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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/10685/2016

ACPR/112/2024 du 14.02.2024 sur OCL/1387/2023 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : PERSONNE MORALE;ORGANE(PERSONNE MORALE);VOL(DROIT PÉNAL);ABUS DE CONFIANCE;GESTION DÉLOYALE;DROIT D'ÊTRE ENTENDU
Normes : CPP.319; Cst.29; CP.139; CP.138; CP.143; CP.158

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/10685/2016 ACPR/112/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 14 février 2024

 

Entre

A______/1______ SA, sise ______ [GE], représentée par Me Joël CHEVALLAZ, avocat, Mangeat Avocats Sàrl, passage des Lions 6, case postale, 1211 Genève 3,

recourante,

contre l'ordonnance de classement partiel rendue le 11 octobre 2023 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 23 octobre 2023, A______/1______ SA (ci-après, A______ SA) recourt contre l'ordonnance du 11 octobre 2023, notifiée le lendemain, par laquelle le Ministère public a ordonné le classement de la procédure à l'égard de B______ s'agissant des faits dénoncés par A______ SA et susceptibles d'être qualifiés de diffamation, concurrence déloyale, vol et gestion déloyale (chiffre 1 du dispositif), la procédure suivant son cours pour le surplus (ch. 2), alloué une indemnité de CHF 10'000.- à B______ à titre de dépens (ch. 3), aucune indemnité n'étant allouée à A______ SA (ch. 4) et les frais étant laissés à la charge de l'État (ch. 5).

La recourante conclut à l'annulation des ch. 1 et 4 du dispositif de l'ordonnance querellée, cela fait, à ce que la Chambre de céans renvoie la cause au Ministère public afin qu'il condamne ou renvoie en jugement B______ pour lui avoir soustrait des données et du matériel informatique (faits qualifiés de vol), pour lui avoir fait supporter des frais d'avocat relatifs à sa défense personnelle et avoir procédé à des versements inexpliqués et injustifiés depuis l'un de ses comptes bancaires (faits qualifiés de gestion déloyale), sous suite de frais et dépens.

b. La recourante a versé les sûretés en CHF 2'000.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le conflit à l'origine de la présente procédure s'articule autour d'une lutte de pouvoirs au sein de A______ SA, société anonyme sise à Genève.

Cette personne morale avait été fondée par B______ et C______ en 2011 pour reprendre l'entreprise individuelle jusque-là exploitée par le premier nommé. Celui-ci était actionnaire majoritaire jusqu'en 2012, époque à laquelle le capital-actions avait fait l'objet de cessions successives pour finalement être réparti de la façon suivante en 2015 : B______ : 4'525 actions ; C______ : 4'525 actions ; "société D______" [le dossier ne permet pas de la désigner plus précisément] : 950 actions, soit au total 10'000 actions à CHF 10.- l'une.

À cette époque, B______ était inscrit comme seul administrateur, avec signature individuelle. C______ était directeur, lui aussi avec signature individuelle.

b. Par courrier du 20 novembre 2015, A______ SA, représentée par B______, a résilié le contrat de travail de C______ avec effet au 31 janvier 2016, l'employé étant libéré immédiatement de son obligation de travailler.

En parallèle, B______ a engagé E______.

c. Par courrier du 16 décembre 2015, C______ et "la société D______" ont sollicité de B______ la tenue d'une assemblée générale des actionnaires, ce afin, entre autres, de retirer ses pouvoirs d'administrateur à B______ pour le remplacer par C______.

Après que l'affaire a été portée devant les tribunaux civils, l'assemblée générale s'est tenue le 17 mai 2016 : le mandat d'administrateur de B______ lui a été retiré et C______ a été nommé à sa place.

La procédure pénale ouverte à l'initiative de A______ SA contre B______ porte sur cette période entre novembre 2015 et mai 2016, durant laquelle B______ aurait procédé à divers actes préjudiciables à la société.

Il s'agit notamment des faits suivants :

d.a. Le 29 janvier 2016, B______ a acheté, en son nom et avec ses propres deniers, quatre ordinateurs pour un prix total de CHF 5'574.-, montant que la société lui a remboursé le 1er février 2016 par virement bancaire.

B______, agissant pour A______ SA, a en outre acquis le 26 février 2016 un serveur informatique pour le prix de CHF 2'612.-, montant payé directement au vendeur par virement bancaire de A______ SA.

Ce matériel a été initialement utilisé, respectivement installé dans les locaux de A______ SA, sous la direction de B______, puis celui-ci l'a conservé et / ou déplacé dans ses propres locaux, à une date indéterminée.

Le 22 mai 2016, B______, alors qu'il n'était plus administrateur, s'est adressé à A______ SA pour lui demander de rembourser le solde de son compte courant dont il s'estimait créancier à hauteur de CHF 50'000.- pour le moins, plus un solde à déterminer. Il a produit en annexe un extrait du bilan de A______ SA au 31 décembre 2013 qui montrait un poste au passif de CHF 63'337.96 libellé "C/C B______", ainsi qu'un extrait détaillé des mouvements de ce poste entre le 1er janvier et le 31 décembre 2013.

