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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/11294/2022

ACPR/476/2022 du 07.07.2022 ( TMC ) , REFUS

Descripteurs : DÉTENTION PROVISOIRE;RISQUE DE RÉCIDIVE
Normes : CPP.221; CPP.237

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/11294/2022 ACPR/476/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 7 juillet 2022

 

Entre

 

A______, actuellement détenu à la prison B______, comparant par Me C______, avocate, ______ Genève,

recourant,

 

contre l'ordonnance de refus de mise en liberté rendue le 13 juin 2022 et l'ordonnance de prolongation de la détention rendue le 17 juin 2022 par le Tribunal des mesures de contrainte,

 

et

 

LE TRIBUNAL DES MESURES DE CONTRAINTE, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève - case postale 3715, 1211 Genève 3,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A.           Par un seul acte expédié au greffe de la Chambre de céans le 24 juin 2022, A______ recourt contre l'ordonnance du 13 juin 2022, notifiée le surlendemain, par laquelle le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après : TMC) a refusé sa demande de mise en liberté, et contre l'ordonnance du 17 juin 2022, notifiée le 21 suivant, par laquelle le TMC a prolongé sa détention provisoire jusqu'au 21 juillet 2022.

Le recourant conclut à l'annulation de ces décisions, à la constatation de son "droit d'être" (sic) et à sa libération immédiate, moyennant le prononcé de mesures de substitution qu'il énumère.

B.            Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. A______, ______ [fonction], ressortissant suisse né en 1991, a été arrêté le 21 mai 2022 et placé en détention provisoire jusqu'au 21 juin 2022.

b. Depuis dix ans, il est en couple avec D______, enseignante née en 1992, avec laquelle il fait ménage commun depuis cinq ans. Ensemble, ils ont une fille, E______, née le ______ 2021.

c. Le soir du 20 mai 2022, un ami de A______ a contacté la centrale d'engagement de la police après que ce dernier l'avait appelé pour lui dire "au revoir en pleurant", ce qui n'était pas habituel. Simultanément, D______ a contacté la police car ce dernier l'avait menacée de "tuer tout le monde" – soit elle, son enfant et ses parents – avec son arme de service. Durant près de cinq heures, plusieurs patrouilles ont tenté de retrouver A______, après être entrées en contact téléphonique avec lui. Il a, tour à tour, fait part de son intention de se rendre en Turquie, puis à l'autre bout du monde. Durant ce temps, il effectuait des allers-retours, à moto, entre la France et la Suisse. Il a finalement pu être interpellé à son domicile – durant la perquisition de celui-ci –, où il s'était rendu pour y chercher son passeport.

d. A______ est prévenu de menaces (art. 180 CP), contrainte (art. 181 CP), voies de fait (art. 126 CP), injures (art. 177 CP) et empêchement d'accomplir un acte officiel (art. 286 CP).

e. Il lui est reproché d'avoir :

- de manière réitérée, depuis à tout le moins octobre 2021, lors de vacances en Turquie ainsi qu'à Genève, en particulier au domicile commun à F______ (Genève), commis des voies de fait sur sa compagne, en particulier en lui crachant dessus, en cassant son téléphone sur son genou et en lui donnant des gifles au visage ;

- régulièrement, à Genève, alarmé D______ en la menaçant de partir avec leur fille si elle ne faisait pas de qu'il lui disait, si elle ne se taisait pas ou ne l'écoutait pas, en particulier en décembre 2021 ;

- en janvier 2022, à Genève, lors d'une soirée avec sa cousine G______, alarmé D______ en disant qu'il se suiciderait dans 10 ans avec son arme s'il était encore membre du H______ à cette date ;

- en février 2022, à Genève, porté atteinte à l'honneur de D______ en la traitant de pute ;

- le 19 mai 2022, contraint D______ à quitter le domicile commun en lui disant qu'il ne reviendrait pas à la maison avec leur fille – qu'il avait prise de force –, tant qu'elle y était, de sorte qu'elle a été contrainte de passer la nuit chez sa mère, puis l'avoir alarmée en lui écrivant que tant qu'elle ne respectait pas une liste de comportements à adopter à la maison, il partirait avec leur fille et qu'elle ne la reverrait plus ;

