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Décisions | Chambre pénale de recours

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PM/806/2023

ACPR/924/2023 du 28.11.2023 sur JTPM/657/2023 ( TPM ) , REJETE

Descripteurs : LIBÉRATION CONDITIONNELLE;PRONOSTIC;EXPULSION(DROIT PÉNAL)
Normes : CP.86

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PM/806/2023 ACPR/924/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 28 novembre 2023

 

Entre

A______, actuellement détenu à l'Établissement fermé de B______, représenté par Me C______, avocat,

recourant,

contre le jugement rendu le 27 septembre 2023 par le Tribunal d'application des peines et des mesures,

et

LE TRIBUNAL D'APPLICATION DES PEINES ET DES MESURES, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève - case postale 3715, 1211 Genève 23,

LE SERVICE DE L'APPLICATION DES PEINES ET MESURES, route des Acacias 82, 1227 Carouge - case postale 1629, 1211 Genève 26,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 6 octobre 2023, A______ recourt contre le jugement du 27 septembre 2023, notifié le lendemain, par lequel le Tribunal d'application des peines et des mesures (ci-après, TAPEM) a refusé sa libération conditionnelle.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens en CHF 3'000.-, principalement à l'octroi de la libération conditionnelle sous condition de son expulsion effective vers l'Île Maurice.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______, ressortissant mauricien né en 1984, purge actuellement les sanctions suivantes :

- une peine privative de liberté de quatre mois, suspendue au profit d'un traitement ambulatoire au sens de l'art. 63 CP, prononcée par jugement rendu le 27 février 2018 par le Tribunal de police d'arrondissement de D______ pour lésions corporelles simples qualifiées, voies de fait qualifiées, injure, menaces qualifiées et insoumission à une décision de l'autorité;

- une peine privative de liberté de quatre ans et sept mois, sous déduction de la détention subie avant jugement, prononcée par arrêt rendu le 8 avril 2022 par la Chambre pénale d'appel et de révision du canton de Genève pour tentative de meurtre, tentative de lésions corporelles graves et violation du devoir d'assistance et d'éducation. Cette autorité a également ordonné un traitement ambulatoire au sens de l'art. 63 CP ainsi qu'une expulsion obligatoire de Suisse de l'intéressé, pour une durée de cinq ans.

b. À teneur de l'expertise psychiatrique réalisée le 10 mars 2021 par le Centre universitaire romand de médecine légale (CURML), A______ souffre d'un trouble mixte de la personnalité, immature et dyssociale. Le risque de récidive violente est considéré comme élevé. Il est préconisé une mesure de traitement ambulatoire au sens de l'art. 63 CP avec la précision que, sous réserve d'une bonne adhésion aux soins de l'intéressé, incluant une compréhension des déterminants de ses passages à l'acte violents, ainsi que d'une meilleure réinsertion sociale et économique, le risque de récidive pourrait diminuer significativement dans les cinq ans.

c. A______ a été incarcéré à la prison de E______ le 8 septembre 2020, puis a été transféré, le 2 juin 2022, à l'Établissement fermé de B______, où il demeure encore à ce jour.

d. Les deux tiers des peines que A______ exécute actuellement sont intervenus le 25 septembre 2023, tandis que la fin des peines est fixée au 5 avril 2025.

e. L'extrait de son casier judiciaire au 3 août 2023 ne fait état d'aucune enquête ouverte à son encontre. En sus des deux condamnations pénales susmentionnées, il est relevé un jugement du Tribunal de police de D______ rendu le 14 janvier 2016 le condamnant à une peine pécuniaire avec sursis et à une amende pour lésions corporelles simples.

f. Par décision rendue le 9 juin 2021, l'Office d'exécution des peines a ordonné la poursuite du traitement ambulatoire au sens de l'art. 63 CP. L'exécution de cette sanction pénale a été déléguée au Service de l'application des peines et mesures (ci-après, SAPEM) le 28 octobre 2022.

