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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/9136/2022

ACPR/365/2024 du 16.05.2024 sur OCL/156/2024 ( MP ) , ADMIS

Descripteurs : ORDONNANCE DE CLASSEMENT;CONTRAINTE SEXUELLE;VIOL;ABUS DE LA DÉTRESSE
Normes : CPP.319; CP.189; CP.190; CP.193

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/9136/2022 ACPR/365/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 16 mai 2024

 

Entre

A______, représentée par Me B______, avocate,

recourante,

 

contre l'ordonnance de classement partiel rendue le 13 février 2024 par le Ministère public,

et

C______, représenté par Me D______, avocate,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. Par acte déposé le 26 février 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 13 février 2024, notifiée le 16 suivant, par laquelle le Ministère public a ordonné le classement partiel de la procédure à l'égard de C______ en ce qui concernait les faits possiblement constitutifs d'abus de détresse, contrainte sexuelle et viol commis à son préjudice (chiffre 1 du dispositif), dit que la demande d'indemnité du précité sera traitée à l'issue de la procédure (chiffre 2) et que les frais de l'ordonnance seront laissés à la charge de l'État (chiffre 3).

La recourante conclut, sous suite de frais et indemnité équitable, à l'annulation de l'ordonnance querellée et au renvoi de la cause au Ministère public, afin que C______ soit renvoyé en jugement. Préalablement, elle demande à être mise au bénéfice de l'assistance judiciaire pour la procédure de recours.

b. La recourante, qui bénéficie de l'assistance judiciaire gratuite dans le cadre de la procédure préliminaire, a été dispensée de verser les sûretés (art. 383 CPP).

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.a. Par pli du 14 avril 2022, A______ a déposé plainte contre E______ et C______ pour abus de confiance, vol, escroquerie, atteinte à son intégrité sexuelle, ainsi que toute autre infraction pertinente.

a.b. En substance, il ressort de sa plainte, ainsi que de son audition à la police du 7 mars 2023, qu'elle est d'origine camerounaise et vit en Suisse depuis 2014. Elle exerce la profession de coiffeuse et suit, en parallèle, une formation d'auxiliaire de santé. Elle est également artiste et tourne des clips vidéos dans lesquels elle chante et danse. Elle a une fille de 12 ans qui vit au Cameroun.

Elle avait fait la connaissance de C______ dans le courant de l'été 2021. Ce dernier lui avait expliqué être camerounais et travailler pour les services de renseignements, la police, [l'organisation internationale] H______ et l'ambassade du I______. Il lui avait également dit produire des artistes, être photographe et vidéaste, et pouvoir l'aider à la faire connaître. Plus tard, il avait commencé à la suivre sur Instagram et l'avait appelée pour la féliciter au sujet d'un clip qu'elle avait tourné. Il lui avait dit qu'elle avait du talent, tout en ajoutant que la vidéo n'était pas professionnelle et qu'il pouvait l'aider. Ils s'étaient vus pour boire un verre et s'étaient quittés en émettant le souhait de travailler ensemble.

À la fin de l'année 2021, elle s'était retrouvée dans une situation difficile et avait dû quitter l'appartement dans lequel elle vivait depuis plusieurs années. C______ avait alors proposé de l'héberger temporairement. Bien qu'elle le connaisse peu, elle avait accepté et emménagé chez lui le 28 novembre 2021.

Très rapidement après son emménagement, il lui avait proposé de poser nue, précisant que cela pouvait rapporter beaucoup d'argent et qu'elle devait penser à l'avenir de sa fille. Elle avait refusé, trouvant cela dégradant. Elle lui avait alors raconté ce qui lui était arrivé, soit notamment qu'elle avait subi des viols. Il l'avait rassurée et lui avait dit qu'il était là pour l'aider. C'était à ce moment-là, le 2 décembre 2021, qu'elle avait été contactée, sur Instagram, par un inconnu – E______ –, lequel disait être un admirateur qui pouvait l'aider à s'intégrer dans le milieu de la danse. À cette fin, il lui avait proposé de faire du "twerk" et lui avait expliqué en quoi cela consistait. Elle avait toutefois refusé, expliquant être croyante et ne pas faire ce "genre de choses". Il lui avait alors suggéré de créer un faux compte, sans montrer son visage, ce qu'elle avait également refusé pour les mêmes motifs. Il lui avait finalement proposé de réaliser une vidéo de danse et de la lui envoyer contre la somme de CHF 8'000.-. Lorsqu'elle l'avait questionné sur son identité, E______ lui avait expliqué être un homme politique suisse riche et très influent. Il lui avait envoyé plusieurs photographies notamment de lui, sa maison, son jet privé et son yacht. C______ lui avait confirmé que tout ce que le précité lui avait dit était vrai, ajoutant qu'elle était chanceuse de tomber sur quelqu'un comme lui.