- le 20 mai 2022, dit à D______ qu'elle ne pourrait pas voir leur fille tant qu'elle n'avait pas été faire des courses ou tant qu'elle ne lui obéirait pas, et alarmé celle-ci en lui disant qu'il allait retirer CHF 10'000.- et partir en France avec leur enfant, la contraignant ainsi, notamment, à faire des courses ;

- le 20 mai 2022, alarmé D______ et le père de celle-ci, I______, en lui disant, par téléphone – qui était sur haut-parleur –, que si elle ne revenait pas dormir à la maison "ça allait mal se passer", qu'il allait se rendre chez ses parents (à elle) et tous les tuer, tuer leur fille E______ devant elle, avant de se suicider ;

- le 20 mai 2022, empêché la police de procéder à son interpellation en faisant des allers et retours en motocycle dans le but d'éloigner les forces de l'ordre de son domicile.

Les messages échangés entre A______ et D______, y compris vocaux, sont produits au dossier.

D______ et I______ ont déposé plainte pénale.

f. À teneur du rapport de police du 21 mai 2022 (page 4), A______ a été conduit au service d'urgence des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) à la suite de ses propos suicidaires.

g. Selon un courriel du chef de la J______ [lieu de travail], l'arme de A______ a été saisie et ses clés d'accès séquestrées.

h. Entendu par la police – sans avocat –, le 21 mai 2022 durant l'après-midi, A______ a partiellement admis les faits. Le lendemain, devant le Ministère public, il demandera que le procès-verbal de son audition par la police soit retiré du dossier, conformément à l'art. 140 CPP. Un recours est actuellement pendant devant la Chambre de céans contre le refus du Procureur.

i. Lors de son audition par le Ministère public, le 22 mai 2022, en présence de son avocate, il a déclaré ne pas pouvoir confirmer ses précédentes déclarations car il était sous anxiolytiques. Il ne se souvenait même pas avoir été transféré dans un poste de police.

Il a contesté l'infraction à l'art. 286 CP, la police ne lui ayant jamais demandé de s'arrêter. Pour le reste, il a globalement reconnu les faits. Il n'avait nullement dit qu'il ne reviendrait plus avec sa fille, mais qu'il reviendrait "dans de bonnes conditions", soit lorsque sa compagne serait moins stressée et moins fatiguée. Il lui reprochait d'être trop anxieuse et psychorigide. Il l'avait traitée de "pute" car lui-même était un "père exemplaire" tandis qu'elle n'avait de cesse de le harceler moralement, de sorte qu'il "p[était] un plomb". Il se mettait alors à crier et pouvait cracher sur sa compagne, mais il ne l'avait pas giflée. Il avait pris sa fille car il pensait que la famille de sa compagne constituait un environnement malsain pour l'enfant, mais jamais il ne les tuerait. En janvier 2022, il avait dit à sa cousine qu'il se suiciderait dans dix ans car il n'aimait pas son activité professionnelle. Il s'est excusé auprès de la famille [de] D______ pour ses mots et ses menaces, précisant néanmoins qu'elle avait détruit sa vie.

Depuis deux ans il avait initié un suivi avec une coach de vie, auprès des HUG. Il l'avait consultée en tout environ huit fois. Il avait été en arrêt de travail entre mars et mai 2022 pour une fatigue généralisée et des douleurs chroniques du dos.

Il était prêt à entamer un suivi psychologique pour gérer son stress et son impulsivité. Pour revoir sa fille il était prêt à n'importe quelle mesure. S'il était privé de la voir, il aurait "tendance à partir dans des pensées qui ne sont pas positives".

Le 20 mai 2022, il avait parlé de son projet de se rendre en Turquie en moto. Il avait prélevé CHF 3'500.-, qu'il avait sur lui lors de son interpellation. Il avait appelé son père, ainsi qu'un ami, pour leur dire qu'il allait se suicider.

j. S'agissant de sa situation personnelle, A______ est employé depuis 2015 par H______, pour un revenu mensuel net de l'ordre de CHF 6'550.-. Après l'arrêt de travail susmentionné, de deux mois, il a déclaré avoir repris son activité à 100%, le 2 mai 2022. Il déclare disposer d'une fortune de l'ordre de CHF 100'000.- et aucune dette. Sa mère est décédée, son père vit à O______ et il a deux frères à Fribourg.

