Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision
AARP/372/2024 du 17.10.2024 sur JTCO/22/2024 ( PENAL ) , PARTIELMNT ADMIS
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE P/3557/2022 AARP/372/2024 COUR DE JUSTICE Chambre pénale d'appel et de révision Arrêt du 17 octobre 2024 |
Entre
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,
appelant,
contre le jugement JTCO/22/2024 rendu le 27 février 2024 par le Tribunal correctionnel,
et
A______, domicilié c/o M. B______, ______ [GE], comparant par Me C______, avocat,
intimé,
D______ et E______, représentants légaux de l’enfant F______, comparant par Me G______,
L’enfant H______, représentée par Me I______, curateur,
autres intimés.
EN FAIT :
A. a.a. En temps utile, le Ministère public (MP) appelle du jugement du 27 février 2024, par lequel le Tribunal correctionnel (TCO) a acquitté A______ de pornographie (pour la période du 16 février 2022 au 22 mai 2023), l'a reconnu coupable d'actes d'ordre sexuel avec des enfants, de contrainte sexuelle, d'actes d'ordre sexuel sur une personne incapable de discernement ou de résistance, de pornographie (pour la période antérieure au 16 février 2022), l'a condamné à une peine privative de liberté de 30 mois (sous déduction de 283 jours de détention avant jugement), l'a mis au bénéfice du sursis partiel (partie ferme : neuf mois / partie suspendue : 21 mois, assortie d'un délai d'épreuve de cinq ans), a ordonné à titre de règles de conduite la poursuite d'un traitement psychothérapeutique en sexologie et l'obligation de se présenter sous 48 heures au Service de probation et d'insertion (SPI), a ordonné une assistance de probation, lui a fait interdiction d'entrer en contact avec H______ et, à vie, d'exercer une activité professionnelle ou non-professionnelle impliquant des contacts réguliers avec des mineurs, a ordonné sa libération immédiate, constaté qu'il acquiesçait aux actions civiles, l'a condamné à verser à H______, à F______ ainsi qu'aux parents de celle-ci des indemnités en réparation du tort moral, a procédé aux confiscations et restitutions d'usage et l'a condamné aux frais de la procédure.
a.b. Le MP entreprend partiellement ce jugement, concluant à la condamnation de A______ du chef de pornographie pour la période du 16 février au 22 mai 2023 et au prononcé d'une peine privative de liberté de cinq ans, les autres points n'étant pas contestés.
b. A______ conclut au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement.
c. Selon l'acte d'accusation du 9 novembre 2023, il est reproché ce qui suit à A______ :
"1.1.1. Actes d'ordre sexuel avec des enfants (art. 187 ch. 1 CP) et actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance (art. 191 CP).
Le 23 décembre 2021, E______ et D______, jeunes parents de l'enfant F______, née le ______ 2021, ont souhaité passer une soirée ensemble, sans leur bébé âgé de 7 semaines.
A______ leur a proposé de garder l'enfant à son domicile situé au chemin 1______ no. ______, [code postal] J______ [GE] , ce que les jeunes parents ont accepté.
E______ et D______ ont déposé F______ aux alentours de 16h30 au domicile de A______, laissant ainsi leur fille sous la seule surveillance de ce dernier.
E______ et D______ ont confié ce jour-là leur bébé âgé de 7 semaines à A______ en qui ils avaient une confiance aveugle, d'une part compte tenu du fait qu'il s'agissait du meilleur ami de E______ depuis 10 ans, et d'autre part, au vu du fait qu'il travaillait comme assistant socio-éducatif (ASE) dans une crèche depuis 8 ans et qu'il s'occupait, de ce fait, au quotidien, d'enfants âgés de 4 mois à 4 ans.
En fin d'après-midi/début de soirée, les faits suivants se sont produits :
Alors que F______ était couchée sur le dos, en pyjama, sur le canapé du salon, A______ a baissé son pantalon de pyjama ainsi que son caleçon, a sorti son sexe, s'est placé sur l'enfant, et s'est masturbé jusqu'à éjaculation sur le visage du nourrisson.
Cet acte a duré entre 45 minutes et une heure.
