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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/16180/2018

ACPR/145/2024 du 27.02.2024 sur OTDP/2858/2023 ( TDP ) , REJETE

Recours TF déposé le 23.04.2024, 7B_441/2024
Descripteurs : JUGEMENT PAR DÉFAUT;ABSENCE;ACCIDENT;EXCUSABILITÉ
Normes : CPP.366; CPP.686; CPP.85.al2; CPP.87.al2; CPP.87.al4; CPP.114

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/16180/2018 ACPR/145/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 27 février 2024

 

Entre

A______, domiciliée ______, République démocratique du Congo, comparant par Me Vincent SOLARI, avocat, Poncet Turrettini, rue de Hesse 8, case postale,
1211 Genève 4,

recourante,

 

contre l'ordonnance rendue le 20 décembre 2023 par le Tribunal de police,

et

LE TRIBUNAL DE POLICE, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. Par acte déposé le 8 janvier 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 20 décembre 2023, notifiée le 27 suivant, par laquelle le Tribunal de police a rejeté sa demande de nouveau jugement et dit que le jugement rendu par défaut le 18 juillet 2023 restait valable.

La recourante conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de l'ordonnance querellée, à ce qu'il soit constaté que le jugement par défaut du 18 juillet 2023 ne lui avait pas été notifié valablement et à ce que la cause soit renvoyée au Tribunal de police pour ce faire; subsidiairement, à ce qu'il soit procédé à l'audition du Dr B______, à ce que sa demande de nouveau jugement soit admise et à ce qu'il soit ordonné au Tribunal de police de convoquer une nouvelle audience la concernant.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Par acte d'accusation du 7 février 2023, A______, née le ______ 1953, a été renvoyée avec son mari, C______, par devant le Tribunal de police pour y être jugés principalement du chef d'usure et d'autres infractions connexes.

b. Le 15 mars 2023, le Tribunal de police a envoyé aux parties les mandats de comparution en vue de l'audience de jugement fixée les 11 et 12 mai 2023.

c. Le 10 mai 2023, le conseil de C______ a sollicité un report d'audience, indiquant que son mandant avait dû être hospitalisé en République du Congo en raison de douleurs lombosciatiques gauches très intenses et invalidantes. Celui-ci n'avait pas pu effectuer le déplacement pour l'audience du lendemain et son épouse était restée auprès de lui. À ce courrier était joint un certificat médical établi le 9 mai 2023 préconisant un repos médical avec arrêt de travail de sept jours.

d. Dans sa réponse du même jour, la Direction de la procédure a indiqué aux conseils des prévenus que les débats étaient maintenus.

e. Par courriel du même jour, le conseil des prévenus a annoncé qu'il ne serait pas présent à l'audience vu l'indisponibilité de ses mandants.

f. A______, C______ et leur conseil n'ont pas comparu à l'audience du 11 mai 2023. Une nouvelle audience a été appointée les 27 et 28 juin suivant, le procès-verbal faisant référence à l'art. 366 al. 1 CPP (procédure par défaut).

g. Par pli du 11 mai 2023, la Direction de la procédure a transmis au conseil des prévenus une copie du procès-verbal de l'audience et l'a informé de la tenue de nouveaux débats les 27 et 28 juin 2023. Le même jour, de nouveaux mandats de comparution ont été délivrés en vue de ces dates, lesdits mandats notifiés aux prévenus – à leur domicile élu chez leur conseil – faisant expressément mention de la procédure par défaut.

h. Par courrier du 26 juin 2023, le conseil de A______ a informé le Tribunal de police que sa mandante s'était fracturée le pied à D______ [France], ce qui avait nécessité une opération en urgence, en milieu hospitalier, laquelle entraînait une incapacité de se déplacer à Genève pour l'audience de jugement, et a sollicité un renvoi de l'audience. Il joignait un certificat médical du Dr B______, chirurgien orthopédique à D______ et ancien chef de clinique et assistant des Hôpitaux de D______, du 23 juin 2023, mentionnant que ladite prise en charge "contre-indiqu[ait] tous déplacements pour une durée de sept jours, sauf complication ultérieure".