k.i. Le 22 mai 2022, le Ministère public a requis la mise en détention de A______ pour trois mois, en raison des risques de fuite, collusion et réitération.

ii. Lors de l'audience devant le TMC, le 23 mai 2022, le prévenu a contesté avoir eu l'intention de fuir. Il voulait faire un tour en moto et qu'on le laisse tranquille. Il ne serait pas parti de manière définitive. Il ne contacterait pas D______ tant que durerait la procédure. Il n'avait jamais voulu faire de mal à quiconque. Il était d'accord de se soumettre à des mesures de substitution.

iii. Le TMC a ordonné la mise en détention provisoire, pour un mois, en raison des risques de collusion, fuite, réitération et passage à l'acte. Les mesures de substitution proposées n'étaient pas aptes à diminuer suffisamment ces deux derniers risques, au vu de leur intensité. La durée ordonnée devait permettre au Service médical de la prison de procéder à l'évaluation psychiatrique de A______ et émettre une attestation exposant l'éventuel trouble dont il souffrait et l'éventuelle médication, en indiquant si un transfert dans un autre lieu s'imposait du point de vue médical. Il y aurait ensuite lieu de déterminer si un tel placement permettrait d'assurer suffisamment la sécurité publique, en l'occurrence la vie de la famille [de] D______ et de l'enfant du prévenu. Le juge a rappelé qu'à Genève, "la compétence pour faire application de l'art. 234 al. 2 CPP appartient à la Direction de la procédure (art. 28 al. 2 LaCP) [et] que le prévenu n'a aucun droit d'exécuter sa détention provisoire à la clinique K______, un tel placement n'étant pas et ne pouvant pas être une mesure de substitution à la détention au sens de l'art. 237 CPP dès lors qu'il s'agit d'une décision exclusivement médicale, qui doit reposer sur une raison médicale établie, sur présentation préalable d'un certificat médical (art. 16 LEPM)". Il appartenait donc au Ministère public de se déterminer et d'organiser une éventuelle libération avec les mesures de substitution adaptées, ou, dans le cas contraire, de solliciter la prolongation de la détention provisoire.

Le TMC a souligné qu'il ne paraissait pas nécessaire que A______ demeurât détenu durant toute la durée de la mise en œuvre de l'expertise psychiatrique ordonnée par le Ministère public, puisqu'il s'agissait d'une première arrestation pour des faits, certes répétés et ayant commencé en octobre 2021, mais qui n'avaient toutefois pas été signalés précédemment aux autorités et sur la gravité desquels l'attention du prévenu n'avait jamais été attirée, ce dernier n'ayant jamais non plus fait l'objet d'un suivi psychiatrique.

Sur les copies de l'ordonnance de mise en détention provisoire et du procès-verbal, figure l'annotation manuscrite du juge : "Exemplaire pour le prévenu, qu'il a jeté".

l. Le 3 juin 2022, le Ministère public a procédé à la confrontation de A______ et D______, qui a confirmé sa plainte. La "petite gifle" que le précité lui avait infligée en octobre 2021, en vacances en France, n'avait pas pour but de lui faire mal, mais de la rabaisser.

Le prévenu a déclaré être suivi par la psychiatre de B______, qu'il avait vue deux fois. Des médicaments lui avaient été prescrits. Il a, à nouveau, présenté des excuses à la famille [de] D______.

L'ami de A______ – qui avait appelé la police – a été entendu. Le père de D______, qui s'est présenté au Ministère public, n'a pu être auditionné.

m. Le même jour, le prévenu a sollicité sa mise en liberté, moyennant le dépôt de ses documents d'identité et ses cartes professionnelles – "carte rouge" et carte border police, qui n'ont pas été trouvées durant la perquisition –, l'interdiction de quitter la Suisse, le dépôt d'une caution, l'interdiction de contacter la famille [de] D______ sous réserve d'un éventuel contact avec son enfant sous la supervision du SPMi/TPAE, l'obligation de suivre un traitement psychiatrique et l'obligation d'un suivi auprès de L______ en lien avec son impulsivité.

