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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/7581/2024

ACPR/313/2024 du 29.04.2024 sur OTMC/921/2024 ( TMC ) , REJETE

Descripteurs : DÉTENTION PROVISOIRE;COCAÏNE;PROFILAGE RACIAL;REQUÊTE EXPLORATOIRE;PROPORTIONNALITÉ
Normes : CPP.221

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/7581/2024 ACPR/313/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 29 avril 2024

 

Entre

A______, actuellement détenu à la prison de B______, représenté par Me C______, avocat,

recourant,

 

contre l'ordonnance de mise en détention provisoire rendue le 26 mars 2024 par le Tribunal des mesures de contrainte,

et

LE TRIBUNAL DES MESURES DE CONTRAINTE, rue des Chaudronniers 9,
1204 Genève,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 14 avril 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 26 mars 2024, notifiée le 3 avril 2024, par laquelle le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après : TMC) a ordonné sa mise en détention provisoire jusqu'au 24 juin 2024.

Le recourant conclut, préalablement, à ce que le juge D______ soit "écarté de la présente procédure" et, principalement, à l'annulation de ladite décision, à sa mise en détention pour une durée réduite à un mois, soit au 24 avril 2024, subsidiairement deux mois, au 24 mai 2024.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Selon le rapport d'arrestation du 25 mars 2024, faisant suite à des doléances des riverains au sujet d'un trafic de stupéfiants ayant cours sur la rue 1______ aux H______[quartier], la police avait procédé dans la matinée à des observations à la hauteur de la rue 2______. Son attention s'était portée sur un individu au comportement suspect, identifié comme étant A______, qui entrait dans un appartement au rez-de-chaussée de l'immeuble no. ______, rue 1______. Après avoir frappé à la porte du logement et avoir été invités à entrer par E______, le locataire des lieux, les policiers avaient été mis en présence de A______, qui conditionnait des boulettes de cocaïne dans une chambre, l'une d'elles dans sa main. Il y avait trois autres boulettes et un parachute sur une commode.

Lors de la perquisition du logement, le chien de la police avait encore marqué, dans la chambre occupée par A______, 21 parachutes de cocaïne, d'un poids total de 17.4 gr., dissimulés dans une chaussette à proximité de la commode, 10 boulettes de cocaïne, d'un poids total de 10 gr., dans la poche d'une veste noire posée sur le lit, des sachets plastiques et une balance électronique, ainsi qu'un sachet mini-grip de marijuana, d'un poids total de 3 gr et deux téléphones portables. A______ était en possession de CHF 390.50 dans son portemonnaie.

b. Entendu devant la police le 25 mars 2024, A______, après avoir pris connaissance de ses droits en langue française, formulaire qu'il a signé, et renoncé à la présence d'un avocat, a admis les faits reprochés.

Il vendait de la cocaïne depuis environ deux semaines dans le quartier des I______ à raison de CHF 40.- ou CHF 50.- la boulette. Il avait acquis cette drogue dans ce même quartier, à savoir 45 boulettes pour CHF 550.-. L'un des téléphones saisis appartenait à un ami sénégalais et le second lui appartenait. Il ne voulait pas donner le code pour le débloquer car il s'agissait de sa vie privée.

c. Lors de son audition devant le Ministère public le même jour, assisté de son conseil, il est revenu sur ses déclarations. Il consommait de la cocaïne et de la marijuana avec ses amis, qu'il allait acheter à F______ et G______ [France]. Il n'avait jamais vendu de cocaïne et n'avait jamais déclaré cela. Il avait descendu les poubelles et la police était arrivée lorsqu'il était remonté dans l'appartement. En fait, ses amis habitaient à F______ et à G______. Ils s'étaient procurés la drogue aux I______[quartier] en contrepartie de CHF 550.-.

Son avocat lui a conseillé de ne pas répondre à la question de savoir quelle quantité de drogue il avait achetée pour la consommer avec ses amis.

Son père lui envoyait parfois de l'argent et il en avait ramené d'Italie. Ses amis l'aidaient également.

La police ne lui avait pas proposé de faire appel à un avocat, alors qu'il aurait souhaité en avoir un. Il n'avait pas pu relire complètement son procès-verbal et ne savait pas bien lire le français.

d. A______, né le ______ 1997, est de nationalité sénégalaise. Il a indiqué avoir vécu dans son pays d'origine jusqu'en 2016 et y être allé à l'école. Il avait vécu depuis l'année 2016 en Italie, pays dans lequel il est titulaire d'un permis de séjour. Il vivait gratuitement chez E______ depuis 3 ou 4 mois au jour de son interpellation.

