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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/17827/2023

ACPR/915/2023 du 17.11.2023 sur OMP/18342/2023 ( MP ) , REJETE

Normes : CPP.132

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/17827/2023 ACPR/915/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 17 novembre 2023

 

Entre

A______, domicilié ______ [GE], agissant en personne,

recourant,

contre l'ordonnance de refus de nomination d'avocat d'office rendue le 2 octobre 2023 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 11 octobre 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 2 précédent, communiquée par pli simple, par laquelle le Ministère public a refusé d'ordonner la défense d'office en sa faveur.

Le recourant déclare s'opposer à cette décision.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Il est reproché à A______, moniteur d'auto-école, d'avoir, le 8 février 2023, poussé avec ses mains B______, lequel est tombé en arrière, sa tête heurtant le sol.

b. Pour ces faits, B______ a déposé plainte le 27 mars 2023. À teneur des constats médicaux produits, il a subi un "traumatisme crânien", ayant nécessité une hospitalisation du 8 février au 14 mars 2023.

c. Lors de son audition à la police, A______ a expliqué que le jour en question, il effectuait une course d'apprentissage avec une élève conductrice. Comme il s'était parqué sur une place pour handicapé, et malgré le macaron l'autorisant à le faire, B______ était venu l'invectiver, en frappant de manière répétée à la fenêtre de la voiture. Il avait tenté d'ignorer le précité, qui semblait "assez alcoolisé". Lorsque B______ avait brusquement ouvert la portière, il était sorti du véhicule et l'avait "repoussé" à l'aide de ses deux mains, dans le but de l'éloigner. B______ avait titubé sur quelques pas, avant de chuter en arrière et se cogner la tête contre le trottoir. Il avait alors constaté que beaucoup de sang s'écoulait de l'arrière du crâne du précité.

d. Par ordonnance pénale du 16 août 2023, le Ministère public a déclaré A______ coupable de lésions corporelles simples et l'a condamné à une peine pécuniaire de soixante jours-amende, à CHF 40.- l'unité, avec sursis pendant trois ans, ainsi qu'à une amende de CHF 500.-.

e. Le 22 août 2023, A______ a formé une "demande d'assistance juridique civile ou administrative".

Le formulaire était accompagné de pièces justificatives relatives à sa situation financière. Me C______ y était désignée comme conseil de choix.

f. le 29 août 2023, A______, sous la plume de Me D______, a formé opposition contre l'ordonnance pénale du 16 précédent.

B______ s'est également opposé, par son conseil, à cette ordonnance, au motif que les lésions qu'il avait subies devaient être qualifiées de graves et non de simples. Son médecin devait être entendu à ce sujet.

g. Le 3 octobre 2023, le Ministère public a tenu une audience de confrontation, à laquelle A______ a comparu seul, tandis que B______ était assisté de son conseil.

Le premier nommé a confirmé ses propos à la police et souligné que l'élève présente le jour de l'incident n'avait pas été interrogée, alors qu'elle avait assisté à toute la scène.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public retient que la cause ne présentait pas de difficultés particulières, en fait ou en droit. A______ était ainsi en mesure de se défendre seul. La cause était, en outre, de peu de gravité puisque le précité n'était passible que d'une peine pécuniaire maximale de soixante jours-amende.

D. a. Dans son recours, A______ soutient que la cause ne serait pas simple. B______ avait fait opposition à l'ordonnance pénale, en cherchant à requalifier les lésions corporelles simples en graves. La cause avait également eu pour conséquences d'entrainer le retrait de son permis de conduire et de son autorisation d'enseigner. Même si le montant de l'amende et les frais s'élevaient à CHF 3'410.- au total, il était dans l'incapacité de s'en acquitter et allait donc devoir "séjourner en prison". Il ne percevait qu'une rente AI de CHF 2'010.- et son épouse gagnait moins de CHF 5'000.- bruts par mois.

A______ produit une décision du 26 septembre 2023 de l'Office cantonal des véhicules (ci-après: OCV), lui retirant le permis de conduire et son autorisation d'enseigner la pratique de la conduite, en raison de la prise quotidienne – voire pluriquotidienne – de médicaments avec effets psychotropes. L'OCV avait également été informé de "faits d'agression" de sa part, ayant engendré des lésions corporelles et des voies de fait.

b. Dans ses observations, le Ministère public qualifie l'affaire de peu de gravité, au vu de la peine retenue contre A______. Si le chef de lésions corporelles graves devait être retenu contre le précité, celui-ci serait alors mis au bénéfice de la défense d'office, pour autant que sa situation financière le requît. Toutefois, les éléments au dossier et les actes d'instruction requis par B______ ne semblaient pas être en mesure de requalifier les faits dénoncés en infraction visée à l'art. 122 CP.

c. Dans sa réplique, A______ souligne que B______ cherchait à démontrer la gravité des blessures occasionnées par sa chute, ce qui était susceptible de modifier l'appréciation juridique des faits.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP) – les formalités de notification (art. 85 al. 2 CPP) n'ayant pas été observées –, concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

1.2. Les faits et moyens de preuve nouveaux sont également recevables devant l'instance de recours (arrêt du Tribunal fédéral 1B_550/2020 du 19 novembre 2022 consid. 2.1).

2.             Le recourant reproche au Ministère public de ne pas lui avoir accordé une défense d'office.

2.1.       L'art. 132 al. 1 let. b CPP soumet le droit à l'assistance d'un défenseur à deux conditions : le prévenu doit être indigent et la sauvegarde de ses intérêts doit justifier une telle assistance, cette seconde condition devant s'interpréter à l'aune des critères mentionnés à l'art. 132 al. 2 et 3 CPP.