Par courriel du 23 mai 2016, B______ a écrit à la fiduciaire F______ SA, qui s'était occupée des comptes de A______ SA, pour préciser ses notes sur certains mouvements comptables. Il a ainsi écrit : "Les deux factures en annexe [concernant les ordinateurs et le serveur susmentionnés] correspondent à des achats que je pensais définitifs pour la société, mais que j'ai repris à titre personnel en les impactant sur mon compte courant : i. Soit 5'574.00 ; Soit 2'612.00 pour donc un total de 8'186 à impacter sur mon compte courant". Après s'être exprimé sur d'autres mouvements comptables concernant des salaires, il demandait la mise à jour de son compte courant à la date de son licenciement.

d.b. Le 24 mai 2016, B______ a transmis ce courriel à l'avocat de A______ SA ; le même jour C______, agissant pour A______ SA, a porté plainte à la police pour vol de ce matériel informatique, intervenu selon lui le 13 mai 2016.

Entendu par la police en qualité de prévenu, B______ a déclaré : "Ces ordinateurs portables ainsi que le serveur m'appartiennent. J'ai acheté ce matériel avec mon argent, je l'ai vendu à la société et je l'ai ensuite racheté en voyant que j'allais être licencié". Il était en possession de ce matériel et considérait que A______ SA lui devait plus de CHF 50'000.- pour des salaires non payés.

Devant le Ministère public, B______, entendu en qualité de prévenu, a déclaré qu'il avait gardé deux ordinateurs sur quatre et que leur valeur avait été déduite de son compte actionnaire. Il avait acheté les ordinateurs avec son propre argent, s'était fait rembourser, puis avait demandé au comptable d'annuler la note de frais et avait conservé les ordinateurs. S'agissant du serveur, il ne se souvenait pas s'il l'avait acheté ou s'il avait été directement payé par la société. À la question de savoir pourquoi il avait pris le serveur, il a répondu : "Je l'ai pris comme ça.". Il a ensuite déclaré, lors d'une audition de septembre 2022, qu'il l'avait finalement donné à une association dont il ne se rappelait pas le nom, après en avoir effacé les données.

A______ SA a déclaré au Ministère public que le serveur contenait toutes ses données, ce qu'a contesté B______.

G______, entendu en qualité de témoin, est comptable et administrateur de F______ SA. Il a déclaré au Ministère public qu'il s'était occupé de la comptabilité de la fondation de A______ SA jusqu'à fin 2015. Le premier trimestre 2016 avait été commencé, mais non terminé. Il ne se souvenait pas si, en 2015, B______ était créancier de la société, mais, selon lui, cela devait apparaître dans les comptes (qui n'ont pas été produits).

H______, informaticien qui s'était occupé de A______ SA entre décembre 2015 et mars-avril 2016, a été entendu comme témoin par le Ministère public. À son arrivée, toutes les données étaient accessibles sur un serveur hébergé à distance par un tiers, mais ce serveur était mal sécurisé. Il avait donc corrigé ce problème en installant un serveur local qui répliquait les données disponibles par le biais de l'informatique en nuage. L'infrastructure du serveur local était restée en place jusqu'à son départ. B______ avait accès à la totalité des données du serveur. Le prénommé lui avait demandé de déménager le serveur – qui contenait, selon le témoin, toutes les données de la société – dans de nouveaux locaux, mais les personnes demeurant dans les anciens locaux continuaient à avoir accès aux données par l'informatique en nuage.

e.a. L'étude d'avocats I______ SA a été mandatée, entre 2015 et avril 2016, par A______ SA, alors représentée par B______, pour intervenir au soutien de A______ SA dans le conflit d'actionnaires susdécrit. Elle a facturé la somme totale de CHF 70'514.- TTC à A______ SA, après déduction d'une remise de CHF 15'000.- brut. A______ SA a versé CHF 10'000.- de provision au total, les 23 décembre 2015 et 18 février 2016. Dans ce contexte, le relevé des prestations contient, entre autres et outre les prestations liées à la défense de A______ SA dans le cadre du litige entre actionnaires, les postes suivants :

- 28 janvier 2016 : pour 1.70 heures, "Recherches juridiques concernant le délai de congé, l'annulation de la cession, l'invalidation de la cession, LDIP, régimes matrimoniaux".

- 11 février 2016 : pour 0.30 heures, "Conférence téléphonique avec Me J______" et pour 0.20 heures, "Courrier électronique à l'administrateur de la cliente en lien avec la problématique des allocations familiales".

- 12 février 2016 : pour 0.50 heures, "Recherches juridiques concernant les allocations familiales".

- 15 février 2016 : pour 0.20, "Echange d'emails avec Me J______" et pour 0.20 heures, "Analyse en lien avec la problématique de la validité du transfert des actions en raison du régime matrimonial de l'administrateur".

e.b. L'étude d'avocats K______ a facturé CHF 19'280.- à A______ SA, ce aussi pour la défense de celle-ci dans le cadre du conflit entre actionnaires. A______ SA a versé CHF 5'000.- de provision le 21 avril 20016.

e.c. Entendu par le Ministère public, B______ a confirmé que les honoraires couvraient la défense de A______ SA. Il n'avait jamais demandé de conseil à l'étude I______ SA en matière matrimoniale : les avocats l'avaient interrogé sur sa situation personnelle, car il était de nationalité française et en instance de divorce. L'avocat J______ était le conseil de son épouse. La prestation liée à des allocations familiales concernait un remboursement en faveur de A______ SA pour lequel l'avocat avait rédigé une lettre.

f. Le 10 juin 2016, A______ SA a déposé une nouvelle plainte contre B______.

