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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/17968/2019

ACPR/73/2024 du 31.01.2024 sur OTMC/3881/2023 ( TMC ) , REFUS

Descripteurs : RISQUE DE RÉCIDIVE;MESURE DE SUBSTITUTION À LA DÉTENTION;PRISE DE POSITION DE L'AUTORITÉ;MINISTÈRE PUBLIC;PARTIE À LA PROCÉDURE
Normes : CPP.221; CPP.237; CPP.390.al2; CPP.104.al1.letc

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/17968/2019 ACPR/73/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 31 janvier 2024

 

Entre

A______, actuellement détenu à la prison de B______, représenté par Me C______, avocate,

recourant,


contre l'ordonnance rendue le 22 décembre 2023 par le Tribunal des mesures de contrainte,

et

LE TRIBUNAL DES MESURES DE CONTRAINTE, rue des Chaudronniers 9,
1204 Genève,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A.           Par acte expédié le 8 janvier 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 22 décembre 2023, notifiée le 28 suivant, par laquelle le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après, TMC) a refusé sa mise en liberté, respectivement sa demande de modification de mesures de substitution et ordonné le maintien de son obligation de se soumettre, à titre de mesures de substitution, à l'exécution de peines privatives de liberté de substitution de 69 jours, augmentées de 32 jours.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens chiffrés, à l'annulation de l'ordonnance querellée et à sa mise en liberté avec les mesures de substitution qu'il énumère.

B.            Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. Appréhendé le 1er septembre 2019, A______ a été prévenu le lendemain d'avoir, la veille, blessé D______ avec un couteau lui causant deux plaies thoraciques au niveau des côtes ayant nécessité des points de suture (art. 123 ch. 1 et 2 CP) et détenu un sachet contenant 94 grammes brut d'amphétamines (art. 19 al. 1 LStup).

b. Entendu à la police et au Ministère public, il a admis en substance avoir porté des coups de couteau à D______ lors d'une bagarre, invoquant la légitime défense.

c. Il a été libéré le 2 septembre 2019 par le Ministère public avec des mesures de substitution – dûment validées le jour suivant par le TMC et prolongées jusqu'au 28 août 2020 – consistant en l'obligation de déférer à toute convocation du Pouvoir judiciaire et en l'interdiction d'entretenir des contacts avec D______.

d. Selon les rapports du Centre universitaire romand de médecine légale (ci-après, CURML) des 24 octobre 2019 et 24 février 2020, l'examen médical de D______ effectué le 1er septembre 2019, a mis en évidence deux plaies cutanées au niveau du thorax, l'une mesurant 2.5 cm de long et l'autre 1.9 cm de longueur avec une profondeur minimale de 7 cm. Il présentait également une plaie superficielle à la cuisse gauche et des dermabrasions. Les lésions constatées n'avaient pas mis sa vie en danger.

e. Le 21 août 2020, le Ministère public a levé les mesures de substitution susmentionnées.

f. Par avis de prochaine clôture du 20 décembre 2021, le Ministère public a informé les parties que l'instruction était considérée comme achevée et qu'un acte d'accusation serait rédigé prochainement.

g. Par courrier du 9 décembre 2022, le Ministère public a annoncé aux parties qu'il entendait requalifier les faits reprochés à A______ en tentative de lésions corporelles graves (en concours avec des lésions corporelles simples) au sens des art. 122 cum 22 CP et 123 CP.

h. Par mandat du 25 janvier 2023, le Ministère public a ordonné l'expertise psychiatrique de A______.

i. Par avis du 28 septembre 2023, le Ministère public a émis un avis de recherche et d'arrestation en lien avec les faits du 1er septembre 2019.

j.a. Précédemment, le 25 août 2023, un communiqué de recherche a été émis à l'endroit de A______ – qui aurait tenté de vendre une arme à feu – étant souligné que la police s'était au préalable rendue à son dernier domicile connu, celui de sa mère, laquelle avait expliqué qu'il ne vivait plus chez elle depuis environ un mois.

j.b Il a été arrêté le 26 août 2023 par une patrouille de police aux abords de la gare de Cornavin, puis libéré.

j.c. Le 29 septembre 2023, le Ministère public a ordonné l'ouverture d'une instruction (P/18598/2023) contre A______ pour avoir, le 25 août 2023 ou à une date à déterminer, détenu sans droit une arme soumise à déclaration, soit un pistolet air-soft pouvant être confondu avec une véritable arme à feu (art. 33 LArm).