g. Par jugement du 27 mars 2023, le TAPEM a ordonné la poursuite du traitement ambulatoire au sens de l'art. 63 CP en faveur de A______, jusqu'au prochain contrôle annuel, étant précisé que ladite mesure échoit en l'état le 8 avril 2027. À cet égard, il a été statué notamment que si l'intéressé ne semblait pas bien comprendre la nécessité d'un tel suivi, il y était toutefois relativement compliant, se présentait aux entretiens thérapeutiques et y adoptait un comportement adéquat. Un travail sur la compréhension et la motivation au suivi restait à faire. Une implication plus importante de l'intéressé était dès lors attendue. D'autres attitudes comme le refus de délier les soignants du secret médical ou le défaut de remboursement des indemnités-victime ou frais de justice fondaient la crainte d'un manque de perception de l'intéressé de la nécessité de diminuer le risque de récidive et d'amendement. Partant, le traitement ambulatoire mis en place restait nécessaire pour prévenir une éventuelle récidive et poursuivre le travail thérapeutique au gré des divers objectifs dont le premier était la co-construction d'une alliance thérapeutique avec les intervenants de prise en charge et d'un climat de confiance sécure en thérapie en faveur du concerné. Les autres objectifs mentionnés par l'expert étaient également rappelés, à savoir la gestion de l'impulsivité, de la frustration et des situations de stress, l'introspection et sur sa conscience des caractéristiques spécifiques d'immaturité, de passivité, de victimisation et de non-respect des règles. Enfin, le traitement devait aborder son parcours de vie et ses relations interpersonnelles, spécifiquement sentimentales, en approchant en particulier la gestion des conflits et son rapport à la violence.

h. Le plan d'exécution de la sanction (ci-après, PES) réalisé par le Service de probation et d'insertion (ci-après, SPI) et avalisé par le SAPEM le 19 septembre 2022 prévoit un passage en milieu ouvert en hiver 2022-2023, pour autant que A______ en fasse la demande et respecte les conditions requises.

Une évaluation criminologique a, en parallèle, été réalisée par le SPI, le 5 août 2022. Il y est retenu que l'intéressé présente un risque de récidive violente élevé dans un cadre sentimental, à sa libération. Il est relevé notamment les antécédents de violence physique dans un cadre sentimental, le trouble dont souffre A______, l'aggravation de ses passages à l'acte violents au cours des années, des capacités d'introspection limitées ainsi que l'absence d'investissement par le passé dans le cadre d'un suivi psychothérapeutique centré sur les violences, et ce malgré les injonctions de soins. Il est spécifié que ledit risque ne peut être considéré à la baisse, par rapport à celui retenu dans l'expertise psychiatrique du 10 mars 2021, tant la réflexion autour de son parcours de vie et des infractions commises, ainsi que son évolution, paraissent limitées. Ainsi, il est notamment prépondérant que A______ poursuive son suivi ambulatoire au sens de l'art. 63 CP, afin de travailler sur son rapport à la violence et sur la gestion de son impulsivité et de ses émotions.

i. Les rapports médicaux du Service de médecine pénitentiaire (ci-après, SMP) du 17 octobre 2022 et du 20 janvier 2023, transmis au SAPEM sans déliement du secret médical par A______ mais après saisie de la commission médicale compétente, relèvent que le prénommé se présente à ses convocations médicales, se montrant globalement calme, collaborant et adéquat dans les échanges. Il présentait parfois une légère tension interne et une certaine réserve. Son discours était pauvre et peu élaboré. Ses capacités cognitives, élaboratives et introspectives étaient ainsi considérées comme limitées. Il se montrait en outre passif dans le cadre de son suivi et demandait à arrêter son traitement. Il peinait à aborder les faits commis, bien qu'il les reconnaisse. Il était focalisé sur sa libération et les retrouvailles avec ses proches, et refusait ainsi toute tentative de réflexion. Les professionnels se questionnaient sur ses propos, eu égard à la gravité des infractions commises, estimant qu'un travail sur l'impulsivité et la gestion des émotions était nécessaire. Au moment de ces rapports, l'objectif thérapeutique principal consistait en la construction d'une alliance thérapeutique, afin d'être en mesure d'aborder et d'approfondir certaines thématiques avec lui.

j. Par courrier daté du 2 février 2023, le Service des mesures institutionnelles (SMI) a indiqué que A______ avait refusé de participer à l'entretien évaluatif en lien avec l'exécution de la mesure de traitement ambulatoire à laquelle il était astreint. Ledit service n'avait ainsi pas pu se déterminer sur la prise en charge médicale de l'intéressé, de par sa faute.

