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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/23359/2023

ACPR/267/2024 du 19.04.2024 sur ONMMP/484/2024 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE;SÉQUESTRE(LP);FOR DE LA POURSUITE
Normes : CPP.310.al1.leta; CPP.310.al1.letb; CPP.31.al1; CPP.39.al1; CPP.42.al1
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/23359/2023 ACPR/267/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 19 avril 2024

 

Entre

A______, domicilié ______ [GE], représenté par Me Tano BARTH, avocat, Pont-Rouge Avocats, route des Jeunes 9, 1227 Les Acacias,

recourant,

contre l’ordonnance de non-entrée en matière rendue le 1er février 2024 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.

 


 

EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 12 février 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 1er précédent, notifiée le 5 février 2024, à teneur de laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur sa plainte du 19 septembre 2023.

Il conclut, sous suite de frais et dépens d’un montant de CHF 864.80, toutes taxes comprises, à l'annulation de cette décision, la cause devant être retournée au Ministère public afin qu'il ouvre une instruction.

b. Le recourant a versé les sûretés en CHF 1'000.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 19 septembre 2023, A______, domicilié dans le canton de Genève, a déposé plainte contre inconnu pour escroquerie.

Il a exposé à la police qu’il avait vu sur le site B______.ch une annonce pour la vente d’un appareil photo C______/1______ pour le prix de CHF 987.-, frais de livraison inclus. Le vendeur, " D______ ", avait pour adresse mail D______@bluewin.ch, et un raccordement de téléphone mobile suisse. Il s’était acquitté du montant précité sur le compte bancaire de " E______ ", à [code postal] F______ [TG], IBAN 2______. Il n’avait après ce paiement plus eu de nouvelles du vendeur ni reçu le colis attendu. Il avait contacté le vendeur sur le numéro de portable indiqué dans l’annonce. Une personne lui avait répondu en allemand qu’elle ne vendait rien.

b. Le Ministère public a, le 31 octobre 2023, émis un ordre de dépôt (art. 265 CPP) pour obtenir de [la banque] G______ les documents d’ouverture usuels ainsi que les relevés de compte et du dossier titres, du 25 avril au 25 octobre 2023, relativement au compte précité.

c. G______, déférant à cette ordonnance le 9 novembre 2023, a indiqué que cette relation était ouverte au nom de H______. Selon les documents d’ouverture du compte, ce dernier était domicilié à [code postal] I______ [FR].

d. Le 22 novembre 2023, le Ministère public a adressé à son homologue fribourgeois une demande d’acceptation de for, considérant que H______ était domicilié à Fribourg, qu’il avait fonctionné comme money-mule et pouvait être poursuivi pour blanchiment d’argent (art. 305bis CP). Il demeurait en charge de la procédure contre inconnu portant sur l'escroquerie préalable au blanchiment d'argent.

e. Le 24 novembre 2023, le Ministère public du canton de Fribourg a reconnu sa compétence pour traiter cette affaire contre H______, du chef de blanchiment d’argent. Cette " Reconnaissance de la compétence " indiquait que la partie qui entendait la contester pouvait le faire sous dix jours par courrier écrit et motivé, auquel cas serait rendue une décision sujette à recours, et a été notifiée à A______ par pli recommandé.

C. Dans sa décision déférée, le Ministère public a considéré que du fait du domicile de H______ dans le canton de Fribourg, les autorités de ce canton avaient repris la charge du volet de la procédure susceptible d'être qualifié de blanchiment d'argent au sens de l'art. 305bis CP.

S'agissant en revanche des faits qualifiables d'escroquerie (art. 146 al. 1 CP), les auteurs n'avaient pas pu être formellement identifiés et aucun acte d'enquête ne permettrait d'obtenir un éclairage à cet égard. Il ne ressortait en particulier pas de l'enquête que l'implication de H______ dépasserait celle d'une money mule dans le cadre d'un blanchiment d'argent. Partant, rien ne permettait de soupçonner qu'il ait participé également à l'escroquerie.

Le Ministère public ne disposait ainsi d'aucun élément susceptible d'orienter des soupçons sur un ou des auteurs. Il ne pouvait procéder (art. 310 al. 1 let. b CPP).

D. a. À l'appui de son recours, A______ se plaint d’une violation du principe in dubio pro duriore. H______ n’avait pas été entendu, que ce soit dans le canton de Genève ou de Fribourg. Sans cet acte d’instruction, il était impossible de savoir si ce dernier n’avait, à tout le moins par dol éventuel, pas conscience de participer à diverses opérations d’escroquerie en transférant l’argent depuis " ce " compte, ne serait-ce qu’en qualité de complice. Le montant que lui-même avait versé se trouvait toujours le 9 novembre 2023 sur le compte bancaire 2______, de sorte que le séquestre de ces valeurs patrimoniales aurait dû être ordonné afin qu’elles lui soient restituées, de même qu’aux autres lésés, vu les montants y ayant été crédités également en lien avec des transactions d’achats. Enfin, l’absence d’éléments sur une acceptation ou un refus de reprise de procédure par les autorités pénales du canton de Fribourg empêchait le Ministère public de rendre une ordonnance de classement.

b. Invité à se déterminer, le Ministère public persiste dans les termes de sa décision. Il a précisé que s’agissant de la reprise du volet blanchiment d’argent par le Ministère public de Fribourg, le recourant avait reçu le 27 novembre 2023 la " Communication : reconnaissance de la compétence " du 24 novembre 2023 précitée.

c. Dans sa réplique, A______ ajoute que divers actes d’instruction étaient encore possibles afin d’identifier les auteurs de l’infraction d’escroquerie et de confisquer l’argent qui lui avait soutiré, dont une analyse financière pour déterminer sur quels comptes les montants versés sur celui de H______ avaient été transférés.