Cette procédure a été jointe à la P/17968/2019.

k. A______ a été arrêté le 7 octobre 2023, à 17h10, à l'arrière du bâtiment du E______ [local d'accueil pour personnes toxicomanes], lors d'un contrôle de police. Il détenait un couteau interdit (lame de 9 cm) dans sa sacoche.

Outre l'avis de recherche et d'arrestation, il faisait l'objet de cinq mandats d'arrêts émanant du SAPEM pour diverses amendes impayées, converties en peine privative de liberté de substitution pour un total de 69 jours.

l. Le lendemain, il a été prévenu de tentative de lésions corporelles graves (art. 122 cum 22 CP) et de lésions corporelles simples (art. 123 CP) pour les faits du 1er septembre 2019 ainsi que de violation de l'art. 33 LArm et de contravention à l'art. 19a LStup pour avoir, à tout le moins le 7 octobre 2023, détenu un couteau interdit et consommé de la cocaïne.

m. Lors de son audition à la police et au Ministère public, il a notamment déclaré avoir toujours un couteau sur lui pour bricoler ou se défendre. Il n'achetait pas de couteaux car "on les lui donnait". Un mois auparavant, au E______, il s'était fait agresser avec un couteau et avait sorti le sien, ce qui avait eu comme effet que son agresseur avait "laissé tomber".

n. A______ a été placé en détention provisoire par le TMC le 10 octobre 2023 jusqu'au 11 novembre 2023.

o.a. Le 12 octobre 2023, il a formé une demande de mise en liberté sous mesures de substitution consistant en l'exécution d'amendes impayées (69 jours de peines privatives de liberté de substitution) ainsi que l'obligation de déférer aux convocations du Pouvoir judiciaire et à celles permettant la mise en œuvre de l’expertise psychiatrique.

o.b. Le 19 octobre 2023, le TMC a ordonné l'exécution des peines privatives de liberté susmentionnées à titre de mesures de substitution, sous le régime de la détention avant jugement, ainsi que la détention provisoire (ou de sûreté) pour une durée d'un mois, dès la fin d'exécution desdites peines.

p. Les décisions rendues par le TMC, les 10 et 19 octobre 2023, sont entrées en force, faute de recours.

q. Par arrêt du 18 décembre 2023, la Chambre de céans a constaté que l'avis de recherche et d'arrestation du 28 septembre 2023 était illicite, le lieu de séjour du recourant n'était pas inconnu à teneur du dossier.

r. L'expertise psychiatrique rendue le 13 décembre 2023, retient que A______ souffre d'un trouble du déficit de l'attention avec hyperactivité et une dépendance à la cocaïne et à l'héroïne. La dépendance était sévère, le précité peinant à rester abstinent même en milieu protégé. Sa responsabilité était moyennement restreinte pour les faits du 1er septembre 2019 alors qu'elle était pleine et entière pour les autres. Le risque de récidive de faits de violence était qualifié de moyen, en lien avec les consommations de toxiques et le style de vie marginal qui en découlait. S'il n'avait pas commis de nombreux faits de violence malgré ses consommations, il était toujours à risque de se retrouver dans des situations conflictuelles dans lesquelles il ressentirait le besoin de se défendre violemment. Le risque de récidive générale était élevé, notamment concernant la consommation de toxiques, du fait de sa dépendance. Selon l'expert, un suivi psychiatrique et addictologique avec adaptation du traitement du TDAH et des contrôles biologiques d'abstinence aux toxiques était nécessaire. Le risque de rechute dans les consommations étant important, l'expert préconisait une prise en charge institutionnelle d'un an au minimum – avant l'organisation d'un suivi ambulatoire –, dans un milieu cadrant, comme à la Fondation F______ ou G______, permettant ainsi de retrouver, comme par le passé, une certaine période d'abstinence, à laquelle devait s'ajouter un projet d'aide à la réinsertion (formation, logement et activités occupationnelles). A______ était d'accord avec cette prise en charge.

s. Lors de l'audience du 12 janvier 2024, A______ a été prévenu à titre complémentaire pour les faits du 25 août 2023 – qu'il a admis –.

