

A______, représenté par Me Céline MOREAU, avocate, PETER MOREAU SA, rue des Pavillons 17, case postale 90, 1211 Genève 4,

recourant,

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 15 novembre 2023 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 27 novembre 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 15 précédent, notifiée le 17 novembre 2023, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur sa plainte.

Le recourant conclut, avec suite de frais et dépens, à l'annulation de ladite ordonnance, à l'ouverture et la conduite d'une instruction et à ce qu'il soit donné suite à ses réquisitions de preuves.

b. Le recourant a versé les sûretés en CHF 1'200.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 24 octobre 2022, A______ a déposé plainte contre les sociétés B______/C______ SA (ci-après: B______) et C______ SA (ci-après: C______) et D______ pour accès indu à un système informatique et contrainte.

Employé du groupe B______, il avait reçu, le 20 juillet 2022, un projet d'avenant à son contrat de travail, spécifiant que les heures supplémentaires n'étaient plus compensées. Ayant des questions concernant ces nouvelles conditions, il s'était adressé à E______, son supérieur hiérarchique, mais ce dernier n'avait pas été en mesure de répondre. Le 25 suivant, vu la fermeture annuelle de l'entreprise, il avait, depuis son ordinateur professionnel et sur son lieu de travail, créé l'adresse électronique F______@outlook.fr et envoyé un courriel à G______, journaliste connu dans le monde de l'horlogerie. Il y avait joint l'avenant à son contrat. Le lendemain, il avait été convoqué à un entretien en présence de E______ et D______, responsable de l'audit interne de C______. Ce dernier lui avait expliqué savoir qu'il avait envoyé un courriel à G______, depuis son ordinateur professionnel, car C______ analysait le flux des données sur la base de mots-clés et que le nom dudit journaliste en faisait partie. Or, G______ avait causé beaucoup de problèmes à C______.

Dans un premier temps, il avait nié l'envoi du courriel. Il était sorti de la pièce, environ 20 minutes, afin que D______ discute avec E______. De retour dans la salle, seul avec D______, il avait finalement avoué être à l'origine du message électronique, après avoir compris que le prénommé disposait d'une copie de son écrit. Celui-ci avait pourtant été envoyé depuis une adresse privée, protégée par un identifiant et un mot de passe. D______ lui avait répété que son agissement était très grave et qu'il risquait d'être poursuivi. "Très paniqué", il lui avait demandé comment il pourrait conserver son emploi et éviter les problèmes avec la justice. D______ lui avait répondu que l'envoi d'un courriel de rétractation au journaliste pouvait jouer en sa faveur, toutefois il appartenait à B______ de se prononcer sur son licenciement. Il en avait déduit que la décision n'était pas encore prise et que, s'il ne s'exécutait pas, il serait poursuivi et licencié. En présence de E______, de retour, et de D______, ce dernier lui avait dicté la rétractation. Après l'envoi du courriel, D______ lui avait remis une lettre de licenciement immédiat, signée par H______ et I______, respectivement General Counsel et directeur de C______. Il n'avait jamais été informé que son employeur ou des tiers pouvaient prendre connaissance de ses correspondances privées, même durant des heures de travail et/ou en utilisant un ordinateur professionnel.

Il a formulé plusieurs réquisitions de preuves, soit :

-          la perquisition des locaux de C______ et B______, en particulier ceux des service informatique et audit interne, et la mise sous séquestre de tous objets (documents et supports informatiques) susceptibles de contenir toute information relative au système de surveillance mis en place au sein des entreprises du groupe C______ et en lien avec des données ou correspondances privées le concernant;

-          le séquestre du téléphone, de l'ordinateur et de tout autre support informatique utilisé par D______ et l'exploitation de données relatives à : la surveillance des employés par B______ et/ou par toute société du groupe C______; et les échanges avec le Conseil d'administration des sociétés B______ et C______ et D______ intervenus les 25 et 26 juillet 2022;

-          les auditions de E______ et D______.

