Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/541/2023 du 18.07.2023 ( TDP ) , IRRECEVABLE
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE P/16180/2018 ACPR/541/2023 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du mardi 18 juillet 2023 |
Entre
A______ et B______, domiciliés ______, République démocratique du Congo, comparant par Me Vincent SOLARI, avocat, Poncet Turrettini, rue de Hesse 8, case postale, 1211 Genève 4,
recourants,
contre l'ordonnance rendue le 20 juin 2023 par le Tribunal de police,
et
LE TRIBUNAL DE POLICE, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève,
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimés.
EN FAIT :
A. Par acte déposé le 3 juillet 2023, A______ et B______ recourent contre l'ordonnance du 20 juin 2023, notifiée le lendemain, par laquelle le Tribunal de police a rejeté leur demande de levée partielle de séquestre.
Les recourants concluent, sous suite de dépens, à l'annulation de ladite ordonnance et à la levée du séquestre portant sur leurs montres et bijoux à concurrence de leur contre-valeur en CHF 7'344'216.-.
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a. A______ et son épouse, B______, sont principalement prévenus d'usure (art. 157 ch. 1 et 2 CP) dans la présente procédure, pour avoir exploité, à leur domicile de C______ [GE] puis de D______ [GE], quatre employés de maison originaires d'Amérique latine et du Sud, lesquels étaient dépourvus d'autorisations de travail et de séjour et rémunérés largement en dessous des salaires minimaux applicables en Suisse.
b. Lors de la perquisition de leur domicile de D______, le 10 avril 2019, la police a saisi, sur mandat du Ministère public, 202 montres et bijoux de très grande valeur découverts à l'intérieur d'un coffre-fort dissimulé derrière un miroir de la salle de bains.
Dits objets ont été portés à l'inventaire n° 1______ du 12 avril 2019 sous chiffres n° 1 à 202.
Sur mandat du Ministère public, le Service des bijoux de la police a estimé la valeur de ces biens au montant de CHF 7'942'311.-, dite estimation se fondant notamment sur des prix catalogues.
c. Le 13 avril 2022, le Ministère public a rendu un avis de prochaine clôture.
d. Le 24 janvier 2023, les prévenus ont sollicité du Ministère public la levée partielle du séquestre sur les bijoux à concurrence d'au moins CHF 7'500'000.-, celui-ci n'étant pas justifié dans son ampleur, compte tenu notamment des prétentions civiles émises par les parties plaignantes.
e. Par ordonnance du 27 janvier 2023, le Ministère public a refusé de faire droit à cette demande.
f. Par acte d'accusation du 7 février 2023, le Ministère public a renvoyé les deux prévenus par-devant le Tribunal de police pour y être jugés d'usure (art. 157 ch. 1 CP), d'infraction à la Loi fédérale sur les étrangers (art. 116 al. 1 let. a et b LEI), d'emploi d'étrangers sans autorisation (art. 117 al. 1 LEI), d'infraction à la Loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants (art. 87ch. 3 LAVS), d'infraction à l'art. 76 alinéa 2 LP et, s'agissant de A______ uniquement, d'empêchement d'accomplir un acte officiel (art. 286 CP).
g. Le recours interjeté par les prévenus contre l'ordonnance du 27 janvier 2023 a été partiellement admis par la Chambre de céans le 24 avril 2023 (ACPR/286/2023). Il a cependant été renoncé à annuler la décision attaquée et à renvoyer la cause au Ministère public pour nouvelle décision et dit qu'il appartiendrait au juge du fond de statuer sur les réquisitions du Ministère public visant au maintien du séquestre sur les bijoux figurant sous chiffres n° 1 à 202 de l'inventaire du 12 avril 2019 et à leur confiscation. Le séquestre sur les montres et bijoux était maintenu dans l'intervalle.
Un recours contre cet arrêt est actuellement pendant au Tribunal fédéral.
h. Les prévenus n'ayant pas comparu à l'audience de jugement du Tribunal de police fixée au 11 mai 2023, une nouvelle audience de jugement a été convoquée les 27 et 28 juin 2023.
i. Le 26 mai 2023, les prévenus ont sollicité du Tribunal de police la levée partielle du séquestre sur les bijoux à concurrence de leur contre-valeur en CHF 7'218'803.-, ce à quoi tant les parties plaignantes que le Ministère public, dûment interpellés, se sont opposés.