Il a expliqué avoir beaucoup réfléchi depuis son incarcération. Ses projets, à sa sortie de prison, consisteraient à "occuper au maximum [ses] journées, éviter les endroits comme [le quartier de] H______ et le E______, rester [au quartier de] I______ et ne plus jamais porter de couteau. [Il avait] même proposé de faire une prise urinaire toutes les semaines". S'agissant du traitement préconisé, il a déclaré en substance ne pas vouloir être "enfermé" à la fondation F______ ou G______ avec une abstinence totale au début et une ouverture progressive, ni dans une institution à consommation contrôlée comme J______ "car cela ne suffi[sait] pas". Il était en revanche d'accord d'aller à [la clinique psychiatrique de] K______ qui était un "juste milieu", permettant de faire un travail "sur [lui]" et d'être confronté à l'extérieur, soit "à la possibilité de sortir et […] acheter de la drogue, tout en [se] sentant en sécurité". En outre, il comptait reprendre les entretiens au CAAP-L______.

À l'issue de l'audience, le Ministère public a annoncé une audience fixée au 31 janvier 2024, en vue notamment d'entendre l'expert psychiatre.

t. A______, de nationalité suisse, est sans profession, ni domicile fixe et au bénéfice de l'aide sociale. Après la fin des mesures de substitution, en août 2020, il avait habité chez sa mère durant un an, avant de décider, d'un commun accord avec elle, de partir. Il avait ensuite dormi dans la rue ou chez des amis, se rendant occasionnellement chez sa mère pour manger et chercher son courrier. Il était suivi au CAAP-L______.

À teneur de son casier judiciaire suisse [état au 8 octobre 2023], il a été condamné par le Ministère public, le 28 mars 2013, à 120 heures de travail d'intérêt général, sous déduction d'un jour de détention avant jugement, avec sursis durant 3 ans, pour lésions corporelles simples, ainsi que le 26 juin 2022, à une peine privative de liberté de 60 jours, sous déduction de 2 jours de détention avant jugement et à une amende de CHF 1'000.-, avec sursis durant 3 ans, pour infractions à la loi sur les stupéfiants (art. 19 al. 1 let. c et 19a LStup).

C.           Dans l'ordonnance querellée, le TMC retient la persistance de charges suffisantes et graves. Le risque de fuite restait concret, y compris sous la forme d'une disparition dans la clandestinité, étant rappelé qu''il avait dû être placé sous avis de recherche et d'arrestation pour s'être volontairement soustrait à la procédure, était sans domicile fixe et inatteignable depuis de nombreux mois, même pour son avocate. Ce risque était accru par le fait que d'autres peines privatives de liberté de substitution [pour une durée totale de 32 jours] s'ajoutaient à celles qu'il exécutait. Le risque de réitération demeurait également tangible, considérant ses précédentes condamnations, son addiction aux stupéfiants et son habitude de se munir d'un couteau ainsi que compte tenu des conclusions de l'expert psychiatre. L'exécution des peines privative de liberté de substitution était de nature à pallier ces risques, à condition qu'aucune sortie, congé ni travail externe ne soit accordé. Les autres restrictions de la détention provisoire [visites, téléphones et courriers soumis à approbation/censure du Ministère public] n'étaient en revanche pas applicables dès lors que le risque de collusion n'était pas retenu.

D.           a. Dans son recours, A______ considère que les charges ne sont pas suffisantes pour justifier sa détention provisoire, au motif qu'il avait agi en légitime défense. Au début de l'instruction, les faits reprochés avaient été qualifiés de lésions corporelles simples et il avait été immédiatement libéré avec des mesures de substitution. Les charges avaient ensuite été aggravées de manière soudaine et injustifiée dans l'acte d'accusation, après le changement de la direction de la procédure, sans preuve des séquelles de la partie plaignante. En tout état, au vu des quantités importantes d'alcool, de cocaïne et d'opiacés qu'il avait ingérées, sa responsabilité était gravement altérée, ce qui était confirmé par l'expertise toxicologique et l'expertise psychiatrique. S'agissant des nouveaux faits – la détention d'un couteau interdit lors de son interpellation du 7 octobre 2023 – leur gravité devait être relativisée dans la mesure où il n'avait pas connaissance de l'interdiction dudit couteau.