À l'appui de sa plainte, il a produit plusieurs documents, notamment une copie de son contrat de travail et de ses avenants, dont aucun ne fait mention d'information sur la surveillance des comptes de messageries privées.

b. Entendu par la police, le 19 décembre 2022, D______ a contesté les infractions reprochées. Le 25 juillet 2022, il avait reçu une alerte de J______, du service de sécurité informatique de C______, dont il ressortait qu'un employé de B______ avait envoyé un message à G______. Selon les explications données par l'informaticien, la surveillance mise en place par C______ permettait, sans accéder aux messageries électroniques privées, le signalement de messages envoyés vers des adresses électroniques préenregistrées et faisant office de mots-clés, lorsque le message quittait le réseau de l'infrastructure de C______. Le lendemain, l'informaticien l'avait informé que le message envoyé la veille contenait également une pièce jointe, sans plus de détails. K______, directeur mondial de la sécurité, avait confirmé que le système validé par C______ ne donnait aucun accès aux boîtes e-mails privées. En revanche, le système permettait de lire le contenu du courriel. Après avoir contacté L______, M______, directrice des ressources humaines, et N______, juriste de C______, il avait convoqué E______ et A______. Lors de l'entretien, A______ avait d'abord nié les faits mais, après avoir entendu les explications de l'informaticien, contacté par téléphone, et la possibilité de se rétracter vis-à-vis du journaliste, il les avait reconnus. À ce moment-là, E______ s'était absenté quelques minutes. A______ avait rédigé un message à l'attention de G______ afin de lui demander de ne pas utiliser les informations à des fins de publication. A______ avait composé le courriel depuis sa messagerie électronique privée et l'avait ensuite lu à haute voix. Après l'envoi, A______ était sorti de la salle. Il était resté avec E______, qui avait reçu l'instruction de remettre une lettre de licenciement à A______. Une fois revenu dans la salle, ce dernier en avait pris connaissance et l'avait signée.

Tous les employés étaient informés de la surveillance de leur utilisation des infrastructures informatiques de C______. Il n'avait jamais menacé A______, ne lui avait jamais dit qu'il pourrait faire l'objet de poursuites pénales, ni proposé quelque chose en échange de sa rétractation, n'ayant pas la compétence de s'immiscer dans les procédures disciplinaires.

c. Entendu par la police, le 6 avril 2023, J______, gestionnaire de la sécurité informatique du groupe C______, a expliqué que, grâce aux sauvegardes automatiques opérées par le site gmail.com, il avait été alerté que A______ était en train de rédiger un courriel sur un ordinateur professionnel de C______, à destination de G______, dont l'adresse électronique était un mot-clé déclencheur. En effet, le système mis en place par son employeur avait pour but de surveiller les courriels sortants qui avaient comme destinataires des personnes spécifiques. Ainsi, le "monitoring" s'activait uniquement si un de ces courriels était envoyé depuis les ordinateurs professionnels. Il en avait informé D______, lui précisant qu'il était encore possible d'intervenir auprès du collaborateur, le message n'ayant pas encore été envoyé. Le lendemain, il avait reçu une seconde alerte confirmant l'envoi du message électronique. A______ avait d'abord nié les faits. Par téléphone, il lui avait expliqué la surveillance informatique en vigueur. Si un message faisant l'objet d'un signalement contenait une pièce jointe, l'alerte le mentionnait et il était possible de la lire également. Personne n'avait accès aux messageries électroniques privées des employés.

d. À la suite du courrier du Ministère public, informant les parties qu'il entendait rendre une ordonnance de non-entrée en matière et leur impartissant un délai pour se déterminer, A______ s'est opposé, dans le délai imparti, à ce prononcé. Il a maintenu les réquisitions de preuves formulées dans le cadre de sa plainte et sollicité également les auditions de K______, L______, M______ et N______, personnes qui, selon D______, avaient connaissance du système de surveillance, avaient été informées de l'intrusion dans sa boîte e-mail privée et avait nécessairement été consultées au sujet de la rétractation et du licenciement.

e. Deux mois après l'échéance du délai, A______ a encore requis, auprès du Ministère public, que le Préposé fédéral aux données personnelles et à la transparence (ci-après: PFPDT) soit sollicité afin qu'il communique toutes les pièces relatives à l'enquête administrative, ouverte à la suite de sa dénonciation concernant les faits de sa plainte.

C. Dans la décision querellée, le Ministère public retient que, selon les déclarations de D______ et J______, seuls les courriels sortants avaient fait l'objet de la prétendue infraction et que, en tant que données, ils n'étaient pas protégés au sens de l'art. 143bis CP.