k. Dans le formulaire qu'il a rempli en vue de l'examen de sa libération conditionnelle, A______ indique être divorcé et père de cinq enfants. Il se dit collaborant à une expulsion vers son pays d'origine à sa libération, précisant pouvoir bénéficier du soutien de ses proches y résidant, notamment de sa mère, ainsi que d'un logement. Il émettait en outre le souhait de trouver rapidement un travail à son retour, sans toutefois donner plus de précisions sur la nature de ses projets professionnels. Enfin, il indiquait vouloir poursuivre un suivi psychothérapeutique sur une base volontaire à l'Île Maurice.

l. Selon le préavis favorable de la direction de l'Établissement de B______ du 20 juin 2023, A______ n'avait fait l'objet d'aucune sanction disciplinaire depuis son arrivée en juin 2022. Les tests toxicologiques et éthylométriques réalisés en dernier lieu en mai 2023, s'étaient révélés négatifs. Au sein des ateliers, l'intéressé faisait preuve d'un bon comportement et d'un investissement durable et apprécié dans les tâches confiées. Il était décrit comme rigoureux, travailleur et participatif. En revanche, il n'avait pas commencé à rembourser les frais lui incombant, à savoir les indemnités-victime et les frais de justice.

m. Par courriel du 11 juillet 2023, le SPI a transmis des éléments complémentaires, suite à l'entretien tenu avec A______ à la demande de l'autorité d'exécution. Il était précisé que l'intéressé se disait toujours collaborant à son expulsion du territoire suisse, bien qu'il se disait proche de sa famille résidant sur sol genevois, notamment ses enfants. Il se disait également fatigué de son parcours judiciaire, de son incarcération et des conséquences liées à celle-ci. Il avait également exprimé, sans toutefois détailler ses propos, ne pas avoir été proactif et collaborant durant son exécution de peine jusqu'à présent, notamment sur le plan formatif et professionnel, ayant souffert de culpabilité et de honte. Il s'était engagé à entamer des démarches pour débuter le remboursement des indemnités-victime.

n. Par courriel du 27 juillet 2023, le SMP a informé le SAPEM que A______ persistait à refuser de délier ledit service du secret professionnel. Une nouvelle demande avait été soumise à la commission du secret professionnel pour qu'il puisse transmettre des informations médicales à l'autorité d'exécution dans le cadre d'un prochain rapport.

o. Dans son préavis du 7 août 2023, le SAPEM préavise défavorablement la libération conditionnelle de A______.

En premier lieu, il constate que A______ adoptait un comportement exempt de tout reproche et se montrait abstinent aux produits prohibés depuis le début de son incarcération. Il s'investissait également de manière assidue dans son travail en atelier. Son comportement durablement satisfaisant ne s'opposait de ce fait pas à sa libération conditionnelle. En revanche, il déplorait le manque de collaboration persistant et l'absence de proactivité du concerné dans le cadre de son exécution de peine et de mesure jusqu'à ce jour. L'intéressé refusait toujours de délier le SMP du secret médical, alors qu'il était astreint à un traitement ambulatoire, instauré en vue de diminuer précisément le risque de récidive violente considéré comme élevé dans l'expertise psychiatrique du 10 mars 2021 et dans l'évaluation criminologique du SPI du 5 août 2022. Aussi, les éléments médicaux portés à sa connaissance n'attestaient pas à ce jour d'un travail d'élaboration et d'introspection suffisant quant aux infractions commises et au rapport de l'intéressé à la violence, tout comme d'un travail approfondi sur la gestion des émotions et frustrations, spécifiquement en cas de nouvelle relation sentimentale, ce qui demeurait pourtant nécessaire. En outre, A______ ne remboursait pas les frais lui incombant, alors qu'il y avait été invité encore récemment par le SPI. Sa remise en question face à ses agissements délictueux demeurait ainsi très limitée à ce jour.