Elle a, en substance, reproché à son ancien administrateur de l'avoir laissée s'endetter, d'avoir pris des engagements et effectué des dépenses injustifiées et contraires à ses intérêts en faveur de lui-même ou de tiers (soit des versements sous forme de salaires indus, de transferts bancaires, etc), d'avoir volé des données et du matériel informatique, créé une société parallèle à la raison sociale quasi-identique (A______/2______ Sàrl), pris des mesures visant à créer une confusion entre les deux entités, détourné des affaires au bénéfice de cette seconde société parallèle et usurpé sa raison sociale et ses noms de domaine.

Entre autres, B______ avait augmenté rétroactivement son salaire. Le salaire convenu à l'époque où C______ était encore présent dans la société, soit en 2014, était de CHF 82'000.- par an (soit environ CHF 6'833.- par mois). Jusqu'en décembre 2015, B______ avait perçu ce salaire, puis avait modifié les bulletins de paie de 2015 pour fixer nouvellement son salaire dès le 1er janvier 2015 à CHF 10'834.- brut par mois, soit une augmentation de CHF 48'000.- par an. Il s'était encore octroyé un bonus de CHF 20'000.-. Il avait encore augmenté sa rétribution à CHF 16'000.- brut par mois en 2016, causant ainsi un préjudice estimé à CHF 84'000.- par A______ SA.

Pour ce faire, étant donné que les comptes bancaires usuels de A______ SA étaient soumis à la signature collective à deux de B______ et C______, celui-là avait ouvert un compte au nom de la société en décembre 2015 auprès de [la banque] M______ et y avait fait opérer un versement de CHF 90'000.- de la part d'un tiers, ainsi qu'encaissé divers paiements, pour utiliser l'argent ensuite comme bon lui semblait. Il en résulte notamment que B______ s'est versé depuis ce compte les montants suivants désignés comme "salaire" : CHF 10'154.45 le 24 décembre 2015 ("SALAIRE B______ DEC 2015") et CHF 10'155.15 le 1er mars 2016 ("SALAIRE FEV 2016").

B______ avait en outre amené A______ SA à opérer d'autres versements en sa faveur et en faveur de tiers, qui demeuraient inexpliqués. Les versements suivants sont encore contestés par A______ SA au stade du recours :

- En sa faveur :

·         CHF 1'200.- le 7 janvier 2016, libellé "REMBOURSEMENT N______" ;

·         CHF 9'022.56 le 25 janvier 2016, libellé "A______ REMBT DE FRAIS 2015" ;

·         CHF 10'000.- le 31 mars 2016, sans libellé ;

·         CHF 10'002.- le 5 avril 2016, libellé "B______" ;

·         CHF 8'002.- le 7 avril 2016, libellé "CC" ;

·         CHF 10'000.- le 8 avril 2016, libellé "B______" ;

soit un total de CHF 48'226.56.

- En faveur de O______ :

·         CHF 2'000.- le 23 février 20216 ;

·         CHF 2'000.- et CHF 1'861.90 le 7 avril 2016 ;

soit un total de CHF 5'861.90.

A______ SA a encore désigné les transactions suivantes : CHF 2'793.10 pour le paiement d'une prime d'assurance, CHF 1'434.45 pour le paiement d'une facture de téléphonie mobile et CHF 8'640.- pour des prestations informatiques. Elle considérait ces transactions elles aussi injustifiées.

Enfin, la plainte vise les activités d'avocats susdécrites.

g. Lors de son audition en qualité de prévenu par le Ministère public, B______ s'est exprimé sur les versements susévoqués. Ainsi, le montant de CHF 1'200.- correspondait au remboursement d'une avance de frais, tout comme celui de CHF 9'022.56. Quant aux montants de CHF 10'000.-, CHF 10'002.- et de CHF 10'000.-, il s'agissait du versement de son salaire. Enfin, il ne se rappelait plus en quoi consistait le montant de CHF 8'002.-. A______ SA a contesté la réalité des remboursements de frais et a qualifié le versement de CHF 8'002.- de rémunération injustifiée.

Il a en outre exposé que les versements en faveur de O______ consisterait en des remboursements de frais et en une avance sur bonus.

O______ a été entendu par le Ministère public le 29 mai 2018 en qualité de personne appelée à donner des renseignements. Il a déclaré avoir travaillé pour A______ SA de mai 2015 à mai 2016 comme apporteur d'affaires et dans le développement de la clientèle. Confronté aux relevés des virements en sa faveur intervenus entre février et avril 2016, il a dit "s'imaginer" qu'il s'agissait de remboursement de frais, mais qu'il ne se souvenait pas lesquels. Il lui était assez peu arrivé de se faire rembourser des frais et n'en gardait pas de souvenir spécifique.

h. Le 27 décembre 2018, le Ministère public a rendu une ordonnance de non-entrée en matière à l'égard de O______, qui n'a pas fait l'objet d'un recours.

i. Par avis de prochaine clôture de l'instruction du 9 juin 2023, le Ministère public a informé les parties de son intention de rendre une ordonnance pénale s'agissant de l'augmentation de salaire et du versement du bonus que B______ s'était octroyés à la fin de l'année 2015, de la conclusion de contrats, au nom de A______ SARL, avec des tiers et de l'adaptation des engagements contractuels de A______ SA avec E______. Pour le surplus, le Ministère public annonçait son intention de classer les faits visés par la présente procédure.

j. Par courriers de leurs conseils des 28 juin 2023 et 17 juillet 2023, les parties ont renoncé à solliciter des actes complémentaires d'instruction. Elles ont toutes deux réclamé des indemnités de procédure.

k. Par ordonnance pénale du 11 octobre 2023, le Ministère public a condamné B______ pour gestion déloyale (art. 158 ch. 2 CP) et tentative de gestion déloyale (art. 158 ch. 2 et 22 al. 1 CP) à une peine de 180 jours-amende, avec sursis.