Il a produit un certificat médical établi par la Dre M______, à teneur duquel il est décrit comme présentant une tristesse de l'humeur importante, des idées suicidaires passées, actuellement contenues, une perte d'espoir, une démotivation et un négativisme face à sa situation professionnelle dont il se disait insatisfait et un environnement qu'il décrivait comme maltraitant et l'exposant à trop de violence. Il présentait un tableau d'épisode dépressif majeur d'intensité moyenne à sévère, dont il était nosognosique. L'épisode actuel avait débuté à la fin de l'été 2021, à la suite d'un échec aux tests pour devenir formateur douanier. Plusieurs facteurs de stress s'étaient ensuite accumulés, dont le décès de sa grand-mère paternelle. A______ avait sollicité un arrêt de travail en mars 2022, mais à la reprise, deux mois plus tard, la situation était toujours fragile et il ne parvenait pas à surmonter ses difficultés, jusqu'aux événements du 20 mai 2022. Lors de l'évaluation, il ne présentait pas de velléités auto- ou hétéro-agressives. Il exprimait son envie d'aller mieux et sollicitait de l'aide en ce sens. Il était adapté et collaborant, se présentait de manière authentique et était capable d'exprimer des émotions. Il acceptait les faits reprochés, qu'il ne tentait pas de banaliser. Il parvenait spontanément à critiquer son mode de communication lors de la période passée. Il nécessitait des soins psychiatriques associant un traitement psychothérapeutique et médicamenteux antidépresseur, qu'il acceptait. Une telle prise en charge pouvait se poursuivre à B______ "ou dans un établissement de soins adapté à sa situation".

n. Par lettre du 17 juin 2022, le chef de la J______ [lieu de travail] a informé le Ministère public vouloir signifier à A______ les mesures administratives prises à son encontre, dont le dossier ne permet pas de connaître la teneur.

o. Le 1er juillet 2022, le Ministère public a procédé à l'audition de I______, qui a confirmé sa plainte. La relation entre sa fille et A______ était celle d'un couple ordinaire. Lui-même entretenait une bonne relation avec le précité, qui était "un bon gars", même s'il présentait parfois des difficultés de gestion émotionnelle. Le 20 mai 2022, alors qu'il se trouvait avec sa fille et sa petite-fille, il avait entendu le précité dire, au téléphone, qu'il allait se rendre à l'aéroport chercher son arme dans son casier, qu'il viendrait à son domicile (celui de I______) et tirerait sur tout le monde. Il avait pris au sérieux les menaces de A______, dont le ton était très agressif. Lorsqu'il était parvenu à lui parler, par la suite, les menaces de A______ ne portaient que sur lui-même, il disait qu'il voulait en finir.

C.           a. Dans l'ordonnance de refus de mise en liberté, le TMC a retenu un risque de fuite élevé, car A______ avait, malgré sa nationalité suisse, indiqué à plusieurs reprises à sa compagne et à la police, le jour de son arrestation, avoir l'intention de quitter la Suisse, et disposait des moyens financiers suffisants pour ce faire. Ce risque pourrait toutefois être pallié par des mesures de substitution.

Le risque de collusion, même peu important, perdurait "notamment" avec I______. Le seul engagement du prévenu de ne pas contacter les parties à la procédure était insuffisant.

Le risque de réitération était concret au vu des menaces et voies de fait répétées dénoncées par D______, ainsi que le risque de passage à l'acte, étant précisé que l'état psychique du prévenu s'était aggravé progressivement, pour atteindre un point culminant au cours des derniers jours avant son arrestation. À l'heure actuelle, il n'était pas stabilisé. A______ n'avait vu le psychiatre de B______ que deux fois et ce dernier relevait encore une perte d'espoir, une démotivation et un négativisme, ainsi qu'un tableau dépressif majeur. Seule une évaluation de son état psychique permettrait de déterminer si des mesures étaient de nature à assurer suffisamment la sécurité publique. Une expertise psychiatrique était en cours de mise en œuvre. Le certificat du service médical de B______, qui ne se déterminait pas sur les risques de récidive et de passage à l'acte, mentionnait des facteurs qui renforçaient potentiellement ces risques.

b. L'ordonnance de prolongation de la détention provisoire reprend ces mêmes arguments. La détention a été prolongée pour une durée d'un mois "durée nécessaire au Ministère public pour auditionner I______, poursuivre son instruction et – comme indiqué dans l’OTMC du 23 mai 2022 – se déterminer cas échéant sur une éventuelle libération avec les mesures de substitution adaptées, ou alors solliciter la prolongation de la détention provisoire".