A______ a profité du fait que le bébé F______ d'une part était incapable de discernement, compte tenu de son très jeune âge, soit âgée de 7 semaines, qui l'empêchait de réaliser la signification des actes dont elle était victime, et, d'autre part, était incapable de résistance, sans aucune défense et parfaitement vulnérable, compte tenu de son très jeune âge également.
Le prévenu, qui était le meilleur ami de ses parents, disposait d'une position privilégiée par rapport à la victime et bénéficiait d'une certaine autorité sur celle-ci, dans la mesure où les faits se sont déroulés à huis-clos à son domicile.
En agissant de la sorte, A______ s'est intentionnellement rendu coupable d'actes d'ordre sexuel avec des enfants au sens de l'article 187 chiffre 1 du Code pénal et d'actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance au sens de l'article 191 du Code pénal.
1.1.2. Actes d'ordre sexuel avec des enfants (art. 187 ch. 1 CP) et contrainte sexuelle (art. 189 al. 1 CP)
A une date indéterminée entre le début de l'année 2020 et le 23 décembre 2021, à son domicile situé au chemin 1______ no. ______, [code postal] J______ [GE], A______ a commis un acte d'ordre sexuel sur la mineure H______, sa demi-sœur, alors âgée entre 9 et 10 ans et alors qu'il se trouvait seul avec la précitée.
Les faits se sont déroulés comme suit :
Lors d'un jeu où la mineure H______ avait les yeux bandés et qui consistait à goûter des aliments et les deviner ensuite, A______ a imposé à sa demi-sœur, contre sa volonté, une fellation. Pour ce faire, il a baissé son pantalon de pyjama, ainsi que son caleçon, a sorti son sexe, s'est masturbé, puis a introduit son sexe en érection, par surprise, dans la bouche de sa demi-sœur.
L'acte a duré plusieurs secondes, moins d'une minute.
H______ a réagi en disant : "beurk, c'est quoi ça?".
A______ a intentionnellement contraint la mineure H______ à subir l'acte d'ordre sexuel évoqué supra en exerçant sur elle des pressions d'ordre psychique et en la mettant hors d'état de résister, soit :
- en utilisant l'infériorité cognitive de H______, à savoir qu'elle avait entre 9 et 10 ans au moment des faits et que lui avait 26 ans,
- en profitant de la dépendance émotionnelle et sociale de H______, au vu du jeune âge de celle-ci, et compte tenu du fait qu'il était son grand frère, qu'ils entretenaient une relation proche et soudée et que H______ avait pleinement confiance en lui;
- en agissant, par surprise, alors qu'elle avait les yeux bandés et qu'il savait qu'elle ne pourrait pas s'y opposer.
Dans ces circonstances, H______ a été empêchée de résister et de s'opposer aux actes imposés par le prévenu. Elle s'est retrouvée dans une situation sans issue.
En agissant intentionnellement de la sorte, A______ s’est rendu coupable d'actes d'ordre sexuel avec des enfants au sens de l'article 187 chiffre 1 du Code pénal et de contrainte sexuelle au sens de l'article 189 alinéa 1 du Code pénal.
1.1.3. Pornographie (art. 197 al. 4 et 5 CP)
1.1.3.1.
A Genève, à une date indéterminée de l'année 2021, A______ a intentionnellement téléchargé une photographie à caractère pédopornographique, laquelle mettait en scène une jeune fille d'environ 8 ou 10 ans prodiguant une fellation à un adulte, étant précisé que A______ a distribué cette photographie à des tiers, via le compte de messagerie instantanée W______, le 17 juillet 2021 à 12h59.
A______ a agi dans un but d'excitation sexuelle.
Le prévenu s'est ainsi rendu coupable de pornographie au sens de l'article 197 alinéas 4, 2ème phrase et 5, 2ème phrase, du Code pénal.
1.1.3.2.
A Genève, à réitérées reprises, depuis une date indéterminée en 2019 à tout le moins, jusqu'au 15 février 2022, puis du 16 février 2022 jusqu'au 22 mai 2023, veille de son interpellation, A______ a acquis, téléchargé sur internet, visionné, conservé et distribué notamment via les applications TELEGRAM, TikTok, WhatsApp et l'application de partage de fichiers Mega, un très grand nombre de fichiers à caractère pédopornographique et zoophile.