Rassurée par les vérifications effectuées par C______, elle avait accepté de réaliser une première vidéo pour E______. C______ avait accepté de l'aider à la réaliser et l'avait envoyée à E______ qui en avait été très satisfait. Ce dernier lui avait alors expliqué être à la recherche de "l'épouse parfaite", lui demandant de réaliser des vidéos à caractère sexuel tout en précisant qu'il "ne voulait pas se tromper et voulait être certain de la femme qu'il allait épouser". Un peu sceptique, elle s'en était ouverte à C______, en qui elle avait une confiance totale, qui l'avait rassurée en lui disant de faire ce que E______ lui demandait.

À la demande de E______, elle avait ainsi réalisé une centaine de vidéos, entre le 8 décembre 2021 et le mois de février 2022, dans lesquelles elle entretenait des rapports sexuels avec C______. À chaque fois, E______ lui disait quelle position adopter, quel vêtement porter et envoyait même des vidéos qu'il voulait voir reproduire. Il lui était arrivé de réaliser plus de cinq ou six vidéos par jour, parfois même lorsqu'elle était malade. E______ lui avait également demandé de prodiguer une fellation à C______, ce qu'elle avait fini par accepter, sous la pression.

Elle se sentait en permanence sous pression de la part de E______, qui voulait toujours plus de vidéos, et de C______ qui l'encourageait. Elle vivait en outre dans la peur, E______ lui disant qu'il écoutait toutes ses conversations et lui interdisant de parler en patois avec sa famille. Elle n'avait jamais refusé les demandes du précité car il était en possession de plusieurs vidéos d'elle et menaçait de la renvoyer au Cameroun. Il lui avait par ailleurs promis qu'ils se marieraient si elle finissait ce "processus" et la conseillait sur le comportement à adopter pour obtenir des papiers en Suisse. Elle avait fini par ne plus rien faire sans l'accord de E______. C______ ne l'avait jamais forcée à entretenir des rapports sexuels, mais, psychologiquement, elle s'y sentait obligée. Elle n'y prenait aucun plaisir.

Elle avait quitté l'appartement de C______ le 17 décembre 2021 pour loger chez une amie. E______ continuait néanmoins à lui demander de se rendre chaque jour chez C______, afin de réaliser de nouvelles vidéos. Il lui avait ensuite dit vouloir qu'elle se prostitue et qu'elle réalise des vidéos pour les publier sur le site "G______", mais elle avait refusé. Lorsque E______ n'était pas venu au rendez-vous qu'ils s'étaient fixés pour se rencontrer, elle avait dit à C______ qu'elle allait mettre un terme à cette relation. À ce moment-là, E______ avait publié des vidéos d'elle sur Facebook, ainsi que sur des sites spécialisés, et créé un faux compte au nom de "A______"[alias] sur lequel il indiquait qu'elle se prostituait. Il avait également envoyé ces vidéos à ses proches. Elle avait eu tellement honte qu'elle avait tenté de mettre un terme à sa vie. Elle avait été hospitalisée à la suite de cette tentative de suicide et continuait à consulter un psychologue.

a.c. À l'appui de sa plainte, elle a notamment produit un document établi par les HUG attestant d'une hospitalisation du 19 février au 18 mars 2022 "dans le contexte d'une détresse psychique importante liée à une situation sociale très complexe".

b. Entendue par la police le 14 avril 2023, F______, médecin interne, a expliqué avoir reçu A______ pour une consultation en septembre 2022. Lors de ce premier entretien, la précitée lui avait parlé de viols subis au Cameroun et en Suisse. Elle lui avait également raconté s'être retrouvée dans un réseau où elle devait envoyer, à un homme suisse-allemand, des vidéos d'elle en train d'entretenir des relations sexuelles. L'homme l'avait harcelée, lui disant qu'il la suivait et qu'il contrôlait son téléphone. Elle en avait peur. Elle avait également fait part au médecin d'événements qui pouvaient être des signes de stress post-traumatique comme des cauchemars, des attitudes d'évitement ou encore des flashbacks.