En outre, le système d'alerte ne permettait pas d'accéder à un compte de messagerie d'un employé, comme expliqué par les précités et K______. Ce qui semblait correspondre fortement à la vérité, car sinon les deux premiers cités auraient pu envoyer le courriel de rétractation sans avoir besoin de l'aide de A______. Il n'y avait donc pas eu d'accès, indu ou non.

Au surplus, bien que ce dernier avait allégué le contraire, il semblait plausible, au vu de la taille de l'entreprise et des potentielles fuites de données, que tous les employés de l'entreprise avaient été informés de l'existence d'une surveillance de leur utilisation des infrastructures informatiques de C______, mise en place et avalisée par la direction, comme l'avait spontanément expliqué D______.

Par ailleurs, compte tenu des déclarations contradictoires des parties et de l'absence d'élément clair au dossier, il ne pouvait être retenu qu'il avait été dit à A______ qu'à défaut de l'envoi du courriel de rétractation, il perdrait son emploi et serait poursuivi en justice. Pour le surplus, la problématique sous-jacente de l'affaire relevait du droit du travail et non du droit pénal.

Partant, aucune des réquisitions de preuves sollicitées n'était susceptible de changer l'appréciation juridique retenue.

D. a. Dans son recours, A______ considère qu'au vu des actes d'instruction menés – audition de D______ et de J______ –, une instruction aurait dû formellement être ouverte. Or, en le privant d'une instruction contradictoire et diligente des faits – notamment le refus de ses réquisitions de preuve –, alors que sa plainte n'était manifestement pas d'emblée mal fondée, il avait été placé dans un net désavantage, incompatible avec son droit de présenter sa cause au sens de l'art. 147 CPP.

Il existait des soupçons suffisants de la commission des infractions dénoncées. Le système de surveillance mis en place permettait d'accéder à toute donnée transitant par le réseau C______, indépendamment de son caractère privé ou public. Il dépassait ainsi toute barrière informatique qui aurait pu être mise en place par le détenteur des données, ce qui était constitutif de l'infraction visée à l'art. 143bis CP. L'infraction à l'art. 181 CP était également réalisée car même si D______ savait que sa rétractation n'aurait pas d'influence sur son licenciement, lequel était déjà acté par la direction, le prénommé avait utilisé ce moyen – au demeurant disproportionné – pour faire pression sur lui.

Le Ministère public avait écarté sa version – notamment sur l'absence d'information reçue et d'accord donné quant à la surveillance de sa correspondance privée par son employeur –, alors même qu'aucun élément probant n'était apte à la mettre en doute, et sans se demander si d'autres mesures d'enquête pouvaient apporter des éléments complémentaires pour déterminer si les faits tombaient sous le coup des infractions dénoncées ou encore de l'art. 179 CP. Or, les actes d'enquête sollicités permettaient d'élucider les faits, notamment son état de crainte lors de sa rétractation.

b. Par courrier spontané du 27 mars 2024, A______ a encore produit un courriel, reçu le jour précédent, adressé par un juriste du PFPDT, l'informant, qu'à la suite de ses dénonciations, des clarifications sur la situation allaient être demandées à C______.

c. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             À bien le comprendre, le recourant considère, dans un premier grief, que le Ministère public n'était plus en mesure de rendre une ordonnance de non-entrée en matière compte tenu des actes d'enquête réalisés.

3.1. Conformément à l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis.

3.2. Le ministère public ne peut pas rendre une ordonnance de non-entrée en matière (art. 310 CPP) après avoir ouvert une instruction. Une telle ordonnance doit ainsi être rendue à réception de la plainte et ceci avant qu'il ne soit procédé à de plus amples actes d'enquête et qu'une instruction soit ouverte, sous réserve de quelques opérations simples de la part du ministère public au préalable (L. MOREILLON / A. PAREIN‑REYMOND, Petit commentaire CPP, Bâle 2016, n. 4 ad art. 310; arrêt du Tribunal fédéral 1B_368/2012 du 13 mai 2013 consid. 3.2.).

Le ministère public peut demander des compléments d'enquête à la police, non seulement lorsqu'il s'agit de compléter un précédent rapport au sens de l'art. 307 CPP, mais aussi lorsque la dénonciation elle-même apparaît insuffisante (arrêt du Tribunal fédéral 1B_368/2012 du 13 mai 2013 consid. 3.2). Lorsqu'il agit ainsi, le ministère public n'ouvre pas d'instruction et l'enquête se poursuit ou est entamée dans le cadre de l'investigation policière (art. 306 CPP; A. KUHN/ Y. JEANNERET/ C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2e éd., Bâle 2019, n. 22 ad art. 309).

