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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/14051/2022

ACPR/53/2023 du 20.01.2023 sur ONMMP/2418/2022 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : VIOLATION DE DOMICILE;VOL(DROIT PÉNAL);DOMMAGES À LA PROPRIÉTÉ(DROIT PÉNAL);LÉSION CORPORELLE;PROTECTION CONTRE LE BRUIT;SOUPÇON
Normes : CPP.310; CP.186; CP.144; CP.139; CP.123; LPG.11D; RTSP.16

République et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/14051/2022 ACPR/53/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 20 janvier 2023

 

Entre

A______, domiciliée ______, comparant en personne,

recourante,

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 11 juillet 2022 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 19 juillet 2022, A______ recourt contre l'ordonnance du 11 juillet précédent, notifiée par pli simple, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur sa plainte du 27 juin 2022 contre inconnu.

Sans prendre de conclusions formelles, la recourante déclare recourir contre la décision précitée.

b. La recourante a versé les sûretés en CHF 900.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______ a déposé diverses plaintes contre inconnu en 1994 et 2001 pour des vols furtifs commis, à réitérées reprises, dans son appartement, dès 1973. Ces plaintes ont été classées par la justice genevoise.

b. Le 30 juillet 2018, elle a déposé une nouvelle plainte pour des faits portant sur une longue période (de 1973 à 2018), exposant notamment avoir été victime de cambriolages sans effraction, au cours desquels des déprédations et des vols auraient été commis dans son logement. Elle reprochait en outre aux policiers ayant mené une enquête à la suite de sa plainte en 2001 d’avoir commis un faux en concluant, dans leur rapport, que les dégâts dont elle se plaignait étaient des marques d'usure et d'avoir suborné un témoin, soit l'ébéniste ayant constaté que son mobilier ne souffrait d'aucun dommage. Elle alléguait également avoir été victime de harcèlement sonore depuis 1997. Dès 2013, elle avait aussi fait l'objet de tentatives d'assassinat par empoisonnement à l'arsenic. Enfin, sa plainte était dirigée contre trois médecins pour diffamation et non-assistance à personne en danger. Elle leur reprochait d'avoir établi, et communiqué à d'autres médecins ou entités, en 2009, un diagnostic psychiatrique la concernant qu'elle estimait infondé, abusif et diffamatoire et de n'avoir rien fait pour l'aider alors qu'elle leur avait décrit les faits, susmentionnés, dont elle était victime.

Cette plainte a fait l’objet d’une ordonnance de non-entrée en matière par le Ministère public, confirmée par la Chambre de céans (P/1______/2018 ; ACPR/713/2019 du 17 septembre 2019). Le 23 octobre 2019, le Tribunal fédéral a déclaré irrecevable le recours interjeté par A______ contre cette dernière décision (arrêt 6B_1174/2019).

c. Le 15 mars 2022, la prénommée a déposé plainte contre inconnu des chefs de violation de domicile, dommages à la propriété, vol, tentatives de lésions corporelles graves et accès indu à un système informatique. En substance, elle réitérait ses précédentes plaintes, la commission des crimes et délits susmentionnés étant récurrente et persistant, sans que le mode opératoire n'ait pu être déterminé.

Des inconnus s'introduisaient dans son appartement durant son absence, ou même parfois en sa présence, pour y commettre des déprédations. L'installation d'une barre de sécurité et d'une deuxième serrure, en 1998, ainsi que d'un système d'alarme, en 2001, n'avait pas permis de mettre un terme à ces intrusions. Entre décembre 2021 et mars 2022, les dégâts avaient été commis de façon à faire croire à des traces d'usure. De plus, elle avait été victime de trois tentatives d’assassinat. Aussi, depuis le 21 juillet 1997, date de son emménagement, elle souffrait de harcèlement sonore sous forme de cliquetis, d'égouttement et de bruits de perceuse. Des craquements – dont elle ignorait l’origine – se produisaient dans la salle de bain. De plus, un tiers avait appuyé sur la sonnette de sa porte le 9 mars 2022. En outre, de 2017 à 2020, une odeur pestilentielle – dont elle ignorait l’origine – s’était répandue dans tout son appartement, mais avait cessé par suite du nettoyage des colonnes d'eaux usées opéré par une entreprise privée en janvier 2020. Elle s’était cependant à nouveau répandue dans sa salle de bain et les WC en novembre 2021 et mars 2022. Enfin, depuis le mois d'octobre 2021, une fenêtre – avec le message "Pour fermer le programme qui empêche Windows de s’arrêter, cliquer sur annuler" – apparaissait à chaque fois qu’elle s’apprêtait à fermer son ordinateur.

