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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/21700/2021

ACPR/383/2024 du 23.05.2024 sur ONMMP/3901/2023 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : INTÉRÊT JURIDIQUEMENT PROTÉGÉ;LÉSÉ;ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE;ESCROQUERIE
Normes : CP.146; CPP.115; CPP.310; CPP.118

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/21700/2021 ACPR/383/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 24 mai 2024

 

Entre

A______, représenté par Me Pascal DEVAUD, avocat, Eardley Avocats, rue
De-Candolle 16, 1205 Genève,

recourant,

 

contre l'ordonnance de refus de réquisitions de preuves et de non-entrée en matière rendue le 3 octobre 2023 par le Ministère public,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 16 octobre 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 3 précédent, notifiée le surlendemain, par laquelle le Ministère public a rejeté ses réquisitions de preuves et décidé de ne pas entrer en matière sur sa plainte contre B______.

Le recourant conclut, sous suite de dépens, à l'annulation de l'ordonnance querellée et au renvoi de la cause au Ministère public pour qu'il poursuive l'instruction et procède aux actes d'instruction sollicités.

b. Le recourant a versé les sûretés en CHF 1'500.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. C______ SA était une société anonyme inscrite au Registre du commerce de Genève en ______ 1996, dont le but était la distribution et le montage de produits électriques dans le domaine de la construction. Elle est entrée en liquidation à la suite d'un jugement de faillite rendu par le Tribunal de première instance de Genève le 14 juillet 2021 et a été radiée le ______ 2022.

A______ en a été le directeur, avec signature collective à deux depuis 2016, puis l'administrateur unique avec signature collective depuis le 26 juin 2017 (succédant à B______, administrateur de 2007 à 2013, puis de 2016 à 2017, date à laquelle ce dernier est devenu directeur jusqu'en janvier 2020). Pour sa part, D______ est devenu administrateur de la société en 2016, puis directeur en 2017.

b. E______ SA, inscrite au Registre du commerce genevois depuis le ______ 2016, a pour but l'acquisition, la vente, l'administration et la gestion de participations de toute entreprise commerciale, financière, industrielle et immobilière.

B______, D______ et A______ en étaient administrateurs jusqu'au 12 juin 2017, date à laquelle les deux premiers sont devenus directeurs et le dernier est demeuré administrateur, exerçant cette fonction avec pouvoir de signature individuelle.

Les précités sont actionnaires de la société, A______ détenant 16%, D______ 24% et B______ 60% du capital-actions. La libération d'une partie du capital-actions est intervenue par l'apport, par le dernier nommé, de 35 actions nominatives de CHF 1'000.- de C______ SA.

c. Par contrat de 23 juin 2016, la [banque] F______ a prêté le montant de CHF 272'000.- à E______ SA pour financer la reprise du solde du capital-actions de C______ SA.

G______ [organisme de cautionnement] (ci-après, G______ ou la coopérative) s'est engagé à se porter caution solidaire du E______ SA envers la banque jusqu'à concurrence d'un montant maximal de CHF 326'400.-.

Par acte authentique du 1er juillet 2016 (ci-après, premier acte authentique), A______, B______ et D______ se sont portés arrière-cautions solidaires, conjointement et solidairement entre eux envers G______, jusqu'à concurrence d'un montant de CHF 272'000.- afin de garantir à la coopérative son recours contre le débiteur principal.

d. Le 23 juin 2016, F______ a également accordé une limite de crédit à C______ SA de CHF 236'000.-, moyennant le cautionnement solidaire de B______ de CHF 150'000.- et de A______ à concurrence de CHF 100'000.-. En vertu de l'acte authentique de cautionnement du 1er juillet 2016 (ci-après, le second acte authentique), le dernier nommé connaissait la situation financière du débiteur principal (ch.1).

e. Par lettres des 20 août et 14 octobre 2021, F______ et G______ ont – au vu de la faillite de C______ SA – requis de A______ qu'il honore ses engagements de caution solidaire et l'ont mis en demeure de leur verser CHF 100'000.-, respectivement CHF 88'976.10.

f. Par courrier du 8 novembre 2021 adressé au Ministère public, complété par lettres des 8 décembre 2022 et 27 avril 2023, A______ a déposé plainte contre B______ pour escroquerie (art. 146 CP).