Par ailleurs, l'absence de coopération de sa part faisait manifestement obstacle jusqu'à ce jour à sa progression décidée dans son PES du 19 septembre 2022, à savoir un passage en milieu ouvert, avant une éventuelle libération conditionnelle, et ce de sa propre responsabilité. Dès lors, il n'avait pas pu évaluer le concerné dans un cadre davantage responsabilisant et considérait ainsi qu'aucun élément ne permettait d'évaluer à l'heure actuelle à la baisse le risque de récidive violente présent chez lui. Malgré l'accord de A______ d'être expulsé de Suisse à destination de son pays d'origine et de sa possibilité de bénéficier d'un logement à sa libération, entouré de proches, celui-ci partait uniquement du principe qu'il s'intéresserait à sa sortie de détention à sa réinsertion socioprofessionnelle, alors qu'il était attendu de sa part qu'il élabore et consolide dans la mesure de ses possibilités d'ores et déjà durant son exécution de peine un projet réaliste et concret, afin d'éviter qu'il se retrouve dans la même situation sociale précaire dans laquelle il se trouvait avant son incarcération et lors des infractions commises.

p. Par courrier du 19 septembre 2023, A______ a conclu, par l'intermédiaire de son Conseil, à ce que le TAPEM le mette au bénéfice d'une libération conditionnelle, avec effet au 25 septembre 2023, et lui octroie un délai de 48 heures dès la fin de son incarcération afin de pouvoir quitter le territoire helvétique, subsidiairement qu'il procède à son expulsion effective sans délai, dès le prononcé du jugement. Il soulignait son bon comportement durant sa détention, son souhait de poursuivre un suivi psychothérapeutique une fois en liberté et ses projets de réinsertion à l'Île Maurice où il aurait un logement, serait soutenu par sa famille et disposerait d'un travail en qualité d'électricien et plombier dans l'entreprise de son frère.

q. En date du 26 septembre 2023, le SAPEM a adressé au TAPEM un rapport médico-psychologique du 27 juillet 2023 des HUG, lequel indique que A______ avait exprimé sa perte d'intérêt et de motivation pour le travail thérapeutique, malgré un mouvement d'ouverture en avril 2022, et se présentait irrégulièrement aux entretiens psychothérapeutiques auxquels il était convié. La co-construction de l'alliance thérapeutique et d'un climat de confiance sécure restait difficile. Sa préoccupation centrale était de sortir de prison au plus vite afin de retrouver sa famille à l'Île Maurice. Le SAPEM a indiqué que ce rapport ne modifiait en rien les conclusions prises dans son préavis du 7 août 2023.

C. Dans sa décision querellée, le TAPEM relève que si le comportement de l'intéressé en prison ne s'opposait pas à sa libération conditionnelle, le pronostic se présentait en l'état sous un jour défavorable. Bien que l'intéressé se disait prêt à collaborer à son expulsion du territoire suisse et émettait le souhait de regagner son pays d'origine où il bénéficierait du soutien (logement et ressources financières) de ses proches y résidant, d'un travail dans l'entreprise de son frère, et indiquait vouloir continuer un suivi psychothérapeutique sur une base volontaire, il estimait que le risque de récidive élevé retenu dans l'expertise psychiatrique du 10 mars 2021, puis dans l'évaluation criminologique du SPI du 5 août 2022, notamment lié au trouble de la personnalité du concerné, n'avait pas suffisamment diminué. Il ressortait des éléments médicaux que l'intéressé, passif dans son suivi, n'avait pas accompli le travail sur son rapport à la violence et la gestion de son impulsivité tel que requis par les professionnels de santé et attendu par l'autorité, pourtant essentiel pour réduire ledit risque, A______ reconnaissant lui-même ne pas avoir été proactif et collaborant notamment sur le plan formatif et professionnel. Faute de coopération de sa part, la progression prévue dans son PES, en particulier un passage en milieu ouvert à l'hiver 2022-2023, n'avait pas pu avoir lieu, de sorte qu'il n'avait pas non plus été possible d'évaluer l'intéressé dans un cadre davantage responsabilisant et d'en tirer quelque conséquence sur ledit risque de récidive. Aucun élément du dossier ne permettait d'évaluer à l'heure actuelle à la baisse le risque de récidive violente présent chez lui, les facteurs protecteurs qu'il mettait en avant apparaissant insuffisants à le contenir, étant rappelée la gravité particulière des faits pour lesquels il avait été condamné, ses antécédents judiciaires de violence et l'aggravation de ses passages à l'acte. Partant, la libération conditionnelle était refusée et l'intéressé fermement invité à s'investir pleinement et authentiquement dans son suivi thérapeutique, avant le prochain examen d'une éventuelle libération conditionnelle.