Le centre ambulatoire de psychiatrie et de psychothérapie intégrées l'avait prise en charge et elle la voyait à raison d'une fois par mois. A______ participait en outre à un groupe d'affirmation de soi. Cette dernière lui avait en effet dit avoir du mal à "mettre des limites avec les autres" et à dire non, pouvant "accepter des demandes contre sa volonté". Elle suivait également un traitement, afin de calmer son anxiété de fond, l'aboulie et l'anhédonie. Elle lui avait dit avoir tenté de se suicider en février 2022 en raison des abus sexuels subis, ainsi que de la lenteur des démarches administratives en Suisse.

Elle-même n'avait jamais constaté de symptômes psychotiques chez sa patiente. Elle avait en revanche posé un diagnostic de syndrome de stress post-traumatique. En février 2022, un diagnostic de trouble de panique avait également été posé.

c. Entendu par la police le 2 juin 2023, C______ a expliqué exercer les activités de directeur artistique, équipier polyvalent, et réaliser des photographies et reportages, ainsi que des travaux de construction à la demande.

A______ s'était présentée comme une artiste qui avait besoin d'aide pour réaliser un clip de danse. Un jour, elle lui avait dit avoir été "mise à la rue" par les personnes qui l'hébergeaient. Il avait accepté qu'elle vienne dormir chez lui car c'était une compatriote. Ils s'étaient familiarisés l’un avec l’autre et elle lui avait raconté avoir été abusée dans le passé par plusieurs personnes, soit notamment avoir été violée par un homme qui l'hébergeait. Il avait été touché par son histoire et avait décidé de l'aider.

Un jour, elle lui avait dit vouloir réaliser le fantasme d'un homme riche qu'elle avait rencontré en entretenant des relations sexuelles filmées. Dans la mesure où il réalisait déjà des clips pour elle, elle lui avait demandé de l'aider et s'était engagée à le rémunérer postérieurement. A______ lui disait comment se placer et ce qu'il devait faire, les instructions venant de "l'homme riche".

La première fois, elle lui avait demandé de prendre des photos d'elle de dos et de profil, puis de la filmer en train de danser, avant de se coucher au sol pour la "pénétrer". Elle s'était placée sur lui et lui avait dit de ne pas bouger. Il avait filmé le moment où elle était descendue sur son sexe en érection. La pénétration n'avait duré que quelques secondes. Il y avait eu quatre autres vidéos lors desquelles il l'avait pénétrée vaginalement avec préservatif. Il voyait qu'elle prenait du plaisir lors de l'acte. Lui n'en prenait pas dans la mesure où il faisait cela pour elle. Il n'avait d'ailleurs jamais éjaculé. Il avait envoyé ces vidéos par Instagram à A______ avant de les supprimer.

Il ignorait combien A______ gagnait par mois, mais savait qu'elle recevait de l'argent de l'Hospice général et qu'elle faisait des ménages, ainsi que de la coiffure pour gagner sa vie. Il l'avait hébergée gratuitement.

