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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/16392/2015

ACPR/89/2024 du 08.02.2024 sur JTDP/122/2023 ( TDP ) , ADMIS

Descripteurs : AVOCAT D'OFFICE;INDEMNITÉ(EN GÉNÉRAL)
Normes : CPP.135

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/16392/2015 ACPR/89/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 8 février 2024

 

Entre

A______, avocat, agissant par Me B______, avocat,

recourant,

contre le jugement rendu le 31 janvier 2023 par le Tribunal de police (décision d'indemnisation),

et

LE TRIBUNAL DE POLICE, rue des Chaudronniers 9, case postale 5715, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 2 février 2023, A______ a recouru contre le jugement du 31 janvier précédent, par lequel le Tribunal de police lui a alloué une indemnité de CHF 2'281.- pour le poste "Correspondance" pour la défense de C______ dans la procédure de première instance.

b. Par arrêt ACPR/535/2023 du 18 juillet 2023, la Chambre de céans a rejeté le recours.

c. Par arrêt 6B_939/2023 du 18 janvier 2024, le Tribunal fédéral a admis le recours de A______ et renvoyé la cause à la Chambre de céans pour nouvelle décision.

B. Les faits pertinents suivants, à la suite de l'arrêt de renvoi, ressortent du dossier :

a. Par ordonnance de révocation et remplacement du 15 mai 2020, le Ministère public a nommé Me A______ à la défense d'office de C______.

b. Le 24 août 2022, le Ministère public a transmis un acte d'accusation en procédure simplifiée au Tribunal de police, retenant à l'encontre de C______ les infractions d'escroquerie par métier, violation grave des règles de la circulation routière et non-restitution du permis ou de plaques.

c. Le 31 janvier 2023, Me A______ a communiqué au Tribunal de police son état de frais.

Il était soumis au tarif horaire de CHF 150.- jusqu'au 30 décembre 2020 et CHF 200.- au-delà. Pour le poste "Correspondance", il sollicitait une rémunération effective, plutôt que basée sur le forfait applicable de "20%". Ledit poste couvrait la période du 20 mai 2020 au 30 janvier 2023, avec un total de deux cent dix-huit entrées.

Le décompte final de ses activités se présentait comme suit:

Conférence (34h05)

fr. 5'310.84

Procédure (99h30)

fr. 15'259.99

Audiences (47h15)

fr. 7'518.33

Correspondance (42h35)

fr. 7'515.13

Déplacements (03h30

fr. 683.34

Autre (05h30)

fr. 862.50

Total (232h35)

fr. 37'150.13

À ce montant devaient encore être additionnés CHF 1'464.- pour les frais d'interprète, et soustraits CHF 15'000.-, payés à titre d'avance sur taxation. Au bout du compte, le montant total requis était de CHF 26'500.13, TVA comprise.

C. Dans son jugement, le Tribunal de police a retenu 146h50, à des tarifs horaires variables, pour aboutir à un montant de CHF 22'810.05. Pour le poste "Correspondance", il n'y avait pas lieu de s'écarter du forfait de "10%", vu l'importance de l'activité déployée. Cela représentait CHF 2'281.- (10% de CHF 22'810.05). L'indemnité finale de CHF 15'539.80 était fixée de la sorte:

Indemnité

fr. 22'810.00

Forfait 10%

fr. 2'281.00

Déplacements

fr. 1'880.00

Sous-total

fr. 26'971.05

TVA

fr. 2'076.75

Débours

fr. 1'492.00

Déductions

fr. 15'000.00

Total

fr. 15'539.80

 

 

 

D. Dans son recours, Me A______ a renoncé à contester les différentes réductions opérées par le Tribunal de police, sauf celle liée au poste "Correspondance". Il avait sollicité, à deux reprises, que ces activités soient rémunérées de manière effective, et non selon un forfait. Cette modalité se justifiait compte tenu de leur caractère indispensable à la défense du prévenu mais également car ces correspondances avaient permis d'éviter diverses démarches qui auraient nécessité une activité plus conséquente. L'envoi d'un courrier au client permettait, par exemple, d'éviter un parloir. La réduction opérée par le Tribunal de police forçait à déployer "plus de prestations que nécessaire (et de manière moins efficace)".