i. Le Tribunal de police a, par pli du même jour, répondu à l'avocat que les débats étaient maintenus. La présence de ses mandants ainsi que la sienne était requise. Les conséquences procédurales de leur absence éventuelle seraient examinées, cas échéant, aux débats.

j. A______ n'a pas comparu à l'audience des 27 et 28 juin 2023. Son conseil et C______ étaient en revanche présents.

k. Après délibération, le Tribunal de police a engagé la procédure par défaut s'agissant de A______ et les débats ont été conduits en son absence.

l. Par jugement rendu par défaut contre A______ le 18 juillet 2023, notifié le lendemain, à son domicile élu chez son conseil, le Tribunal de police l'a notamment déclarée coupable d'usure et de diverses autres infractions, et l'a condamnée principalement à une peine privative de liberté de quinze mois avec sursis.

m. Par courrier du 31 juillet 2023, le conseil de A______ a formé opposition audit jugement par défaut et sollicité un nouveau jugement. Il annonçait également former appel. Se référant au constat médical du Dr B______ du 23 juin 2023, il rappelait que sa mandante avait été opérée en urgence le jour en question sous anesthésie générale et durant près d'une heure trente à la suite d'un accident dont elle avait été victime à D______, ce qui confirmait la gravité de la fracture; celle-ci s'était vu interdire tout déplacement à la suite de cette opération, si bien qu'elle n'avait pas été en mesure de venir à Genève pour l'audience de jugement et avait dû demeurer allongée. Elle n'était pas à même de participer à une longue audience en raison des traitements antidouleurs administrés, du choc opératoire résultant de la longue opération subie et de l'anesthésie générale administrée.

Il a également produit un compte rendu opératoire établi le 23 juin 2023 par le Dr B______. Une réduction et ostéosynthèse par vis novastep (et pose de deux broches) avait été pratiquée ce jour-là, sous anesthésie générale, à la Clinique E______ à D______, entre 17h59 et 19h24, pour traiter une fracture déplacée de l'os naviculaire du pied gauche. Les soins post-opératoires consistaient en une botte plâtrée sans appui avec béquillage, une prévention thrombo-embolique et un contrôle des plaquettes pendant six semaines. Une visite de contrôle était ensuite à prévoir le 17 juillet 2023, sur rendez-vous préalable.

n. Les autres parties ont conclu au rejet de la demande de nouveau jugement, en constatant essentiellement que l'état de santé de A______, tel qu'il ressortait des éléments figurant au dossier, ne l'empêchait médicalement pas de voyager pour se présenter à l'audience de jugement.

o. Dans ses observations complémentaires du 13 octobre 2023, le conseil de A______ a indiqué que sa mandante n'aurait pas été en mesure d'effectuer le déplacement de D______ à Genève dans les jours qui ont suivi son opération comme attesté par le certificat médical du 23 juin 2023, vu la gravité de l'opération subie. Sa mandante était fortement diminuée et ne se trouvait pas en état de participer à une longue audience, avait été mise sous morphine pendant deux jours, puis sous de puissants antidouleurs et anti-inflammatoires. Son état de santé avait nécessité un repos absolu et un alitement de plus de sept jours et entraîné une incapacité de travail d'une durée correspondante.

p. Par courrier complémentaire du 20 octobre 2023, le conseil de A______ a produit les trois ordonnances médicales délivrées à sa mandante, soit une injection sous-cutanée quotidienne d'un anticoagulant à effectuer par une infirmière à domicile (LOVENOX 40, pendant six semaines), un dosage régulier des plaquettes et des antalgiques et anti-inflammatoires (TRAMADOL 100 LP, à raison d'un comprimé matin et soir pendant 7 jours; BIPROFENID 100 LP, à raison d'un comprimé matin et soir pendant 7 jours; ESOMEPRAZOLE 40, à raison d'un comprimé le matin pendant 14 jours et DAFALGAN CODEINE en cas de douleurs malgré les prescriptions précédentes), ajoutant qu'il était notoire que ces médications entraînaient une importante fatigue et une somnolence. Il a sollicité l'audition du Dr B______ pour le surplus.