Elle lui avait demandé de prendre des clichés d'elle nue, afin de pouvoir les utiliser sur son compte "G______". Il n'avait jamais vu ce compte, mais elle lui avait dit vouloir le créer. A______ était sûre d'elle lorsqu'elle lui avait demandé de réaliser les vidéos.

d.a. Le 2 juin 2023, une perquisition a été effectuée au domicile de C______, lors de laquelle du matériel informatique et un téléphone portable ont été saisis. Un examen visuel de ce dernier a permis de découvrir divers profils féminins configurés, depuis lesquels C______ discutait avec plusieurs femmes, dont A______. Il avait été possible de relier le raccordement téléphonique utilisé pour la création du compte Facebook "A______" au téléphone portable trouvé chez C______. L'adresse électronique utilisée pour la création dudit compte était "E______@______.com".

d.b. Selon le rapport d'arrestation du 3 juin 2023, les vérifications effectuées par la police n'ont pas permis d'identifier E______.

e. Par ordonnance du 3 juin 2023, le Ministère public a ouvert une instruction à l'encontre de C______ pour abus de détresse, voire contrainte sexuelle, viol, escroquerie, voire abus de confiance, et diffamation.

f. Entendu le même jour par le Ministère public, C______ a notamment expliqué n'avoir jamais contraint, physiquement ou psychologiquement, A______ à subir des actes sexuels, ni ne lui avoir demandé de lui prodiguer une fellation. Il avait uniquement entretenu des rapports sexuels avec elle à cinq reprises, à sa demande.

Il avait créé une page Facebook depuis son propre téléphone à la demande de A______, mais il ne s'agissait pas du faux compte dont elle parlait.

g. Entendus une nouvelle fois par le Ministère public le 7 juin 2023, les parties ont, en substance, maintenu leurs déclarations.

h. Par ordonnance de jonction du 11 janvier 2024, le Ministère public a joint les procédures P/9136/2022 et P/23082/2022 dès lors que C______ était prévenu dans le cadre des deux procédures, les parties plaignantes étant, en revanche, différentes.

i. Par avis de prochaine clôture partielle de l'instruction du 11 janvier 2024, complété par courrier du 18 suivant, le Ministère public a informé les parties qu'il entendait classer les faits dénoncés par A______, précisant que la procédure se poursuivrait s'agissant des autres faits reprochés à C______, sans lien avec la précitée.

C. Dans sa décision querellée, le Ministère public retient que les éléments constitutifs des infractions d'abus de détresse, contrainte sexuelle et viol ne sont pas réunis.

A______ avait accepté, par naïveté, d'entretenir des relations sexuelles avec C______, qui avait réussi à lui faire croire qu'elle pourrait ainsi se marier avec un homme très fortuné. Les biens juridiques protégés par les art. 187 ss. CP, à savoir l'intégrité et la liberté de détermination sexuelle, n'avaient pas été atteints puisque A______ avait accepté d'entretenir des rapports sexuels avec C______, sans que ce dernier n'ait usé de menaces, violences ou pressions d'ordre psychique.

C______ avait réussi à faire croire fallacieusement à A______ qu'il était dans son intérêt d'entretenir des relations sexuelles avec lui, en lui faisant miroiter "une vie de princesse" si elle parvenait à se marier avec le milliardaire inconnu. C______ avait ainsi influencé de manière trompeuse la volonté de la précitée, mais, si cette dernière avait effectivement été manipulée, elle avait néanmoins entretenu de son plein gré les actes sexuels reprochés. Elle n'avait pas subi de pressions psychiques qui l'auraient contrainte à subir les actes sexuels en question, ni ne se trouvait dans une situation de détresse ou de dépendance.

D. a. Dans son recours, A______ soutient que C______ avait exploité sa confiance et sa détresse en la recueillant chez lui, alors qu'elle n'avait plus de logement, et en lui faisant croire, en créant un faux profil, qu'un homme politique suisse très riche souhaitait l'épouser, ce qui lui aurait permis de sortir de la condition dans laquelle elle vivait depuis son arrivée en Suisse et qui représentait pour elle une réelle opportunité.

C______ avait abusé de sa confiance et fait en sorte qu'elle tombe amoureuse de E______. Lorsqu'elle avait eu des doutes, C______ lui avait assuré que le précité existait bel et bien et qu'elle devait faire tout ce qu'il demandait pour pouvoir l'épouser. Grâce à ce stratagème, elle avait entretenu des relations sexuelles quotidiennes avec C______, ce qu'elle n'aurait jamais fait sans y avoir été poussée par E______, qu'elle voulait satisfaire.