C. Dans son ordonnance querellée, le Tribunal de police observe que le sort des objets séquestrés sera tranché lors de l'audience de jugement, laquelle était désormais fixée aux 27 et 28 juin 2023. Vu la proximité de ladite audience, la demande de levée partielle de séquestre était prématurée et, partant, refusée.
D. L'audience de jugement devant le Tribunal de police s'est tenue les 27 et 28 juin 2023.
À l'issue des débats, le Ministère public a conclu à un verdict de culpabilité et, entre autres, au prononcé d'une créance compensatrice d'un montant équivalent aux prétentions civiles/peines et amende auxquelles les prévenus seraient condamnés et à ce qu'en garantie, le séquestre portant notamment sur les bijoux et montres figurant sous chiffres 1 à 202 de l'inventaire du 12 avril 2019 soit maintenu, en vue de leur réalisation.
Le conseil des prévenus a plaidé l'acquittement de ces derniers de tous les chefs d'infractions et, notamment, s'est opposé à toutes confiscations ainsi qu'au maintien du séquestre.
La cause a été gardée à juger à l'issue de l'audience.
E. a. À l'appui de leur recours, A______ et B______ reprochent au Tribunal de police d'avoir violé leur droit d'être entendu en n'examinant pas leurs objections soulevées en réponse aux observations écrites du Ministère public relatives à leur demande de levée partielle du séquestre du 26 mai 2023. Cette autorité n'avait également pas vérifié si le montant séquestré était proportionné par rapport à la créance compensatrice envisageable. Le séquestre sur les montres et les bijoux devait ainsi être levé à concurrence de CHF 7'344'216.-, correspondant à la contre-valeur des objets moins les prétentions civiles – contestées – des parties plaignantes.
b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.
EN DROIT :
1. La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.![endif]>![if>
2. Le recours a été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 90 al. 2, 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerne une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. b CPP) et émane des prévenus qui sont parties à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP).![endif]>![if>
Reste à examiner si ces derniers disposent d'un intérêt juridiquement protégé à recourir.
2.1. Selon l'art. 382 al. 1 CPP, a qualité pour recourir toute partie qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification d'une décision. Cet intérêt doit être actuel et pratique. De cette manière, les tribunaux sont assurés de trancher uniquement des questions concrètes et non de prendre des décisions à caractère théorique, ce qui répond à un souci d'économie de procédure (ATF 144 IV 81 consid. 2.3.1; 140 IV 74 consid. 1.3.1; 136 I 274 consid. 1.3).
Cet intérêt doit exister tant au moment du dépôt du recours qu'à celui où l'arrêt est rendu (ATF 137 I 296 consid. 4.2; arrêt du Tribunal fédéral 6B_766/2016 du 4 avril 2017 consid. 1.2), sous peine d'irrecevabilité (ATF 142 I 135 consid. 1.3.1; 137 I 296 consid. 4.2; 137 II 40 consid. 2.1).
2.2. En l'occurrence, au moment du dépôt du recours, l'audience de jugement par-devant le Tribunal de police avait eu lieu et la cause gardée à juger à l'issue des débats, le 28 juin 2023.
Dans la mesure où le jugement à rendre devra trancher la question du sort des biens séquestrés, les recourants n'ont plus d'intérêt juridique actuel à faire examiner cette question par la Chambre de céans.
Partant, leur recours est irrecevable.
3. Point n'est dès lors besoin de traiter leurs griefs en lien avec une prétendue violation de leur droit d'être entendu.
4. Les recourants, qui succombent, supporteront les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Déclare le recours irrecevable.
Condamne A______ et B______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 900.-.
Notifie le présent arrêt, en copie, aux recourants, soit pour eux leur conseil, au Tribunal de police et au Ministère public.
Siégeant :
Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et
Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.
La greffière : Arbenita VESELI |
| La présidente : Daniela CHIABUDINI |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).
P/16180/2018 | ÉTAT DE FRAIS |
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COUR DE JUSTICE
Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).
Débours (art. 2) | | |
- frais postaux | CHF | 10.00 |
Émoluments généraux (art. 4) | | |
- délivrance de copies (let. a) | CHF | |
- délivrance de copies (let. b) | CHF | |
- état de frais (let. h) | CHF | 75.00 |
Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13) | | |
- décision sur recours (let. c) | CHF | 815.00 |
Total | CHF | 900.00 |