C. Dans son ordonnance querellée, le Tribunal de police relève que la prévenue a été valablement convoquée à l'audience de jugement, les mandats de comparution ayant été notifiés à l'Étude de son conseil, auprès duquel elle avait élu domicile lors de son audition par le Ministère public le 2 juillet 2021.

En ce qui concernait la condition de la renonciation à comparaître, respectivement de la soustraction à la justice, la prévenue ne s'était pas présentée aux premiers débats le 11 mai 2023, ayant choisi de rester à l'étranger avec son époux, sans qu'aucun motif ou qu'aucune circonstance médicale ne l'exige.

S'agissant de l'absence à la seconde audience du 27 juin 2023, la prévenue avait produit un certificat médical du Dr B______, de sorte que l'audition de ce praticien n'apporterait pas d'élément supplémentaire. À teneur de ce document, seuls les déplacements étaient contre-indiqués mais en tout état pas interdits ou impossibles pour la prévenue, un béquillage étant notamment préconisé à cet effet. Un transport en train ou par un autre moyen, au besoin avec un soutien médicalisé, aurait pu être organisé durant le week-end, entre D______ et Genève, soit un trajet de quatre heures environ. Certes, l'état de santé de la prévenue rendait ses propres déplacements mécaniquement plus difficiles mais pas impossibles. Aucune demande d'aménagement d'audience n'avait été formulée pour permettre à la prévenue d'être entendue dans le cadre des deux jours d'audience prévus. Or, elle aurait pu se rendre à l'audience au moyen du béquillage médicalement préconisé, voire moyennant une chaise adaptée ou certaines modalités, comme des horaires aménagés, par exemple. Par ailleurs, sa capacité à participer à une audience au sens de l'art. 114 al. 1 CPP n'était pas diminuée, la prise d'antidouleurs et d'anti-inflammatoires n'étant pas de nature à empêcher la participation à une audience, en particulier assistée d'un avocat pour faire valoir ses moyens de défense. Ainsi, c'était de manière non équivoque que la prévenue avait renoncé à comparaître lors des audiences convoquées devant le Tribunal de police, de sorte qu'elle n'était pas fondée à solliciter un nouveau jugement.

D. a. À l'appui de son recours, A______ considère que le jugement par défaut du 18 juillet 2023 ne lui avait pas été valablement notifié, l'art. 368 al. 1 CPP exigeant qu'il le lui soit personnellement et non au domicile élu de l'avocat. L'ordonnance querellée avait de surcroît été notifiée pendant les fêtes de fin d'année alors qu'il n'y avait aucune urgence. Elle reproche ensuite au premier juge une lecture tendancieuse des deux certificats médicaux produits en considérant qu'un déplacement était possible. La botte et les béquilles ne permettaient en effet pas un déplacement de plus de quatre heures. Il aurait dû à cet égard procéder à l'audition du Dr B______. Son interprétation de sa capacité à comparaître était insoutenable. Elle rappelait être âgée de 70 ans. La lourde opération subie le 23 juin 2023, d'une durée d'une heure trente et sous anesthésie complète, avait entraîné une diminution de ses capacités cognitives durant les jours suivant, renforcée par la prise "massive" d'antidouleurs et d'anti-inflammatoires.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.


 

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. b cum 80 al. 1, 2e phr. CPP ; ACPR/809/2022 du 17 novembre 2022; Y. JEANNERET / A. KUHN / C.  PERRIER DEPEURSINGE [éds], Commentaire romand, Code de procédure pénale, 2e éd., Bâle 2019, n. 45 ad art. 393) et émaner de la prévenue qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La recourante fait grief au Tribunal de police de ne pas lui avoir notifié valablement le jugement par défaut ainsi que d'avoir refusé sa requête de nouveau jugement.