C. Dans l'ordonnance querellée, le TMC a retenu l'existence de charges suffisantes et graves en lien avec le trafic de stupéfiants. L'instruction débutait et comprenait l'analyse de la drogue ainsi que des [deux] téléphones du prévenu, étant précisé que celui-ci avait refusé de donner le code de son téléphone personnel. S'agissant des infractions à la LEI, les charges reposaient sur l'absence de moyens financiers légaux et sur le fait que le prévenu pourrait représenter une menace pour la sécurité et l'ordre publics. En revanche, il semblait bénéficier des autorisations nécessaires, étant en possession d'un passeport sénégalais et d'un titre de séjour italien.

La question de la validité du procès-verbal d'audition du prévenu à la police était du ressort de la direction de la procédure, respectivement du juge du fond, étant rappelé que la défense obligatoire n'existait pas au stade de l'audition par la police. Hormis les allégations du conseil du prévenu, aucun élément ne permettait de retenir que la police aurait procédé à un profilage racial prohibé. Il n'apparaissait pas que les preuves recueillies par la police lors de l'interpellation du prévenu seraient d'emblée inexploitables.

Le TMC a retenu des risques de fuite et de collusion.

D. a. À l'appui de son recours, A______ expose, faisant référence à un précédent genevois impliquant le même policier, qu'il était victime d'un profilage racial et que le TMC avait violé le droit en n'investiguant pas cette problématique. Il contestait tout comportement suspect et n'avait fait que descendre un sac au local des poubelles, ce qui d'ailleurs rendait impossible toute vente de cocaïne le 25 mars 2024. Le TMC ne pouvait retenir des quantités de produits stupéfiants "graves", alors qu'il avait contesté les faits devant le Ministère public puis dans ses observations au TMC et qu'il avait été entendu sans avocat ni interprète à la police.

Il disposait de moyens financiers légaux, de sorte qu'il n'existait aucune prévention d'infraction à la LEI.

La durée de la détention ordonnée violait "toute proportion". La procédure serait soit classée, dès lors que les moyens de preuves étaient inexploitables, ou donnerait par impossible lieu au prononcé d'une peine pécuniaire, assortie du sursis, s'agissant d'une quantité de cocaïne pure de 6.5 gr. La quantité de cocaïne saisie, soit 37.4 gr, "ce qui n'[était] pas contesté", ne justifiait pas une analyse "saugrenue" qui prolongerait indument sa détention provisoire et causerait des frais au contribuable.

Il contestait l'existence de risques de collusion et de fuite. Son logeur avait déjà été entendu. Son oncle, établi à Genève, pourrait l'héberger provisoirement.

b. Le Ministère public conclut à la confirmation de l'ordonnance querellée.

A______ n'avait pas voulu donner les codes des téléphones retrouvés lors de la perquisition ni le nom des amis avec lesquels il disait avoir acheté de la drogue pour leur consommation personnelle. L'analyse du téléphone, si les scellés étaient levés, devait permettre de déterminer les coordonnées de ces personnes mais aussi si le prévenu disposait du contact de son fournisseur ou d'éventuels clients. L'analyse de la drogue prenait également du temps.

c. Le TMC maintient les termes de son ordonnance.

d. A______ n'a pas répliqué.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 90 al. 2, 91 al. 1, 384 let. b, 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. c CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La demande du recourant "d'écarter" de la procédure le juge D______ est sans objet, dès lors que ce dernier ne fait pas partie de la composition amenée à statuer.

3.             À bien le comprendre, le recourant conteste l'existence de toute charge au motif qu'il aurait fait l'objet d'un profilage racial. De plus, ses déclarations à la police devraient être écartées de la procédure car tenues en l'absence d'un avocat et d'un interprète.

3.1. La procédure préliminaire se compose de la procédure d'investigation de la police et de l'instruction conduite par le ministère public (art. 299 al. 1 CPP).

3.2. Lors de ses investigations, la police établit les faits constitutifs de l’infraction; ce faisant, elle se fonde sur les dénonciations, les directives du ministère public ou ses propres constatations (art. 306 al. 1 CPP). La police doit notamment : a. mettre en sûreté et analyser les traces et les preuves ; b. identifier et interroger les lésés et les suspects ; c. appréhender et arrêter les suspects ou les rechercher si nécessaire (al. 2). Sous réserve de dispositions particulières, la police observe dans son activité les dispositions applicables à l’instruction, aux moyens de preuves et aux mesures de contrainte (al. 3).