Il conteste par ailleurs les risques de fuite et de réitération. L'exécution des ordres d'écrous – à laquelle il se serait dans tous les cas soumis – comme mesures de substitution à la détention provisoire était inacceptable. Aucun élément ne justifiait qu'il soit soumis à ce régime et privé de l'accès au téléphone et aux autres modalités d'exécution des peines. Il en était de même de la décision d'ordonner un mois de détention supplémentaire après l'exécution des écrous. Sa mise en liberté devait être ordonnée sous mesures de substitution [obligation d'exécuter les "peines converties" en jours de détention selon les modalités décidées par l'autorité d'application des peines, obligation de déférer à toute convocation du pouvoir judiciaire, interdiction de contacter D______ et d'autres éventuels participants ou témoins dans la présente procédure, obligation de continuer le traitement relatif aux addictions auprès du CAAP-L______ et obligation de produire en mains du SPI chaque mois un certificat attestant de la régularité du suivi].

À l'appui, il produit l'attestation de sa mère, qui accepte de l'héberger chez elle s'il le souhaite, jusqu'à ce qu'il trouve un studio avec l’aide de son assistante sociale.

b. Le TMC maintient les termes de son ordonnance sans autre remarque.

c. Le Ministère public conclut au rejet du recours. Les charges étaient très graves dès lors qu'il était reproché à A______ d'avoir asséné plusieurs coups de couteau à D______, le blessant au niveau du thorax. En outre, après avoir fait usage de ce couteau – ce qui est reconnu – le prévenu a été observé avec un pistolet air-soft le 25 août 2023 et interpellé avec un couteau le 7 octobre suivant. S'agissant du risque de récidive, le prévenu a indiqué "ne pas être tout à fait d'accord" avec la prise en charge préconisée par l'expert psychiatre, soit un traitement institutionnel en milieu addictologique. L'instruction se poursuivait par l'audition de l'expert, prévue à la fin janvier 2024, avant la délivrance de l'avis de prochaine clôture et le renvoi éventuel du prévenu en jugement. En tant que de besoin, il était précisé que la demande de téléphone du prévenu à sa mère avait été acceptée et qu'il pouvait recevoir des visites. Sa détention provisoire ou de sûreté avait été ordonnée pour une durée d'un mois en cas de paiement des amendes et peines pécuniaires et/ou de libération conditionnelle.

d. Le recourant réplique. Il fait valoir que, suite à la révision de l'art. 222 CPP, le Ministère public ne disposait plus de la compétence de recourir contre les décisions du TMC relatives à la détention, de sorte qu'il ne devrait pas être appelé à s'exprimer dans le cadre de la présente procédure. Pour le surplus, il persiste dans ses conclusions.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 222 et 393 al. 1 let. c CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

1.2. Selon le recourant, le Ministère public n'avait pas à s'exprimer sur le recours dès lors qu'il ne dispose plus de la qualité pour recourir en matière de détention provisoire ou de sûreté [nouvel art. 222 CPP]. On ne voit pas en quoi cette nouvelle disposition empêcherait le Ministère public de prendre position, étant précisé qu'il reste partie à la procédure y compris dans la procédure de recours (art. 104 al. 1 let. c CPP) et que l’art. 390 al. 2 CPP prévoit expressément la consultation des autres parties.

2.             Le recourant reproche au TMC d'avoir violé son droit d'être entendu en ne rendant pas une décision suffisamment motivée en lien avec le prononcé d'un mois de détention supplémentaire, après l'exécution des écrous.

2.1. Le droit d'être entendu, garanti à l'art. 29 al. 2 Cst., implique pour l'autorité l'obligation de motiver sa décision, afin que le destinataire puisse la comprendre, l'attaquer utilement s'il y a lieu et afin que l'autorité de recours puisse exercer son contrôle. L'autorité doit ainsi mentionner, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 143 IV 40 consid. 3.4.3 p. 46 ; 142 I 135 consid. 2.1 p. 145). La motivation peut également être implicite et résulter des différents considérants de la décision. Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté, même si la motivation présentée est erronée (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 p. 565).

