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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/10945/2023

ACPR/119/2024 du 16.02.2024 sur ONMMP/4229/2023 ( MP ) , REJETE

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/10945/2023 ACPR/119/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 16 février 2024

 

Entre


A
______, domicilié ______, représenté par Me Alexandre BÖHLER, avocat,
Kaiser Böhler, rue des Battoirs 7, case postale 284, 1211 Genève 4,

recourant,

 

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 26 octobre 2023 par le Ministère public,

 

et

 

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 9 novembre 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 26 octobre 2023, notifiée le 30 suivant, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur sa plainte pénale pour dommages à la propriété contre B______.

Le recourant conclut à l'annulation de cette décision et à ce qu'il soit ordonné au Ministère public d'ouvrir une instruction.

b. Le recourant a versé les sûretés en CHF 900.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 14 décembre 2022 a eu lieu, à Genève, une altercation entre deux automobilistes, A______ et B______. La dispute, devant les locaux de l'employeur du premier, a eu lieu en deux temps : premièrement, depuis l'arrivée des deux automobilistes jusqu'à ce que A______ se dirige vers son bureau ; deuxièmement, à partir du retour de A______, qui tenait une barre de fer, à la séparation des protagonistes.

Le lendemain des faits, tous deux ont déposé plainte pénale, l'un contre l'autre, pour diverses infractions. Les plaintes ont été enregistrées sous le numéro de procédure P/1______/2022.

b. Lors de son dépôt de plainte, A______ a déclaré, entre autres faits, que son collègue C______ lui avait rapporté avoir vu B______ porter un coup de pied dans le pare-chocs arrière de son véhicule [celui de A______], lorsque lui-même avait le dos tourné. Une bosse était visible à cet endroit. Au dossier figurent les photographies prises par la police, sur lesquelles on distingue un enfoncement. B______ a contesté avoir touché le véhicule de A______.

c. Également entendu par la police le 15 décembre 2022 en qualité de plaignant – pour un coup "perdu" reçu alors qu'il s'était interposé entre A______ et B______ –, C______ a déclaré que lorsque le premier s'était dirigé vers son bureau [soit dans la première partie de l'altercation], "l'autre individu a[vait] mis un coup de pied sur le bas du véhicule [du précité], je dirais sur l'arrière côté gauche".

d. Par ordonnance pénale du 24 décembre 2022, A______ a été déclaré coupable, notamment, de lésions corporelles simples (art. 123 ch. 1 et 2 al. 1 et 2 CP), dommages à la propriété (art. 144 al. 1 CP) [pour des dégâts que lui-même avait causé au véhicule de B______] et injure (art. 177 al. 1 CP).

Il y a formé opposition.

e. Par ordonnance du 16 mars 2023, le Ministère public a ouvert une instruction contre B______ exclusivement pour voies de fait (art. 126 CP) et injure (art. 177 CP).

f. Lors de l'audience devant le Ministère public, du 16 mars 2023, A______ a déclaré que son fils, présent lors de l'altercation, lui avait dit que B______ avait porté des coups de pied dans sa voiture.

Au procès-verbal de l'audience précitée est jointe une attestation – dactylographiée – du 27 février 2023, signée par D______, fils mineur de A______, dans laquelle l'adolescent expose avoir "vu l'homme donn[er] un coup de pied dans le coffre de notre voiture".

g. Entendu par le Ministère public, C______ a déclaré que lorsque A______ était parti en courant [vers son bureau], B______ avait "donné un coup de pied", sans qu'il puisse voir si ce dernier avait touché le pare-chocs du véhicule de A______.

h. Par avis de prochaine clôture, les parties ont été invitées à présenter leurs éventuelles réquisitions de preuve. A______ a requis l'audition de E______, assistante administrative auprès de son employeur, laquelle avait selon lui été témoin des faits.

i. Par ordonnance du 21 mai 2023, le Ministère public a maintenu l'ordonnance pénale et transmis la cause au Tribunal de police, où elle est toujours pendante.

j. Ce même 21 mai 2023, le Ministère public a, en outre, ordonné la disjonction – sous le présent numéro de procédure (P/10945/2023) – des faits reprochés à B______ et classé la procédure à l'égard de ce dernier, faute de prévention suffisante. La requête de A______ visant à faire auditionner E______ a été rejetée, le Ministère public relevant que les collègues du précité n'étaient intervenus qu'à la fin de l'altercation.

k. A______ a recouru contre ce classement et a produit, à l'appui de son acte, une facture pour la réparation de la carrosserie de son véhicule.

l. Dans son arrêt du 18 octobre 2023 (ACPR/813/2023), la Chambre de céans a rejeté le recours de A______ contre l'ordonnance de classement.