2.1.       L'art. 366 CPP règle les conditions auxquelles la procédure par défaut peut être engagée. L'art. 366 al. 1 CPP prévoit que si le prévenu, dûment cité, ne comparaît pas aux débats de première instance, le tribunal fixe de nouveaux débats et cite à nouveau le prévenu ou le fait amener; il recueille les preuves dont l'administration ne souffre aucun délai. Si le prévenu ne se présente pas aux nouveaux débats ou ne peut y être amené, ils peuvent être conduits en son absence; le tribunal peut aussi suspendre la procédure (art. 366 al. 2 CPP). La procédure par défaut ne peut être engagée que si le prévenu a eu suffisamment l'occasion de s'exprimer auparavant sur les faits qui lui sont reprochés et si les preuves réunies permettent de rendre un jugement en son absence (art. 366 al. 4 CPP).

2.2. Selon l'art. 368 CPP, si le jugement rendu par défaut peut être notifié personnellement au condamné, celui-ci doit être informé sur son droit de demander un nouveau jugement au tribunal dans les dix jours, par écrit ou oralement (al. 1). Dans sa demande, le condamné expose brièvement les raisons qui l'ont empêché de participer aux débats (al. 2). Le tribunal rejette la demande lorsque le condamné, dûment cité, fait défaut aux débats sans excuse valable (al. 3).

L'art. 368 al. 1 CPP n'a d'autre portée que de permettre de déterminer le point de départ du délai de dix jours pour demander un nouveau jugement (arrêt du Tribunal fédéral 6B_346/2011 du 1er juillet 2011 consid. 3 et références citées).

Le destinataire d'une décision n'a certes pas à pâtir d'une erreur dans la notification. La jurisprudence n'attache toutefois pas nécessairement la nullité à l'existence de vices dans la notification. Sous réserve des hypothèses dans lesquelles il existe des motifs sérieux de penser que la citation à comparaître n'a pas atteint l'intéressé (arrêt du Tribunal fédéral 6B_294/2009 du 3 juillet 2009 consid. 2.1), la personne condamnée par défaut ne saurait ainsi exiger la reprise de sa cause pour le seul motif que la citation à comparaître ou le jugement de condamnation lui ont été notifiés par l'entremise de son défenseur (cf. ATF 132 I 249 consid. 7 p. 254 s.; arrêt du Tribunal fédéral 6B_801/2013 du 17 décembre 2013 consid. 2.1).

2.3. La procédure par défaut présuppose l'absence du prévenu, malgré la notification valable d'un mandat de comparution. L'art. 366 al. 1 et 2 CPP n'attache aucune importance à la raison de l'absence à ce stade de la procédure; ce n'est que lors de la demande d'un nouveau jugement en application de l'art. 368 CPP que le tribunal devra examiner si l'absence était excusable (arrêt du Tribunal fédéral 6B_44/2020 du 16 septembre 2020 consid. 1.1.1).

2.4. Une fois le jugement par défaut notifié, le condamné a la possibilité soit de demander un nouveau jugement, aux conditions de l'art. 368 CPP, soit de faire appel, soit de faire les deux (art. 371 al. 1 CPP). L'appel permet notamment de contester l'application de l'art. 366 CPP, tandis que la demande de nouveau jugement porte sur la réalisation des conditions de l'art. 368 CPP (arrêt du Tribunal fédéral 6B_562/2019 du 27 novembre 2019 consid. 1.1.2).

Afin d'éviter des jugements contradictoires, l'art. 371 al. 2 CPP prévoit que l'appel n'est recevable que si la demande de nouveau jugement a été rejetée. Ainsi, si la demande de nouveau jugement est admise, l'appel sera déclaré irrecevable (arrêt du Tribunal fédéral 6B_203/2016 du 14 décembre 2016 consid. 1.1 et 1.2).

2.5.1. En l'espèce, la recourante a déposé un recours devant la Chambre de céans contre la décision du Tribunal de police qui refuse sa demande de nouveau jugement, mais également un appel contre le jugement au fond rendu par défaut par cette même juridiction. L'objet de la présente procédure de recours est donc limité à l'examen du caractère excusable ou non du défaut de la recourante à l'audience de jugement du 27 juin 2023. Le point de savoir si le Tribunal de police pouvait valablement engager la procédure par défaut fera, le cas échant, l'objet de la procédure d'appel; il ne sera pas traité ici.