2.2. En l'occurrence, ce grief tombe à faux. L'ordonnance querellée explicite que le maintien en détention pour une durée supplémentaire est nécessaire pour éviter la libération du recourant en lien avec l'exécution des écrous, l'expert devant en outre être entendu avant l'avis de prochaine clôture et le renvoi, le cas échéant, du prévenu en jugement.

Un tel délai a, en outre, déjà été développé par le TMC dans sa précédente ordonnance, soit celle du 19 octobre 2023, de sorte que le recourant ne saurait prétendre ne pas comprendre en quoi il consisterait.

3.              Le recourant estime que les charges retenues ne permettent pas de justifier sa détention provisoire.

3.1. Pour qu'une personne soit placée en détention provisoire ou pour des motifs de sûreté, il doit exister à son égard des charges suffisantes ou des indices sérieux de culpabilité, susceptibles de fonder de forts soupçons d'avoir commis une infraction (art. 221 al. 1 CPP). L'intensité de ces charges n'est pas la même aux divers stades de l'instruction pénale; si des soupçons, même encore peu précis, peuvent être suffisants dans les premiers temps de l'enquête, la perspective d'une condamnation doit apparaître avec une certaine vraisemblance après l'accomplissement des actes d'instruction envisageables. Au contraire du juge du fond, le juge de la détention n'a pas à procéder à une pesée complète des éléments à charge et à décharge ni à apprécier la crédibilité des personnes qui mettent en cause le prévenu. Il doit uniquement examiner s'il existe des indices sérieux de culpabilité justifiant une telle mesure (ATF 143 IV 330 consid. 2.1; 143 IV 316 consid. 3.1 et 3.2).

3.2. En l'espèce, le recourant ne conteste pas avoir porté des coups de couteau à D______, considérant toutefois que la gravité des lésions n'est pas attestée et qu'il a agi en état de légitime défense et de responsabilité restreinte.

Or ces questions n'entrent pas en ligne de compte sous l'angle de l'appréciation des charges. En outre, la qualification juridique entre les lésions corporelles simples aggravée – retenues au début de l'instruction – et celle de tentative de lésions corporelles graves (en concours avec des lésions corporelles simples), importe peu du point de vue de la détention, étant rappelé que la première est passible d'une peine privative de liberté de 3 ans et suffit déjà à fonder la détention provisoire. Il appartiendra en définitive au recourant de contester la qualification juridique retenue par le Ministère public et à l'autorité de jugement de statuer sur ce point.

Le grief est rejeté.

4.             Le recourant estime ne présenter aucun risque de réitération.

4.1 Pour admettre un risque de récidive au sens de l'art. 221 al. 1 let. c CPP, les infractions redoutées, tout comme les antécédents, doivent être des crimes ou des délits graves, au premier chef les délits de violence (ATF 143 IV 9 consid. 2.3.1). Plus l'infraction et la mise en danger sont graves, moins les exigences sont élevées quant au risque de réitération. Il demeure qu'en principe le risque de récidive ne doit être admis qu'avec retenue comme motif de détention. Dès lors, un pronostic défavorable est nécessaire pour admettre l'existence d'un tel risque (ATF 143 IV 9 consid. 2.9). Pour établir le pronostic de récidive, les critères déterminants sont la fréquence et l'intensité des infractions poursuivies. Cette évaluation doit prendre en compte une éventuelle tendance à l'aggravation telle qu'une intensification de l'activité délictuelle, une escalade de la violence ou une augmentation de la fréquence des agissements. Les caractéristiques personnelles du prévenu doivent en outre être évaluées (ATF 143 IV 9 consid. 2.3.2 ; 137 IV 84 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_413/2019 du 11 septembre 2019 consid. 3.1). Bien qu'une application littérale de l'art. 221 al. 1 let. c CPP suppose l'existence d'antécédents, le risque de réitération peut être également admis dans des cas particuliers alors qu'il n'existe qu'un antécédent, voire aucun dans les cas les plus graves. La prévention du risque de récidive doit en effet permettre de faire prévaloir l'intérêt à la sécurité publique sur la liberté personnelle du prévenu (ATF 137 IV 13 consid. 3-4). Le risque de récidive peut également se fonder sur les infractions faisant l'objet de la procédure pénale en cours, si le prévenu est fortement soupçonné – avec une probabilité confinant à la certitude – de les avoir commises (ATF 143 IV 9 consid. 2.3.1). Une expertise psychiatrique se prononçant sur ce risque n'est cependant pas nécessaire dans tous les cas (ATF 143 IV 9 consid. 2.8).