Quand le ministère public ordonne une non-entrée en matière au lieu d'un classement, il n'y a pas lieu d'annuler cette décision si le recourant ne subit aucun dommage de ce fait (arrêt du Tribunal fédéral 6B_546/2021 2021 du 11 avril 2022 consid. 3.1).

3.3. En l'espèce, en transmettant le dossier à la police afin d'entendre D______, personne visée par la plainte, puis, à la suite des déclarations de ce dernier, J______, impliqué également dans les actes reprochés, le Ministère public s'est limité aux mesures d'investigations possibles avant l'ouverture d'une instruction, conformément à l'art. 309 al. 2 CPP. La procédure n'a donc pas dépassé le stade des premières investigations et le Ministère public était habilité à rendre une ordonnance de non-entrée en matière. Dans ce contexte, il n'avait pas à informer le recourant, ni même à lui donner l'occasion de se déterminer, voire de présenter d'éventuelles réquisitions de preuve. En effet, l'art. 147 CPP n'est pas applicable à ce stade.

Cela étant, le Ministère public a offert une telle possibilité de se déterminer au recourant, occasion que ce dernier a saisi pour solliciter différents actes d'instruction. Dans ces circonstances, on peine à voir quel préjudice le recourant aurait subi.

À titre superfétatoire, en tout état de cause, le droit d'être entendu du recourant a été respecté, dès lors qu'il n'a pas été privé de la possibilité de se déterminer et de présenter ses éventuelles réquisitions de preuve en instance de recours, la Chambre de céans jouissant d'un plein pouvoir d'examen à cet égard (cf. art. 393 al. 2 CP; arrêt du Tribunal fédéral 6B_666/2021 du 13 janvier 2023 consid. 3.3.2).

Partant, la décision querellée ne saurait être annulée pour ce motif.

4.             Reste à savoir si la non-entrée en matière est justifiée.

4.1. Au moment de statuer sur l'ouverture éventuelle de l'instruction, le ministère public doit examiner si les conditions d'exercice de l'action publique sont réunies, c'est-à-dire si les faits qui sont portés à sa connaissance sont constitutifs d'une infraction pénale et si la poursuite est recevable. Il suffit que l'un des éléments constitutifs de l'infraction ne soit manifestement pas réalisé pour que la non-entrée en matière se justifie (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 8 ad art. 310).

Des motifs de fait peuvent également justifier la non-entrée en matière. Il s'agit des cas où la preuve d'une infraction, soit de la réalisation en fait de ses éléments constitutifs, n'est pas apportée par les pièces dont dispose le ministère public. Il faut que l'insuffisance de charges soit manifeste. De plus, le ministère public doit examiner si une enquête, sous une forme ou sous une autre, serait en mesure d'apporter des éléments susceptibles de renforcer les charges contre la personne visée. Ce n'est que si aucun acte d'enquête ne paraît pouvoir amener des éléments susceptibles de renforcer les charges contre la personne visée que le ministère public peut rendre une ordonnance de non-entrée en matière. En cas de doute sur la possibilité d'apporter ultérieurement la preuve des faits en question, la non-entrée en matière est exclue (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op.cit., n. 9 ad art. 310).

Face à des versions contradictoires des parties, il peut être exceptionnellement renoncé à une mise en accusation lorsqu'il n'est pas possible d'apprécier l'une ou l'autre version comme étant plus ou moins plausible et qu'aucun résultat n'est à escompter d'autres moyens de preuve (arrêt du Tribunal fédéral 6B_174/2019 du 21 février 2019 consid. 2.2).

4.2. Selon l'art. 143bis CP, quiconque s'introduit sans droit, au moyen d'un dispositif de transmission de données, dans un système informatique appartenant à autrui et spécialement protégé contre tout accès de sa part sera, sur plainte, puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

Cette disposition incrimine le piratage informatique ("hacking"). Elle a été construite dès l'origine comme une violation de domicile informatique. Par analogie avec ce qui prévaut dans le contexte de la violation de domicile (art. 186 CP), l'art. 143bis CP protège la "paix informatique" et plus particulièrement le droit du titulaire du système informatique d'en maîtriser l'accès et de le contrôler à sa guise (M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI (éds), Code pénal - Petit commentaire, 2e éd., Bâle 2017, n. 1, 2 et 8 ad art. 143bis).