Du fait de la précarité de sa situation – elle n'avait plus de logement ni de prestations sociales ni de permis de séjour –, elle se trouvait dans un état de détresse important que le prévenu avait exploité afin qu'elle entretienne des relations sexuelles avec lui.

b. Dans ses observations, le Ministère public conclut au rejet du recours, sous suite de frais.

S'il était vrai que la recourante se trouvait dans une situation difficile sur le plan du logement, C______ ne l'avait toutefois pas menacée de cesser de l'héberger ou de l'aider si elle n'entretenait pas de relations sexuelles avec lui. Il n'avait pas abusé de sa détresse. Il n'y avait pas de lien de causalité entre la situation sociale difficile de la recourante et le fait qu'elle ait entretenu des relations sexuelles avec C______.

Par ailleurs, la recourante avait été capable de refuser de diffuser des images sur G______.

c. Dans ses observations, C______ conclut au rejet du recours.

La recourante n'avait jamais été contrainte directement et avait démontré avoir été pleinement consentante lors de leurs ébats. Si au départ elle s'imaginait obtenir une somme d'argent en échange de vidéos à caractère sexuel, il n'en était plus question après un certain temps. Elle avait également déclaré n'avoir été "ni dérangée ni choquée" par les demandes de E______. Il n'avait, pour sa part, eu aucun doute quant au consentement de A______.

Les déclarations de la recourante démontraient qu'elle bénéficiait d'un certain soutien financier et ne dépendait pas exclusivement de lui pour subvenir à ses besoins. Elle n'avait par ailleurs jamais déclaré avoir été menacée de devoir quitter son logement. Quoi qu'il en soit, sa naïveté ne pouvait constituer un état de dépendance.

Dans ces circonstances, les éléments objectifs et subjectifs des infractions d'abus de détresse, contrainte sexuelle et viol n'étaient pas remplis.

d. La recourante n'a pas répliqué.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la plaignante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à voir poursuivre les infractions alléguées contre son intégrité sexuelle (art. 382 al. 1 CPP).

1.2. La recourante conclut à l'annulation de la décision querellée dans son intégralité et au renvoi de la cause au Ministère public.

La recourante n'a cependant pas d'intérêt juridique à contester que la demande d'indemnité de C______ soit traitée à l'issue de la procédure, pas plus qu’à contester que les frais de l'ordonnance soient laissés à la charge de l'État.

Le recours est donc irrecevable sur ces points.

2.             La recourante conteste que les conditions pour le prononcé d'un classement soient réunies s'agissant des infractions commises contre son intégrité sexuelle.

2.1. Selon l'art. 319 al. 1 let. b CPP, le ministère public ordonne le classement de tout ou partie de la procédure lorsque les éléments constitutifs d'une infraction ne sont pas réunis.

Cette disposition doit être appliquée conformément au principe in dubio pro duriore, qui signifie qu'en principe un classement ne peut être prononcé que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un certain pouvoir d'appréciation. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave. En effet, en cas de doute s'agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de se prononcer (ATF 146 IV 68 consid. 2.1; 143 IV 241 consid. 2.2.1; 138 IV 86 consid. 4.1.2).

Dans les procédures où l'accusation repose essentiellement sur les déclarations de la victime, auxquelles s'opposent celles du prévenu, le principe in dubio pro duriore impose, en règle générale, que ce dernier soit mis en accusation. Cela vaut en particulier lorsqu'il s'agit de délits commis typiquement "entre quatre yeux" pour lesquels il n'existe souvent aucune preuve objective (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1164/2020 du 10 juin 2021 consid. 2.2).

Concernant plus spécialement la poursuite des infractions contre l'intégrité sexuelle, les déclarations de la partie plaignante constituent un élément de preuve qu'il incombe au juge du fond d'apprécier librement, dans le cadre d'une évaluation globale de l'ensemble des éléments probatoires figurant au dossier (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1164/2020 précité consid. 3.2 in fine et 6B_808/2022 du 8 mai 2023 consid. 1.2).

2.2.1. Enfreint l'art. 189 al. 1 CP, celui qui, notamment en usant de menace ou de violence envers une personne, en exerçant sur elle des pressions d'ordre psychique ou en la mettant hors d'état de résister l'aura contrainte à subir un acte analogue à l'acte sexuel ou un autre acte d'ordre sexuel.