Plusieurs indices laissaient penser que ses voisins et un commerçant étaient à l’origine de ces agissements. En effet, le 5 janvier 2021, lorsqu’elle avait trouvé deux des trois serrures de sa porte d’entrée sans le double tour, elle avait entendu une personne se déplacer au huitième étage, sans parvenir à l’identifier. Par ailleurs, entre 1997 et 2008, son voisin du sixième étage lui avait infligé des remarques qu’elle considérait déplacées et inintéressantes. Sa voisine du septième étage adoptait, quant à elle, une attitude "agressive", consistant notamment à ne pas lui ouvrir la porte. Enfin, un commerçant de [la commune] B______ la suivait avec différentes voitures jusqu’à son domicile pour y commettre des déprédations et des vols.

Cette plainte a fait l’objet d’une ordonnance de non-entrée en matière par le Ministère public, confirmée par la Chambre de céans (P/2______/2022 ; ACPR/509/2022 du 29 juillet 2022). Le recours de A______ contre l'arrêt précité a été déclaré irrecevable par le Tribunal fédéral (arrêt 6B_982/2022 du 27 octobre 2022).

d. Par courrier daté du 27 juin 2022, reçu par le Ministère public le lendemain, la prénommée a déposé une nouvelle plainte contre inconnu pour "cambriolages sans effraction", violation de domicile et "nouvelle atteinte à [son] intégrité physique (art. 123 CP)".

En substance, elle réitérait les termes de ses plaintes des 30 juillet 2018 et 15 mars 2022, ajoutant que, depuis cette dernière date, elle avait à nouveau été victime de cambriolages sans effraction – en partie en sa présence –, au cours desquels des dégâts et vols avaient été commis. Plusieurs objets ou du mobilier présentaient des rayures ou incisions ; les sanitaires, cache-pot, vitre du four et cadre de lit avaient, entre autres, été raclés ou ébréchés; son piano à queue, en excellent état en 1997, présentait aujourd'hui des traces de raclages, des incisions dans le bois et sa couleur, noire, avait terni ; le lave-vaisselle et le néon dans la cuisine, manipulés par un tiers, ne fonctionnaient plus, le dernier depuis "plus de dix ans"; le bord des feuilles de l'une de ses plantes vertes avait "blanchi", phénomène qu'elle observait depuis une dizaine d'années ; un rideau et une housse de planche à repasser avaient été coupés et un drap troué. Par ailleurs, des traces de rouge à lèvres étaient apparues en divers lieux.

Les vols reprochés visaient, quant à eux, notamment des livres et pastilles pour la gorge. D'autres objets, tels que des cotons-tiges, brossette interdentaire, comprimés homéopathiques et petite paire de ciseaux avaient été déplacés dans son appartement et une couverture jetée au sol. De surcroît, le 21 avril 2022, vers 13h00, deux de ses "anciens" sacs C______ [commerce de détail], qu'elle avait posés au fond d'un panier durant ses courses, avaient "disparu", après qu'elle se fût éloignée pour chercher des produits à l'entrée du magasin et bien que personne ne se fût trouvé à proximité.

Les odeurs pestilentielles et nuisances sonores qu'elle subissait depuis son emménagement en 1997, persistaient. Désormais, les bruits provenaient également d'un appartement d'un voisin du huitième étage. De plus, il y avait eu une surconsommation d'eau dans sa copropriété en 2020 et 2021 laquelle aurait, selon la régie, été due à une fuite d'eau dans un appartement de l'immeuble mais dont l'occupant aurait pris "les mesures nécessaires" pour y remédier. Par ailleurs, un sifflement était perceptible dans son logement depuis le 31 janvier 2000. Le responsable du service technique de la régie et une entreprise privée, intervenus sur place à l'époque, n'avaient rien entendu, de sorte qu'aucune investigation supplémentaire n'avait été menée, malgré ses demandes. Un ingénieur acoustique avait également procédé à un contrôle de son logement, dont l'appareil de mesures "des plus modernes" n'avait rien perçu non plus. En revanche, le technicien avait, pour sa part, reconnu "qu'il y avait quelque chose". Aussi, à cette époque, elle avait lu un article paru dans le journal "D______" relatif à des sifflements similaires observés à l'intérieur d'un avion, dans lequel des puces électroniques avaient été décelées.