Il résulte notamment de cette ordonnance pénale que la créance actionnaire de B______ s'élevait à CHF 63'337.96 au 31 décembre 2013, sans que l'instruction ait permis d'établir ce que cette créance était devenue en fin d'année 2015. De novembre 2015 à avril 2016, B______ avait perçu de A______ SA la somme totale de CHF 126'328.75. Le calcul amenant à cette dernière somme n'est pas précisé.

B______ avait perdu le contrôle de sa société lorsque les deux autres actionnaires s'étaient opposés à lui. Il avait alors décider de favoriser ses propres intérêts en augmentant son salaire rétroactivement de CHF 4'000.- à CHF 10'000.- pour l'année 2015 et en se versant un bonus de CHF 20'000.-, au détriment des intérêts de la société qui ne pouvait pas couvrir cette dépense. Par ailleurs, il s'était enrichi dès lors qu'il s'était versé quelque CHF 126'328.75, alors que sa créance actionnaire, pour autant qu'elle eût encore existé à fin 2015, et son salaire (CHF 36'000.-) ne permettaient pas une compensation. Il avait en outre transféré vers une nouvelle société une partie des affaires de A______ SA. Enfin, il avait accordé à E______ des conditions salariales et une protection en cas de licenciement excessivement favorables, sans justification.

Cette ordonnance a été frappée d'opposition par B______, la procédure étant en cours.

C. À teneur de l'ordonnance querellée, le Ministère public, s'agissant des faits encore litigieux au stade du recours, a retenu, concernant plus précisément le vol de matériel informatique, que B______ avait conservé celui-ci, puis, le 23 mai 2016, avait invité la fiduciaire à déduire le montant correspondant de son compte courant. Cela étant, il n'avait pas été possible de déterminer le solde de ce dernier à cette date, étant précisé que B______ disposait d'une créance à l'encontre de la société de CHF 63'000.- le 31 décembre 2013. A______ SA n'avait ainsi pas "rendu vraisemblable" que la compensation n'avait pu être effectuée. Il n'existait pas de volonté d'enrichissement illégitime de la part de B______.

Concernant ensuite les dépenses effectuées en faveur d'études d'avocat, il ressortait des factures de celles-ci que l'essentiel de l'activité fournie avait pour origine le conflit entre actionnaires et que, "directement ou indirectement", les services avaient été rendus dans l'intérêt de B______. Cela étant, il résultait des relevés de prestations que les avocats étaient intervenus au soutien de A______ SA, quand bien même cette défense était mise en œuvre par B______. Il était inhérent à ce type de procédure que la société se défende et mandate des avocats. S'il semblait acquis qu'une faible partie des prestations de l'une des études l'avait été pour un litige matrimonial de B______, il ne ressortait pas de l'instruction qu'il avait expressément demandé à l'étude d'avocats de facturer la société plutôt que lui-même, de sorte que la commission d'une erreur ne pouvait être écartée.

Enfin, le Ministère public a listé des versements de CHF 2'793.10 du 7 janvier 2016 pour une prime d'assurance, de CHF 1'386.77 à un opérateur téléphonique et de CHF 8'640.- entre janvier et mars 2016 à une entreprise informatique. Ces versements avaient été faits dans l'intérêt de A______ SA et n'étaient donc pas répréhensibles.

D. a. À l'appui de son recours, A______ SA remet en cause le classement en ce qu'il vise des faits qualifiés de vol et de gestion déloyale, soit l'appropriation indue du matériel informatique, les paiements en faveur d'avocats et les versements effectués en faveur de B______ et d'un tiers, O______. L'ordonnance querellée n'est pas remise en cause pour le surplus.

A______ SA reproche, en substance, au Ministère public d'avoir mal apprécié les faits en lien avec la compensation des montants payés par B______ pour le matériel informatique et de s'être contredit sur ce point avec l'ordonnance pénale rendue parallèlement. S'agissant des faits qualifiés de gestion déloyale, A______ SA considère que le Ministère public se contredisait ici encore en retenant, d'un côté, que les avocats étaient intervenus dans l'intérêt de B______ et, de l'autre, qu'il était justifié que A______ SA en paie les honoraires. L'erreur concernant l'activité liée à des prestations d'avocat visant la situation matrimoniale de B______ ne pouvait pas être admise. Enfin, le Ministère public avait violé le droit d'être entendu de A______ SA en ne se prononçant pas sur les transferts indus listés dans sa plainte pénale et pour lesquels aucune justification n'avait été apportée.

b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

2.             La recourante se plaint d'une violation de son droit d'être entendue.

2.1. Le droit d'être entendu, garanti à l'art. 29 al. 2 Cst., implique pour l'autorité l'obligation de motiver sa décision, afin que le destinataire puisse la comprendre, l'attaquer utilement s'il y a lieu et afin que l'autorité de recours puisse exercer son contrôle. L'autorité doit ainsi mentionner, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 143 IV 40 consid. 3.4.3 ; 142 I 135 consid. 2.1).

La motivation peut également être implicite et résulter des différents considérants de la décision. Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté, même si la motivation présentée est erronée (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1).