2.5.2. Le pli recommandé contenant le jugement par défaut ayant été adressé à la recourante, à son domicile élu chez son conseil, soit conformément aux réquisits des art. 85 al. 2 et 87 al. 2 et 4 CPP, sa notification est valable (cf. aussi L. MOREILLON / A. PAREIN-REYMOND, Petit commentaire du CPP, 2e éd., Bâle 2016, n. 4 ad art. 368).

Sa conclusion tendant à l'annulation de l'ordonnance querellée pour ce motif est ainsi infondée.

Quoi qu'il en soit, il a déjà été jugé qu'une absence de notification personnelle au prévenu ne rendait pas nulle la notification du jugement, lorsque celle-ci a été valablement faite par pli recommandé à l'adresse de son conseil (art. 85 al. 1 et 87 al. 3 CPP; cf. ACPR/191/2015 du 27 mars 2015 consid. 2.2. à 2.5).

2.5.3. À suivre la recourante, une annulation de l'ordonnance querellée se justifierait également au motif qu'elle a été notifiée pendant les fêtes de fin d'année et qu'il n'y avait pas d'urgence. La procédure pénale ne connaissant pas de féries judiciaires (art. 89 al. 2 CPP), l'argument tombe à faux.

2.6. En dépit de sa formulation française pouvant prêter à confusion, l'art. 368 al. 3 CPP vise bien le défaut du condamné à l'audience de jugement lors de laquelle la procédure par défaut a été engagée (arrêt du Tribunal fédéral 6B_141/2013 du 18 avril 2013 consid, 1 ; Y. JEANNERET / A. KUHN / C.  PERRIER DEPEURSINGE [éds], op. cit., n. 12 ad art. 368). Malgré les termes "sans excuse valable", c'est une absence fautive du condamné qui permet au tribunal de rejeter la demande de nouveau jugement. Le refus implique que le condamné se soit soustrait aux débats de façon manifestement fautive. Il doit être fait droit à la demande de nouveau jugement lorsqu'il n'est pas établi de manière indubitable que c'est volontairement que le prévenu ne s'est pas présenté aux débats (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1165/2020 du 10 juin 2021 consid. 4.1). Selon le Message du Conseil fédéral, la réglementation devrait se rapprocher du régime des cantons les plus libéraux qui accordaient au prévenu le droit à un nouveau jugement sans poser aucune condition préalable, tout en permettant d'exclure les abus flagrants (Message du 21 décembre 2005 relatif à l'unification du droit de la procédure pénale, FF 2006 p. 1286 ch. 2.8.5.2 ; cf. aussi N. SCHMID/D. JOSITSCH, Schweizerische Strafprozessordnung, Praxiskommentar, 3e éd., Zurich 2018, n. 6 ad art. 368).

L'absence n'est pas fautive lorsqu'il y a impossibilité objective (cas de force majeure) ou subjective (maladie, accident, etc.) (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1165/2020 précité consid. 4.1 ; A. DONATSCH / V. LIEBER / S. SUMMERS / W. WOHLERS [éds], Kommentar zur Schweizerischen Strafprozessordnung, 3e éd., Zurich 2020, n. 9 ad art. 368 ; cf. aussi ATF 126 I 36 consid. 1b). En revanche, fait défaut sans excuse valable le prévenu qui, ayant reçu la citation à comparaître, ne se présente pas, alors qu'il lui aurait été possible (en cas d'empêchement non fautif) de demander un report des débats ou, à tout le moins, de présenter un justificatif en temps utile. En effet, le prévenu est tenu de donner suite au mandat de comparution ; en cas d'empêchement, il doit en informer l'autorité "sans délai" (art. 205 al. 1 et 2 CPP ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_453/2020 du 23 septembre 2020 consid. 2.3.1).

Ont été jugées fautives, au vu des circonstances, l'absence d'un prévenu dont les certificats médicaux n'attestaient d'aucune incapacité à se déplacer d'Irlande en Suisse pour comparaître au procès, alors qu'il avait voyagé ailleurs en Europe avant et après la date de celui-ci sans que sa santé n'eût connu d'amélioration (arrêt du Tribunal fédéral 6B_205/2016 du 14 décembre 2016 consid. 2.4) ou encore celle d'un prévenu au bénéfice d'une attestation médicale lui déconseillant de voyager (arrêt du Tribunal fédéral 6B_946/2017 du 8 mars 2018 consid. 2.4). Une excuse valable à l'absence du prévenu a par contre été retenue en présence de plusieurs certificats médicaux attestant qu'il n'était pas capable de voyager et qu'un grand risque de détérioration de son état de santé existait (arrêt du Tribunal fédéral 6B_268/2011 du 19 juillet 2011 consid. 1.4.4).