Enfin, le 11 juin 2022, elle avait subi une nouvelle atteinte à son intégrité physique. Un inconnu s'était en effet introduit dans sa cuisine – lorsqu'elle était dans sa chambre ou son bureau – et avait versé un produit potentiellement toxique dans deux gobelets et un verre, dont elle avait pris une gorgée. Elle l'avait aussitôt recrachée, le liquide ayant un goût et une odeur très prononcés, similaires à ceux d'un produit de nettoyage. Le 27 mai 2022, des rougeurs cutanées étaient apparues dans sa bouche et sa gorge – accompagnées d'une température corporelle élevée dès le 3 juin 2022 –, qui étaient peut-être dues à l'ingestion d'un produit toxique versé par un tiers dans sa nourriture ou ses boissons. Si le médecin ORL et l'hygiéniste dentaire qu'elle avait consultés, respectivement les 10 et 14 juin 2022, n'avaient rien constaté "d'anormal", des "irrégularités" avaient été mises en évidence par les analyses sanguines qu'elle avait réalisées le 18 juin suivant.

Les personnes soupçonnées d'avoir commis l'ensemble de ces méfaits étaient les mêmes que celles dénoncées dans ses plaintes précédentes, à savoir ses voisins, un commerçant de B______, des personnes habitant à proximité de son appartement ainsi que leurs éventuels complices. Aussi, des "diffamations" à son encontre, proférées par "certains" de ses voisins, avaient récemment été portées à sa connaissance.

C. Dans sa décision querellée, le Ministère public relève que de nombreux faits relatés par A______ avaient déjà été évoqués dans ses plaintes précédentes, de sorte qu'il n'y avait pas lieu d'y revenir.

Les actes dénoncés à partir du 15 mars 2022, notamment les dommages à la propriété de peu d'importance (art. 144 cum art. 172ter CP), les nuisances sonores et olfactives, le vol d'anciens sacs C______ (art. 139 cum 172ter CP) ou encore le fait qu'un potentiel produit toxique eût été versé dans des gobelets et verre n'étaient nullement étayés.

Pour le surplus, aucun élément probant n'indiquait qu'une infraction pénale aurait été commise et aucun acte d'instruction ne semblait à même de pouvoir démontrer les agissements dénoncés, ceux-ci constituant, au demeurant, essentiellement des contraventions.

Par ailleurs, les problèmes liés aux odeurs, au bruit ou à la consommation d'eau dans l'appartement de la plaignante relevaient du droit civil.

Enfin, aucun élément du dossier ne permettait de démontrer que cette dernière aurait souffert d'une quelconque lésion par suite de l'ingestion d'un produit potentiellement toxique. L'intéressée avait, au contraire, elle-même indiqué avoir consulté un hygiéniste dentaire juste après les faits, qui n'avait rien constaté de particulier.

Compte tenu de l'ensemble de ce qui précédait, les éléments constitutifs d'une infraction n'étaient pas réunis (art. 310 al. 1 let. a CPP).

 

 

D. a. À l'appui de son recours, A______ reprend, en substance, les termes de sa plainte. Contrairement à ce qui avait été retenu par le Ministère public, les déprédations dénoncées ne pouvaient être considérées de peu d'importance. En réalité, la Procureure n'avait pas saisi l'ampleur des dégâts dont elle était victime depuis 25 ans, près de "95 %" de son logement ayant, "d'une manière ou d'une autre", été endommagé.

