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Décisions | Chambre pénale de recours

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PM/217/2024

ACPR/320/2024 du 02.05.2024 sur JTPM/156/2024 ( TPM ) , REJETE

Descripteurs : EXÉCUTION DES PEINES ET DES MESURES;LIBÉRATION CONDITIONNELLE;PÉRIODE D'ESSAI
Normes : CP.86; CP.87

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PM/217/2024 ACPR/320/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 2 mai 2024

 

Entre

A______, domicilié ______ [GE], agissant en personne,

recourant,

contre le jugement rendu le 8 mars 2024 par le Tribunal d'application des peines et des mesures,

et

LE TRIBUNAL D'APPLICATION DES PEINES ET DES MESURES, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève – case postale 3715, 1211 Genève 3,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 13 mars 2024, A______ recourt contre la décision du 8 mars 2024, notifiée le 11 suivant, par laquelle le Tribunal d'application des peines et des mesures (ci-après: TAPEM) a ordonné sa libération conditionnelle pour le 8 mars 2024 (ch. 1), dit que le solde de la peine non exécuté est de 1 an, 11 mois et 11 jours (ch. 2) et fixé la durée d'épreuve au 19 février 2026 (ch. 3).

Le recourant, sans prendre de conclusions formelles, conteste ladite décision.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Par jugement du 22 décembre 2021 (JTCO/150/2021), le Tribunal correctionnel a déclaré A______ coupable de brigandage, de dommages à la propriété, d'infractions à la LStup et à la LArm, l'a condamné à une peine privative de liberté de 6 ans sous déduction de 1'480 jours de détention avant jugement et a ordonné sa libération immédiate.

b. A______ a ainsi été incarcéré à la prison de B______ du 5 décembre 2017 au 22 décembre 2021.

Le jugement est entré en force.

c. Les deux tiers de sa peine sont intervenus le 2 décembre 2021 – alors qu'il se trouvait en détention avant jugement –.

d. Sur injonction du Ministère public du 24 février 2023, le Service de l'application des peines et mesures (ci-après: SAPEM) a, le 16 mai 2023, émis un ordre d'exécution de la condamnation précitée. A______ avait effectué une détention préventive de 1'480 jours et un solde d'1 an, 11 mois et 11 jours demeurait.

e. Le 28 février 2024, au vu de l'échéance de la date de libération conditionnelle le 2 décembre 2021, le SAPEM a conclu à l'octroi de la libération conditionnelle, assortie d'un délai d'épreuve d'une durée égale au solde de la peine.

f. Par requête du 1er mars 2024, faisant sien le préavis susmentionné, le Ministère public a saisi le TAPEM en vue de l'octroi de la libération conditionnelle de A______, aux conditions proposées par le SAPEM.

C. Dans son jugement querellé, après avoir ordonné la libération conditionnelle de A______, le TAPEM l'a assortie d'un délai d'épreuve égal au solde la peine. Ce délai commençait à courir dès l'entrée en force de la libération conditionnelle, soit "ce jour" – 8 mars 2024 –, et se terminerait le 19 février 2026.

Le pronostic pénal de A______ ne pouvait être considéré comme défavorable, et le solde de la peine, d'une durée conséquente, devrait le détourner de commettre de nouvelles infractions. Depuis le 22 décembre 2021, l'intéressé s'était réinséré de manière exemplaire, sa situation personnelle était stable et il ne faisait l'objet d'aucune nouvelle condamnation, ni enquête pénale en cours.

D. a. Dans son recours, A______ reproche au TAPEM d'avoir fixé la date de la fin de sa mise à l'épreuve en février 2026, alors que sa libération effective avait déjà eu lieu deux ans auparavant. Il ne comprenait pas pour quelle raison l'absence de récidive durant la période entre sa libération effective et la décision attaquée ne pouvait être prise en compte pour le calcul du délai d'épreuve. Il ne contestait pas les motifs retenus à l'appui de sa libération conditionnelle; toutefois, ceux-ci s'appuyant notamment sur son comportement durant sa liberté, cette période faisait déjà office de mise à l'épreuve.

Il sollicite ainsi que le délai d'épreuve commence à courir dès sa libération effective, soit le "23 décembre 2021", de sorte qu'il était arrivé à échéance en décembre 2023.

b. À réception du recours – après sa mise en conformité sur demande de la Chambre de céans –, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             1.1. La décision rendue en matière de libération conditionnelle (art. 86 CP) constitue une "autre décision ultérieure" indépendante au sens de l'art. 363 al. 3 CPP (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1136/2015 du 18 juillet 2016 consid. 4.3 et 6B_158/2013 du 25 avril 2013 consid. 2.1; Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 30 ad art. 363).

Le recours au sens de l'art. 393 CPP est la voie de droit ouverte contre les prononcés rendus par le TAPEM en matière de libération conditionnelle (art. 42 al. 1 let. b LaCP cum ATF 141 IV 187 consid. 1.1).

1.2. La procédure devant la Chambre de céans est régie par le CPP, applicable au titre de droit cantonal supplétif (art. 42 al. 2 let. b LaCP).