Pendant la période précitée, A______ a ainsi acquis, téléchargé, visionné, conservé et parfois distribué :
- 10'834 fichiers à caractère pédopornographique, soit des images et vidéos mettant en scène de vrais enfants mineurs, dont certaines fois des nourrissons, en train de pratiquer, entre eux ou avec des adultes, des actes d'ordre sexuel impliquant notamment des pénétrations vaginales, des sodomies, des masturbations, des fellations, des cunnilingus, des éjaculations faciales;
- 787 fichiers de pédopornographie virtuelle, soit des images et vidéos mettant en scène des enfants mineurs, non réels, en train de pratiquer des actes d'ordre sexuel impliquant notamment des pénétrations vaginales, des sodomies, des fellations et des cunnilingus;
- 543 fichiers à caractère zoophile, soit des images et des vidéos montrant des animaux se livrant à des actes d'ordre sexuel.
Les recherches sur le moteur de recherche GOOGLE du prévenu étaient notamment les suivantes:
- Incest family kids 3d vidéo;
- Jeune fille lèche;
- Fils baise avec sa mère;
- Child sex pics;
- Fuck a 6 years old.
A______ a agi dans un but d'excitation sexuelle.
Le prévenu s'est ainsi rendu coupable de pornographie au sens de l'article 197 alinéas 4, 1ère et 2ème phrase et 5, 1ère et 2ème phrase, du Code pénal.
1.1.3.3.
Dans les circonstances de temps et de lieu décrites supra sous 1.1.1, plus précisément à 16h58m40s (UTC+1), A______ s'est filmé à l'aide de son téléphone portable lorsqu'il commettait l'acte d'ordre sexuel sur le bébé F______, âgé de 7 semaines, à savoir se masturber jusqu'à éjaculation sur le visage du nourrisson, lequel se trouvait allongé sur le dos sur le canapé du salon.
Il a ensuite sauvegardé cette vidéo, qu'il avait fabriquée, dans son téléphone portable et l'a envoyée, dans les minutes qui ont suivi, à une personne qu'il avait rencontrée plus tôt sur l'application TELEGRAM et avec qui il échangeait régulièrement du contenu à caractère pédopornographique.
A______ a, par la suite, effacé cette vidéo. Les images en question ont été retrouvées dans son téléphone portable (BGS 2______), étant précisé qu'elles portent comme date de dernière écriture le 20 janvier 2022.
Il a agi dans un but d'excitation sexuelle.
Le prévenu s'est ainsi rendu coupable de pornographie au sens de l'article 197 alinéas 4, 2ème phrase et 5, 2ème phrase, du Code pénal".
B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :
a.a. Selon le rapport d'arrestation du 15 février 2022, la police avait reçu une dénonciation de l'Office fédéral de la police (FEDPOL) en lien avec la distribution d'une photographie pédopornographique par le biais d'internet, le 17 juillet 2021 à 12h59 (chiffre 1.3.1.1 supra). Le détenteur de l'adresse IP incriminée était A______. Convoqué, ce dernier avait reconnu les faits. En substance, il avait admis visionner du contenu à caractère pédopornographique depuis deux ans tout en sachant que c'était illégal. Il pensait avoir téléchargé pour environ 100 gigas de contenu pédopornographique et reconnaissait utiliser l'application TELEGRAM pour échanger ce type de contenu dans des groupes de discussion. Lors de la perquisition de son domicile, de nombreux outils informatiques avaient été saisis.
a.b. Selon le rapport de renseignements de la Brigade de criminalité informatique (BCI) du 28 mars 2023, l'analyse des supports numériques saisis laissait penser que le prévenu s'était masturbé et avait éjaculé sur le visage d'un nourrisson (chiffre 1.1.1 supra), acte qu'il avait filmé (chiffre 1.1.3.3 supra). Était en outre mise en évidence la présence massive de fichiers illégaux (chiffre 1.1.3.2 supra) dont 760 fichiers de pédopornographie virtuelle. Ces fichiers se trouvaient majoritairement dans les répertoires de l'application TELEGRAM.
b.a. Selon le rapport d'arrestation du 24 mai 2023, une nouvelle perquisition du logement de A______, interpelé la veille, avait permis la saisie de pièces informatiques et de son téléphone.