Par ailleurs, le 11 juin 2022, un tiers s'était introduit sans droit et contre son gré dans son appartement – en sa présence – et avait versé un produit inconnu – qu'elle tenait à la disposition du Ministère public pour analyse –, potentiellement de nature toxique, dans deux gobelets et un verre préalablement remplis d'eau bouillie. Depuis septembre 2018, des rougeurs apparaissaient – de manière irrégulière et imprévisible – sur ses gencives, "muqueuse buccale" et gorge. Par ailleurs, des "irrégularités" avaient été révélées par la prise de sang réalisée le 18 juin 2022 s'agissant, "entre autres", de son système immunitaire.

En outre, les nuisances sonores et olfactives, ainsi que les problèmes de surconsommation d'eau dénoncés ne relevaient pas du droit civil, puisqu'ils étaient causés dans le but de lui nuire. Enfin, le Ministère public ne s'était pas prononcé sur les sifflements perceptibles depuis son appartement ni sur les diffamations dont elle avait récemment eu connaissance.

À l'appui de son recours, la recourante produit une photographie prise par ses soins de quatre boîtes de comprimés homéopathiques, posés sur une table et dont les couvercles sont fendus.

b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures ni débats.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 91 al. 4, 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la plaignante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

1.2. La pièce nouvelle est également recevable (arrêt du Tribunal fédéral 1B_550/2022 du 17 novembre 2022 consid. 2.1).

1.3.  Une partie des faits de la plainte de la recourante du 27 juin 2022 ayant déjà fait l’objet de décisions entrées en force, seuls les faits postérieurs à sa dernière plainte, du 15 mars 2022, seront traités dans le cadre du présent recours, les arguments exposés par la recourante ne remplissant au demeurant pas les conditions d’une reprise de la procédure (art. 11, 310 al. 1 let. b CPP et 323 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             La recourante semble reprocher au Ministère public de ne pas s'être prononcé sur certains faits exposés dans sa plainte, à savoir sur les bruits de sifflements qui seraient audibles depuis son appartement et les diffamations proférées à son encontre dont elle aurait eu connaissance récemment.

3.1. La garantie du droit d'être entendu, déduite de l'art. 29 al. 2 Cst., impose à l'autorité de motiver ses décisions, afin que les parties puissent les comprendre et apprécier l'opportunité de les attaquer, et que les autorités de recours soient en mesure d'exercer leur contrôle (ATF 141 III 28 consid. 3.2.4 p. 41 ; ATF 136 I 229 consid. 5.2 p. 236 ; ATF 135 I 265 consid. 4.3 p. 276).

Une autorité se rend coupable d'un déni de justice formel également prohibé par l'art. 29 al. 2 Cst. si elle omet de se prononcer sur des griefs qui présentent une certaine pertinence ou de prendre en considération des allégués et arguments importants pour la décision à prendre (ATF 138 V 125 consid. 2.1 p. 127 ; ATF 35 I 6 consid. 2.1; arrêt du Tribunal fédéral 6B_868/2016 du 9 juin 2017 consid. 3.1).

L'autorité n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais elle peut au contraire se limiter à ceux qui lui paraissent pertinents. La motivation peut être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 143 III 65 consid. 5.3 ; 142 I 135 consid. 2.1 ;
141 III 28 consid. 3.2.4 ; 139 IV 179 consid. 2.2 p. 183 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_226/2019 du 29 mars 2019 consid. 2.1).

3.2. En l'espèce, le Ministère public a motivé son refus d'entrer en matière sur la plainte de la recourante au motif que les faits décrits par celle-ci ne remplissaient les éléments constitutifs d'aucune infraction pénale, ajoutant que les problèmes liés aux nuisances sonores, au demeurant nullement étayés, relevaient du droit civil. Il s'agit là d'une motivation suffisante, ayant permis à la recourante de comprendre les raisons de la décision querellée et y former recours. Pour le surplus, dans la mesure où le Procureur n'a décelé, dans les faits exposés, la commission d'aucune infraction pénale, il n'avait pas à énumérer celles qui auraient éventuellement pu entrer en considération. À cet égard, la recourante a spécifié, tant dans sa plainte que dans son recours, avoir déposé plainte pour, notamment, violation de domicile et atteinte à son intégrité physique, mais ne s'est, à aucun moment, prévalue d'une infraction à l'art 173 CP. Si elle évoque brièvement des "diffamations" formulées par "certains" de ses voisins à son encontre, "récemment" portées à sa connaissance, elle ne précise nullement, ni dans sa plainte, ni dans son recours, leur teneur et/ou leur nature, l'identité de leurs auteurs ou encore les circonstances dans lesquelles les propos litigieux auraient été tenus. Ainsi, à défaut d'éléments concrets, voire de simples indices permettant de présumer l'existence d'une infraction à l'art. 173 CP, l'on ne peut reprocher à l'autorité précédente de ne pas avoir envisagé une application de cette disposition.