Il a en outre été retenu que si l'infraction de dommages à la propriété était certes mentionnée dans la plainte de A______, ce dernier n'en avait plus fait état par la suite et l'instruction n'avait pas été ouverte pour ces faits. Le précité n'avait d'ailleurs produit la facture de réparation qu'à l'appui de son recours. Il n'y avait donc pas de déni de justice. En revanche, dans la mesure où ces faits n'avaient pas été instruits, ils auraient dû, si le Ministère public estimait qu'aucune prévention pénale n'était réalisée, faire l'objet d'une ordonnance de non-entrée en matière. Le recours a donc été admis sur ce point et la cause retournée au Ministère public pour qu'il statue sur cet aspect de la plainte.

m. Le recours formé par A______ contre cet arrêt est actuellement pendant devant le Tribunal fédéral (7B_911/2023).

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public a exposé, dans la partie en fait (chiffre 7), que lors de l'audience de confrontation du 16 mars 2023, A______ avait déclaré "avoir vu B______ mettre des coups de pieds dans son véhicule". Dans la partie en droit, il a toutefois retenu que A______ n'avait "pas vu" B______ asséner un coup de pied à son véhicule.

Les déclarations des parties étaient contradictoires, et A______ avait varié dans ses déclarations, alors que celles de B______ étaient restées constantes tout au long de la procédure. Les déclarations du témoin C______ n'apportaient pas d'élément supplémentaire, ce dernier n'ayant pas vu si B______ avait touché le pare-chocs du véhicule de A______.

En l'absence de déclarations concordantes et de moyen de preuve objectif, permettant de privilégier l'une ou l'autre des versions, il n'était pas possible d'établir une prévention pénale suffisante contre B______.

D. a. Dans son recours, A______ invoque une constatation inexacte ou incomplète des faits. Premièrement, dans l'exposé des faits de l'ordonnance querellée (au chiffre 7), le Ministère public avait retenu que lui-même avait vu B______ porter des coups à son véhicule, alors que tel n'était pas le cas, puisque c'est son fils qui le lui avait rapporté. Deuxièmement, il était inexact que lui-même avait varié dans ses déclarations, celles-ci ayant été confirmées par C______. Troisièmement, le Ministère public avait retenu à tort que les déclarations du précité n'apportaient pas d'élément supplémentaire : C______ avait bel et bien déclaré, à la police, que B______ avait mis un coup de pied vers le bas de son véhicule. Ces propos étaient cohérents et permettaient d'établir que B______ avait bel et bien donné un coup en direction de sa voiture. Quatrièmement, le Ministère public n'avait pas tenu compte, dans son examen, de la facture de réparation, alors que, mise en relation avec les déclarations de C______ et les photographies prises par la police le jour de l'altercation, elles auraient dû le conduire à retenir l'existence d'un dommage à la propriété.

Le recourant reproche en outre à l'autorité précédente une violation de la maxime "in dubio pro duriore", car deux spectateurs de la scène attestaient que des coups avaient été portés à tout le moins en direction de sa voiture par B______. Les constatations de la police et les photographies prises par celle-ci sur les lieux, ainsi que le "devis" produit, corroboraient l'hypothèse des coups donnés dans sa voiture par le mis en cause, dont les dénégations ne suffisaient pas à emporter conviction. De plus, le Ministère public avait refusé d'entendre E______, alors qu'elle était présente lors de l'altercation et que son audition aurait ainsi permis, en tant que de besoin, de corroborer la version de son fils et de C______.

b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             Le recourant invoque une constatation erronée ou incomplète des faits.

3.1. Aux termes de l'art. 393 al. 2 let. b CPP, le recours peut être formé pour constatation incomplète ou erronée des faits.

Une constatation est erronée (ou inexacte) lorsqu'elle est contredite par une pièce probante du dossier ou lorsque le juge chargé du recours ne peut déterminer comment le droit a été appliqué (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 17 ad art. 393 ; ACPR/609/2015 du 11 novembre 2015 consid. 3.1.1).

3.2. En l'espèce, en exposant, au chiffre 7 de l'ordonnance querellée, que le recourant avait "vu B______ mettre des coups de pieds" dans son véhicule, le Ministère public a effectivement commis une erreur, qu'il a toutefois réparée dans la partie EN DROIT, dans laquelle il a retenu très justement que le recourant n'avait "pas vu" B______ agir de la sorte. La constatation litigieuse n'a donc aucune incidence sur la décision, de sorte que le grief est sans portée.

Au surplus, les autres griefs du recourant ne portent pas sur des constatations erronées ou incomplètes de faits, mais sur l'appréciation des éléments de preuve par l'autorité précédente, laquelle sera discutée ci-après. Le recours est donc infondé sur ce point.