2.2.2. L'auteur qui, dans les mêmes circonstances, contraint une personne de sexe féminin à subir l'acte sexuel se rend coupable de viol (art. 190 al. 1 CP).

2.2.3. Sur le plan objectif, il faut, pour qu'il y ait contrainte, que la victime ne soit pas consentante, que le prévenu le sache ou accepte cette éventualité et que celui-ci déjoue, en utilisant un moyen efficace, la résistance que l'on peut attendre de celle-là (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1164/2020 précité, consid. 3.1).

En introduisant la notion de "pressions psychiques", le législateur a voulu viser les cas où l'auteur provoque chez la victime des effets tel que la surprise, la frayeur ou le sentiment d'une situation sans espoir, propres à la faire céder, sans pour autant recourir à la force physique ou à la violence (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1164/2020 précité, consid. 3.1). Pour être qualifiées de contrainte, ces pressions doivent atteindre une intensité particulière (ATF 131 IV 167 consid. 3.1) et rendre la soumission de la victime compréhensible (arrêt du Tribunal fédéral 6B_159/2020 du 20 avril 2020 consid. 2.4.3). Pour déterminer si l'on se trouve en présence d'une contrainte sexuelle, il faut procéder à une appréciation globale des circonstances concrètes déterminantes (ATF 148 IV 234 consid. 3.3).

En cas de pressions d'ordre psychique, il n'est pas nécessaire que la victime ait été mise hors d'état de résister (ATF 124 IV 154 consid. 3b). La pression exercée doit néanmoins revêtir une intensité particulière, comparable à celle d'un acte de violence ou d'une menace (ATF 133 IV 49 consid. 6.2). Au vu des circonstances du cas et de la situation personnelle de la victime, on ne doit pas pouvoir attendre d'elle de résistance, ni compter sur une telle résistance, de sorte que l'auteur peut parvenir à son but sans avoir à utiliser de violence ou de menace (ATF 131 IV 167 consid. 3.1). L'exploitation de rapports généraux de dépendance ou d'amitié ou même la subordination comme celle de l'enfant à l'adulte ne suffisent, en règle générale pas pour admettre une pression psychologique au sens de l'art. 190 al. 1 CP (ATF
131 IV 107 consid. 2.2; 128 IV 97 consid. 2b/aa et cc; arrêt du Tribunal fédéral 6B_583/2017 du 20 décembre 2017 consid. 3.1).

Les infractions aux art. 189 et 190 CP sont intentionnelles, mais le dol éventuel suffit (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1306/2017 du 17 mai 2018 consid. 2.1.2 in fine et 6B_1175/2017 du 11 avril 2018 consid. 1.1 in fine). L'auteur doit savoir que la victime n'est pas consentante ou en accepter l'éventualité (arrêts du Tribunal fédéral 6B_367/2021 du 14 décembre 2021 consid. 2.2.2 et 6B_643/2021 du 21 septembre 2021 consid. 3.3.4). L'élément subjectif se déduit d'une analyse des circonstances permettant de tirer, sur la base des éléments extérieurs, des déductions sur les dispositions intérieures de l'auteur. S'agissant de la contrainte en matière sexuelle, l'élément subjectif est réalisé lorsque la victime donne des signes évidents et déchiffrables de son opposition, reconnaissables pour l'auteur, tels des pleurs, des demandes d'être laissée tranquille, le fait de se débattre, de refuser des tentatives d'amadouement ou d'essayer de fuir (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1285/2018 du 11 février 2019 consid. 2.2).

2.3.1. L'art. 193 al. 1 CP punit celui qui, profitant de la détresse où se trouve la victime ou d'un lien de dépendance fondé sur des rapports de travail ou d'un lien de dépendance de toute autre nature, aura déterminé celle-ci à commettre ou à subir un acte d'ordre sexuel. Cette disposition protège la libre détermination en matière sexuelle. L'infraction suppose que la victime se trouve dans une situation de détresse ou de dépendance par rapport à l'auteur (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1175/2017 précité consid. 1.1).