La défense d'office aux fins de protéger les intérêts du prévenu se justifie notamment lorsque l'affaire n'est pas de peu de gravité et qu'elle présente, sur le plan des faits ou du droit, des difficultés que le prévenu seul ne pourrait pas surmonter (art. 132 al. 2 CPP), ces deux conditions étant cumulatives (arrêt du Tribunal fédéral 1B_229/2021 du 9 septembre 2021 consid. 4.1). En tout état de cause, une affaire n'est pas de peu de gravité lorsque le prévenu est passible d'une peine privative de liberté de plus de quatre mois ou d'une peine pécuniaire de plus de 120 jours-amende (al. 3). 

2.2. Pour évaluer si l'affaire présente des difficultés que le prévenu ne pourrait pas surmonter sans l'aide d'un avocat, il y a lieu d'apprécier l'ensemble des circonstances concrètes. En particulier, il convient de s'attacher à la peine concrètement encourue et non à la seule peine-menace prévue par la loi (ATF 143 I 164 consid. 2.4.3 et 3; L. MOREILLON / A. PAREIN-REYMOND, Petit Commentaire du CPP, 2e éd., 2016, n. 30 ad art. 132). La nécessité de l'intervention d'un conseil juridique doit ainsi reposer sur des éléments objectifs, tenant principalement à la nature de la cause, et sur des éléments subjectifs, fondés sur l'aptitude concrète du requérant à mener seul la procédure. Il y a lieu de se demander si une personne raisonnable et de bonne foi – qui présenterait les mêmes caractéristiques que le requérant mais disposerait de ressources suffisantes – ferait ou non appel à un avocat (arrêt du Tribunal fédéral 1B_360/2020 du 4 septembre 2020 consid. 2.2). Il n'est pas exclu que l'intervention d'un défenseur soit justifiée par d'autres motifs, en particulier dans les cas où cette mesure est nécessaire pour garantir l'égalité des armes ou parce que l'issue de la procédure pénale a une importance particulière pour le prévenu, par exemple s'il est en détention, s'il encourt une révocation de l'autorisation d'exercer sa profession ou s'il risque de perdre la garde de ses enfants (arrêts du Tribunal fédéral 1B_12/2020 du 24 janvier 2020 consid. 3.1; 1B_374/2018 du 4 septembre 2018 consid. 2.1).

Pour apprécier la difficulté subjective d'une cause, il faut aussi tenir compte des capacités du prévenu, notamment de son âge, de sa formation, de sa plus ou moins grande familiarité avec la pratique judiciaire, de sa maîtrise de la langue de la procédure ainsi que des mesures qui paraissent nécessaires, dans le cas particulier, pour assurer sa défense, notamment en ce qui concerne les preuves qu'il devra offrir (arrêt du Tribunal fédéral 1B_538/2019 du 10 décembre 2019 consid. 3.1).

2.3. En l'espèce, la question de l'indigence du recourant peut souffrir de rester indécise, compte tenu de ce qui suit.

La peine concrètement encourue par l'intéressé s'élève à soixante jours-amende – assortie de surcroît d'un sursis par le Ministère public dans son ordonnance pénale du 16 août 2023 –, en sus d'une amende de CHF 500.-, de sorte que la cause est de peu de gravité.

En outre, la cause ne présente pas de difficultés particulières d'un point de vue de l'établissement des faits. Elle porte en effet sur une brève altercation, durant laquelle le recourant a admis avoir poussé, de ses deux mains, le plaignant. Les circonstances sont ainsi clairement circonscrites et le recourant s'est d'ores et déjà déterminé à deux reprises, sans la présence d'un conseil. Les enjeux juridiques principaux touchent à la distinction entre les lésions corporelles simples et graves. La délimitation entre ces deux infractions peut, certes, s'avérer difficile, voire compliquée, pour une personne sans formation juridique particulière, comme cela semble être le cas du recourant. Néanmoins, il ressort de son recours et de sa réplique que ce dernier a compris l'importance de cette distinction puisqu'il discute les lésions alléguées par le plaignant. Le recourant apparaît également en mesure de se défendre seul puisqu'il a, lui-même, relevé la pertinence d'un acte d'enquête susceptible d'étayer les faits, à savoir l'audition de l'élève conductrice présente avec lui dans le véhicule.

Enfin, le recourant invoque les conséquences personnelles découlant de la procédure. Cela étant, le retrait de son permis de conduire et de son autorisation d'enseigner semble avoir été, en partie, motivé par des facteurs externes à la cause. Les décisions de l'OCV ne peuvent donc être prises en considération pour établir la nécessité de l'assistance d'un conseil dans la présente cause.

En résumé, l'une des conditions cumulatives de l'art. 132 al. 2 CPP n'est pas réalisée. Partant, la défense d'office ne se justifie pas. Le recourant conserve la possibilité de solliciter derechef la défense d'office devant le Tribunal pénal, dans l'hypothèse où le Ministère public choisirait de maintenir son ordonnance pénale.

3.             Justifiée, l'ordonnance querellée doit être confirmée.

4.             La procédure de recours contre le refus de l'octroi de l'assistance juridique ne donne pas lieu à la perception de frais (art. 20 RAJ).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt, en copie, à A______ et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Madame Oriana BRICENO LOPEZ, greffière.

 

La greffière :

Oriana BRICENO LOPEZ

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).