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Décisions | Chambre pénale de recours

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PM/598/2023

ACPR/180/2024 du 12.03.2024 sur OTPM/246/2023 ( TPM ) , REJETE

Descripteurs : DÉFENSE D'OFFICE;INDEMNITÉ(EN GÉNÉRAL);FORFAIT
Normes : CPP.135; RAJ.16

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PM/598/2023 ACPR/180/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 12 mars 2024

 

Entre

A______, avocate, Étude B______, ______ [GE],

recourante,

 

contre la décision d'indemnisation rendue le 10 août 2023 par le Tribunal d'application des peines et des mesures,

 

et

LE TRIBUNAL D'APPLICATION DES PEINES ET DES MESURES, rue des Chaudronniers 9 – 1204 Genève, case postale 3715, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte déposé le 21 août 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 10 août 2023, notifiée le lendemain, par laquelle le Tribunal d'application des peines et des mesures (ci-après, TAPEM) a fixé à CHF 730.55 l'indemnité pour son activité de défenseur d'office de C______.

Elle conclut à ce qu'une indemnité supplémentaire, correspondant à 5h35 [recte : 5 heures, au vu des postes allégués dans son état de frais] d'activité, lui soit allouée.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Par jugement du Tribunal correctionnel du 18 novembre 2019 (P/1______/2018) – confirmé par arrêt de la Chambre pénale d'appel et de révision du 29 mai 2020 –, C______ – dont la défense d'office était assurée par Me A______ – a été reconnu coupable de meurtre avec la circonstance aggravante de l'assassinat et de violation simple des règles de la circulation routière. Il a été condamné à une peine privative de liberté, suspendue au profit d'une mesure thérapeutique institutionnelle (art. 59 CP).

b. L'intéressé a été placé, en exécution de la mesure institutionnelle précitée, dans divers établissements fermés, en dernier lieu à D______ (depuis le 4 juillet 2022).

c. Les 16 juin 2021 et 30 juin 2022, le TAPEM a ordonné – au terme de procédures où C______ était assisté du conseil d'office précitée – la poursuite de la mesure jusqu'au prochain contrôle annuel et rappelé que celle-ci était valable jusqu'au 29 mai 2025.

d. Le 14 juin 2023, le Ministère public, faisant sien le préavis du Service de l'application des peines et mesures (ci-après, SAPEM), a requis du tribunal précité la poursuite de la mesure.

e. Le 19 suivant, une défense d'office a été ordonnée en faveur de C______ et MA______ désignée à cet effet.

f. Le même jour, le TAPEM a transmis à cette dernière la requête du Ministère public et le préavis du SAPEM, lui impartissant un délai pour transmettre ses observations écrites ou indiquer si elle souhaitait la tenue d'une audience.

g. Par missive du 14 juillet 2023, C______ a, sous la plume de son conseil d'office, conclu au maintien de la mesure thérapeutique et à ce que le SAPEM soit invité à mettre en œuvre rapidement la prochaine étape du plan d'exécution de sa mesure, soit l'organisation de conduites ; et à examiner l'opportunité d'un placement en milieu ouvert, tel que préconisé par l'ensemble des intervenants.

h. Par jugement du 17 suivant, le TAPEM a ordonné la poursuite du traitement institutionnel jusqu'au prochain contrôle annuel.

i. Par pli du 2 août 2023, Me A______ a produit auprès du Greffe de l'Assistance juridique un état de frais de CHF 3'187.95, TVA (à 7.7%) incluse, correspondant à 12h20 d'activité au tarif horaire de CHF 200.-.

D'après ce document, l'avocate a notamment consacré trois heures à l'étude du dossier le 19 juin 2023 ; deux heures, respectivement trois heures à la rédaction d'observations les 12 et 14 juillet 2023, ainsi que 15 minutes à "l'étude du jugement du TAPEM" le 19 suivant.

C. Dans sa décision querellée, le TAPEM considère notamment qu'il convenait de ramener à 45 minutes le temps d'analyse du dossier, dans la mesure où celui-ci ne comportait que dix-neuf nouvelles pages pour Me A______, laquelle s'était déjà chargée de la défense de C______ lors de sa condamnation et des précédentes procédures devant lui. Il se justifiait également de ramener à 1h30 le temps consacré à la rédaction des observations du 14 juillet 2023, au vu de l'ampleur de l'écriture ("une pleine page et deux demi-pages") produite. Il convenait en outre d'écarter l'activité intitulée "étude du jugement du TAPEM", celle-ci étant déjà comprise dans le forfait "courriers/téléphones".