3.3. L'art. 142 al. 2 CPP prévoit que la police peut entendre les prévenus et les personnes appelées à donner des renseignements.

Au début de l'audition, le comparant, dans une langue qu'il comprend, est avisé de façon complète de ses droits et obligations (art. 143 al. 1 let. c CPP).

Selon l'art. 158 al. 1 CPP, au début de la première audition, la police ou le ministère public informent le prévenu dans une langue qu’il comprend : a. qu’une procédure préliminaire est ouverte contre lui et pour quelles infractions ; b. qu’il peut refuser de déposer et de collaborer ; c. qu’il a le droit de faire appel à un défenseur ou de demander un défenseur d’office; d. qu’il peut demander l’assistance d’un traducteur ou d’un interprète. Les auditions effectuées sans que ces informations aient été données ne sont pas exploitables (al. 2).

3.4. Dans les cas d'une défense obligatoire (art. 130 CPP), la direction de la procédure pourvoit à ce que le prévenu soit assisté aussitôt d'un défenseur (art. 131 al. 1 CPP). Si les conditions d'une telle défense sont remplies lors de l'ouverture de la procédure préliminaire, cette défense n'a pas à être mise en œuvre lors de l'audition du prévenu par la police (ACPR/710/2022 du 13 octobre 2022 ; ACPR/539/2022 du 9 août 2022 ; ACPR/104/2022 du 11 février 2022 ; ACPR/472/2014 du 23 octobre 2014) : elle doit l'être seulement après la première audition par le ministère public et, en tout état de cause, avant l'ouverture de l'instruction (art. 131 al. 2 CPP).

3.5. Il ressort de l'arrêt 7B_102/2024 du 11 mars 2024 (consid. 2.5.3. et 2.5.4.), rendu dans la procédure évoquée par le recourant, que le Tribunal fédéral a jugé qu'il ne ressortait pas des faits constatés par la Chambre de céans qu'au moment de la perquisition du téléphone mobile de l'intéressé à la sortie d'un tram, la police aurait été en possession d'éléments permettant de le soupçonner d'avoir commis - ou d'être sur le point de commettre - une infraction justifiant une telle mesure de contrainte. Par ailleurs, la police ne s'était pas limitée à consulter ledit téléphone, mais avait utilisé les numéros résultant de deux conversations WhatsApp qui y figuraient pour identifier les toxicomanes avec lesquelles l'intéressé avait échangé des messages et, par la suite, procédé à leur audition comme personnes appelées à donner des renseignements. Dans ce contexte, la perquisition en tant que telle apparaissait disproportionnée.

Les juges fédéraux ont relevé que la Cour européenne des droits de l'homme (CourEDH) avait récemment condamné la Suisse pour profilage racial, dans le cas d'un Kenyan qui avait été contrôlé et fouillé en 2015 par la police en gare de Zurich alors qu'il n'existait aucun soupçon d'infraction (arrêt CourEDH Wa Baile c. Suisse du 20 février 2024, req. nos 3______/18 et 4______/21). Dans sa décision, la CourEDH a estimé que, compte tenu des circonstances du contrôle d'identité (l'intéressé ayant uniquement détourné le regard à l'approche du policier, qui avait alors retenu, sur la base de ce comportement, une suspicion d'infraction à la loi fédérale sur les étrangers) et du lieu où il avait été effectué, le requérant pouvait se prévaloir d'un grief de discrimination fondée sur sa couleur de peau. La CourEDH a notamment admis la violation des art. 8 (droit au respect de la vie privée) et 14 (interdiction de la discrimination) de la convention.

Dans ce même arrêt 7B_102/2024 (consid. 2.6.2.), le Tribunal fédéral a rappelé que les démarches entreprises par le policier genevois, consistant à appréhender le recourant et à perquisitionner son téléphone mobile, sans aucun soupçon préexistant, s'apparentaient à une recherche exploratoire ou "fishing expedition". Cette situation se présentait lorsque la mesure de contrainte ne reposait sur aucun soupçon suffisant mais que la preuve était recueillie au hasard, ce qui était le cas en l'occurrence, au contraire, par exemple, d'une perquisition qui serait effectuée en présence d'éléments permettant de soupçonner l'existence d'un réseau de trafic de stupéfiants dont il conviendrait de déterminer l'ampleur ou de confondre certains des protagonistes.