4.2.1. On entend par système informatique tous types d'ordinateurs (B. CORBOZ, Les infractions en droit suisse, vol. I, 3ème éd., Berne 2010, n. 1 ad art. 143bis CP). Cependant, il faut admettre eu égard à la parcellisation et la virtualisation qu'offre désormais l'informatique, que si tout traitement s'appuie nécessairement sur une installation "physique", la notion de système informatique ne se résume plus à cela. Une même machine peut s'ouvrir sur plusieurs sessions, respectivement contenir différents espaces suivant l'utilisateur et, précisément, le mot de passe pour chacun (M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI (éds), op cit., n. 8 ad art. 143bis).

Une boîte aux lettres électronique doit être considérée comme un sous-système informatique, composé d'un ensemble de données, dont la violation tombe donc sous le coup de l'art. 143bis CP (arrêt du Tribunal fédéral 6B_456/2007 du 18 mars 2008 consid. 4). Le compte e-mail n'est pas protégé pour lui-même, mais parce que celui qui le pénètre s'introduit également dans l'installation de traitement (S. METILLE/ J. AESCHLIMANN, Infrastructures et données informatiques : quelle protection au regard du code pénal suisse ?, Revue pénale suisse 2014, vol. 132, p. 298).

4.2.2. Cette infraction suppose que ledit système informatique soit protégé contre des attaques extérieures par un codage ou un mot de passe.

Le comportement incriminé consiste, pour l’auteur, à accéder sans droit à ce système, en détournant les sécurités/barrières virtuelles prévues par l'ayant droit. L'accès doit avoir été effectué sans droit, c'est-à-dire n'avoir pas été autorisé par la loi, par le consentement de la victime ou par un autre motif justificatif (S. METILLE/ J. AESCHLIMANN, op. cit., p. 301).

L’introduction doit être faite au moyen d’un dispositif de transmission de données. La notion est large et recouvre notamment l’utilisation d’un réseau ou d’un système de communication, avec ou sans fil (M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI (éds), op. cit., n. 17 ad art. 143bis).

4.3. En l'occurrence, il n'est pas contesté que le mis en cause, responsable de l'audit interne de C______, a, par le biais de la surveillance informatique mise en place au sein du groupe, eu connaissance du courriel envoyé à un journaliste par le recourant, depuis sa messagerie électronique privée. Le message en question a été rédigé et envoyé via l'ordinateur professionnel du recourant, connecté au réseau professionnel C______.

La messagerie électronique privée du recourant, considérée comme un sous-système informatique, est protégée par l'art. 143bis CP.

Demeure la question de savoir s'il y a eu accès indu à celle-ci.

Or, selon les déclarations de l'informaticien de C______, le système informatique ne permet pas l'accès aux messageries électroniques privées des employés, mais fonctionne comme une surveillance sur le réseau professionnel. Lorsqu'un courriel est envoyé via le réseau en question, avec l'utilisation de mots-clés préenregistrés – en l'occurrence, l'adresse e-mail du journaliste –, cela enclenche une alerte. Dans cette circonstance, le système permet de lire le contenu du message en question ainsi que d'éventuelles pièces jointes. Il apparaît ainsi que ce système surveille le flux transitant par le réseau C______, de sorte que ce n'est que lorsque les informations traversent ce réseau qu'elles sont accessibles. L'informaticien, puis le mis en cause ont ainsi été en mesure d'obtenir une copie du courriel envoyé par le recourant au journaliste, lorsque ledit message a transité par le réseau C______. La surveillance mise en place a également permis d'avoir connaissance, et accès, au brouillon du message grâce aux sauvegardes automatiques effectuées par la société détentrice du service – gmail.com –, lesquelles ont transité par le réseau professionnel de C______.

Il s'ensuit qu'il n'y a eu aucun accès à la messagerie électronique du recourant, le courriel envoyé ayant été intercepté lors de son passage par le réseau professionnel de C______. Aucun élément ne permet de remettre en cause les explications détaillées supra, données par l'informaticien, de manière constante, tant au mis en cause, qu'au recourant par téléphone, qu'aux autorités pénales le 6 avril 2023, près de sept mois plus tard. Faute d'élément permettant de douter desdites explications, les mesures d'instruction sollicitées, soit les perquisitions et auditions requises, n'apparaissent pas utiles.