Tel n'est toutefois pas le cas en matière de classement implicite, l'absence de décision formelle constituant une atteinte grave aux droits procéduraux des parties, singulièrement à celui d'obtenir un acte motivé. Une telle violation ne peut être guérie dans la procédure de recours stricto sensu; la pratique de la Chambre de céans veut, en pareilles circonstances, que la cause soit renvoyée à l'instance précédente pour qu'elle rende une ordonnance (ACPR/824/2022 du 23 novembre 2022 consid. 4.3.2; ACPR/261/2022 du 21 avril 2022 consid. 4.4 in fine; cf. également arrêts du Tribunal fédéral 6B_819/2018 du 25 janvier 2019 consid. 3.8 et 6B_84/2020 du 22 juin 2020 consid. 2.1.2).

Lorsque le ministère public décide de ne pas poursuivre certains faits, il doit prononcer un classement (art. 319 CPP). Le CPP subordonne l'abandon de la poursuite pénale au prononcé d'une ordonnance formelle de classement mentionnant expressément les faits que le ministère public renonce à poursuivre, de manière à en définir clairement et formellement les limites. Dès lors que le classement doit faire l'objet d'un prononcé séparé, écrit et motivé, il ne saurait être glissé et mélangé au contenu d'une ordonnance pénale. Si le ministère public n'entend réprimer qu'une partie des faits dans le contexte d'une ordonnance pénale, il doit statuer conformément aux formes prévues par le CPP, c'est-à-dire prononcer simultanément une ordonnance pénale d'une part et une ordonnance de classement d'autre part. Lorsque le ministère public omet de rendre deux décisions séparées, mais établit une ordonnance pénale contenant un classement implicite, la voie de recours ouverte à la partie plaignante pour contester ce classement est celle du recours ordinaire prévu à l'art. 322 al. 2 CPP, la voie de l'opposition à l'ordonnance pénale n'étant pas adaptée – celle-ci ne concernant que le cas où la partie plaignante se prévaut d'une qualification juridique autre par rapport à un état de fait non contesté (ATF 138 IV 241 consid. 2.5 et 2.6).

2.2. En tant qu'il vise les faits décrits dans l'ordonnance de classement partiel querellée, le recours a été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerne une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émane de la partie plaignante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

Le recours est donc recevable sous cet angle.

2.3. Le recours vise en outre des faits sur lesquels le Ministère public ne se serait prétendument pas prononcé, soit des versements bancaires qui n'ont pas été évoqués dans l'ordonnance querellée et qui auraient été, selon la recourante, implicitement classés. Ces versements seraient, toujours selon la recourante, constitutifs de gestion déloyale.

Il est exact que le Ministère public n'a pas mentionné une partie des versements détaillés sous attendu B.f. supra dans l'ordonnance de classement partiel. Cependant, il a parallèlement rendu une ordonnance pénale dans laquelle il a, d'une part, condamné le mis en cause pour gestion déloyale et, d'autre part, fondé cette condamnation sur des virements bancaires perçus par le mis en cause.

Les versements visés par la recourante dans le présent recours ont été désignés par les parties comme des remboursements de frais ou de salaires, donc comme des transferts en lien avec le travail du mis en cause au sein de la recourante. Ils correspondent en effet grosso modo aux salaires que B______ entendait se verser durant la période considérée de six mois environ, étant précisé que seuls deux versements sont intervenus à cette époque avec le libellé de "salaire". De plus, au moment d'annoncer la prochaine clôture de l'instruction, le Ministère public a fait part de son intention de rendre une ordonnance pénale, notamment, pour l'augmentation de salaire du mis en cause "dès celui de décembre 2015 et versement d'un bonus 2016". Dans l'ordonnance pénale, le Ministère public a retenu que, de novembre 2015 à avril 2016, le mis en cause avait perçu de la recourante un montant de CHF 126'328.75, alors que son salaire ne devait lui permettre que de percevoir quelque CHF 36'000.-, mais sans détailler son calcul ni établir de liste des transactions concernées. Bien qu'il ne soit pas possible, au vu de l'absence de détails dans l'ordonnance pénale – qui n'est pas objet de la présente procédure de recours –, de déterminer précisément comment l'autorité précédente est parvenue à ce montant de CHF 126'328.75, il correspond, approximativement, aux montants désignés par la recourante comme salaires perçus en trop par le mis en cause et aux versements visés dans le présent recours (environ CHF 84'000.- et CHF 48'000.-).

Parallèlement, le Ministère public a détaillé trois transactions dans l'ordonnance querellée pour lesquels il n'existait pas de prévention pénale et qui ne sont plus litigieuses.

Il s'ensuit que les transactions effectuées par le mis en cause en sa propre faveur et dont la recourante soutient qu'elles auraient été omises ont été en réalité appréhendées par le Ministère public dans le cadre du prononcé de l'ordonnance pénale, en tant que rémunération.

L'interprétation conjointe des deux ordonnances susmentionnées amène donc à la conclusion que le Ministère public n'entendait pas classer ces transactions. Cette interprétation est encore renforcée par le fait que le Ministère public s'est conformé à la jurisprudence en rendant, parallèlement, une ordonnance pénale et une ordonnance de classement partiel, dans laquelle il a détaillé des transactions pour lesquelles il n'existait pas de prévention pénale, de sorte que l'existence d'un classement implicite est exclue.

Étant donné que la procédure se poursuit, à la suite de l'opposition formée contre l'ordonnance pénale, pour des versements bancaires qualifiés par le Ministère public de gestion déloyale, la position juridique de la recourante n'est ainsi pas péjorée.