3.6. Il n'appartient pas au juge de la détention de décider de manière définitive sur le caractère exploitable d'une preuve, cette question incombant en principe au juge du fond (ATF 143 IV 330 consid. 2.1). Le juge de la détention vérifie l'existence de soupçons suffisants de la culpabilité sur la base des résultats provisoires de l'instruction. Il peut ainsi tenir compte de moyens de preuve figurant au dossier, à moins toutefois que ceux-ci apparaissent d'emblée inexploitables. Au stade de l'instruction, il convient de ne constater l'inexploitabilité de moyens de preuve que dans des cas manifestes. Par conséquent, un moyen de preuve peut en principe être pris en considération lors de l'examen de l'existence de sérieux soupçons de culpabilité si son caractère exploitable est à première vue envisageable (arrêt 7B_102/2024 précité consid. 2.3.5. et les références citées).

4. En l'espèce, la police n'est pas intervenue au hasard dans la rue en cause, mais à la suite de doléances du voisinage en lien avec un trafic de cocaïne en cours dans le quartier. La perquisition du logement dans lequel la police l'a vu entrer, où il occupait une chambre, après que son logeur avait ouvert la porte aux policiers, a permis la découverte de plus de 30 gr. de cocaïne et du matériel de conditionnement.

Cette situation n'est donc comparable ni à celle qui a donné lieu à l'arrêt du Tribunal fédéral sus-évoqué, ni à celle évoquée par la CourEDH, et ne correspond donc pas à du profilage racial pas plus qu'à une "fishing expedition".

Il n'y a par ailleurs pas lieu de s'écarter de la jurisprudence claire du Tribunal fédéral, reprise par la Chambre de céans dans les arrêts précités, selon laquelle une défense obligatoire n'a pas à être mise en œuvre au stade du premier interrogatoire à la police dans une situation telle que la présente.

Au demeurant, le recourant, dûment informé de ses droits lors de son audition par la police, a renoncé à la présence d'un avocat, étant précisé que rien au dossier ne permet de retenir qu'il n'aurait pas été en mesure de comprendre tant l'énoncé de ses droits, en français, dont il a signé le formulaire, que la portée du renoncement à la présence d'un conseil. Il a été entendu en français, qui est au demeurant la langue parlée dans son pays d'origine, le Sénégal. Il est donc difficile de le suivre lorsqu'il se plaint de n'avoir pas pu bénéficier des services d'un interprète.

À ce stade, on ne saurait donc d'emblée retenir que le procès-verbal litigieux serait manifestement inexploitable.

Ainsi, les circonstances de l'interpellation du recourant, dans un appartement dans lequel il était en train de conditionner des boulettes de cocaïne et où 32.4 gr. bruts de cette substance ont été trouvés, auxquels s'ajoutent ses déclarations à la police – à savoir qu'il vendait de la cocaïne depuis environ deux semaines dans le quartier des I______ à raison de CHF 40.- ou CHF 50.- la boulette et en avait acquis 45 boulettes pour CHF 550.- – fondent, malgré ses dénégations ultérieures, des charges suffisantes et graves d'une participation à un trafic de stupéfiants.

5. Le recourant conteste le risque de collusion. Son logeur avait déjà été entendu et son oncle, établi à Genève, pourrait l'héberger provisoirement

5.1. Conformément à l'art. 221 al. 1 let. b CPP, la détention provisoire ne peut être ordonnée que lorsqu'il y a sérieusement lieu de craindre que le prévenu compromette la recherche de la vérité en exerçant une influence sur des personnes ou en altérant des moyens de preuve. L'autorité doit démontrer que les circonstances particulières du cas d'espèce font apparaître un danger concret et sérieux de manœuvres propres à entraver la manifestation de la vérité, en indiquant, au moins dans les grandes lignes et sous réserve des opérations à conserver secrètes, quels actes d'instruction doivent être encore effectués et en quoi la libération du prévenu en compromettrait l'accomplissement. Dans cet examen, entrent en ligne de compte les caractéristiques personnelles du détenu, son rôle dans l'infraction ainsi que ses relations avec les personnes qui l'accusent. Entrent aussi en considération la nature et l'importance des déclarations, respectivement des moyens de preuve susceptibles d'être menacés, la gravité des infractions en cause et le stade de la procédure. Plus l'instruction se trouve à un stade avancé et les faits sont établis avec précision, plus les exigences relatives à la preuve de l'existence d'un risque de collusion sont élevées (ATF
137 IV 122 consid. 4.2; 132 I 21 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 1B_577/2020 du 2 décembre 2020 consid. 3.1).

5.2. Selon le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst., concrétisé par l'art. 237 al. 1 CPP), le tribunal compétent ordonne une ou plusieurs mesures moins sévères en lieu et place de la détention si elles permettent d'atteindre le même but que la détention, par exemple l'interdiction d'entretenir des relations avec certaines personnes (al. 2 let. g).