L’argumentation du Ministère public était audacieuse dans la mesure où elle laissait entendre que lui-même aurait dû deviner que le dossier serait en réalité scindé en deux, le Ministère public genevois gardant la compétence pour l’infraction d’escroquerie et l’autorité fribourgeoise s’occupant exclusivement du volet blanchiment d’argent, ce d’autant plus que le titre de la communication des autorités fribourgeoises ne comportait pas le terme " disjonction ". Il était préférable que l’escroquerie et le blanchiment d’argent soient traités ensemble.

d. La cause a été gardée à juger à réception de la réplique.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance de non-entrée en matière, sujette à contestation auprès de la Chambre de céans (art. 310 al. 2 et 322 al. 2 cum 393 al. 1 let. a CPP), et émaner du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé (art. 382 CPP) à voir poursuivre l'infraction alléguée contre son patrimoine (art. 115 CPP).

2.             Le recourant estime que le Ministère public ne pouvait pas prononcer une ordonnance de non-entrée en matière sans avoir préalablement procédé à divers actes d’instruction.

2.1 À teneur des art. 310 al. 1 let. a CPP, une ordonnance de non-entrée en matière est immédiatement rendue s’il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs d’une infraction ou les conditions à l’ouverture de l’action pénale ne sont manifestement pas réunis.

Des motifs de fait peuvent justifier la non-entrée en matière. Il s'agit des cas où la preuve d'une infraction, soit de la réalisation en fait de ses éléments constitutifs, n'est pas apportée par les pièces dont dispose le ministère public. Il faut que l'insuffisance de charges soit manifeste. De plus, le Procureur doit examiner si une enquête, sous une forme ou sous une autre, serait en mesure d'apporter des éléments susceptibles de renforcer les charges contre la personne visée. Ce n'est que si aucun acte d'enquête ne paraît pouvoir amener des éléments susceptibles de renforcer les charges contre la personne visée que le ministère public peut rendre une ordonnance de non-entrée en matière. En cas de doute sur la possibilité d'apporter ultérieurement la preuve des faits en question, la non-entrée en matière est exclue (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 9 ad art. 310).

Parmi les motifs de fait, on trouve l'impossibilité d'identifier l'auteur (op.cit. n. 9a ad 310; cf. aussi ACPR/918/2019 du 20 novembre 2019 consid. 4.1 et ACPR/744/2022 du 1er novembre 2022 consid. 3.1.).

2.2. Le ministère public rend également une ordonnance de non-entrée en matière en cas d'empêchement de procéder (art. 310 al. 1 let. b CPP). Tel sera le cas de l'incompétence en raison du lieu ou de la matière, la renonciation à porter plainte pour les infractions poursuivies uniquement sur plainte, l'immunité absolue des autorités ou les cas d'extinction de l'action publique (décès de la personne concernée, incapacité pénale, amnistie, abrogation de la loi pénale, retrait de la plainte, prescription de l'action publique et ne bis in idem) (L. MOREILLON / A. PAREIN-REYMOND, CPP, Code de procédure pénale, Bâle 2016, 2ème éd., n. 13 ad art. 310).

2.3. Selon l'art. 6 al. 1 CPP, les autorités pénales recherchent d’office tous les faits pertinents pour la qualification de l’acte et le jugement du prévenu.

Elles mettent en œuvre tous les moyens de preuves licites qui, selon l’état des connaissances scientifiques et l’expérience, sont propres à établir la vérité (art. 139 al. 1 CPP).

2.4. Le for de la poursuite pénale est déterminé aux art. 31ss CPP: en première ligne est compétente l'autorité du lieu où l'acte a été commis, ou, si seul le résultat s'est produit en Suisse, l'autorité de ce lieu (art. 31 al. 1 CPP). Si l'infraction a été commise ou si son résultat s'est produit en différents lieux, l'autorité compétente est celle du lieu où les premiers actes de poursuite ont été entrepris (art. 31 al. 2 CPP).

Les autorités pénales vérifient d'office si elles sont compétentes et, le cas échéant, transmettent l'affaire à l'autorité compétente (art. 39 al. 1 CPP). Lorsque plusieurs autorités paraissent compétentes à raison du lieu, les ministères publics concernés se communiquent sans délai les éléments essentiels de l'affaire et s'entendent aussi vite que possible sur le for (al. 2). L'autorité pénale qui a été saisie en premier de la cause, jusqu'à ce que le for soit définitivement fixé, prend les mesures qui ne peuvent être différées (art. 42 al. 1 CPP).

