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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/24110/2022

ACPR/356/2024 du 14.05.2024 sur OMP/3153/2024 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : ORDONNANCE PÉNALE;OPPOSITION TARDIVE;RESTITUTION DU DÉLAI
Normes : CPP.354; CPP.85; CPP.94

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/24110/2022 ACPR/356/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 14 mai 2024

 

Entre

A______, représenté par Me Samir DJAZIRI, avocat, Djaziri & Nuzzo, rue Leschot 2, 1205 Genève,

recourant,

 

contre l'ordonnance rendue le 24 janvier 2024, rectifiée le 14 février 2024, par le Tribunal de police et celle de refus de restitution de délai rendue le 12 février 2024 par le Ministère public,

 

et

LE TRIBUNAL DE POLICE, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève – case postale 3715, 1211 Genève 3,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


Vu:

-      l'ordonnance pénale rendue le 4 octobre 2023 par le Ministère public, condamnant A______ à une peine privative de liberté de 180 jours [peine partiellement complémentaire à celle du 31 octobre 2022] ainsi qu'à une amende de CHF 500.-, pour actes d'ordre sexuel avec des personnes dépendantes (art. 188 ch. 1 CP), contrainte sexuelle (art. 189 CP) et infractions aux art. 95 al. 1 let. b et 91 al. 1 let. b LCR;

-      l'opposition formée par lettre de son conseil du 16 janvier 2024;

-      l'ordonnance sur opposition tardive rendue le 18 janvier 2024 par le Ministère public, transmettant la procédure au Tribunal de police afin qu'il statue sur la validité de l'opposition;

-      l'ordonnance du 24 janvier 2024 – rectifiée dans son dispositif le 14 février suivant – par laquelle le Tribunal de police a constaté "l'invalidité" de l'opposition;

-      l'ordonnance de refus de restitution de délai du Ministère public du 12 février 2024;

-      le recours, expédié le 26 février 2024, par A______ contre ces deux décisions, communiquées par plis simples;

-      la demande d'effet suspensif du 8 mai 2024.

Attendu que :

-     le pli recommandé contenant l'ordonnance pénale du 4 octobre 2023 a été envoyé le 6 suivant, à l'adresse de A______, rue 1______ no. ______, [code postal] B______ [GE];

-     selon le suivi de la Poste, il a été retourné le 9 suivant à son expéditeur avec la mention "introuvable";

-     à teneur du registre de l'Office cantonal de la population [état au 11 octobre 2023], le recourant était domicilié depuis le 1er novembre 2020 à la rue 1______ no. ______ à B______;

-      selon l'enquête effectuée le 23 octobre 2023 par la police – à la demande du Ministère public – A______ "n'[était] plus domicilié à l'adresse mentionnée", il "n'[avait] plus de téléphone enregistré/connu" et son nouveau domicile se trouvait au "no. ______ route 2______, [code postal] à C______ [VD]";

-      réexpédié sous forme recommandée le 27 octobre 2023 à cette adresse, le pli contenant l'ordonnance pénale a été avisé pour retrait le 30 suivant, resté non réclamé à l'échéance du délai de garde postale de sept jours et renvoyé le 7 novembre 2023 à son expéditeur;

-      dans son opposition du 16 janvier 2024, A______ a fait valoir que l'ordonnance pénale avait été notifiée de manière irrégulière à son ancien domicile et qu'il en avait été informé seulement le 8 janvier 2024 par le Service de l'application des peines et des mesures;

-      dans son ordonnance rectifiée, le Tribunal de police a constaté "l'invalidité" de l'opposition à l'ordonnance pénale et renvoyé le dossier au Ministère public pour qu'il statue sur "sur l'opposition" "sic";

-      dans son ordonnance attaquée, le Ministère public a rejeté toute restitution de délai, considérant que l'ordonnance pénale avait été notifiée valablement à l'adresse du prévenu à C______, correspondant en outre à son lieu de résidence effectif;

-      à l'appui de son recours, A______ conclut, sous suite de frais et dépens, principalement à l'annulation de l'ordonnance du Tribunal de police, subsidiairement à celle du Ministère public, et au constat de la validité de son opposition. Il expose ne pas avoir "reçu l'ordonnance pénale du 4 octobre 2023, ni […] d'avis de passage de la poste, dans la mesure où cet avis aurait été récupéré par son épouse, auteur de la dénonciation ayant abouti à ladite ordonnance pénale, laquelle avait accès à sa boîte aux lettres [et également les clés]". Celle-ci avait donc "vraisemblablement pris l'avis de passage [sans l'informer], probablement afin de [l']empêcher de former opposition […]". Aucune faute ne peut donc lui être reprochée;

-     à réception, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures ni débats.