En 2016, alors qu'il se trouvait au chômage, le précité l'avait persuadé de souscrire des actions de E______ SA et de signer les actes de cautionnement du 1er juillet 2016, en contrepartie de quoi il deviendrait employé de C______ SA, ce qui ne s'était finalement pas réalisé, dans la mesure où il avait trouvé un travail ailleurs. Par la suite, il avait découvert des courriels échangés entre B______ et un avocat, en mai et juin 2017 – qu'il produit –, desquels il ressortait que le premier nommé, craignant la faillite de C______ SA, sollicitait des conseils juridiques en vue d'éviter toute responsabilité et de bénéficier des indemnités de l'assurance-chômage. B______ l'avait donc induit en erreur en lui ayant dissimulé la vraie situation financière de C______ SA – que seul lui, en sa qualité de dirigeant effectif, était en mesure de connaître –, étant précisé que les résultats des exercices comptables présentaient des pertes d'environ CHF 56'000.- en 2016, respectivement CHF 27'000.- en 2017, puis un bénéfice de CHF 24'000.- en 2018, et une perte de CHF 330'000.- en 2019.

En automne 2019, au vu desdits résultats comptables et compte tenu des abus dans l'octroi des rémunérations, il avait, en sa qualité d'administrateur de C______ SA, licencié le mis en cause de sa position de directeur. Ce nonobstant, le précité avait toujours refusé de lui donner accès à des pièces comptables. Malgré un bénéfice dégagé à la suite dudit licenciement, la faillite de C______ n'avait pas pu être évitée.

Son dommage était estimé à CHF 204'976.10 correspondant aux montants requis par les bénéficiaires des actes de cautionnement du 1er juillet 2016 et à la valeur des actions souscrites auprès de E______ SA.

g. À l'appui de sa plainte et de ses compléments, il a notamment produit:

-          des bilans et comptes de résultat de C______ SA pour les années 2016, 2018 et 2020;

-          le jugement du Tribunal de première instance de Genève du 12 octobre 2022, prononçant la mainlevée provisoire de l'opposition qu'il avait formée au commandement de payer notifié par F______ pour un montant de CHF 100'000.-;

-          un arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice du 29 novembre 2022 rejetant la requête tendant à la suspension de l'effet exécutoire attaché au jugement précité et

-          un courrier non signé du 10 février 2020 portant les noms de A______ et D______ aux termes desquels ces derniers – agissant pour le compte de C______ SA – reprochaient à B______ de ne pas leur avoir remis, à la suite de son licenciement, les documents comptables indispensables au fonctionnement de la société.

h. Entendu par la police en qualité de prévenu le 20 juillet 2023, B______ a contesté les faits reprochés. Il s'était toujours occupé des fonctions administratives au sein de C______ SA et, en 2015 et 2016, la situation financière de celle-ci était globalement favorable. Avant de signer les actes de cautionnement du 1er juillet 2016, et de s'engager dans C______ SA et E______ SA, A______ avait consulté les bilans des sociétés, établis par le fiduciaire H______, et avait pris connaissance de la liste des fournisseurs de la première nommée – ainsi que des montants qui leur étaient dus – sans formuler de remarques. Par la suite, il informait toujours A______ de la situation financière de C______ SA, ce dernier – au bénéfice d'une procuration à deux – ayant eu, au demeurant, accès au compte bancaire de la société. En 2017, il avait demandé des conseils à son avocat, car il aimait bien "anticiper les choses". Début 2019, à la suite de l'établissement des comptes de C______ SA pour l'année 2018, il avait proposé d'arrêter l'activité de la société, afin de ne pas "alourdir les dettes", mais A______ s'y était, d'emblée opposé. À son départ en décembre 2019, tous les documents comptables se trouvaient dans les locaux de C______ SA.

Annexés au procès-verbal de son audition figurent notamment les documents suivants:

- un procès-verbal d'interrogatoire de A______ mené le 29 juillet 2021 par l'Office des faillites duquel il ressort que la comptabilité de C______ – représentant cinq classeurs par an – avait été établie pour les dix derniers exercices et se trouvait dans les locaux de l'entreprise. La faillite était due à un "[m]anque de trésorerie causé par l'écart entre l'achat de la matière première et le règlement du produit fini par le client, pe[u] d'encaissements des débiteurs et la conjoncture actuelle COVID-19" ;