Lorsqu'une partie entend contester la compétence de l'autorité en charge de la procédure pénale, elle doit immédiatement demander à cette dernière de transmettre l'affaire à l'autorité pénale compétente (art. 41 al. 1 CPP). Les parties peuvent attaquer, dans les dix jours, l'attribution du for décidée par les ministères publics concernés (art. 39 al. 2 CPP). L'autorité compétente est la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral en cas de litige intercantonal (art. 40 al. 2 CPP; L. MOREILLON / A. PAREIN-REYMOND, op. cit., n. 4 ad art. 41).

2.5. L'art. 146 CP sanctionne quiconque, dans le dessein de se procurer un enrichissement illégitime, induit astucieusement en erreur une personne et la détermine, de la sorte, à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires.

2.5.1. Le prévenu qui promet une prestation sans avoir l'intention de l'honorer agit, en principe, de façon astucieuse, puisque, ce faisant, il donne le change sur ses véritables motivations, que son cocontractant est dans l'impossibilité de vérifier (arrêt du Tribunal fédéral 6B_666/2023 du 29 janvier 2024 consid. 1.3.1).

2.5.2. La tromperie doit amener la dupe, dans l’erreur, à accomplir directement un acte préjudiciable à son patrimoine, sans qu’une intervention supplémentaire de l’auteur ne soit nécessaire (arrêt du Tribunal fédéral 6S.263/2003 du 10 octobre 2003 consid. 3.3.1).

2.5.3. L'escroquerie est une infraction intentionnelle; le dol éventuel suffit (arrêt du Tribunal fédéral 6B_51/2017 du 10 novembre 2017 consid. 4.3.1).

2.6. L'art. 305bis CP réprime, du chef de blanchiment d'argent, celui qui aura commis un acte propre à entraver l'identification de l'origine, la découverte ou la confiscation de valeurs patrimoniales dont il savait ou devait présumer qu'elles provenaient d'un crime. Cette disposition vise en premier lieu à protéger l'administration de la justice; elle protège toutefois également les intérêts patrimoniaux de ceux qui sont lésés par le crime préalable, lorsque les valeurs patrimoniales proviennent d'actes délictueux contre des intérêts individuels (ATF 129 IV 322 consid. 2.2.4 p. 326; arrêt du Tribunal fédéral 6B_549/2013 du 24 février 2014 consid. 2.2.3).

2.7. In casu, le recourant a voulu acquérir un appareil photographique via un site de petites annonces. Il en a acquitté le prix de CHF 987.- sur un compte bancaire ouvert auprès de [la banque] G______ au nom d’une personne domiciliée à Fribourg. Il se plaint de ne jamais avoir reçu l’article convoité et payé.

Le Ministère public a rendu l’ordonnance de non-entrée en matière querellée dans la mesure où il n'a pas identifié le ou les auteurs des faits dénoncés par le plaignant et pouvant être constitutifs d'escroquerie et où il a dénoncé à son homologue fribourgeois le volet du blanchiment d'argent. Le recourant, qui s’est vu notifier l’acceptation de for par le Ministère public fribourgeois le 27 novembre 2023 pour ce second volet, n’a pas recouru à son encontre dans le délai légal de dix jours. Quand bien même cette scission opérée par le Ministère public peut interpeller, rien ne permet de retenir que l’enquête ne suivrait pas son cours dans le canton de Fribourg pour circonscrire le rôle du titulaire du compte sur lequel est arrivé le versement effectué par le plaignant et permettre si possible d'identifier le ou les auteurs de l’escroquerie dénoncée.

Dans la mesure où le Ministère public a transmis la procédure à son homologue fribourgeois, a priori le plus à même de conduire l’enquête, dans un premier temps du moins, vu le domicile du titulaire du compte, étant rappelé que le recourant ne s’y est pas opposé en temps utile, et que le ou les auteurs de l’infraction d’escroquerie dénoncée par le recourant n’ont pas été identifiés, c’est à raison que le Ministère public a considéré ne pas pouvoir entrer en matière, quand bien même il eût dû appliquer l’art. 310 al. 1 let. a CPP et non l’art. 310 al. 1 let. b CPP. 

En revanche, on ne peut que s'étonner que le Ministère public, au plus tard à réception des documents bancaires, n'ait pas ordonné le séquestre du solde s'y trouvant encore (art. 263 CPP).

Enfin, d'éventuels développements dans l'enquête en blanchiment permettraient de raviver les investigations (art. 323 CPP).

Il s’ensuit que la non-entrée en matière querellée sera confirmée.

Le recours sera rejeté.

3. Le recourant succombe (art. 428 al. 1 CPP).

Il supportera, en conséquence, les frais de la procédure de recours, fixés en totalité, au vu des circonstances, à CHF 250.- (art. 3 cum 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03), somme qui sera prélevée sur les sûretés versées.


 

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, fixés en totalité à CHF 250.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Valérie LAUBER et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Séverine CONSTANS, greffière.

 

La greffière :

Séverine CONSTANS

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/23359/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

165.00

Total

CHF

250.00