Le grief est donc rejeté.

4.             La recourante reproche au Ministère public de ne pas être entré en matière sur les faits potentiellement constitutifs de violation de domicile, dommages à la propriété et vols.

4.1.  Selon l'art. 310 CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis (let. a).

Selon la jurisprudence, cette disposition doit être appliquée conformément à l'adage "in dubio pro duriore" (arrêt 6B_1456/2017 du 14 mai 2018 consid. 4.1 et les références citées), qui découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et 2 al. 1 CPP en relation avec les art. 309 al. 1, 319 al. 1 et 324 CPP; ATF 138 IV 86 consid. 4.2 p. 91) et signifie qu'en principe, une non-entrée en matière ne peut être prononcée par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un certain pouvoir d'appréciation. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'infraction grave (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1 p. 243 ; ATF 138 IV 86 consid. 4.1.2 p. 91 ; ATF 137 IV 285 consid. 2.5 p. 288 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_417/2017 du 10 janvier 2018 consid. 2.1.2 ; 6B_185/2016 du 30 novembre 2016 consid. 2.1.2 et les références).

Des motifs de fait peuvent justifier la non-entrée en matière. Il s'agit des cas où la preuve d'une infraction, soit de la réalisation en fait de ses éléments constitutifs, n'est pas apportée par les pièces dont dispose le ministère public. Il faut que l'insuffisance de charges soit manifeste. Le procureur doit examiner si une enquête, sous une forme ou sous une autre, serait en mesure d'apporter des éléments susceptibles de renforcer les charges contre la personne visée. Ce n'est que si aucun acte d'enquête ne paraît pouvoir amener des éléments susceptibles de renforcer les charges contre la personne visée que le ministère public peut rendre une ordonnance de non-entrée en matière (Y. JEANNERET/ A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand: Code de procédure pénale suisse, 2e éd., Bâle 2019, n. 9 ad art. 310; R. PFISTER-LIECHTI (éd.), La procédure pénale fédérale, Fondation pour la formation continue des juges suisses, Berne 2010, p. 62).

4.2.  L'art. 186 CP qui réprime la violation de domicile, punit celui qui, notamment, d'une manière illicite et contre la volonté de l'ayant droit, aura pénétré dans une habitation.

4.3.  L'art. 144 al. 1 CP réprime l'infraction de dommages à la propriété, soit celui qui aura endommagé, détruit ou mis hors d'usage une chose appartenant à autrui ou frappé d'un droit d'usage ou d'usufruit au bénéfice d'autrui.

4.4.  Aux termes de l'art. 139 ch. 1 CP, commet un vol, celui qui, pour se procurer ou procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura soustrait une chose mobilière appartenant à autrui dans le but de se l'approprier.

Si l'acte ne visait qu'un élément patrimonial de faible valeur, l'auteur sera, sur plainte, puni d'une amende (art. 172ter CP).

4.5.  En l'espèce, l'absence de soupçon suffisant porte tant sur l'existence d'une infraction que sur celle de son possible auteur. En effet, hormis les déclarations et convictions de la recourante, le dossier ne recèle aucun indice concret laissant supposer qu'un tiers aurait pénétré dans son appartement contre son gré et à son insu et aurait causé les dommages et vols allégués.