2.7. D'après la Cour européenne des droits de l'homme, le fait qu'une personne condamnée par défaut se voie refuser la possibilité d'être jugée en contradictoire est compatible avec l'art. 6 CEDH pour autant que les trois conditions cumulatives suivantes soient remplies : premièrement, il est établi que cette personne avait reçu sa citation à comparaître; deuxièmement, elle n'a pas été privée de son droit à l'assistance d'un avocat dans la procédure par défaut; et, troisièmement, il est démontré qu'elle avait renoncé de manière non équivoque à comparaître ou qu'elle avait cherché à se soustraire à la justice. À propos de cette dernière condition, la Cour européenne a précisé qu'il ne devait pas incomber à l'accusé de prouver qu'il n'entendait pas se dérober à la justice ou que son absence s'expliquait par un cas de force majeure, mais qu'il était loisible aux autorités nationales d'évaluer si les excuses fournies par l'accusé pour justifier son absence étaient valables ou si les éléments versés au dossier permettaient de conclure que l'absence de l'accusé aux débats était indépendante de sa volonté (arrêts CourEDH Sejdovic c. Italie du 1er mars 2006, Recueil CourEDH 2006-II p. 201 § 88 ainsi que 105 et ss a contrario; Medenica c. Suisse du 14 juin 2001, Recueil CourEDH 2001-VI p. 81 § 55 ss; arrêt du Tribunal fédéral 6B_946/2017 précité).

2.8. Le prévenu est capable de prendre part aux débats s'il est physiquement et mentalement apte à les suivre (art. 114 al. 1 CPP). Il suffit qu'il soit en état physique et psychique de participer aux audiences et aux actes de la procédure, en faisant usage de tous les moyens de défense pertinents et en étant apte à répondre normalement aux questions qui lui sont posées. Les exigences pour admettre une telle capacité ne sont pas très élevées, dans la mesure où le prévenu peut faire valoir ses moyens de défense par un avocat. Elles peuvent aussi être remplies si l'accusé n'a pas la capacité de discernement ni l'exercice des droits civils. En principe, seul le jeune âge, une altération physique ou psychique sévère ou encore une grave maladie sont de nature à influencer cette capacité. Dite capacité s'examine au moment de l'acte de procédure considéré (arrêt du Tribunal fédéral 6B_289/2020 du 1er décembre 2020 consid. 4.2.1).

2.9. En l'espèce, il n'est pas contesté que la recourante a été "dûment citée", au sens de l'art. 368 al. 3 CPP, à l'audience du 27 juin 2023.

Reste à examiner si le Tribunal de police pouvait valablement considérer que le défaut de la recourante aux (nouveaux) débats était intervenu "sans excuse valable", soit de manière fautive, et pouvait ainsi rejeter sa demande de nouveau jugement.

2.9.1. Il est certes établi, par des documents médicaux produits, que la recourante a dû subir une opération ambulatoire urgente pour une fracture du pied gauche, le 23 juin 2023 dans une clinique [à] D______ [France]. L'opération a nécessité une anesthésie générale et a duré environ une heure trente. Elle a consisté en la pose de broches. Les soins post-opératoires ont résidé dans une botte plâtrée sans appui avec béquillage, assortie d'une prévention thrombo-embolique et d'une prescription d'anti-inflammatoires et d'antidouleurs. La première visite de contrôle était prévue le 17 juillet 2023.

Bien qu'on ignore les circonstances et la date de la fracture – le certificat médical du Dr B______ du 23 juin 2023 ne le mentionnant pas – il sera admis, à l'instar du premier juge, que la situation médicale de l'intéressée est suffisamment décrite et établie par les pièces produites, de sorte que l'audition de ce praticien n'est pas nécessaire.