Il n'est donc pas question d'une violation du droit d'être entendu ou des règles concernant le classement implicite.

Le recours est donc irrecevable sur ce point, faute d'intérêt juridiquement protégé de la recourante.

2.4. S'agissant en outre des transactions effectuées en faveur d'un tiers, soit O______, la recourante se plaint ici encore qu'elles n'ont pas été traitées par le Ministère public.

Or, la recourante perd de vue qu'une ordonnance de non-entrée en matière, désormais en force, a été rendue concernant ces faits en 2018 déjà, qui n'a pas été attaquée par un recours en temps utile.

A fortiori, la recourante n'explique pas davantage en quoi ces transactions devraient être pénalement imputées au mis en cause, alors que rien n'indique qu'il en aurait bénéficié de quelconque façon. Aucun indice en ce sens ne figure au dossier.

Le recours est donc irrecevable sur ce point encore, faute pour l'ordonnance querellée de porter sur ces faits déjà objet d'une précédente décision.

3. S'agissant des faits décrits dans l'ordonnance querellée, la recourante s'en prend à la décision du Ministère public de classer les faits relatifs au matériel informatique que le mis en cause se serait indûment approprié.

3.1. L'art. 319 al. 1 CPP prévoit que le ministère public ordonne le classement de tout ou partie de la procédure notamment lorsqu'aucun soupçon justifiant une mise en accusation n'est établi (let. a) ou lorsque les éléments constitutifs d'une infraction ne sont pas réunis (let. b).

Cette disposition doit être interprétée à la lumière du principe "in dubio pro duriore", selon lequel un classement ne peut être prononcé que quand il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables. Ainsi, la procédure doit se poursuivre quand une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou que les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'infractions graves. Il s'impose donc de ne rendre une ordonnance de classement que lorsqu'une condamnation paraît exclue avec une vraisemblance confinant à la certitude (ATF 138 IV 86 consid. 4.1.1). Le ministère public et l'autorité de recours disposent, à ce sujet, d'un certain pouvoir d'appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1164/2020 du 10 juin 2021 consid. 2.1).

3.2. L'art. 139 ch. 1 CP punit, du chef de vol, celui qui, pour se procurer ou procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura soustrait une chose mobilière appartenant à autrui dans le but de se l'approprier. Pour qu'il y ait vol, il faut que l'auteur soustraie la chose à autrui, c'est-à-dire qu'il brise la possession d'autrui pour constituer une nouvelle possession sur la chose. Le lésé devait être possesseur de la chose, et l'auteur, par la soustraction, a acquis une possession qu'il n'avait pas auparavant (B. CORBOZ, Les infractions en droit suisse, vol. I, Berne 2010, n. 2 ad art. 139 CP). La notion de possession, au sens de l'art. 139 CP, n'est pas la même que celle de droit civil (art. 919 CC; cf. ATF 71 IV 87 consid. 3). En matière pénale, elle est définie comme un pouvoir de fait sur la chose, selon les règles de la vie sociale ou les circonstances concrètes du cas d'espèce; elle présuppose la disposition effective de la chose et la volonté de la posséder (ATF 132 IV 108 consid. 2.1).

3.3. Commet un abus de confiance au sens de l'art. 138 ch. 1 al. 2 CP, celui qui, sans droit, a employé à son profit ou au profit d'un tiers des valeurs patrimoniales qui lui avaient été confiées.

Sur le plan objectif, l'infraction à l'art. 138 ch. 1 al. 2 CP suppose que l'on soit en présence d'une valeur confiée, ce qui signifie que l'auteur en ait la possession en vertu d'un accord ou d'un autre rapport juridique, pour en faire un certain usage dans l'intérêt d'autrui (ATF 120 IV 276 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_314/2011 du 27 octobre 2011 consid. 2.1). Selon la jurisprudence, l'organe d'une personne morale se voit confier les choses qui lui sont remises au nom de la société au sens de cette disposition (ATF 106 IV 20 consid. 2b ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_292/2019 du 25 juin 2019 consid. 2.2.2 ; 6B_1360/2019 du 20 novembre 2020 consid. 2.4 ; A. DONATSCH, StGB/JStG Kommentar, 21ème éd. 2022, n. 4 ad art. 138 CP).

Du point de vue subjectif, l'auteur doit agir intentionnellement, avec le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, qui peut être réalisé par dol éventuel (ATF 118 IV 32 consid. 2a ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_809/2011 du 20 juillet 2012 consid. 1.1). L'auteur, par son acte, doit vouloir se procurer ou procurer à un tiers tout avantage patrimonial, une erreur sur les faits étant toutefois concevable (B. CORBOZ, op. cit., n. 14 ad. art. 138 CP). Ainsi, l'enrichissement ne sera pas illégitime si l'auteur y a droit (ou croit qu'il y a droit en raison d'une erreur sur les faits). Le dessein d'enrichissement illégitime fait également défaut si, au moment de l'emploi illicite de la valeur patrimoniale, l'auteur en paie la contre-valeur (cf. ATF 107 IV 166 consid. 2a), s'il avait, à tout moment ou, le cas échéant, à la date convenue à cet effet, la volonté et la possibilité de le faire (ATF 133 IV 21 consid. 6.1.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_67/2011 du 20 septembre 2011 consid. 3.1) ou encore s'il était en droit de compenser (ATF 105 IV 29 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_17/2009 du 16 mars 2009 consid. 2.2.1). L'absence ou le retard d'une déclaration de compensation constituent souvent un indice de l'absence d'une véritable volonté de compenser (ATF 105 IV 29 consid. 3a). Il n'y a toutefois pas de dessein d'enrichissement illégitime chez celui qui s'approprie une chose pour se payer lui-même, s'il a une créance d'un montant au moins égal à la valeur de ce qu'il s'est approprié et s'il a vraiment agi en vue de se payer (ATF 105 IV 29 consid. 3a ; ATF 98 IV 21).