2.3.2. La victime est dépendante, au sens de cette norme, lorsqu'elle est objectivement, voire même seulement subjectivement, à la merci de l'auteur de l'infraction. Sa liberté de décision doit être considérablement limitée. À la base d'un lien de dépendance, il y a, en règle générale, un rapport de confiance particulier et toujours une forte emprise du prévenu sur la victime (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1076/2015 du 13 avril 2016 consid. 2.1).

2.3.3. La détresse n'implique pas – au contraire de la dépendance – de relation spécifique entre l'auteur et la victime, comme un rapport de force ou un lien de confiance. La détresse est un état de la victime que l'auteur constate et dont il se sert (arrêt du Tribunal fédéral 6B_204/2019 du 15 mai 2019 consid. 6.1). La question de savoir s'il existe un état de détresse ou un lien de dépendance au sens de l'art. 193 CP et si la capacité de la victime de se déterminer était gravement limitée doit être examinée à la lumière des circonstances du cas d'espèce (ATF 131 IV 114 consid. 1) et appréciée selon la représentation que s'en font les intéressés (ATF 99 IV 161 consid. 1; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1175/2017 précité, consid. 1.1).

2.3.4. L'art. 193 CP exige en outre que l'auteur exploite cette détresse ou ce lien de dépendance. Il y a mise à profit ou abus d'une situation de détresse ou de dépendance lorsqu'il existe un lien de causalité entre cette situation et l'acceptation par la victime des actes d'ordre sexuel. Il faut que l'auteur de l'infraction, usant de son emprise sur la victime, ait déterminé cette dernière à commettre ou à subir un acte d'ordre sexuel. Elle présuppose que l'auteur utilise consciemment la diminution de la capacité de décider et de se défendre de la victime et tire profit de sa docilité pour l'amener à faire preuve de complaisance en matière sexuelle (ATF 133 IV 49 consid. 4;
131 IV 114 consid. 1).

2.3.5. Du point de vue subjectif, l'acte est intentionnel. L'auteur doit savoir ou tout au moins supposer que la personne concernée n'accepte les actes d'ordre sexuel en question qu'en raison de son état de détresse ou du lien de dépendance existant (ATF 131 IV 114 consid. 1).

2.4. En l'espèce, les parties s'accordent à dire qu'elles ont entretenu, à plusieurs reprises, des rapports sexuels. En revanche, leurs déclarations s'opposent notamment quant au contexte dans lequel ces relations sexuelles ont été suscitées, puis entretenues, au consentement de la recourante auxdits actes, à leur nombre, ainsi qu'à l'existence d'une fellation que le prévenu conteste avoir obtenue.

La version soutenue par la recourante permet d'envisager, à tout le moins, une éventuelle infraction à l'art. 193 CP. En effet, elle a évoqué, lors de la procédure, sa vulnérabilité et les traumatismes dont elle souffrait à la suite de diverses agressions sexuelles et s'en était ouverte auprès de C______. Ce dernier a d'ailleurs reconnu que la recourante lui avait confié avoir été abusée dans le passé et notamment violée par son ancien logeur.

Cet état de fragilité est corroboré non seulement par le document des HUG du 18 mars 2022, lequel attestait d'une hospitalisation de la précitée "dans le contexte d'une détresse psychique importante liée à une situation sociale très complexe", mais également par les déclarations de F______, laquelle a expliqué suivre la recourante depuis septembre 2022 et avoir diagnostiqué chez elle un syndrome de stress post-traumatique, en plus d'un syndrome de trouble panique. La recourante était au demeurant traitée pour de l'anxiété, de l'aboulie, soit un trouble psychique caractérisé par l'absence ou la diminution de la volonté, et de l'anhédonie, ce qui va dans le sens de ses allégations.

En sus de cet état de fragilité psychologique vraisemblablement préexistant, la recourante se trouvait dans une situation financière et administrative précaire, étant assistée par l'Hospice général et ne bénéficiant d'aucun permis de séjour en Suisse, ce que le prévenu savait. Ces circonstances ont dès lors, comme affirmé par la recourante, pu jouer un rôle non seulement dans le fait d'avoir accepté de loger chez C______, mais également d'entretenir des rapports sexuels avec lui – la recourante ayant expliqué qu'elle n'aurait jamais accepté si elle n'y avait pas été poussée.