- des procès-verbaux des séances de conseil d'administration et d'actionnaires de E______ SA portant les signatures de B______, A______ et D______. Il en ressort que le 4 avril 2017, le premier nommé avait formulé un certain nombre de propositions au "vu [du] manque de travail lié à la crise […]". Le 17 juillet 2017, les précités avaient constaté qu'un des fournisseurs "demande à […] C______ de réduire sa créance sous faute de quoi elle mett[r]a la société […] en faillite et à ce jour [celle-ci] doit un montant total de 148'066.35 mais doit payer de suite 103'230.40 TTC […], ce [qu'elle] ne peut pas le faire [à brève échéance] […]". Entre les 15 février et 6 novembre 2019, les protagonistes, prenant connaissance de l'état des comptes, avaient proposé des solutions pour assainir la société. A______ s'était opposé à l'arrêt de l'exploitation.

i. À teneur du rapport de police du 3 août 2023, l'analyse des bilans de C______ SA – transmis par le fiduciaire de celle-ci – permettait de constater qu'en 2019, la société s'était retrouvée en situation de surendettement, "apparemment consécutive" à une chute des ventes de marchandises. Les charges étaient demeurées stables.

j. Par lettre du 26 septembre 2023 adressée au Ministère public, A______ a sollicité une expertise comptable et l'audition de B______.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public considère que les éléments constitutifs de l'infraction d'escroquerie n'étaient pas réunis. En effet, il ressortait des procès-verbaux des séances du conseil d'administration et de l'interrogatoire devant l'Office des faillites que A______ avait connaissance de la situation difficile de C______ SA. Par ailleurs, rien ne permettait de soupçonner que le mis en cause aurait mis en place un édifice de mensonges pour persuader le plaignant de signer les actes de cautionnement du 1er juillet 2016 et de devenir l'administrateur de C______ SA. Il appartenait en effet à ce dernier, au moment de ces démarches, de se renseigner sur la véritable situation financière de la société. Enfin, le mis en cause s'était également retrouvé en difficultés financières, en raison de C______ SA.

Les actes d'instruction sollicités n'étaient pas propres à modifier cette conclusion, ce d'autant qu'une audition du mis en cause avait déjà eu lieu devant la police.

D. a. Dans son recours, A______ se prévaut d'une constatation erronée des faits et d'une violation du droit. Compte tenu de l'audition de B______ par la police en tant que prévenu, le Ministère public ne pouvait plus rendre une décision de non-entrée en matière. Par ailleurs, les éléments constitutifs de l'infraction d'escroquerie n'étaient pas d'emblée exclus, dans la mesure où le mis en cause lui avait exposé que les stocks et les machines de C______ SA suffisaient à eux seuls à couvrir les montants des cautionnements, puis avait refusé de donner accès à des données comptables, dissimulant ainsi la situation financière de la société. En tout état de cause, une expertise comptable, ainsi qu'une audition contradictoire des parties, permettrait d'établir ce qui précédait. Par ailleurs, contrairement à ce que soutenait l'autorité précédente, il ne ressortait pas des procès-verbaux des séances des organes de E______ SA, ni de son interrogatoire devant l'Office des faillites, qu'il avait connaissance de la situation financière de C______.

b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

2.             2.1. Le recours a été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerne une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émane du plaignant, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP).

2.2.1. Seule une partie à la procédure qui a un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée peut se voir reconnaître la qualité pour agir (art. 382 al. 1 CPP). Tel est, en particulier, le cas du lésé qui déclare expressément vouloir participer à la procédure comme demandeur au pénal ou au civil (art. 118 al. 1 CPP).

La notion de lésé est définie à l'art. 115 CPP. Il s'agit de toute personne dont les droits ont été touchés directement par une infraction. En règle générale, seul peut se prévaloir d'une atteinte directe le titulaire du bien juridiquement protégé par la disposition pénale qui a été enfreinte (ATF 143 IV 77 consid. 2.2; 141 IV 454 consid. 2.3.1).

Lorsqu'une infraction est perpétrée au détriment du patrimoine d'une personne morale, seule celle-ci subit un dommage et peut donc prétendre à la qualité de lésée (ATF 141 IV 380 consid. 2.3.3).

2.2.2. En l'espèce, en tant que le recourant reproche au mis en cause de s'être octroyé des rémunérations exagérées et d'avoir utilisé des fonds de C______ SA pour des dépenses privées, son recours est irrecevable, seule la société ayant la qualité de lésée.

Le recours est pour le surplus recevable, le recourant ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée.

3. Le recourant considère que dans la mesure où B______ a été entendu par la police en tant que prévenu, le Ministère public n'était plus en mesure de rendre une décision de non-entrée en matière.