b.b. Selon le rapport de renseignements de la BCI du 13 juillet 2023, leur analyse avait permis de trouver de nouveaux éléments illégaux, soit 27 fichiers de pédopornographie virtuelle. La majorité de ceux-ci (26), dans son téléphone, étaient enregistrés dans les dossiers des applications CHROME, TWITTER et TELEGRAM. Pour la première (CHROME), l'analyse ne permettait pas de déterminer la source des fichiers. Pour la seconde (TWITTER), les recherches ne permettaient pas de mettre en évidence le contenu du compte Twitter de l'intéressé (@K______) ; le téléphone contenait des références à plus de 900 autres comptes, dont trois (@L______, @M______ et @N______ présentaient du contenu de pédopornographie virtuelle, contenu qu'on retrouvait parmi les images analysées, sans toutefois pourvoir les attribuer de manière définitive. Quant à la troisième (TELEGRAM), parmi les 92 groupes encore disponibles sur la plateforme de communication, beaucoup permettaient le partage de pornographie légale et l'un d'eux mettait à disposition du matériel de pédopornographie virtuelle ; la présence de ces groupes était cohérente avec les images illégales et légales retrouvées lors de l'analyse, sans toutefois pouvoir les attribuer de manière définitive.
Le rapport de la BCI relève que, sans pouvoir déterminer de manière précise la source des images, il était impossible de préciser la période de téléchargement. Les images illégales portaient des dates de dernière écriture s'étalant sur une période comprise entre le 11 juillet 2022 et le 22 mai 2023. On ne trouvait pas de trace de partage de celles-ci. On ne retrouvait par ailleurs pas lesdites images sur les supports saisis.
c.a. Lors de la procédure préliminaire, A______ a admis les faits décrits sous chiffres 1.1.1, 1.1.3.1, 1.1.3.2 (pour la période courant jusqu'au 15 février 2022) et 1.1.3.3 de l'acte d'accusation.
c.b. Le 24 mai 2023, après qu'on lui demandait d'entrée de cause, au MP, s'il entendait ajouter quelque chose à ses déclarations à la police, il a révélé que, depuis quelques mois, il lui arrivait, contre son gré et par mauvais hasard, de tomber, en recherchant de la pornographie légale, sur des sites pédopornographiques. Il ne recherchait pourtant pas de contenu à caractère pédopornographique. À ces occasions, il ne regardait rien, ne téléchargeait rien ; il était terriblement stressé, ne comprenant pas pourquoi il tombait dessus et, se sachant surveillé, avait peur. Par ailleurs, il devait confesser, spontanément – car c'était sa dernière chance de sortir de ce cercle de mensonges –, les faits décrits sous chiffre 1.1.2 supra.
c.c. A______ a contesté les faits visés sous chiffre 1.1.3.2 pour la période courant du 16 février 2022 au 22 mai 2023.
On ne trouverait rien d'illégal dans ses appareils saisis le 23 mai 2023. Il allait sur des groupes de pornographie tout à fait légaux. Il était sur un groupe de "mangas pornographiques" légal. Ce groupe, géré par une intelligence artificielle, était protégé, sécurisé. Lorsque du contenu illicite y apparaissait, c'était rapide : les administrateurs l'effaçaient. Il y avait bien des gens qui "essayaient" mais ils étaient tout de suite bannis. Certains membres du groupe jouaient le jeu en dénonçant aux administrateurs le contenu illicite qui n'était pas automatiquement détecté. Pour sa part, il n'avait pas dénoncé de contenu illicite car en voir ne lui était arrivé que très rarement et il avait eu peur que cela n'attire l'attention sur lui et ne déforme ses intentions. En allant sur ces groupes, il n'avait rien téléchargé du tout, rien regardé d'illicite. Il n'allait pas que sur TELEGRAM pour visionner du porno ; il allait aussi sur d'autres sites comme "O______, P______, Q______ [et] R______", soit des sites légaux. L'autre jour, quelqu'un l'avait contacté sur TELEGRAM pour lui envoyer "des vidéos et autres" mais il l'avait tout de suite bloqué. Il n'avait plus visionné d'image illégale depuis son interpellation du 15 février 2022 ; il était tombé sur ce genre de contenu mais n'avait pas pris le temps de le regarder.