1.3. En l'espèce, le recours est recevable, pour avoir été déposé selon les forme et délai prescrits (art. 385 al. 1, 390 al. 1 et 396 al. 1 CPP), par le condamné, qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             Le recourant conteste uniquement la date à laquelle le TAPEM a fait partir le délai d'épreuve, assorti à sa libération conditionnelle, et non la durée de celui-ci, de sorte que seule la question du dies a quo sera discutée.

3.1.       Selon l'art. 86 CP, l'autorité compétente libère conditionnellement le détenu qui a subi les deux tiers de sa peine, mais au moins trois mois de détention, si son comportement durant l'exécution de la peine ne s'y oppose pas et s'il n'y a pas lieu de craindre qu'il ne commette de nouveaux crimes ou de nouveaux délits (al. 1). L'autorité compétente examine d'office si le détenu peut être libéré conditionnellement (al. 2).

3.2.       L'examen de la libération conditionnelle présuppose en principe que la personne condamnée se trouve effectivement en exécution de peine, l'art. 86 CP parlant de "détenus". Il en va autrement lorsque, avant l'entrée en force du jugement, une libération a été accordée sur la base de la durée présumée de la peine et que la libération conditionnelle est formellement accordée après l'entrée en force du jugement, soit une libération conditionnelle dite rétroactive (M. A. NIGGLI / H. WIPRÄCHTIGER (Hrsg.), in Basler Kommentar, Strafrecht I, 4e éd. 2019, n. 2 ad art. 86). Ainsi, le condamné ne doit pas nécessairement être privé de liberté au moment où la décision de libération conditionnelle est prise (ATF 148 IV 292 consid. 2.5.2 et les références citées).

3.3.       Aux termes de l'art. 87 al. 1 1ère phr. CP, il est imparti au détenu libéré conditionnellement un délai d'épreuve à la durée du solde de sa peine.

Lorsque le juge suspend la peine, il a l'obligation d'impartir un délai d'épreuve (L. MOREILLON / A. MACALUSO / N. QUELOZ / N. DONGOIS (éds), Commentaire romand, Code pénal I, art. 1-110 CP, 2ème éd., Bâle 2021, n. 1 et 9 ad art. 87; M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI (éds), Code pénal - Petit commentaire, 2e éd., Bâle 2017, n. 1 ad art. 87).

Le délai d'épreuve commence à courir au moment de la libération conditionnelle du détenu (L. MOREILLON / A. MACALUSO / N. QUELOZ / N. DONGOIS (éds), op. cit., n. 10 ad art. 87).

3.4.       En l'espèce, le recourant considère que le délai d'épreuve aurait dû débuter dès sa libération immédiate par le tribunal de première instance, le 22 décembre 2021, soit après avoir purgé 1'480 jours de détention avant jugement.

Ainsi libéré, et même si le jugement n'en fait pas expressément mention, il lui restait un solde de peine de 1 an, 11 mois et 11 jours, ce qu'il ne conteste pas.

Le sort du solde en question doit être fixé. C'est donc, dans ce cadre, que le Ministère public a, en 2023, enjoint au SAPEM d'exécuter la condamnation précitée (art. 40 al. 2 let. a ch. 2 et 5 al. 2 let. l LaCP et 10 al. 1 REPM), ce que ce dernier a fait par un ordre d'exécution (art. 439 al. 2 CPP). Au vu de la réalisation de la condition temporelle au 8 décembre 2021, le SAPEM a procédé à l'examen de la demande de libération conditionnelle et rendu un préavis non défavorable. Après avoir fait sien de ce préavis, le Ministère public a saisi le TAPEM (art. 36 al. 2 let. a et 3 al. 2 let. g LaCP). La procédure formelle de la libération conditionnelle n'a donc été engagée qu'à ce moment-là et non pas, comme le recourant semble le croire, dès sa libération par le Tribunal correctionnel. Ledit allégement a été accordé au recourant au 8 mars 2024. Au vu de la jurisprudence précitée, le fait que le recourant n'ait plus été formellement détenu à ce moment-là, n'y change rien.

Le délai d'épreuve est une mesure obligatoire ordonnée en parallèle à l'octroi d'une libération conditionnelle, de sorte qu'il est dépendant de celle-ci. C'est donc à juste titre que le TAPEM, autorité compétente pour décider d'une libération conditionnelle, a fixé le dies a quo au moment où la mesure a été accordée.

Faute de compétence, le Tribunal correctionnel ne pouvait, lors de son jugement en décembre 2021, fixer un quelconque délai d'épreuve. Le TAPEM ne pouvait pas non plus fixer rétroactivement le début du délai à ce moment-là.

Pour le surplus, le temps passé en liberté avant le prononcé attaqué a été retenu comme un élément favorable à la libération conditionnelle. Il ne doit ainsi pas être considéré comme un délai d'épreuve au sens de l'art. 87 CP, en l'absence de libération conditionnelle formellement octroyée durant la période en question.

4.             Justifiée, la décision querellée sera donc confirmée et le recours rejeté.

5.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, au Tribunal d'application des peines et des mesures et au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Valérie LAUBER, juges; Monsieur Selim AMMANN, greffier.

 

Le greffier :

Selim AMMANN

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

PM/217/2024

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

815.00

Total

CHF

900.00