D.           a. Dans son recours et sa réplique, A______ invoque une violation de son droit d'être entendu, le TMC n'ayant, dans le refus de mise en liberté, pas examiné ses arguments. La discussion du certificat médical était en réalité celle exposée par le Ministère public, qui ne retenait que les éléments défavorables. L'ordonnance de prolongation de la détention entrait en contradiction avec l'ordonnance du 23 mai précédent, dans laquelle le TMC avait estimé que son maintien en détention n'était pas nécessaire dans l'attente de l'expertise psychiatrique.

Par suite de l'audition de I______, l'éventuel risque de collusion avait disparu.

A______ conteste le risque de fuite. L'intention de se rendre à l'étranger, manifestée le 20 mai 2022, l'avait été dans un contexte de crise et d'état dépressif majeur. Sa fille vivait en Suisse, où il avait tout son centre d'intérêts, son employeur étant de plus disposé à lui proposer un appartement à N______ dès la fin de sa détention (selon document produit), ce qui lui permettrait aussi de vivre dans un lieu séparé de sa compagne et de sa fille. Les mesures de substitution proposées, en particulier les sûretés – qu'il propose d'augmenter à CHF 50'000.- –, seraient suffisantes à pallier tout risque.

Il conteste également le risque de récidive et de passage à l'acte. Il était dépourvu d'antécédents et tant sa compagne que le père de celle-ci avaient confirmé que leur relation était, jusqu'à tout récemment, "relativement bonne". Les faits antérieurs au 19-20 mai 2022 étaient d'une gravité relative. Le certificat médical produit démontrait la prise de conscience de ses actes, l'acceptation de sa maladie et son souhait de poursuivre le suivi psychothérapeutique. Un traitement dans un établissement adéquat permettrait de pallier tout risque de récidive, étant précisé qu'il lui était impossible de "pré-réserver" une place dans un établissement médical ouvert.

À l'appui du recours, il produit un nouveau certificat médical, établi le 27 juin 2022 par la Dre M______, dont il ressort que l'évolution de l'épisode dépressif était bonne, sans trouble du comportement observé ou rapporté. La thymie était plus stable, sans idées noires ou suicidaires, ni de symptomatologie psychotique floride. Le discours était cohérent, organisé, sans idées délirantes. Le traitement en place comporte un neuroleptique à visée anxiolytique à faible dose, "permettant un amendement de la symptomatologie anxieuse, très envahissante les jours précéd[ant] son incarcération". Le traitement antidépresseur mis en place depuis deux semaines avait apporté une réponse satisfaisante. A______ bénéficiait en outre d'un traitement par benzodiazépine au coucher, à visée anxiolytique et hypnotique. Il était en attente de pouvoir débuter un suivi psychothérapeutique individualisé auprès d'une psychologue.

b. Le Ministère public conclut au rejet du recours et se réfère à son refus de mise en liberté et sa demande de prolongation de la détention.

c. Le TMC maintient les termes de son ordonnance et renonce à formuler des observations.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 222 et 393 al. 1 let. c CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant invoque une violation de son droit d'être entendu, faute de motivation suffisante des ordonnances querellées.

Force est toutefois de constater que, bien que le TMC ait repris l'argumentation du Ministère public, qu'il a fait sienne en la recopiant, il s'est, ce faisant, prononcé sur le certificat médical produit et a exposé les raisons pour lesquelles les mesures de substitution proposées lui paraissaient insuffisantes.

Partant, les ordonnances querellées ne consacrent pas de violation du droit d'être entendu du recourant.

3.             Le recourant ne s'exprime pas sur les charges retenues. Il n'y a donc pas à s'y attarder, mais à renvoyer, en tant que de besoin, à la motivation adoptée par le premier juge (art 82 al. 4 CPP; ACPR/747/2020 du 22 octobre 2020 consid. 2 et les références), qui expose les indices graves et concordants pesant sur le prévenu, qui admet la quasi-totalité des faits.

4. Le recourant conteste à juste titre le risque de collusion retenu par l'autorité précédente, la confrontation des parties et du témoin ayant désormais eu lieu.