E. Dans son arrêt du 18 juillet 2023, rendu sans échange d'écritures ni débats, la Chambre de céans a estimé qu'il ressortait du détail des activités de A______ que de nombreuses occurrences n'étaient pas liées à la procédure ou concernaient des problématiques périphériques, non strictement nécessaires à la défense du prévenu. L'importance numérique du poste "Correspondance" devait donc être nuancée et une fois les activités étrangères écartées, ledit poste ne présentait plus d'élément permettant de justifier une rémunération effective. L'indemnité de CHF 2'281.- allouée paraissait suffisante.

F. Dans son arrêt du 18 janvier 2024, le Tribunal fédéral a retenu que la "très brève" motivation du Tribunal de police relative au poste "Correspondance" et la motivation globale de la Chambre de céans ne permettaient pas à A______ d'identifier clairement et facilement les éléments considérés comme excessifs dans la liste de ses frais et, par conséquent, non sujets à indemnisation. Cette manière de procéder était contraire au droit d'être entendu.

 

 

EN DROIT :

1.             La recevabilité du recours est acquise.

2.             2.1. L'art. 135 al. 1 CPP prévoit que le défenseur d'office est indemnisé conformément au tarif des avocats de la Confédération ou du canton du for du procès. À Genève, ce tarif est prévu à l'art. 16 al. 1 RAJ; il s'élève à CHF 200.-/heure pour un chef d'Étude (let. c) et à CHF 110.-/heure pour un stagiaire (let. a); la TVA est versée en sus.

L'art. 3 RAJ prévoit que l'assistance juridique ne couvre que les démarches ou les actes de procédure utiles à la défense de la personne bénéficiaire (al. 2). Elle ne s'étend pas aux activités relevant de l'assistance sociale ou dont d'autres organismes subventionnés directement ou indirectement peuvent se charger à moindre frais (al. 3).

2.2. Seules les activités nécessaires sont retenues; elles sont appréciées en fonction, notamment, de la nature, l'importance et les difficultés de la cause, de la qualité du travail fourni et du résultat obtenu (art. 16 al. 2 RAJ).

Sont prises en considération les opérations directement liées à la procédure pénale, l'avocat devant ainsi veiller au respect du principe de la proportionnalité (arrêt du Tribunal fédéral 6B_360/2014 du 30 octobre 2014 consid. 3.3, non publié in ATF 140 IV 213). On exige de sa part qu'il soit expéditif et efficace dans son travail et qu'il concentre son attention sur les points essentiels. Des démarches superflues ou excessives n'ont pas à être indemnisées (ATF 117 Ia 22 consid. 4b; arrêt du Tribunal fédéral 6B_129/2016 du 2 mai 2016 consid. 2.2 et les réf. citées; décision de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2023.59 du 5 juin 2023 consid. 4.1.2). 

2.3. Les frais de courriers et de téléphones, c'est-à-dire les frais et le temps consacré à ces activités, sont pris en compte sur la base d'un forfait correspondant à 20% des heures d'activité dont l'autorité admet la nécessité, ou de 10% au-delà de trente heures de travail (ACPR/945/2023 du 6 décembre 2023 consid. 3.5; ACPR/643/2023 du 16 août 2023 consid. 3.1.2; ACPR/896/2021 du 20 décembre 2021 consid. 4.1).

Il n'en demeure pas moins que ce forfait doit pouvoir être adapté en fonction de la nature et de l'importance de l'activité réellement déployée par l'avocat, conformément à l'usage en matière d'assistance juridique (arrêt du Tribunal fédéral 6B_165/2014 du 19 août 2014 consid. 3.5).