Partant, il ne peut être exclu que la recourante, en raison de sa détresse psychologique, ait consenti, de façon altérée, voire non libre, aux actes sexuels litigieux. Dans la mesure où il ressort du dossier que l'intimé connaissait, à tout le moins dans une certaine mesure, l'état de fragilité de la recourante, il pourrait avoir utilisé la diminution de la capacité de décider de celle-ci pour l'amener à faire preuve de complaisance et de docilité face aux demandes qui lui étaient adressées par le prétendu E______.

Vu les indices suffisants ressortant du dossier et la complexité de certaines questions liées à l'état psychique de la recourante, compte tenu notamment des infractions dont elle dit avoir été victime par le passé, il appartenait au Ministère public d'ordonner une expertise médicale pour déterminer si A______ se trouvait dans un état psychologique assimilable à un état de détresse au moment des faits litigieux.

En outre, il lui appartenait d'instruire plus spécifiquement les menaces dont elle se disait victime de la part de E______, pour autant qu’il existe, respectivement de C______, notamment quant à son renvoi au Cameroun et à la surveillance dont elle faisait l'objet, lesquelles, si elles étaient établies, et selon leur intensité, pourraient permettre d'envisager l'application des art. 189, voire 190 CP, pour certains des actes sexuels litigieux.

En l'état, l'instruction paraît ainsi inachevée et lacunaire.

La cause sera par conséquent renvoyée au Ministère public pour qu'il la complète.

3.             Fondé, le recours doit être admis; partant, l'ordonnance querellée sera annulée et la cause renvoyée au Ministère public pour qu'il procède dans le sens des considérants.

4.             La recourante sollicite d'être mise au bénéfice de l'assistance judiciaire gratuite pour la procédure de recours (art. 136 al. 3 CPP).

4.1.       Conformément à l'art. 136 al. 1 let. a CPP, la direction de la procédure accorde, sur demande, entièrement ou partiellement, l'assistance judiciaire gratuite à la partie plaignante pour faire valoir ses prétentions civiles, si elle ne dispose pas de ressources suffisantes et que l'action civile ne paraît pas vouée à l'échec.

4.2.       En l'espèce, la situation personnelle de la recourante n'apparaît pas favorable et elle présente un état psychique fragile. Ses prétentions civiles – bien que non encore formellement déposées – n'apparaissent pas vouées à l'échec, au vu de l'issue du recours.

Qui plus est, l'assistance judiciaire gratuite lui a été accordée lors de la procédure préliminaire devant le Ministère public et il n'apparait pas que sa situation économique ait évolué favorablement depuis lors.

Dans ces circonstances, la nécessité d'un conseil juridique gratuit sera admise et l'assistance judiciaire accordée à la recourante pour la procédure de recours, Me B______, actuel conseil de la recourante, étant désignée en cette qualité (art. 136 al. 2 let. c CPP).

5.             La recourante étant au bénéfice de l'assistance judiciaire et obtenant gain de cause, les frais de la procédure de recours seront laissés à la charge de l'État (art. 428 al. 4 CPP).

6.             Il n'y a pas lieu de fixer, à ce stade, l'indemnité due au conseil juridique gratuit (art. 138 al. 1 cum 135 al. 2 CPP), la procédure n'étant pas terminée.

7.             Il en va de même pour l'indemnité du prévenu au bénéfice d'une défense d'office (art. 135 al. 2 CPP).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Admet le recours, dans la mesure de sa recevabilité.

Annule, en conséquence, l'ordonnance de classement partiel et renvoie la cause au Ministère public pour qu'il procède dans le sens des considérants.

Met A______ au bénéfice de l'assistance juridique gratuite pour la procédure de recours et désigne Me B______ en qualité de conseil juridique gratuit.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt, en copie, à A______ et C______, soit pour eux leur conseil respectif, ainsi qu'au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Valérie LAUBER, juges; Monsieur Xavier VALDES TOP, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES TOP

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).