d.a. À teneur du rapport d'expertise psychiatrique du 17 juin 2022, l'examen de A______ mettait en évidence un trouble de la préférence sexuelle de type pédophilie non exclusive, ainsi qu'un trouble de la personnalité de type schizoïde. S'il avait la faculté d'apprécier le caractère illicite de son acte au moment des faits, sa faculté de se déterminer d'après cette appréciation était partiellement altérée – le trouble pédophile constituait une forme de contrainte interne altérant la faculté de se déterminer. Sa responsabilité était donc très faiblement restreinte. Le risque de délit contre l'intégrité corporelle (atteintes physiques, psychiques, sexuelles) était supérieur à celui de la population générale. Le risque de récidive lié à la pédopornographie était moyen. Un traitement sexologique/psychothérapeutique spécialisé dans la prise en charge de personnes atteintes de pédophilie, administré de façon ambulatoire, était susceptible de diminuer le risque de récidive.
d.b. Le complément d'expertise psychiatrique du 12 septembre 2023, intégrant les faits commis au préjudice des enfants F______ et H______ ainsi que le téléchargement de contenu pédopornographique de juillet 2022 à mai 2023, relève notamment :
"Sur le plan de la sexualité, les faits nouveaux dont l'expertisé est accusé, et qu'il reconnait en grande partie, permettent de confirmer le diagnostic de trouble du développement psychosexuel avec orientation pédophile non exclusive. Cependant, l'existence de deux passages à l'acte réels à l'égard d'enfants, dont l'un de nature incestueuse, ainsi que la poursuite des comportements de pédopornographie durant la période de mesures de substitution, constituent des indicateurs évidents de gravité […] Le trouble du développement psychosexuel apparait désormais de gravité élevée. Par ailleurs, il semble qu'une légère évolution dans la perception de sa pathologie sexuelle ait eu récemment lieu dans l'esprit de l'expertisé, car celui-ci a pu, vis-à-vis de l'expert, abandonner en partie le discours de justification de ses actes qu'il avait eu vis-à-vis des inspecteurs de police, et exprimer au moins son ambivalence et ses doutes à l'égard de son orientation sexuelle […] Le nombre de facteurs de risque présents dans l'échelle SVR-20 oriente vers un risque moyen de récidive. Cependant, la gravité de certains actes commis, la dimension sadique de certains faits (humiliation de la victime par effet de surprise ou par abus de son innocence, enregistrement des actes sans possibilité d'opposition, humiliation de la personne humaine dans les actes de zoophilie), la poursuite des activités pédopornographiques durant la période de mesures de substitution, la présence d'une pathologie générale de la sexualité et de plusieurs troubles concomitants de l'orientation sexuelle (zoophilie), amènent à considérer le risque de récidive comme étant élevé […] Il apparait donc nécessaire que ce traitement [ambulatoire] soit accompagné de règles de conduite strictes et qu'il soit mené par des professionnels habitués aux situations médico-légales. Le traitement ambulatoire devra donc être confié aux intervenants du Service de médecine pénitentiaire ou du Service des mesures institutionnelles. De plus, les activités de M. A______ devront être mises sous la surveillance du SAPEM ou du Service de probation et d'insertion (SPI) […] [Ce traitement] devra être prévu pour une durée de cinq ans au minimum".
e.a. Au Tribunal, A______ a admis les faits, sous réserve de la période pénale (chiffre 1.1.3.2 supra). Il reconnaissait aujourd'hui que ses pulsions étaient d'origine sexuelle et qu'il avait agi en raison de celles-ci – il s'agissait de pulsions en lien avec la pédophilie et la zoophilie. Il réalisait vraiment la portée de ses actes et tout le mal qu'il avait causé. Il était apte désormais à s'ouvrir aux autres, à ses proches – ce qu'il ne faisait pas avant – et à appeler à l'aide en cas de pulsion de ce genre. Il souhaitait être suivi, à sa sortie de prison, et pouvoir disposer de séances plus longues. Il regrettait et avait honte. Ce qu'il avait fait était impardonnable, monstrueux. Il acquiesçait aux actions civiles (sur le principe pour l'une d'elles).