Lorsque le défenseur d'office entend remettre en question la quotité de ce forfait, il doit établir que la procédure a généré des prestations/contacts importants susceptibles d'excéder les heures de travail admises par l’autorité. En règle générale, il suffit que la somme octroyée couvre les frais concrètement encourus, ainsi que le temps consacré à ces activités. Dite autorité peut donc s'éloigner, sans arbitraire, du taux de 20%, respectivement 10% l'aspect déterminant étant que lesdits frais et activités soient couverts (arrêt du Tribunal fédéral 6B_838/2015 du 25 juillet 2016 consid. 3.5.1 et 3.5.2; ACPR/885/2022 du 20 décembre 2022 consid. 2.5).

2.4. En l'espèce, le poste "Correspondance" déclaré par le recourant totalise 42h35 d'activités, reparties sur plus de deux cent entrées. À ce propos, il a sollicité d'être indemnisé de manière effective, plutôt que par le forfait de 10% généralement applicable pour un décompte dépassant les trente heures de travail.

Il ressort de l'arrêt de renvoi que la motivation du Tribunal de police, puis globale de la Chambre de céans ne permettaient pas au recourant d'identifier les éléments non sujets à indemnisation.

Il est vrai que, sans fournir de détails sur d'éventuelles réductions opérées dans le poste "Correspondance", lequel est pourtant bien étoffé, le Tribunal de police a néanmoins retenu le forfait de 10% pour procéder à son indemnisation. Il en résulte une différence de CHF 5'234.13 entre le montant alloué (CHF 2'281.-) et celui demandé (CHF 7'515.13).

La Chambre de céans a – globalement – constaté dans son arrêt précédent qu'un certain nombre d'occurrences présentes dans le décompte d'activités du recourant pourrait être retranché et manifestement, l'autorité précédente est parvenue à la même conclusion, au vu de son refus d'une indemnisation effective pour le poste en question.

Or, pour assurer le droit d'être entendu du recourant, ce dernier doit être en mesure de connaître les éventuelles réductions effectuées sur son état de frais ayant conduit le Tribunal de police à considérer que le montant de CHF 2'281.- suffisait à couvrir l'activité déployée. Cas échéant, le recourant pourra contester le résultat devant la Chambre de céans.

Partant, dans la continuité de l'arrêt de renvoi et pour garantir un double degré de juridiction, la cause sera renvoyée au Tribunal de police (art. 397 al. 2 CPP) pour qu'il détaille – ab initio – les réductions effectuées dans le poste "Correspondance" de l'état de frais final du recourant et justifie son choix d'appliquer le forfait de 10%.

3.             À l'instar de l'arrêt de renvoi, au vu de la nature procédurale du vice entrainant l'admission du recours, il peut être procédé au renvoi sans échange d'écritures, ni débats (ATF 133 IV 293 consid. 3.4.2).

4.             L'admission du recours, même partielle, ne donne pas lieu à la perception de frais (art. 428 al. 1 CPP).

5.             Le défenseur d'office a droit à des dépens lorsqu'il conteste avec succès une décision d'indemnisation (ATF 125 II 518 consid. 5 p. 520; arrêt du Tribunal fédéral 6B_439/2012 du 2 octobre 2012 consid. 2).

Le recourant requiert une indemnité de CHF 1'125.- pour la rédaction de l'acte de recours (sept pages, page de garde incluse), ce qui est excessif, eu égard au fait que les développements juridiques pertinents tiennent sur trois pages. Une indemnité de CHF 323.10, (TVA 7.7%) incluse, correspondant à 1h30 d'activité, sera dès lors accordée.

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Annule le jugement du 31 janvier 2023 en tant qu'il fixe l'indemnisation due à A______ pour le poste "Correspondance" à CHF 2'281.-.

Renvoie la cause au Tribunal de police pour qu'il procède dans le sens des considérants.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Alloue à A______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 323.10, TVA (7.7%) incluse, pour la procédure de recours.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, ainsi qu'au Tribunal de police.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).