L'indemnité était donc fixée à CHF 730.55, correspondant à 3h05 d'activité à CHF 200.- de l'heure, augmentée du forfait correspondances et téléphones (10%) et de la TVA (à 7.7%).

D. a. Dans son recours, Me A______ conteste les réductions précitées.

Trois heures étaient nécessaires pour examiner le dossier. Cette activité comprenait la "lecture de la demande" et la recherche des rapports médicaux ainsi que des préavis ne figurant pas au dossier, ou encore de "décisions du Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant". Le dossier contenait, certes, "quelques anciennes" décisions. Cela étant, il ne se justifiait pas de supprimer le temps dédié à leur lecture, quelques-unes datant de 2019. Au surplus, "certaines des pièces fournies" "méritaient des recherches" plus approfondies, afin de s'assurer "de l'adéquation" de la mesure institutionnelle à laquelle était soumise son client.

S'agissant du poste "rédactions des observations au TAPEM" du 14 juillet 2023, une erreur de plume s'était glissée dans son état de frais, trois heures ayant été comptabilisées au lieu de 30 minutes. Il n'en demeurait pas moins que la réduction de ce poste à 1h30 n'était pas justifiée, puisque 2h30 avaient bel et bien été déployées pour présenter des déterminations écrites.

Finalement, le temps consacré (15 minutes) à "l'étude" du jugement du 17 juillet 2023, qui n'était pas excessif, devait être indemnisé, puisque "cet examen de conformité ét[ait] indispensable pour garantir une défense nécessaire à l'examen d'une mesure prononcée à l'encontre d'une personne vulnérable".

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une décision sujette à contestation auprès de la Chambre de céans (art. 135 al. 3 let. a et 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du défenseur d'office, qui a qualité pour recourir (art. 135 al. 3 let. a et 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             La recourante conteste uniquement la réduction du temps consacré par ses soins, le 19 juin 2023, à "l'étude du dossier", les 12 et 14 juillet 2023, à la rédaction d'observations et, le 19 suivant, à l'examen du jugement rendu par le TAPEM le 17 précédent.

Les autres postes ne sont donc pas litigieux : il n'y sera pas revenu.

4.             4.1. L'art. 135 al. 1 CPP prévoit que le défenseur d'office est indemnisé conformément au tarif des avocats de la Confédération ou du canton du for du procès. À Genève, ce tarif est édicté à l'art. 16 RAJ et s'élève à CHF 200.- de l’heure pour un chef d'étude (al. 1 let. c).

Seules les activités nécessaires sont retenues; elles sont appréciées en fonction, notamment, de la nature, l'importance et les difficultés de la cause, de la qualité du travail fourni et du résultat obtenu (art. 16 al. 2 RAJ).

Les autorités cantonales jouissent d'une importante marge d'appréciation lorsqu'elles fixent, dans la procédure, la rémunération du défenseur d'office (ATF 141 I 124 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 6B_856/2014 du 10 juillet 2015 consid. 2.3).

4.2. Le temps consacré à la procédure ne doit être pris en considération que s’il apparaît raisonnablement nécessaire à l'accomplissement du mandat par un avocat expérimenté. On exige du défenseur d'office qu'il soit expéditif et efficace dans son travail et qu'il concentre son attention sur les points essentiels. Des démarches superflues ou excessives n'ont pas à être défrayées (décision de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2022.7 du 9 mai 2022 consid. 4.1.1).

Le temps dédié à l'étude du dossier doit être indemnisé en fonction de la durée effectivement consacrée, pour autant que l'activité soit nécessaire. D'autant plus de retenue s'imposera que la constitution de l'avocat est ancienne, de sorte qu'il est censé maîtriser la cause et/ou que le dossier n'a pas connu de développements particuliers (ACPR/896/2021 du 20 décembre 2021 consid. 2.2).

4.3.1. Les frais de courriers et de téléphones, c'est-à-dire les frais et le temps consacré à ces activités, sont pris en compte sur la base d'un forfait correspondant à 20% des heures d'activité dont l'autorité admet la nécessité, ou de 10% au-delà de trente heures de travail (ACPR/945/2023 du 6 décembre 2023 consid. 3.5; ACPR/643/2023 du 16 août 2023 consid. 3.1.2; ACPR/896/2021 du 20 décembre 2021 consid. 4.1).

Il n'en demeure pas moins que ce forfait doit pouvoir être adapté en fonction de la nature et de l'importance de l'activité réellement déployée par l'avocat, conformément à l'usage en matière d'assistance juridique (arrêt du Tribunal fédéral 6B_165/2014 du 19 août 2014 consid. 3.5).