Quoi qu'il en soit, la Chambre de céans jouit d'un plein pouvoir de cognition en droit et en fait (art. 393 al. 2 CPP) (ATF 137 I 195 consid. 2.3.2 p. 197; arrêt du Tribunal fédéral 1B_524/2012 du 15 novembre 2012 consid. 2.1.). Partant, les éventuelles constatations inexactes auront été corrigées dans l'état de fait établi ci-devant.

4.             Le recourant reproche à l'autorité précédente d'avoir retenu l'absence de prévention pénale suffisante contre le mis en cause.

4.1. À teneur de l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis.

4.2. Conformément à cette disposition, une procédure pénale peut être liquidée par ordonnance de non-entrée en matière lorsque la situation est claire sur le plan factuel et juridique. Tel est le cas lorsque les faits visés ne sont manifestement pas punissables, faute, de manière certaine, de réaliser les éléments constitutifs d'une infraction, ou encore lorsque les conditions à l'ouverture de l'action pénale font clairement défaut. Au stade de la non-entrée en matière, on ne peut admettre que les éléments constitutifs d'une infraction ne sont manifestement pas réalisés que lorsqu'il n'existe pas de soupçon suffisant conduisant à considérer un comportement punissable ou lorsqu'un éventuel soupçon initial s'est entièrement dissipé (arrêt du Tribunal fédéral 6B_488/2021 du 22 décembre 2021 consid. 5.3; arrêts 6B_212/2020 du 21 avril 2021 consid. 2.2; 6B_196/2020 du 14 octobre 2020 consid. 3.1).

4.3. À teneur de l'art. 144 al. 1 CP, quiconque, sans droit, endommage, détruit ou met hors d’usage une chose appartenant à autrui ou frappée d’un droit d’usage ou d’usufruit au bénéfice d’autrui, est, sur plainte, puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire.

4.4. En l'espèce, il est constant que le recourant n'a pas vu le mis en cause porter un coup de pied à l'arrière de son véhicule. À teneur de sa plainte, ce fait lui a été rapporté par son collègue C______, tandis que, devant le Ministère public, il a exposé, pour la première fois, que son fils le lui avait également dit, de sorte qu'on ne saurait reprocher au Ministère public d'avoir retenu que le recourant avait varié dans ses déclarations – ce que la Chambre de céans a, du reste, aussi retenu, dans son précédent arrêt, s'agissant du déroulement de l'altercation elle-même (cf. ACPR/813/2023 consid. 4.3.) –. Quoi qu'il en soit, si C______ a dit, à la police, avoir vu le mis en cause "[mettre] un coup de pied sur le bas du véhicule", il a précisé, devant le Ministère public, ne pas avoir vu si l'intéressé avait touché le pare-chocs du véhicule du recourant. En outre, la Chambre de céans a déjà retenu, dans son précédent arrêt, que le document – dactylographié – portant la signature du fils du recourant n'avait pas la valeur d'un témoignage et qu'il y avait lieu de prendre avec une grande retenue les propos d'un fils – qui plus est mineur – à l'égard de son père au vu du lien qui les unit.

Il s'ensuit que les éléments précités ne permettent pas de retenir que l'enfoncement dans la carrosserie du véhicule du recourant proviendrait d'un coup que lui aurait asséné le mis en cause. Contrairement à l'avis du recourant, on ne saurait désigner le mis en cause comme coupable au seul motif qu'il aurait eu un geste "en direction" de la voiture du recourant.

À cet égard, les photographies établies par la police et la facture de réparation permettent certes d'établir l'existence de l'enfoncement et le préjudice financier en résultant pour le recourant, mais ni le moment de la survenance du dégât, ni son auteur.

Or, l'instruction de la cause ne permettrait pas d'apporter de plus amples précisions, faute d'acte d'enquête probant. Le recourant requiert l'audition de E______, mais la Chambre de céans a déjà retenu, dans son précédent arrêt, que les collègues du recourant n'étaient intervenus – respectivement n'avaient assisté – qu'à la deuxième phase de l'altercation, soit lorsque le recourant était revenu de son bureau avec la barre de fer. Dans la mesure où le geste prêté au mis en cause, en direction de la voiture du recourant, aurait été effectué au moment où ce dernier se dirigeait vers son bureau, donc dans la première phase de l'altercation, ce témoignage ne serait d'aucune utilité. Le Ministère public y a donc renoncé à bon droit.

5.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

6.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixées en totalité à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 900.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant (soit pour lui son conseil) et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/10945/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

815.00

 

 

 

Total

CHF

900.00