La recourante n'a en effet constaté aucun signe d'effraction et n'explique pas de quelle manière un tiers aurait pu s'introduire, de manière répétée, dans son logement – équipé, selon ses dires, d'une barre de sécurité, d'une deuxième serrure et d'une alarme –, qui plus est, même en sa présence. Par ailleurs, si elle soutient que plusieurs biens lui appartenant auraient été abîmés au cours de ces intrusions, aucun indice ne permet cependant de démontrer que les dommages revendiqués – mais non objectivés – seraient dus à l'intervention d'un tiers, et qui plus est, soient volontaires. Au contraire, au vu de leur nature, telle que décrite par la recourante elle-même, les constats – tels que des raclures, rayures ou incisions dans du mobilier ou sur les installations sanitaires – laissent penser qu'il s'agit de traces d'usure normale, étant relevé que la recourante occupe son logement depuis 1997 et n'explique pas que celui-ci aurait fait depuis l'objet de travaux de rénovation. La même conclusion s'impose aux installations électroménagères et luminaires, qui sont également des biens soumis à usure, nécessitant d'être remplacés après quelques années. Pour le surplus, le fait que le feuillage de l'une de ses plantes se soit couvert de taches blanches semble résulter d'une cause naturelle, ce d'autant plus que la recourante a expliqué avoir observé ce phénomène depuis une dizaine d'années.

En ce qui concerne les deux anciens sacs C______, hormis les déclarations de la recourante, le dossier ne recèle aucun indice laissant supposer que ceux-ci auraient été dérobés par un tiers le 21 avril 2022. Les affirmations de la recourante à ce propos relèvent de la simple conjecture, puisqu'elle a expliqué avoir posé lesdits sacs au fond d'un panier, lequel aurait "disparu" après qu'elle s'en fut éloignée, n'excluant pas, de la sorte, que cet objet ait pu, par exemple, être déplacé ou rangé, plutôt que dérobé.

Finalement, les éléments figurant au dossier ne permettent pas d'identifier l'auteur des faits dénoncés, ni d'orienter des soupçons vers une personne précise. Ceux émis par la recourante à l'encontre de ses voisins, d'un commerçant de B______ et/ou de personnes habitant à proximité de son appartement ne justifiaient pas l'ouverture d'une instruction.

Ainsi, faute de prévention pénale suffisante, le Ministère public était fondé à ne pas entrer en matière sur les infractions précitées.

5.             La recourante reproche au Ministère public de ne pas avoir ouvert d'instruction au sujet de l'atteinte qu'elle aurait subie à son intégrité physique, le 11 juin 2022.

5.1.  Se rend coupable de lésions corporelles simples (art. 123 ch. 1 CP) celui qui, intentionnellement, aura fait subir à une personne une atteinte à l'intégrité corporelle, tels que des blessures, meurtrissures, hématomes, écorchures ou des griffures, sauf si ces lésions n'ont pas d'autres conséquences qu'un trouble passager et sans importance du sentiment de bien-être (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1283/2018 du 14 février 2019 consid. 2.1).

Le comportement de l'auteur de l'infraction doit être la cause naturelle et adéquate des lésions corporelles simples subies par la victime (B. CORBOZ, Les infractions en droit suisse, vol. I, 3ème éd., Berne 2010, n. 16 ad art. 123 CP). L'infraction est intentionnelle, cette intention devant porter sur tous les éléments constitutifs de l'infraction, le dol éventuel étant toutefois suffisant (ATF 119 IV 1 consid. 5a p. 3; ATF 103 IV 65 consid. I.2 p. 68).

5.2.  En l'espèce, ici encore, aucun élément au dossier ne permet de corroborer les déclarations de la recourante. Cette dernière n'explique pas de quelle manière un tiers aurait pu s'introduire à son insu dans sa cuisine – alors qu'elle se trouvait elle-même dans son appartement – puis verser un produit, potentiellement toxique, dans des récipients à boire qu'elle avait préalablement remplis d'eau. En outre, si elle affirme avoir souffert de rougeurs cutanées dans la bouche et la gorge ainsi que d'une température corporelle élevée, elle ne produit toutefois aucune pièce médicale ou photographie à l'appui de ses propos. De plus, elle a expliqué avoir consulté un médecin ORL et un hygiéniste dentaire, qui n'auraient constaté aucune lésion ou intoxication. Quant à la prise de sang, qu'elle aurait réalisée le 18 juin 2022 et qui aurait mis en évidence des "irrégularités" au niveau de son système immunitaire, son résultat n'a pas non plus été versé au dossier. En tout état de cause, la recourante ne démontre pas que son état de santé serait dû à l'ingestion d'un produit inconnu versé par un tiers dans des gobelets et verre le 11 juin 2022. D'ailleurs, les rougeurs cutanées dont elle aurait souffert sont apparues, selon ses propres dires, pour la première fois en septembre 2018, puis le 27 mai 2022, soit à une date antérieure à l'ingestion alléguée.