5. Il conteste également le risque de fuite.

5.1. Conformément à l'art. 221 al. 1 let. a CPP, la détention provisoire peut être ordonnée s'il y a sérieusement lieu de craindre que le prévenu se soustraie à la procédure pénale ou à la sanction prévisible en prenant la fuite. Selon la jurisprudence, le risque de fuite doit s'analyser en fonction d'un ensemble de critères, tels que le caractère de l'intéressé, sa moralité, ses ressources, ses liens avec l'État qui le poursuit ainsi que ses contacts à l'étranger, qui font apparaître le risque de fuite non seulement possible, mais également probable. La gravité de l'infraction ne peut pas, à elle seule, justifier le placement ou le maintien en détention, même si elle permet souvent de présumer un danger de fuite en raison de l'importance de la peine dont le prévenu est menacé (ATF 145 IV 503 consid. 2.2; 143 IV 160 consid. 4.3).

5.2. En l'espèce, le comportement du recourant le 20 mai 2022 est de nature à faire concrètement craindre qu'il ne prenne la fuite, puisqu'il a déjà manifesté cette intention. Le risque n'est toutefois pas d'une intensité telle à exiger le maintien du prévenu en détention. Pour le pallier, les mesures proposées par le recourant (le dépôt de ses documents d'identité et de ses cartes professionnelles, et le versement de CHF 50'000.-. à titre de sûretés) sont suffisantes, et pourraient donc être ordonnées.

6.             Reste toutefois à examiner les risques de réitération et de passage à l'acte retenus par l'autorité précédente.

6.1.       Pour admettre un risque de récidive au sens de l'art. 221 al. 1 let. c CPP, les infractions redoutées, tout comme les antécédents, doivent être des crimes ou des délits graves, au premier chef les délits de violence (ATF 143 IV 9 consid. 2.3.1 et les références). Plus l'infraction et la mise en danger sont graves, moins les exigences sont élevées quant au risque de réitération. Il demeure qu'en principe le risque de récidive ne doit être admis qu'avec retenue comme motif de détention. Dès lors, un pronostic défavorable est nécessaire pour admettre l'existence d'un tel risque (ATF 143 IV 9 consid. 2.9). Le risque de réitération peut être également admis dans des cas particuliers alors qu'il n'existe qu'un antécédent, voire aucun dans les cas les plus graves. La prévention du risque de récidive doit en effet permettre de faire prévaloir l'intérêt à la sécurité publique sur la liberté personnelle du prévenu (ATF 137 IV 13 consid. 3-4). Le risque de récidive peut également se fonder sur les infractions faisant l'objet de la procédure pénale en cours, si le prévenu est fortement soupçonné – avec une probabilité confinant à la certitude – de les avoir commises (ATF 143 IV 9 consid. 2.3.1). Une expertise psychiatrique se prononçant sur ce risque n'est cependant pas nécessaire dans tous les cas (ATF 143 IV 9 consid. 2.8).

6.2.       Sur la base de l'art. 221 al. 2 CPP, la détention peut aussi être ordonnée s'il y a sérieusement lieu de craindre qu'une personne passe à l'acte après avoir menacé de commettre un crime grave, sans que l'on puisse se référer à une infraction pénale ayant déjà eu lieu (Message relatif à l'unification du droit de la procédure pénale, FF 2006, p. 1211). Il faut un risque concret et sérieux, ainsi qu'un pronostic très défavorable. En revanche, il n'est pas nécessaire que le suspect ait déjà pris des mesures concrètes pour accomplir l'acte redouté. Il suffit que la probabilité d'un passage à l'acte apparaisse très élevée sur la base d'une évaluation globale de la situation personnelle et des circonstances. En particulier dans le cas de menaces d'actes de violence graves, il convient de tenir compte de l'état psychique du prévenu, de son imprévisibilité ou de son agressivité. Plus l'infraction menacée est grave, plus la détention se justifie si les éléments à disposition ne permettent pas une évaluation précise du risque (ATF 140 IV 19 consi. 2.1.1 et les références citées).

6.3.       Conformément au principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst., concrétisé par l'art. 237 al. 1 CPP), le tribunal compétent ordonne une ou plusieurs mesures moins sévères en lieu et place de la détention si elles permettent d'atteindre le même but que la détention, par exemple de se soumettre à un traitement médical ou à des contrôles (al. 2 let. f). La liste des mesures de substitution énoncée à l'art. 237 CPP n'est pas exhaustive (arrêt du Tribunal fédéral 1B_654/2011 du 7 décembre 2011 consid. 4.2).