Lorsque le défenseur d'office entend remettre en question le forfait alloué pour la correspondance et les téléphones, il doit établir que la procédure a généré une correspondance et un nombre de téléphones particulièrement importants susceptibles d'excéder les heures de travail correspondantes au tarif horaire de CHF 200.-. En règle générale, il suffit que la somme allouée couvre les frais concrètement encourus, ainsi que le temps consacré à cette activité. L'autorité peut ainsi s'éloigner, sans arbitraire, du taux de 20% pour l'indemnisation forfaitaire, dans la mesure où les frais et l'activité sont couverts par un montant inférieur, l'aspect déterminant étant leur couverture (arrêt du Tribunal fédéral 6B_838/2015 du 25 juillet 2016 consid. 3.5.1 et 3.5.2).

4.3.2. La majoration forfaitaire couvre les démarches diverses, tels la rédaction de courriers ou notes, les entretiens téléphoniques et la lecture de communications, pièces et décisions, sous réserve d'exceptions possibles, pour des documents particulièrement volumineux ou nécessitant un examen poussé, charge à l'avocat d'en justifier. Aussi, la réception et lecture de pièces, procès-verbaux, ordonnances et jugements, plus particulièrement lorsqu'ils ne tiennent que sur quelques pages, quand ils donnent gain de cause à la partie assistée, ou encore n'appellent pas de réaction notamment parce qu'ils ne font que fixer la suite de la procédure ou ne sont pas susceptibles de recours sur le plan cantonal, est couverte par le forfait (ACPR/560/2017 du 21 août 2017 consid. 2.3).

4.4. En l'occurrence, la recourante a facturé trois heures pour l'étude du dossier, alléguant qu'il avait été nécessaire de le relire intégralement.

Or, on peut attendre d'une avocate expérimentée qu'elle repère rapidement les éléments clés du dossier, ce d'autant plus que l'intéressée avait défendu les intérêts de C______ dans le cadre de la P/1______/2018 et des précédents examens de la mesure effectués par le TAPEM en 2021 et 2022. Elle connaissait donc déjà le parcours de son client, sa personnalité et ses antécédents.

Aussi, au vu de l'absence de complexité particulière du dossier, de son volume limité (une fourre jaune, comportant une centaine de pages, dont une vingtaine de nouvelles depuis la précédente procédure devant le TAPEM) et du fait que la recourante en avait une bonne connaissance, une durée de trois heures pour son analyse apparaît objectivement excessive. Dans ces circonstances, les 45 minutes retenues par le premier juge apparaissent adéquates. La décision entreprise n'est donc pas critiquable sur ce point.

La recourante allègue ensuite avoir consacré 2h30 à la rédaction d'observations au TAPEM. Comme mentionné supra, il convient d'apprécier l'activité fournie par le défenseur d'office sous l'angle de la nécessité. Or, la recourante n'explique pas en quoi une telle durée était nécessaire pour accomplir cette démarche. Il sied de préciser qu'elle s'est prononcée sous la forme d'un courrier de moins de deux pages et qu'elle a finalement conclu au maintien de la mesure institutionnelle, tel que préconisé par le SAPEM et le Ministère public.

Ainsi, au vu du travail accompli, une durée de 1 heure et 30 minutes apparaît amplement suffisante. La réduction opérée par l'instance précédente est donc exempte de critique.

Enfin, à la lumière des principes sus-rappelés, c'est à juste titre que le TAPEM a retranché de l'état de frais de la recourante le poste relatif à la lecture du jugement du 17 juillet 2023, cette activité étant incluse dans le forfait de 10% prévu pour les courriers et les téléphones. À cet égard, l'intéressée n'établit nullement que la lecture de cette décision – qui comporte huit pages, dont seulement deux en droit – aurait justifié un examen particulièrement poussé, étant précisé qu'elle va dans le sens des conclusions prises par son client.

La recourante n'allègue pas non plus – ni a fortiori ne démontre – que le montant alloué pour la rédaction de courriers ou pour les téléphones effectués serait insuffisant au regard des frais qu'elle a concrètement encourus et du temps qu'elle y a consacré. L'activité de la recourante liée à lecture du jugement a ainsi été couverte par le forfait de 10% accordé par le TAPEM.

En conséquence, l'ordonnance querellée, qui ne prête pas le flanc à la critique, sera donc confirmée.

5.             Infondé, le recours doit être rejeté.

6.             La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 400.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne Me A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 400.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante et au Tribunal d'application des peines et des mesures.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Alix FRANCOTTE CONUS et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

PM/598/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

315.00

Total

CHF

400.00