Il n'avait pas visionné les images illicites mentionnées dans le rapport de la BCI du 13 juillet 2023. Il avait rejoint des groupes sur les applications TWITTER et TELEGRAM en lien avec de la pornographie légale et ces images s'étaient auto-téléchargées sur ses appareils. Elles ne se trouvaient pas dans sa galerie d'images. Il n'avait pas cherché ce genre de contenu, il ne s'agissait pas d'un téléchargement manuel.
e.b. D______ et E______ ont déclaré qu'ils essayaient d'aller de l'avant et de ne pas penser aux actes commis sur leur fille. Celle-ci se développait normalement car elle ignorait la situation.
e.c. Le curateur de H______ a fait savoir que cette dernière, fragilisée, rencontrait un certain nombre de problèmes, dont tous n'étaient pas en lien avec la procédure.
e.d. S______, compagne de A______ depuis décembre 2021, a déclaré que celui-ci avait fait du chemin depuis qu'il était en prison. Il exprimait des regrets, du dégoût et, grâce à son suivi, avait changé, pris conscience de la gravité de ses actes. Toute la famille était au courant, le soutenait, était là pour comprendre avec lui et essayer de réparer.
C. a. Dans le cadre de la procédure d'appel, A______ a produit :
· Un rapport de suivi médico-psychologique établi par T______, psychologue-psychothérapeute auprès du Service de médecine pénitentiaire (SMP)/Consultation post-carcérale du 16 septembre 2024, à teneur duquel : "[…] Depuis sa sortie de prison en février 2024, Monsieur A______ est suivi à la consultation post-carcérale de U______ et cela depuis le 12 mars 2024, par Madame T______, psychologue, en obligation de soin comme mesure de substitution en attente du procès d'appel […] Au setting thérapeutique individuel se sont ajoutés trois entretiens de famille réalisés avec la mère du patient, le père et la belle-mère (mère d'une des victimes) […] Monsieur A______ reconnait l'ensemble des faits reprochés pour lesquels il exprime des regrets et une forte culpabilité […] Synthèse […] Monsieur A______ se montre adhérent et compliant aux soins, dans lesquels il s'investit de manière authentique. Il évolue dans la compréhension de son fonctionnement et la mise en place de stratégies adéquates et protectrices d'actes délictueux. Nous préconisons la poursuite de la prise en charge psychothérapeutique à long terme pour continuer à travailler sur la problématique sexuelle et en approfondir la compréhension, ainsi que sur sa gestion des émotions" ;
· Un courrier de l'Hospice général du 17 septembre 2024, qui relève : "[…] Monsieur A______ a commencé un suivi financier et social dans notre service au mois de mars 2024 […] Monsieur sait se montrer proactif dans ses demandes et c'est pour donner suite à cela que nous avons commencé à réfléchir à un projet professionnel. J'ai pu approcher notre service de réinsertion afin qu'il nous apporte leur expertise sur les perspectives de reconversions professionnelles pour M. A______. À ce jour, nous attendons encore leur réponse. Monsieur A______ est un jeune homme motivé à avancer et à mettre en œuvre tout ce qui est nécessaire pour l'amélioration de sa situation actuelle […]".
b. Le 19 septembre 2024, le SPI a rendu un rapport à teneur duquel l'intéressé "est suivi dans le cadre de l'assistance de probation prononcée. Il se présente régulièrement et ponctuellement aux rendez-vous prévus avec notre Service. Il se montre toujours très correct, respecte le cadre donné au SPI et est proactif pour différentes démarches administratives […] Au niveau personnel, Monsieur A______ entretient une relation avec une femme depuis plus de 2 ans. Il se projette avec elle et évoque une demande en mariage dans ces prochains mois. Il a été très soutenu par cette dernière durant tout la présente procédure. Sa famille est également très soutenante […] De notre côté, au SPI, nous observons un jeune homme qui se remet beaucoup en question sur les faits et dit regretter profondément ses actes […]".
c. Aux débats d'appel, A______ a réaffirmé sa position. Il maintenait que depuis le 16 février 2022, il n'avait plus consulté ou téléchargé de contenu pédopornographique, bien qu'il fût parfois tombé sur un tel contenu, réel ou virtuel. Les 27 images de pédopornographie virtuelle saisies dans son téléphone lors de sa dernière arrestation – que la CPAR lui soumettait (sous forme de vignettes) – ne lui parlaient pas. Il ne les avait jamais vues ; il n'avait pas le souvenir d'avoir vu celles-là. C'était important pour lui de dire qu'il n'avait pas visionné de manière volontaire ces 27 fichiers supplémentaires, pas plus qu'il ne les avait téléchargés. S'il l'avait fait, il le dirait. Il persistait dans ses précédentes déclarations à ce sujet.