4.2. En l’espèce, la prévention du risque de récidive, voire de passage à l'acte, doit sans conteste permettre de faire prévaloir l'intérêt à la sécurité publique sur la liberté personnelle du recourant. Celui-ci – toxicomane de longue date, déjà condamné pour lésions corporelles – n'a pas hésité à faire usage d'un couteau lors de l'altercation du 1er septembre 2019. Même s'il n'a pas récidivé depuis lors, il n'en demeure pas moins qu'il a été interpellé à deux reprises, les 26 août et 7 octobre 2023, au E______, en lien avec la détention d'armes interdites. Ses explications – contradictoires – sont préoccupantes, dès lors qu'il fait valoir aussi bien son besoin impérieux d'avoir un couteau pour se défendre [grâce auquel il avait, en septembre 2023, au E______, réussi à décourager un agresseur] que la promesse de ne plus jamais en détenir.

Il existe ainsi un risque concret que le recourant commette à nouveau des infractions à l'intégrité physique d'autrui. Cette appréciation est corroborée par les conclusions de l'expert psychiatre, selon lequel l'intéressé est toujours à risque de se retrouver dans des situations conflictuelles dans lesquelles il sentirait le besoin de se défendre violemment. C'est d'autant plus à craindre que les projets du recourant sont peu aboutis et qu'il semble ambivalent quant au traitement préconisé [soit une mesure institutionnelle en milieu addictologique], puisqu'après y avoir – à teneur de l'expertise –, consenti, il expose que celui-ci – trop strict – ne lui conviendrait pas.

5.             Le risque de récidive étant réalisé, l'autorité de recours peut se dispenser d'examiner, en l'état, si le risque de fuite – alternatif – l'est également (arrêt du Tribunal fédéral 1B_51/2021 du 31 mars 2021 consid. 3.1 et la jurisprudence citée).

6.             Le recourant estime que des mesures de substitution pourraient se substituer à la détention.

6.1. Conformément au principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst., concrétisé par l'art. 237 al. 1 CPP), le tribunal compétent ordonne une ou plusieurs mesures moins sévères en lieu et place de la détention si elles permettent d'atteindre le même but que la détention.

À teneur des art. 197 al. 1 et 212 al. 3 CPP, les autorités pénales doivent respecter le principe de la proportionnalité lorsqu'elles appliquent des mesures de contrainte, afin que la détention provisoire ne dure pas plus longtemps que la peine privative de liberté prévisible. Selon une jurisprudence constante, la possibilité d'un sursis, voire d'un sursis partiel, n'a en principe pas à être prise en considération dans l'examen de la proportionnalité de la détention préventive (ATF 133 I 270 consid. 3.4.2 p. 281-282 ; 125 I 60 ; arrêts du Tribunal fédéral 1B_750/2012 du 16 janvier 2013 consid. 2, 1B_624/2011 du 29 novembre 2011 consid. 3.1 et 1B_9/2011 du 7 février 2011 consid. 7.2).

6.2. Le recourant ne s'oppose pas à l'exécution d'écrous [69 jours, augmentés de 32 jours] à titre de mesures de substitution à la détention – ce qu'il avait au demeurant lui-même sollicité –. Il n'y a donc pas lieu d'y revenir.

Il allègue toutefois que l'exécution de ces peines privatives de liberté de substitution doit s'effectuer sous l'autorité du Service de l'application des peines et des mesures.

Il ne peut être suivi. Il incombe, en effet, à la direction de la procédure, et non à l'autorité d'exécution, d'évaluer les motifs de détention – en l'occurrence le risque de récidive – et les éventuelles mesures permettant d'y pallier (arrêt du Tribunal fédéral 1B_122/2022 du 20 avril 2022).