D. a. Dans son recours, A______ expose avoir adopté une attitude irréprochable en détention, ce qui démontrait sa capacité à se conformer aux règles et à un cadre strict. Or, le jugement querellé le dépeignait toujours comme un homme empreint à la violence. Son comportement témoignait surtout d'un progrès manifeste quant à son rapport à la violence et à sa gestion des émotions. Par ailleurs, une fois de retour dans son pays d'origine, il serait au bénéfice d'un cadre apaisant et sécurisant, ce qui favoriserait la prévention de toute récidive. Il serait logé au domicile de sa mère et nourri aux frais de cette dernière. Son frère, qui travaillait comme indépendant, s'engageait à lui fournir un emploi d'électricien et plombier à ses côtés. Enfin, une amie s'était engagée à couvrir les frais de son rapatriement (pièce 7, chargé). Sa sortie était ainsi bien préparée et il ne se retrouverait pas dans la même situation de précarité qu'avant son incarcération.

b. Le TAPEM maintient les termes de son jugement sans autre observation.

c. Le SAPEM maintient les conclusions de son préavis. Il ajoute avoir auditionné A______ avec le SMP le 12 octobre 2023, l'objectif étant d'évaluer avec lui les considérants du jugement du TAPEM. Si l'intéressé avait fait montre d'une attitude adéquate, ses réponses étaient demeurées laconiques et il ne les avait même pas informés de son recours contre ledit jugement. Alors que le concerné était invité à demander son passage en milieu ouvert, tel que prévu dans son PES, il avait adopté une posture très passive, exprimant seulement sa lassitude carcérale et sa volonté d'être libéré et de retourner dans son pays d'origine. S'agissant de la gravité des infractions commises, il rejetait toute possibilité de récidive à sa libération, estimant n'avoir aucunement besoin de travailler en thérapie sur son mode de fonctionnement, sur sa gestion des émotions et sur son rapport à la violence. Il ne voyait aucun sens et aucune utilité au traitement ambulatoire ordonné. De sérieux doutes étaient dès lors émis quant au fait que l'intéressé entamerait de son propre chef une thérapie de retour dans son pays d'origine. Or, le travail thérapeutique devait être poursuivi pour éviter toute récidive violente. Il était en outre prépondérant de pouvoir évaluer l'intéressé dans le cadre du passage dans un établissement d'exécution ouvert, son bon comportement dans le cadre très contenant de B______ devant être nuancé. Enfin, le bon comportement de A______, sa collaboration à l'expulsion et ses projets socioprofessionnels à sa sortie ne primaient pas sur son absence de remise en question et d'amendement ainsi que sur son absence de prise de conscience de son mode de fonctionnement et de l'absence actuelle d'outils acquis permettant de canaliser adéquatement ses émotions et frustrations en cas d'instabilité vécue dans le cadre de ses relations, notamment sentimentales. La protection de la collectivité devait l'emporter, eu égard au risque de récidive violente qu'il présente et présenterait à sa libération, quand bien même celle-ci serait assortie d'une expulsion vers son pays d'origine.

d. Le Ministère public conclut au rejet du recours. Le pronostic apparaissait clairement défavorable, l'intéressé n'ayant pas accompli le travail sur son rapport à la violence et la gestion de son impulsivité, pourtant indispensable pour réduire le risque de récidive violente, qualifié d'élevé. Sa prise de conscience demeurait ainsi très relative et sa remise en question face à ses agissements délictueux très limitée.

e. Le recourant indique n'avoir pas d'autre observation à formuler.

EN DROIT :

1. 1.1.  Le recours au sens de l'art. 393 CPP est la voie de droit ouverte contre les prononcés rendus en matière de libération conditionnelle par le TAPEM (art. 42 al. 1 let. b LaCP cum ATF 141 IV 187 consid. 1.1), dont le jugement constitue une "autre décision ultérieure" indépendante au sens de l'art. 363 al. 3 CPP (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1136/2015 du 18 juillet 2016 consid. 4.3 et 6B_158/2013 du 25 avril 2013 consid. 2.1; Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 30 ad art. 363).