Ainsi, seule la correspondance avec le journaliste est susceptible de faire l'objet d'un accès indu. Or, conformément à la jurisprudence précitée, un courriel ne constitue pas un système informatique au sens de l'art. 143bis CP, mais une donnée, qui n'est pas protégée par cette disposition.

Par ailleurs, il n'appartient pas, à ce stade, à la Chambre de céans, de déterminer si le système de surveillance adopté par C______ respecte la législation sur la protection des données. D'ailleurs, la clarification de la situation demandée par le PFPDT à C______, à la suite de la dénonciation du recourant, n'est pas de nature, en l'état, à soupçonner un comportement pénalement répréhensible de la part du mis en cause, au sens de l'art. 143bis CP.

Enfin, dans la mesure où le recourant n'allègue pas de protection sur le courriel litigieux lui-même, tel qu'un cryptage ou un mot de passe, ce dernier ne peut être considéré comme "fermé" au sens de l'art. 179 CP (M. NIGGLI/ H. WIPRÄCHTIGER (éds), Basler Kommentar Strafrecht II : Art. 137-392 StGB, 4ème éd., Bâle 2019, n. 21 et ss ad art. 179).

Partant, en l'absence d'un élément constitutif des art. 143bis et 179 CP, les infractions concernées ne sont pas réalisées.

5. Le recourant considère avoir été contraint par le mis en cause à se rétracter sous la menace de licenciement et de poursuites en justice.

5.1. Conformément à l'art. 181 CP, se rend coupable de contrainte quiconque, en usant de violence envers une personne ou en la menaçant d'un dommage sérieux, ou en l'entravant de quelque autre manière dans sa liberté d'action, l'oblige à faire, à ne pas faire ou à laisser faire un acte.

La menace est un moyen de pression psychologique. L'auteur doit faire craindre à la victime un inconvénient, dont l'arrivée paraît dépendre de sa volonté
(ATF 122 IV 322 consid. 1a). La menace peut être expresse ou tacite et être signifiée par n'importe quel moyen. Le dommage évoqué peut toucher n'importe quel intérêt juridiquement protégé (arrêt du Tribunal fédéral 6S.277/2003 du 23 septembre 2003 consid. 2.1). Il faut toutefois qu'il soit sérieux, c'est-à-dire que la perspective de l'inconvénient soit propre, pour un destinataire raisonnable, à l'amener à adopter un comportement qu'il n'aurait pas eu s'il avait eu toute sa liberté de décision ; le caractère sérieux du dommage doit être évalué en fonction de critères objectifs et non pas d'après les réactions du destinataire (ATF 122 IV 322 consid. 1a ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_275/2016 du 9 décembre 2016 consid. 4.2.1).

5.2. In casu, selon ses propres déclarations, c'est le recourant qui a demandé ce qu'il pouvait faire pour conserver son emploi et ne pas avoir de problème avec la justice, et non le contraire. Le mis en cause lui aurait alors répondu que, pour éviter les problèmes, l'envoi d'un courriel de rétractation pouvait jouer en sa faveur mais qu'il appartenait à son employeur de se prononcer sur son licenciement. Il appert ainsi que le mis en cause n'a nullement dit qu'en cas de refus de rétractation, le recourant perdrait son emploi ou risquait d'être poursuivi. D'ailleurs, au vu de son poste dans l'entreprise, lesdites décisions ne relevaient manifestement pas des compétences du mis en cause.

À cet égard, on ne voit pas quel acte d'enquête serait susceptible d'apporter un élément complémentaire, dans la mesure où, toujours selon le recourant, les parties étaient seules à ce moment-là, ce que confirme le mis en cause.

Faute de soupçon suffisant de menace d'un dommage sérieux ou de pression exercée sur le recourant, l'état d'esprit ou de contrainte ressenti par ce dernier n'est pas relevant. Les actes d'instruction sollicités à cet égard ne le sont pas non plus.

Partant, faute d'un élément objectif constitutif, l'infraction de contrainte n'est manifestement pas réalisée.

6.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée et le recours rejeté.

7.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 1'200.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'200.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Valérie LAUBER, juges; Monsieur Selim AMMANN, greffier.

 

Le greffier :

Selim AMMANN

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/22520/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

1'115.00

Total

CHF

1'200.00