En outre, le recourant a déjà exécuté une grande partie des écrous, étant précisé que les peines et soldes de peines privatives de liberté de moins de six mois sont généralement exécutées sous la forme de la semi-détention (art. 79 CP). L'allègement qu'il propose reviendrait ainsi à le remettre en liberté, ce qui ne se peut au vu du risque de récidive qu'il présente. A ce stade, il est prématuré d'envisager des mesures de substitution, la libération du recourant supposant – à dires d'expert – qu'un encadrement institutionnel strict soit organisé, ce qui n'est à l'évidence pas le cas. La reprise du suivi addictologique au CAAP-L______ n'y change rien, dès lors que la prise en charge ambulatoire doit être précédée, pendant une durée d'un an au minimum, d'une mesure institutionnelle.

Les autres mesures proposées – l'obligation de se présenter aux convocations et l’interdiction de contacter les personnes concernées par la procédure – servent à prévenir les risques de fuite et de collusion, non retenus ici.

7.             Le recourant estime que la durée de la détention provisoire ou de sûreté d'un mois, après l'exécution des peines, est disproportionnée.

Le principe de proportionnalité (art. 212 al. 3 CPP) n’apparaît pas enfreint, étant souligné que le juge de la détention peut prévoir, à titre de condition à la mesure de substitution, le retour à la détention provisoire – ou pour motifs de sûreté – si l'exécution des précédentes condamnations devait entraîner la libération du prévenu avant l'issue de la procédure ayant amené à son placement en détention provisoire (ATF 142 IV 367, consid. 2.2 et les références citées).

En outre, si le recourant – détenu en exécution de peines depuis le 19 octobre 2023 – devait être condamné pour les faits qui lui sont reprochés, la durée de la détention provisoire subie à ce jour [y compris avec l'imputation éventuelle, dans une proportion à déterminer, des mesures de substitution ordonnées le 2 septembre 2019] est proportionnée à la peine concrètement encourue s'il devait être reconnu coupable des infractions dont il est soupçonné.

Cela étant, on ne voit pas ce qui, après l'audition de l'expert, retiendrait le Ministère public de clore l'instruction et, le cas échéant, de renvoyer le recourant en jugement encore dans le délai fixé par le TMC.

8. Le recours s'avère ainsi infondé et doit être rejeté.

9. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui comprendront un émolument de CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03). En effet, l'autorité de recours est tenue de dresser un état de frais pour la procédure de deuxième instance, sans égard à l'obtention de l'assistance judiciaire (arrêts du Tribunal fédéral 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6 et 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4).

10. Le recourant plaide au bénéfice d'une défense d'office.

10.1. Selon la jurisprudence, le mandat de défense d'office conféré à l'avocat du prévenu pour la procédure principale ne s'étend pas aux procédures de recours contre les décisions prises par la direction de la procédure en matière de détention avant jugement, dans la mesure où l'exigence des chances de succès de telles démarches peut être opposée au détenu dans ce cadre, même si cette question ne peut être examinée qu'avec une certaine retenue. La désignation d'un conseil d'office pour la procédure pénale principale n'est pas un blanc-seing pour introduire des recours aux frais de l'État, notamment contre des décisions de détention provisoire (arrêt du Tribunal fédéral 1B_516/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5.1).

10.2. En l'occurrence, quand bien même le recourant succombe, on peut admettre que l'exercice du présent recours ne procède pas d'un abus.

L'indemnité du défenseur d'office sera fixée à la fin de la procédure (art. 135 al. 2 CPP).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, qui comprennent un émolument de CHF 1'000.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant (soit, pour lui, son défenseur), au Ministère public et au Tribunal des mesures de contrainte.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Alix FRANCOTTE CONUS et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Séverine CONSTANS, greffière.

La greffière :

Séverine CONSTANS

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.


 

P/17968/2019

ÉTAT DE FRAIS

 

ACPR/

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

 

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

 

- délivrance de copies (let. b)

CHF

 

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

 

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

1'000.00

 

 

Total

CHF

1'085.00