Considérant en droit que :

-     le recours a été déposé par le prévenu dans le délai prescrit [faute de notification conforme à l'art. 85 al. 2 CPP] suivant chacune des décisions attaquées, et est donc recevable;

-     la Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent;

-     à teneur de l'art. 354 al. 1 CPP, le délai pour former opposition contre une ordonnance pénale est de dix jours;

-        selon l'art. 85 CPP, les autorités pénales notifient leurs prononcés par lettre signature ou par tout autre mode de communication impliquant un accusé de réception, notamment par l'entremise de la police (al. 1). Le prononcé est réputé notifié lorsque, expédié par lettre signature, il n'a pas été retiré dans les sept jours à compter de la tentative infructueuse de remise du pli, si la personne concernée devait s'attendre à une telle remise (al. 4 lit. a);

-        toute communication doit être notifiée au domicile, au lieu de résidence habituelle ou au siège du destinataire (art. 87 al. 1 CP);

-       une personne ne doit s'attendre à la remise d'un prononcé que lorsqu'il y a une procédure en cours, la concernant, qui impose aux parties de se comporter conformément aux règles de la bonne foi, à savoir de faire en sorte, entre autres, que les décisions relatives à la procédure puissent leur être notifiées. Le devoir procédural d'avoir à s'attendre avec une certaine vraisemblance à recevoir la notification d'un acte officiel naît avec l'ouverture d'un procès et vaut pendant toute la durée de la procédure (ATF 134 V 49 consid. 4 p. 51, 130 III 396 consid. 1.2.3 p. 399; arrêt du Tribunal fédéral 6B_314/2012 du 18 février 2013 consid. 1.3.1);

-        en l'espèce, il est établi que le second pli recommandé contenant l'ordonnance pénale a été expédié à l'adresse effective du recourant;

-        le recourant, qui se savait faire l'objet d'une procédure pénale puisqu'il a été arrêté provisoirement par la police, devait s'attendre à recevoir une notification des autorités pénales – ce qu'il ne conteste au demeurant pas – et donc prendre ses dispositions pour recevoir son courrier;

-        partant, la notification de l'ordonnance pénale est réputée avoir eu lieu à l'échéance du délai de garde postale de sept jours, soit le 6 novembre 2023, conformément à la fiction de notification prévue à l'art. 85 al. 4 let. a CPP. Le délai pour former opposition venait ainsi à échéance le 16 novembre suivant;

-        son opposition formée le 16 janvier 2024 est en conséquence manifestement tardive, ce qu'a constaté à bon droit le Tribunal de police;

-        selon la loi, la restitution d'un délai peut être demandée si la partie qui la requiert a été empêchée sans sa faute de procéder et qu'elle est ainsi exposée à un préjudice irréparable; elle doit toutefois rendre vraisemblable que le défaut n'est imputable à aucune faute de sa part (art. 94 al. 1 CPP);

-        la restitution de délai ne peut intervenir que lorsqu'un événement, par exemple une maladie ou un accident, met la partie objectivement ou subjectivement dans l'impossibilité d'agir par elle-même ou de charger une tierce personne d'agir en son nom dans le délai (arrêts du Tribunal fédéral 6B_401/2019 du 1er juillet 2019 consid. 2.3 et 6B_365/2016 du 29 juillet 2016 consid. 2.1). Elle ne doit être accordée qu'en cas d'absence claire de faute (arrêt du Tribunal fédéral 6B_125/2011 du 7 juillet 2011 consid. 1);

-        par empêchement non fautif, il faut comprendre toute circonstance qui aurait empêché une partie consciencieuse d’agir dans le délai fixé (ACPR/196/2014 du 8 avril 2014). Il s'agit non seulement de l’impossibilité objective, comme la force majeure, mais également l’impossibilité subjective due à des circonstances personnelles ou à l’erreur (Y. JEANNERET/ A. KUHN/ C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 10 ad art. 94 CPP);

-        en l'occurrence, le recourant expose ne pas avoir eu connaissance de l'ordonnance pénale, son épouse ayant "vraisemblablement pris" l'avis de retrait déposé dans la boîte aux lettres, sans l'en informer;

-        or ce motif n'est nullement rendu vraisemblable. Les éléments au dossier montrent au contraire qu'il s'est rendu injoignable pour les autorités pénales;

-       en tout état un tel argument ne constitue pas un empêchement au sens de l'art. 94 CPP, ce d'autant que le recourant pouvait fournir une autre adresse de notification ou consulter un avocat, ce qu'il a du reste fait, tardivement;

-        le recourant n'a ainsi pas rendu vraisemblable avoir été empêché, en raison d'un événement l'ayant objectivement ou subjectivement mis dans l'impossibilité d'agir par lui-même ou par l'intermédiaire d'une tierce personne, de recevoir le pli du 27 octobre 2023 contenant l'ordonnance pénale et former opposition dans le délai légal;

-      il ne saurait dès lors y avoir place pour une quelconque restitution de délai;

-      le recours dirigé tant contre l'ordonnance du Tribunal de police que contre celle refusant la restitution de délai est rejeté;

-      l'issue du présent recours rend la requête d'effet suspensif sans objet;

-      dans la mesure où il succombe, le recourant sera condamné aux frais de la procédure de recours, fixés en totalité à CHF 500.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03).

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 500.-.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, au Tribunal de police et au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/24110/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

415.00

Total

CHF

500.00