La recourante reproche tout d'abord au Tribunal de police d'avoir considéré qu'un déplacement à Genève pour comparaître à l'audience du 27 juin 2023 était possible.

À la lecture du certificat médical, tous déplacements pour une durée de sept jours étaient contre-indiqués, par quoi il faut entendre, déconseillés, selon la définition donnée par le Larousse ("se présenter comme peu favorable étant donné les circonstances; être déconseillé", cf. https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/ contre-indiquer/18804, consulté le 13 février 2024 à 11h26).

Partant, comme l'a relevé l'autorité intimée, ce document ne fait pas état d'une impossibilité de voyager en Suisse depuis D______ pour assister à une audience de jugement et n'évoque aucune éventuelle conséquence d'un tel périple pour la santé de l'intéressée. Si le praticien entendait spécifiquement interdire le déplacement de la recourante en Suisse pour assister à des débats judiciaires, on pouvait attendre de sa part qu'il s'exprime de manière plus catégorique (cf. arrêts du Tribunal fédéral 6B_946/2017 du 8 mars 2018 consid. 2.4 et 6B_205/2016 du 14 décembre 2016 consid. 1.2.2).

Contrairement aux allégués de la recourante, ledit certificat médical, tout comme le compte rendu opératoire du reste, n'indiquent pas que celle-ci devait rester alitée durant les sept jours suivant l'opération.

Bien que plâtrée et béquillée, la recourante, quoiqu'âgée de 69 ans au moment de l'opération, demeurait néanmoins mobile après l'intervention, qui n'a connu, selon le compte rendu opératoire, aucune complication, preuve en est le rendez-vous de contrôle à fixer un mois plus tard.

Les soins post-opératoires mentionnés, consistant exclusivement en une prévention antithrombotique accompagnée d'une médication anti-inflammatoire et antidouleur n'apparaissent par ailleurs pas de nature à empêcher tout déplacement.

Qu'une injection sous-cutanée quotidienne d'un anticoagulant à domicile par une infirmière ait été prescrite pour une durée de six semaines ne saurait davantage constituer un obstacle, telle modalité pouvant parfaitement être pratiquée à Genève aussi.

Il y a dès lors lieu d'admettre que la recourante n'était pas dans l'impossibilité de se déplacer de D______ à Genève – soit un trajet en train de moins de quatre heures – pour déférer à la convocation, moyennant le cas échéant des aménagements (chaise roulante, assistance durant le transport, voire transport médicalisé par la route, etc.) que l'on pouvait attendre d'elle qu'elle organisât – le délai de trois jours entre l'opération et la date de l'audience, dont la date était connue de longue date, étant suffisant –.

2.9.2. La recourante reproche ensuite au Tribunal de police d'avoir considéré qu'elle était en état de comparaître, malgré sa médication.

Or, aucun des documents médicaux produits ne font état d'une altération – de surcroît sévère – de ses capacités intellectuelles et physiques post-opératoires, l'empêchant de participer à une audience quatre jours après l'intervention.

Rien ne permet ainsi d'affirmer que l'anesthésie générale d'une heure trente subie aurait eu des conséquences sur ses capacités cognitives, compte tenu de son âge, ni qu'elle aurait souffert d'un choc opératoire, comme elle le prétend, étant relevé qu'elle aurait été assistée de son conseil.

La posologie mentionnée dans les ordonnances produites n'évoque par ailleurs aucune prescription "massive", contrairement à ce que voudrait faire accroire la recourante.

Cette dernière était assisté d'un conseil et pouvait au demeurant demander des aménagements en terme d'horaires.

2.9.3. Ainsi, il résulte de ce qui précède que l'absence de la recourante à l'audience de jugement résultait d'une imprévoyance devant lui être imputée à faute, de sorte que c'est à bon droit que le Tribunal de police a rejeté sa demande de nouveau jugement.

3.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

4.             La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, arrêtés à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, fixés en totalité à CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante, soit pour elle son conseil, au Tribunal de police et au Ministère public.

Le communique, pour information, à la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/16180/2018

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

815.00

Total

CHF

900.00