6.4.       En l'espèce, un risque de réitération et de passage à l'acte doit être retenu, compte tenu des motifs et des circonstances ayant conduit le recourant à avertir sa compagne de son intention d'aller chercher son arme pour la tuer, elle et leur enfant ainsi que ses beaux-parents, avant de se suicider. S'il s'agit certes d'un premier épisode, l'impulsivité que le recourant manifeste régulièrement – y compris devant le juge de la détention –, la frustration ressentie depuis plusieurs mois sur le plan professionnel et l'agressivité dirigée à plusieurs reprises contre sa compagne, permettent de redouter que, dans un nouvel élan de rage et de ressentiment, il n'en vienne à nourrir les mêmes intentions que le 20 mai 2022, et ne passe à l'acte.

Les évaluations médicales produites font état d'un épisode dépressif majeur d'intensité moyenne à sévère, sur facteur de stress multiples. Le traitement consiste, en plus d'entretiens hebdomadaires avec la psychiatre – prochainement une psychologue –, en l'administration d'un neuroleptique, d'un antidépresseur et de benzodiazépines. Si le prévenu est nosognosique et collaborant, le risque paraît toutefois, en l'état, non négligeable que, une fois libéré, se retrouvant seul, dans un nouvel appartement et éloigné de sa fille – son père vivant à l'étranger et ses frères dans un autre canton –, sans aucune structure médicale contenante, il n'en vienne à nouveau à être dépassé par les idées noires – ce qu'il reconnaît d'ailleurs lui-même, cf. B.i. supra –, sans pouvoir empêcher un passage à l'acte violent, quand bien même son arme aurait été séquestrée.

Le certificat médical du 3 juin 2022 précise que la prise en charge du recourant pourrait se poursuivre "dans un établissement de soins adapté à sa situation". En l'état, la bonne évolution du recourant ne permet pas, compte tenu des circonstances et craintes sus-exposées, de le libérer au profit d'un traitement ambulatoire. Le prononcé de mesures de substitution ne pourrait donc intervenir que si le recourant était pris en charge dans un établissement de soins – sous la supervision du SPI – pour assurer une transition progressive vers un traitement ambulatoire, ce qu'il y a lieu d'organiser.

En l'état, la mise en liberté du recourant ne peut donc être ordonnée et la prolongation de la détention provisoire jusqu'au 21 juillet 2022 respecte le principe de la proportionnalité (art. 197 al. 1 et 212 al. 3 CPP).

7.             Le recours s'avère ainsi infondé et doit être rejeté.

8.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03). En effet, l'autorité de recours est tenue de dresser un état de frais pour la procédure de deuxième instance, sans égard à l'obtention de l'assistance judiciaire (arrêts du Tribunal fédéral 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6 et 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4).

9.             Le recourant plaide au bénéfice d'une défense d'office.

9.1.       Selon la jurisprudence, le mandat de défense d'office conféré à l'avocat du prévenu pour la procédure principale ne s'étend pas aux procédures de recours contre les décisions prises par la direction de la procédure en matière de détention avant jugement, dans la mesure où l'exigence des chances de succès de telles démarches peut être opposée au détenu dans ce cadre, même si cette question ne peut être examinée qu'avec une certaine retenue. La désignation d'un conseil d'office pour la procédure pénale principale n'est pas un blanc-seing pour introduire des recours aux frais de l'État, notamment contre des décisions de détention provisoire (arrêt du Tribunal fédéral 1B_516/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5.1).

9.2.       En l'occurrence, quand bien même le recourant succombe, on peut admettre que l'exercice du présent recours ne procède pas d'un abus.

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, au recourant (soit, pour lui, son défenseur), au Ministère public et au Tribunal des mesures de contrainte.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Daniela CHIABUDINI et Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Monsieur Xavier VALDES, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.


 

P/11294/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

ACPR/

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

 

- frais postaux

CHF

30.00

 

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

 

- délivrance de copies (let. b)

CHF

 

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

 

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

795.00

 

-

CHF

 

 

Total (Pour calculer : cliquer avec bouton de droite sur le montant total puis sur « mettre à jour les champs » ou cliquer sur le montant total et sur la touche F9)

CHF

900.00