1.2. La procédure devant la Chambre de céans est régie par le CPP, applicable au titre de droit cantonal supplétif (art. 42 al. 2 LaCP).

1.3. Le recours est recevable, pour avoir été déposé selon la forme (art. 384 let. b, 385 al. 1, 390 al. 1 et 396 al. 1 CPP) et dans le délai (art. 396 al. 1 CPP) prescrits, par le condamné, qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée (art. 382 al. 1 CPP).

1.4. Les pièces nouvelles sont recevables (arrêt du Tribunal fédéral 1B_550/2022 du 17 novembre 2022 consid. 2.1).

2. Le recourant estime qu'il remplit les conditions d'octroi de la libération conditionnelle.

2.1. Aux termes de l'art. 86 al. 1 CP, l'autorité compétente libère conditionnellement le détenu qui a subi les deux tiers de sa peine, mais au moins trois mois de détention, si son comportement durant l'exécution de la peine ne s'y oppose pas et s'il n'y a pas lieu de craindre qu'il ne commette de nouveaux crimes ou de nouveaux délits. La libération conditionnelle constitue la dernière étape de l'exécution de la sanction pénale. Elle est la règle et son refus l'exception, dans la mesure où il n'est plus exigé qu'il soit à prévoir que le condamné se conduira bien en liberté (cf. art. 38 ch. 1 al. 1 aCP), mais seulement qu'il ne soit pas à craindre qu'il commette de nouveaux crimes ou délits. Autrement dit, il n'est plus nécessaire pour l'octroi de la libération conditionnelle qu'un pronostic favorable puisse être posé. Il suffit que le pronostic ne soit pas défavorable (ATF 133 IV 201 consid. 2.2). Le pronostic à émettre doit être posé sur la base d'une appréciation globale, prenant en considération les antécédents de l'intéressé, sa personnalité, son comportement en général et dans le cadre des délits qui sont à l'origine de sa condamnation, le degré de son éventuel amendement, ainsi que les conditions dans lesquelles il est à prévoir qu'il vivra (ATF 133 IV 201 consid. 2.3 et les références citées). Par sa nature même, le pronostic ne saurait être tout à fait sûr; force est de se contenter d'une certaine probabilité; un risque de récidive est inhérent à toute libération, conditionnelle ou définitive (ATF 119 IV 5 consid. 1b).

Pour déterminer si l'on peut courir le risque de récidive, il faut non seulement prendre en considération le degré de probabilité qu'une nouvelle infraction soit commise, mais également l'importance du bien qui serait alors menacé. Ainsi, le risque de récidive que l'on peut admettre est moindre si l'auteur s'en est pris à la vie ou à l'intégrité corporelle de ses victimes que s'il a commis, par exemple, des infractions contre le patrimoine (ATF 133 IV 201 consid. 2.3 et les références citées).

Il est admissible de lier l'octroi d'une libération conditionnelle au fait que le condamné quitte effectivement la Suisse si le pronostic est défavorable en cas de séjour en Suisse après sa libération anticipée, alors qu'il serait plus favorable en cas de retour dans son pays d'origine ou dans un État tiers, ce qui est le cas, par exemple, pour le détenu étranger dont l'infraction est notamment liée à des problèmes d'intégration (arrêts du Tribunal fédéral 6A.78/2000 du 3 novembre 2000 consid. 2 et 6A.34/2006 du 30 mai 2006 consid. 2.1; A. BAECHTOLD, Exécution des peines : l'exécution des peines et mesures concernant les adultes en Suisse, Berne 2008, p. 269; AARP/309/2013 du 11 juin 2013 consid. 2.2.3 et AARP/14/2014 du 8 janvier 2014 consid. 2.2.3).

2.2. En l'espèce, le recourant a subi les deux tiers de ses peines le 25 septembre 2023, de sorte que la première condition posée par l'art. 86 al. 1 CP est réalisée.