L'erreur sur les faits exclut l'intention (art. 13 CP). Dès lors, l'existence de la créance invoquée par l'auteur qui excipe de compensation n'est pas déterminante ; c'est la conscience de l'illégitimité de l'enrichissement qui compte. Ce sont la volonté et la représentation que se fait l'auteur de la situation qui sont décisives (ATF 105 IV 29 consid. 3.a). L'erreur sur les faits ne doit toutefois pas être admise à la légère et il appartient à celui qui se prévaut de cette appréciation de prouver les faits qui l'expliquent (ATF 93 IV 81 = JdT 1967 IV 150 concernant la légitime défense; arrêt du Tribunal fédéral du 13 mars 1996 in SJ 1996 482).

3.4. L'art. 143 CP réprime quiconque, dans un dessein d'enrichissement illégitime, soustrait, pour lui-même ou un tiers, des données enregistrées qui ne lui sont pas destinées et qui sont spécialement protégées contre tout accès indu de sa part.

L'art. 143bis CP sanctionne, sur plainte, la personne qui s'introduit sans droit, au moyen d'un dispositif de transmission de données, dans un système informatique appartenant à autrui et spécialement protégé contre tout accès de sa part.

Ces infractions supposent que les données ou le système informatique(s) concerné(es) soi(en)t protégé(es) contre des attaques extérieures, au moyen, notamment, d'un codage ou d'un mot de passe (M. DUPUIS/ L. MOREILLON/ C. PIGUET/ S. BERGER/ M. MAZOU/ V. RODIGARI (éds), Code pénal - Petit commentaire, 2ème éd., Bâle 2017, n. 13 ad art. 143 et n. 11 ad art. 143bis). La personne qui dispose du droit d'utiliser de telles données [ou système] et qui, soit outrepasse ce droit, soit utilise indument ceux-là, n'est pas punissable, faute, pour les art. 143 [et 143bis] CP, de réprimer "l'abus de confiance informatique" (M. DUPUIS/ L. MOREILLON/ C. PIGUET/ S. BERGER/ M. MAZOU/ V. RODIGARI (éds), op. cit., n. 14 ad art. 143).

3.5. En l'espèce, la recourante soutient qu'un vol aurait été commis par le mis en cause, qui se serait approprié du matériel informatique se trouvant dans ses locaux.

Un vol ne peut pas entrer en considération, dès lors que le mis en cause a non pas soustrait ces objets à la possession de la recourante, mais les a conservés après avoir été l'organe de celle-ci et donc s'être vu confier ces objets et leur gestion. En effet, si la date exacte à laquelle le mis en cause a agi n'est pas déterminée, elle est de toute évidence antérieure au moment où il a été démis de ses fonctions et a quitté les locaux de la recourante pour ne plus y revenir. La recourante elle-même articule la date du 13 mai 2016, soit antérieurement à l'assemblée générale qui a révoqué ses pouvoirs d'administrateur au mis en cause.

Il s'agit donc d'examiner si un abus de confiance peut être retenu.

Le caractère particulier des circonstances de l'espèce doit être souligné. Le mis en cause a choisi lui-même et (pour ce qui est des ordinateurs) payé avec ses propres deniers le matériel en question, avant de se les faire rembourser par la recourante, dont il était alors seul organe. Il a été le premier utilisateur de ce matériel et a présidé à son installation. Quittant la société après en avoir été congédié, il a conservé ces biens tout en déclarant dans la foulée souhaiter compenser leur valeur avec la créance qu'il a déclaré posséder contre la société.

Il s'ensuit que le raisonnement du Ministère public est fondé en ce qu'il retient l'absence d'enrichissement illégitime.

Le mis en cause a, en effet, déclaré immédiatement, ou pour le moins très rapidement, qu'il compenserait, voire paierait, la valeur des objets en fonction du solde de son compte actionnaire. Le fait que cette déclaration résulte d'un courriel adressé à la fiduciaire qui vraisemblablement n'exerçait plus ses fonctions pour la recourante à cette date est sans importance : ce courriel a été transmis le lendemain à l'avocat de la recourante.

Or, le compte actionnaire du recourant présentait un solde en faveur du mis en cause de quelque CHF 63'000.- à la fin de 2013, sans que la recourante ne fournisse la moindre preuve de son évolution durant la période pertinente et ce, après plusieurs années d'instruction.

Certes, il a été retenu dans l'ordonnance pénale que le mis en cause ne pouvait pas prétendre compenser une créance d'actionnaire de la recourante de quelque CHF 63'000.- avec des versements en sa faveur de quelque CHF 126'000.- intervenus entre 2015 et 2016. Il a néanmoins aussi été retenu dans l'ordonnance pénale, dont il faut rappeler qu'elle est frappée d'opposition et que les faits y figurant ne peuvent pas per se être considérés comme établis, que l'évolution du compte actionnaire du mis en cause n'est toujours pas éclaircie par la recourante.

De plus, même à supposer que le compte actionnaire ne permettait pas la compensation, le mis en cause a clairement exprimé sa volonté, par son courriel, de payer le montant correspondant au matériel en question, valeur à neuf.