3.1. Le ministère public ne peut pas rendre une ordonnance de non-entrée en matière (art. 310 CPP) après avoir ouvert une instruction. Une telle ordonnance doit ainsi être rendue à réception de la plainte et ceci avant qu'il ne soit procédé à de plus amples actes d'enquête et qu'une instruction soit ouverte, sous réserve de quelques opérations simples de la part du ministère public au préalable (arrêt du Tribunal fédéral 1B_368/2012 du 13 mai 2013 consid. 3.2; L. MOREILLON / A. PAREIN-REYMOND, Petit commentaire CPP, Bâle 2016, n. 4 ad art. 310).

Diverses mesures d'investigation peuvent être mises en œuvre avant l'ouverture d'une instruction, telle que l'audition des lésés et suspects par la police sur délégation du ministère public (art. 206 al. 1 et 306 al. 2 let. b cum art. 309 al. 2 CPP; arrêt du Tribunal fédéral 6B_875/2018 du 15 novembre 2018 consid. 2.2.1). Les informations recueillies à cette occasion lui permettront de décider de la suite qu'il convient de donner à la procédure (arrêt du Tribunal fédéral 6B_290/2020 du 17 juillet 2020 consid. 2.2).

3.2. En l'espèce, l'audition du mis en cause a été effectuée dans le cadre des investigations policières, sans qu'une instruction n'ait été ouverte. Dans ces circonstances, la procédure n'a pas dépassé le stade des premières investigations, ce qui permettait au Ministère public de rendre une ordonnance de non-entrée en matière.

Pour le surplus, le recourant a pu faire valoir devant la Chambre de céans les arguments qu'il estimait pertinents, en particulier ses déterminations sur l'audition du mis en cause et les actes d'instruction sollicités.

Son grief sera dès lors rejeté.

4. Le recourant reproche au Ministère public de ne pas être entré en matière sur sa plainte.

4.1. À teneur de l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis.

Conformément à cette disposition, la non-entrée en matière est justifiée lorsque la situation est claire sur le plan factuel et juridique. Tel est le cas lorsque les faits visés ne sont manifestement pas punissables, faute, de manière certaine, de réaliser les éléments constitutifs d'une infraction, ou encore lorsque les conditions à l'ouverture de l'action pénale font clairement défaut. Au stade de la non-entrée en matière, on ne peut admettre que les éléments constitutifs d'une infraction ne sont manifestement pas réalisés que lorsqu'il n'existe pas de soupçon suffisant conduisant à considérer un comportement punissable ou lorsqu'un éventuel soupçon initial s'est entièrement dissipé. En revanche, si le rapport de police, la dénonciation ou les propres constatations du ministère public amènent à retenir l'existence de soupçon suffisant, il incombe en principe à ce dernier d'ouvrir une instruction (art. 309 al. 1 let. a CPP). Cela implique que les indices de la commission d'une infraction soient importants et de nature concrète, ce qui n'est pas le cas de rumeurs ou de suppositions. Le soupçon initial doit reposer sur une base factuelle plausible, laissant apparaître la possibilité concrète qu'une infraction ait été commise (ATF 141 IV 87 consid. 1.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 6B_196/2020 du 14 octobre 2020 consid. 3.1). Dans le doute, lorsque les conditions d'une non-entrée en matière ne sont pas réalisées avec une certitude absolue, l'instruction doit être ouverte (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1; 138 IV 86 consid. 4.1; et 137 IV 219 consid. 7).

4.2. À teneur de l'art. 139 al. 2 CPP, il n'y a pas lieu d'administrer des preuves sur des faits non pertinents, notoires, connus de l'autorité pénale ou déjà suffisamment prouvés.

Cette disposition codifie, pour la procédure pénale, la règle jurisprudentielle déduite de l'art. 29 al. 2 Cst. en matière d'appréciation anticipée des preuves (arrêt du Tribunal fédéral 6B_977/2014 du 17 août 2015 consid. 1.2). Le magistrat peut renoncer à l'administration de certaines preuves, notamment lorsque les faits dont les parties veulent rapporter l'authenticité ne sont pas importants pour la solution du litige. Ce refus d'instruire ne viole le droit d'être entendu des parties que si l'appréciation anticipée de la pertinence du moyen de preuve offert, à laquelle le juge a procédé, est entachée d'arbitraire (ATF 136 I 229 consid. 5.3).

4.3. Selon l'art. 146 al. 1 CP, se rend coupable d'escroquerie quiconque, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou l'aura astucieusement confortée dans son erreur et aura de la sorte déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers.