Il est unanimement admis que le recourant s'est par ailleurs bien comporté en détention. Cet élément, auquel s'ajoute le fait qu'il ne s'oppose pas à son expulsion et qu'il bénéficiera à son retour dans son pays d'origine de l'assistance de ses proches (travail, logement, nourriture), ne sont toutefois pas suffisants pour admettre l'absence de pronostic défavorable.

Le recourant prétend ne plus être la personne violente qu'il était auparavant. Il souhaitait retourner au plus vite dans son pays d'origine où, selon lui, il pourrait évoluer favorablement.

Or, certains signaux demeurent au rouge. Ainsi, l'intéressé n'a pas sollicité son passage en milieu ouvert, tel que prévu par le PES et souhaité par l'autorité d'exécution, lequel élargissement permettrait à cette dernière de pouvoir l'évaluer dans un contexte moins cadrant et plus responsabilisant.

Ensuite, dans son dernier rapport, non démenti par le recourant, le SAPEM indique que ce dernier a exprimé une perte d'intérêt et de motivation pour le travail thérapeutique, se présentant irrégulièrement aux entretiens psychothérapeutiques fixés. Cela semble ainsi démontrer que l'intéressé entend désormais s'affranchir de toute contrainte liée au traitement ambulatoire, alors qu'il prétendait dans sa demande de libération conditionnelle vouloir poursuivre celui-ci sur un mode volontaire à son retour à l'Île Maurice.

Ces éléments dénotent une prise de conscience et une remise en question très limitées.

Selon les autorités intimées, les éléments médicaux portés à leur connaissance n'attestaient pas un travail d'élaboration et d'introspection suffisant quant aux infractions commises et au rapport de l'intéressé à la violence, tout comme un travail approfondi sur la gestion de ses émotions et frustrations, spécifiquement dans le cadre d'une nouvelle relation sentimentale. Partant, le risque de récidive d'infractions violentes à l'intégrité physique d'autrui, qualifié d'élevé par l'expert, subsiste, quand bien même l'intéressé serait expulsé vers son pays d'origine.

Ces constats ne souffrent aucune critique, étant observé que le recourant ne fait qu'y opposer sa propre perception de la situation.

On rappellera enfin que dans la mesure où l'on parle d'un risque de récidive violente à sa libération, le cadre "sécurisant" auprès de sa famille mauricienne et l'absence de précarité mis en avant par le recourant n'offrent pas de garantie suffisante non plus, la protection de la collectivité devant l'emporter à ce stade.

Il n'est pas envisageable, non plus, pour les mêmes raisons, de lui accorder une libération qui lui permettrait de rester en Suisse.

3. Le recours sera dès lors être rejeté.

4. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui comprendront un émolument de CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03), étant précisé que même lorsqu'il obtient l'assistance judiciaire, le recourant débouté peut être condamné à prendre à sa charge les frais de la procédure dans la mesure de ses moyens (arrêt du Tribunal fédéral 6B_380/2013 du 16 janvier 2014, consid. 5).

5. La procédure étant ici close (art. 135 al. 2 CPP), des dépens seront alloués à l'avocat d'office, qui les a chiffrés mais non détaillés.

5.1. À teneur de l'art. 135 al. 1 CPP, le défenseur d'office est indemnisé conformément au tarif des avocats de la Confédération ou du canton du for du procès. Seules les heures nécessaires sont retenues. Elles sont appréciées en fonction notamment de la nature, de l'importance et des difficultés de la cause, de la valeur litigieuse, de la qualité du travail fourni et du résultat obtenu (art. 16 al. 2 RAJ).

5.2. En l'occurrence, eu égard à l'acte de recours de 10 pages (pages de garde et conclusions comprises) et à sa motivation dans une cause dépourvue de complexité, l'indemnité du défenseur d'office – nommé par le TAPEM – sera fixée à CHF 646.20 TTC, correspondant à 3h d'activité.

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Rejette le recours.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, qui comprennent un émolument de CHF 900.-.

Alloue à Me C______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 646.20 (TVA à 7.7% incluse).

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant (soit pour lui son défenseur), au Tribunal d'application des peines et des mesures, au Service de l'application des peines et mesures ainsi qu'au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Madame Olivia SOBRINO, greffière.

 

La greffière :

Olivia SOBRINO

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).

PM/806/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

900.00

Total

CHF

985.00