Il s'ensuit que le mis en cause, alors qu'il exprimait encore la volonté de la recourante, a conservé par compensation, ou pour le moins avec la promesse du paiement de leur prix, les biens susévoqués.

Ainsi, il ne peut être retenu de dessein d'enrichissement.

3.6. S'agissant des données contenues sur les supports litigieux, elles ne jouent pas de rôle dans l'appréciation du caractère pénalement relevant des actes reprochés.

En effet, le mis en cause avait librement accès à ces données, car il était organe de la recourante. Une soustraction de données est donc exclue, l'abus de confiance en matière de données n'étant pas réprimé.

Dans le même ordre d'idée, la recourante soutient qu'un préjudice particulier avait été subi, dès lors que des données nécessaires à son activité étaient contenues sur le serveur. Elle ne peut être suivie, car, comme l'a exposé l'informaticien entendu par l'autorité précédente, un serveur à distance était en tout temps accessible par la recourante.

3.7. Les griefs de la recourante en lien avec le matériel informatique seront donc rejetés.

4. La recourante reproche au Ministère public d'avoir classé les faits liés à l'activité des avocats mandatés par le mis en cause.

4.1. Selon l'art. 158 ch. 1 1ère phr. CP, se rend coupable de gestion déloyale celui qui, en vertu de la loi, d'un mandat officiel ou d'un acte juridique, est tenu de gérer les intérêts pécuniaires d'autrui et de veiller sur leur gestion et qui, en violation de ses devoirs, aura porté atteinte à ces intérêts ou aura permis qu'ils soient lésés.

Cette norme suppose la réalisation de quatre conditions : il faut que l'auteur ait eu une position de gérant, qu'il ait violé une obligation lui incombant en cette qualité, qu'il en soit résulté un préjudice et qu'il ait agi intentionnellement (ATF 120 IV 190 consid. 2b; arrêts du Tribunal fédéral 6B_136/2017 du 17 novembre 2017 consid. 4.1; 6B_949/2014 du 6 mars 2017 consid. 12.1).

4.2. En l'espèce, la recourante soutient que le mandat confié à des avocats par le mis en cause au nom de celle-ci ne visait en réalité qu'à soutenir sa position à lui, mais non à défendre les intérêts de la personne morale, distincte : la majorité des actionnaires était unie contre lui et exprimait donc la volonté sociale.

Ce raisonnement ne peut être suivi. Le mandat a été clairement confié aux avocats au nom de la société et pour son compte. La recourante ne démontre pas, outre les considérations générales résumées ci-dessus et les prestations isolées qui vont être évoquées ci-après, que les services rendus ne l'auraient pas été en faveur de la société. Dans le cadre du conflit entre actionnaires qui s'est fait jour au sein de la recourante, seul le mis en cause était habilité, en tant que membre unique du conseil d'administration, à exprimer la volonté sociale à l'époque litigieuse. De plus, la requête judiciaire de convocation d'une assemblée générale est formulée à l'encontre de la société (cf. P. TERCIER / M. AMSTUTZ / R. TRIGO TRINDADE, Commentaire Romand - Code des obligations II, 2ème éd. 2017, n. 17 ad art. 699 CO). Il est donc prévisible que la requête de convocation d'une assemblée générale, telle que formulée jadis par l'actionnariat majoritaire, donne lieu à des frais d'avocat à la charge de la société. Par conséquent, aucune gestion déloyale n'a été commise lorsque le mis en cause a mandaté des avocats au nom de la recourante.

Reste à examiner les quelques prestations effectuées par les avocats et ayant un rapport avec des aspects de droit de la famille.

La recourante fait grief au Ministère public de n'avoir pas retenu que le mis en cause avait mandaté des avocats pour s'occuper, en substance, de son propre divorce, mais à ses frais à elle.

Certes, quelques prestations fournies par les avocats se rapportent vraisemblablement à la situation propre du mis en cause, soit un différend de nature matrimoniale. La simple mention d'allocations familiales dans l'un des relevés des avocats ne signifie pas qu'il s'agisse forcément de la situation privée du mis en cause : la recourante payait plusieurs employés et il apparaît crédible et conforme à l'intérêt de la société d'avoir consulté des avocats en lien avec les allocations familiales versées à son personnel, comme l'a déclaré le mis en cause. Quant aux autres prestations, il est vraisemblable qu'elles se rapportent à la situation privée du mis en cause tant par leur libellé en lien avec un régime matrimonial, que par l'interlocuteur des avocats, soit l'avocat de l'épouse du mis en cause.

Cela étant, ces prestations représentent une part infime de l'activité des avocats, soit moins de deux heures d'activité, sur une facture totalisant près de CHF 85'000.-. L'explication fournie par le mis en cause, soit que des questions lui avaient été posées par les avocats sur sa situation personnelle, paraît ainsi crédible. Il est envisageable que celle-ci ait ainsi été brièvement abordée par les avocats, en lien avec la composition de l'actionnariat de la société, ce qui n'est pas constitutif de gestion déloyale.

Les griefs de la recourante seront ici encore écartés.

5. Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

6. La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 2'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours dans la mesure où il est recevable.

Condamne A______/1______ SA aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 2'000.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante soit pour elle, son conseil et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Madame Séverine CONSTANS, greffière.

 

La greffière :

Séverine CONSTANS

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/10685/2016

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

1'915.00

Total

CHF

2'000.00