La tromperie peut consister soit à induire la victime en erreur, par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais, soit à conforter la victime dans son erreur. Pour qu'il y ait tromperie par affirmations fallacieuses, il faut que l'auteur ait affirmé un fait dont il connaissait la fausseté (ATF 140 IV 206 consid. 6.3.1.2). La tromperie par dissimulation de faits vrais est réalisée lorsque l'auteur s'emploie, par ses propos ou par ses actes, à cacher la réalité. S'il se borne à se taire, à ne pas révéler un fait, une tromperie ne peut lui être reprochée que s'il se trouvait dans une position de garant, à savoir s'il avait, en vertu de la loi, d'un contrat ou d'un rapport de confiance spécial, une obligation de parler (cf. not. arrêt du Tribunal fédéral 6B_1050/2019 du 20 novembre 2019 consid. 4.1). Quant au troisième comportement prévu par la loi, il se distingue des deux précédents en ce sens que l'erreur est préexistante (arrêt du Tribunal fédéral 6B_718/2018 du 15 mars 2019 consid. 4.3.1).

Pour qu'il y ait escroquerie, une simple tromperie ne suffit pas. Il faut encore qu'elle soit astucieuse. Il y a tromperie astucieuse, au sens de l'art. 146 CP, lorsque l'auteur recourt à un édifice de mensonges, à des manœuvres frauduleuses ou à une mise en scène, mais aussi lorsqu'il donne simplement de fausses informations, si leur vérification n'est pas possible, ne l'est que difficilement ou ne peut raisonnablement être exigée, de même que si l'auteur dissuade la dupe de vérifier ou prévoit, en fonction des circonstances, qu'elle renoncera à le faire en raison d'un rapport de confiance particulier (ATF 147 IV 73 consid. 3.2). L'astuce n'est toutefois pas réalisée si la dupe pouvait se protéger avec un minimum d'attention ou éviter l'erreur avec le minimum de prudence que l'on pouvait attendre d'elle (ATF 135 IV 76 consid. 5.2).

4.4. En l'espèce, le recourant reproche au mis en cause de lui avoir dissimulé la situation financière de C______ SA – ce qui est contesté par ce dernier – pour l'amener à signer les actes de cautionnement du 1er juillet 2016 et à investir dans E______ SA.

Or, d'après le ch. 1 du second acte authentique du 1er juillet 2016 (cf. supra B.d.) – dont il n'y a pas lieu de douter de l'authenticité –, le recourant avait connaissance de la situation financière de la société précitée. Il ressort par ailleurs des procès-verbaux des séances des organes des E______ SA, signés par tous les protagonistes, que l'état des comptes de C______ leur avait été présenté et que le recourant – s'opposant à l'arrêt de l'exploitation – avait proposé des solutions pour assainir la société. Bien que le précité affirme – pour la première fois dans son recours – que lesdits procès-verbaux auraient été préétablis et que le mis en cause l'aurait obligé à les signer "à la sauvette", il ne soutient pas – ni a fortiori ne démontre – qu'il s'agirait de documents au contenu inexact. Force est dès lors de constater que le recourant ne peut pas soutenir n'avoir pas eu connaissance, et ce, dès la signature des actes de cautionnement du 1er juillet 2016, de l'activité et de la situation financière de C______ SA.

Quoi qu'il en soit, l'on ne saurait retenir que le recourant aurait été dissuadé par le mis en cause de vérifier certaines informations. Il ressort en effet du procès-verbal de son interrogatoire devant l'Office des faillites que la comptabilité de C______ SA – représentant cinq classeurs par an – se trouvait dans les locaux de la société. Même à admettre – comme le soutient le recourant dans son acte de recours – que les documents évoqués dans ledit procès-verbal n'étaient pas exhaustifs, le précité ne soutient pas qu'il lui aurait été impossible de se faire une idée précise sur la situation financière de C______ SA.

Au regard des arguments développés ci-dessus, les actes d'instruction sollicités ne seraient pas probants, de sorte que l'appréciation anticipée des preuves opérée par le Ministère public n'était nullement arbitraire.

Dans ces conditions, c'est à juste titre que cette autorité a considéré qu'il n'existait pas de soupçons suffisants de la commission d'une escroquerie pour justifier l'ouverture d'une instruction.

5. Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

6. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en intégralité à CHF 1'500.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours, dans la mesure de sa recevabilité.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'500.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Valérie LAUBER et   Françoise  SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Selim AMMANN, greffier.

 

Le greffier :

Selim AMMANN

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/21700/2021

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

1'415.00

Total

CHF

1'500.00