5.3. En l'espèce, l'instruction ne fait que commencer. L'analyse de l'extraction des données des deux téléphones détenus par le prévenu doit intervenir, étant relevé qu'il a refusé de donner les codes permettant de les déverrouiller. Le recourant nie désormais toute implication dans la vente de drogue, nonobstant les circonstances de son interpellation, le fait qu'à l'arrivée de la police, il était en train de conditionner de la cocaïne en boulettes, ainsi que ses aveux à la police. Ce n'est ainsi pas la seule audition de son logeur qui est concernée, puisque sur la base des données extraites des deux smartphones précités, de potentiels consommateurs, clients du prévenu, pourraient être amenés à être entendus. Le risque de collusion est donc patent à ce stade de la procédure.

Dans l'attente du rapport de la police sur l'analyse des conversations/messages téléphoniques du recourant, le risque de collusion demeure très élevé et ne saurait être pallié par une interdiction de contact, étant relevé que celle-ci serait en l'état impossible à ordonner, les acheteurs potentiels n'étant à ce stade pas identifiés. Ainsi, en début d'enquête, on ne voit pas quel palliatif amoindrirait ce risque de collusion, une interdiction de contact s'avérant illusoire.

Partant, la détention provisoire demeure nécessaire pour pallier ce risque.

6. L'admission du risque de collusion dispense d'examiner s'il s'y ajouterait un risque de fuite (arrêts du Tribunal fédéral 1B_34/2023 du 13 février 2023 consid. 3.3. ; 1B_51/2021 du 31 mars 2021 consid. 3.1. ; 1B_322/2019 du 17 juillet 2019 consid. 3.3).

7. Le recourant se plaint de la durée de la détention prononcée. Elle serait selon lui excessive en raison d'actes d'enquêtes qui n'auraient pas lieu d'être, telle l'analyse de la cocaïne saisie, et du fait que seule une peine assortie du sursis serait envisageable.

7.1. Conformément au principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst.), il convient de mettre en œuvre d'autres solutions moins dommageables que la détention (règle de la nécessité). Cette exigence est concrétisée par l'art. 237 al. 1 CPP, qui prévoit que le tribunal compétent ordonne une ou plusieurs mesures moins sévères en lieu et place de la détention si ces mesures permettent d'atteindre le même but que la détention.

7.2. En l'occurrence, la durée de la détention, telle qu'ordonnée jusqu'au 24 juin 2024, ne paraît pas excéder la peine concrètement encourue par le recourant (art. 212 al. 3 CPP), s’il était reconnu coupable en particulier de l'infraction à la LStup reprochée par le Ministère public. Le fait que la peine puisse consister en des jours-amende et être assortie du sursis n'est pas pertinent.

Il sera relevé qu'il n'appartient pas au prévenu de déterminer quel acte d'enquête serait utile ou non. Au vu de la quantité de drogue découverte, rien ne permet de retenir qu'il serait inopportun de procéder à l'analyse des données des smartphones détenus par le prévenu de même que de la pureté de la cocaïne saisie.

Le grief est rejeté.

8.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

9.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03). La défense d'office n’empêche, en effet, pas que les frais de l’instance doivent être fixés (arrêts du Tribunal fédéral 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6 et 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4).

10.         Le recourant plaide au bénéfice d'une défense d'office.

10.1. Le mandat de défense d'office conféré à l'avocat du prévenu pour la procédure principale ne s'étend pas aux procédures de recours contre les décisions prises par la direction de la procédure en matière de détention avant jugement, dans la mesure où l'exigence des chances de succès de telles démarches peut être opposée au détenu dans ce cadre, même si cette question ne peut être examinée qu'avec une certaine retenue. La désignation d'un conseil d'office pour la procédure pénale principale n'est pas un blanc-seing pour introduire des recours aux frais de l'État, notamment contre des décisions de détention provisoire (arrêt du Tribunal fédéral 1B_516/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5.1).

10.2. En l'occurrence, quand bien même le recourant succombe, on peut admettre que l'exercice de ce premier recours ne procède pas d'un abus.

L'indemnité du défenseur d'office sera fixée à la fin de la procédure (art. 135 al. 2 CPP).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant (soit, pour lui, son défenseur), au Ministère public et au Tribunal des mesures de contrainte.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Valérie LAUBER, juges; Monsieur Selim AMMANN, greffier.

 

Le greffier :

Selim AMMANN

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/7581/2024

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

30.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

795.00

Total

CHF

900.00