Ainsi, faute d'indice de la commission d'une infraction pénale, l'ordonnance querellée ne souffre aucune critique également sur ce point. Une analyse de l'eau contenue dans les récipients à boire concernés n'est pas de nature à modifier les conclusions qui précèdent, puisque, même dans l'hypothèse où la présence d'un produit serait révélée, on ne pourrait pas encore en conclure que celui-ci aurait été versé par un tiers – l'infraction de violation de domicile n'ayant pas été établie –, qui plus est dans l'intention de nuire à l'intégrité corporelle de la recourante.

6.             La recourante considère que les nuisances olfactives et sonores ainsi que la surconsommation d'eau dont elle se plaint seraient constitutives d'une infraction pénale.

6.1.  Au sens de l’art. 11D de la loi pénale genevoise (LPG ; E 4 05), se rend coupable de trouble à la tranquillité publique celui qui, par la voix, au moyen d’un instrument ou d’un appareil produisant ou amplifiant des sons, avec un instrument ou un appareil dont le fonctionnement ou la manipulation sont bruyants, ou de quelque autre manière, aura troublé la tranquillité publique (al. 1). Par voie de règlement, le Conseil d’État peut interdire des comportements bruyants déterminés, en restreindre l’adoption à certains lieux, jours ou heures, ainsi que les soumettre à des conditions (al. 2).

Le règlement sur la salubrité et la tranquillité publiques (RSTP ; E 4 05.03) précise que tout excès de bruit de nature à troubler la tranquillité publique est interdit (art. 16 al. 1 RSTP), en particulier les bruits inutiles tels que les cris, les vociférations, les claquements de porte ou tout autre bruit inutile (art. 27 RSTP).

Dans la mesure où leur bruit peut être perçu par des tiers, l’utilisation de marteaux, de perceuses ou d’autres appareils analogues est interdite : du lundi au vendredi, avant 8 h et après 19 h ; le samedi, avant 9 h et après 18 h ; le dimanche et les jours fériés selon le droit fédéral ou cantonal (art. 32 RSTP).

6.2.  En l'espèce, la recourante affirme que le harcèlement sonore et les odeurs pestilentielles dont elle s'est plainte dans le cadre de ses précédents recours – qui ont donné lieu aux arrêts des 17 septembre 2019 et 29 juillet 2022 (ACPR/713/2019 et ACPR/509/2022) – persisteraient. Afin d'éviter d'inutiles redites, il sera renvoyé aux développement des arrêts en question à ce propos, la recourante n'apportant aucun élément tangible permettant d'étayer ses allégations.

Quant au bruit de sifflement, qui serait, d'après elle, perceptible dans son appartement, il n'est objectivé par aucun élément du dossier et n'est pas suffisamment caractérisé et identifiable pour que sa provenance puisse être établie, en particulier s'il serait dû à l'intervention d'un tiers. La recourante a d'ailleurs indiqué que plusieurs contrôles techniques de son logement avaient été réalisés par le passé, sans qu'aucun bruit de sifflement n'eût pu être constaté. Il n'est ainsi pas établi que le bruit en question atteindrait l'intensité d'un trouble punissable, au sens des art. 11D al. 1 LPG et 16 RTSP.

Enfin, la surconsommation d'eau alléguée par la recourante ne relève pas du droit pénal, à plus forte raison que le problème serait lié à une fuite d'eau dans un appartement de la copropriété et que des mesures auraient été prises pour y remédier.

C'est donc à bon droit que le Ministère public n'est pas entré en matière sur ces points également.

7.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

 

8.             La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 900.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, à la recourante et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Mesdames Daniela CHIABUDINI et Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Madame Olivia SOBRINO, greffière.

 

La greffière :

Olivia SOBRINO

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/14051/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

     

- délivrance de copies (let. b)

CHF

     

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

815.00

-

CHF

     

Total

CHF

900.00