S'agissant des actes commis au préjudice de F______ et H______, il ne trouvait pas les mots pour exprimer ses regrets, son dégoût de lui-même. Il travaillait sur lui avec l'aide de la Dresse T______. Il souhaitait pouvoir réparer mais c'était impossible.
d. Le MP et A______, par la voix de son conseil, persistent dans leurs conclusions. Leurs arguments seront repris ci-après en tant que de besoin.
D. a. A______ est âgé de 29 ans, de nationalité suisse, célibataire, sans enfant. Titulaire d'un CFC d'assistant socio-éducatif, décroché en 2014, il a exercé comme remplaçant dans différentes crèches, puis comme assistant socio-éducatif au sein de la crèche V______, de 2018 à février 2022 (date de sa première interpellation), enfin dans le domaine de l'hygiène et du nettoyage (jusqu'à son arrestation en mai 2023).
b. Il n'a pas d'antécédent inscrit au casier judiciaire suisse.
EN DROIT :
1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale [CPP]).
La Chambre n'examine que les points attaqués du jugement de première instance (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décision illégale ou inéquitable (art. 404 al. 2 CPP), sans être liée par les motifs invoqués par les parties ni par leurs conclusions.
2. La présomption d'innocence, garantie par les art. 10 CPP, 32 al. 1 Cst., 14 par. 2 Pacte ONU II et 6 par. 2 CEDH, ainsi que son corollaire, le principe "in dubio pro reo", concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large. En tant que règle sur le fardeau de la preuve, elle signifie, au stade du jugement, que le fardeau de la preuve incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu. Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait (ATF 145 IV 154 consid. 1.1).
3. 3.1. À teneur de l'art. 197 al. 5, 1ère phrase, du Code pénal [CP], dans sa teneur jusqu'au 30 juin 2024, quiconque consomme ou, pour sa propre consommation, fabrique, importe, prend en dépôt, acquiert, obtient par voie électronique ou d’une autre manière ou possède des objets ou représentations ayant comme contenu des actes d’ordre sexuel avec des animaux, des actes de violence entre adultes ou des actes d’ordre sexuel non effectifs avec des mineurs, est puni d’une peine privative de liberté d’un an au plus ou d’une peine pécuniaire.
L'interdiction de la pornographie dure a comme objectif, outre la prévention de la jeunesse, celle des adultes. Il s'agit d'un délit de mise en danger abstraite (ISENRING/KESSLER, Basler Kommentar, Strafrecht, 4ème éd. 2019, n° 52 ad art. 197 CP ; arrêt du Tribunal fédéral 7B_62/2022 du 2 février 2024 consid. 6.2.2).
L'art. 197 al. 5 CP punit la consommation en tant que telle, y compris la consommation sans possession via Internet (Message du Conseil fédéral concernant l'approbation de la convention du Conseil de l'Europe sur la protection des enfants contre l'exploitation et les abus sexuels [convention de Lanzarote] et sa mise en œuvre, FF 2012 7051 (7096)) (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1260/2017 du 23 mai 2018 consid. 2.1).
Se rend coupable de fabrication de pornographie dure celui qui, par un choix délibéré, télécharge à partir de l'internet puis stocke sur un support de données des images pornographiques impliquant des enfants (ATF 131 IV 16 consid. 1.4).
La possession de données électroniques suppose, d'un point de vue objectif, la détention de celles-ci, une maîtrise matérielle effective. Est notamment punissable celui qui, dans un premier temps, est entré sans le vouloir en possession de matériel pornographique interdit et qui continue à le conserver après avoir pris connaissance de son contenu. La possibilité de maîtrise des données revient à celui qui les a enregistrées sur ses supports de données (ATF 137 IV 208 consid. 4.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 7B_54/2022 du 11 décembre 2023 consid. 6.1.2, 6B_954/2019 du 20 mai 2020 consid. 1.3.4).
Au plan subjectif, l'art. 197 al. 5 CP définit une infraction de nature intentionnelle. Le dol éventuel suffit. Sous l'angle de la possession, il faut une volonté de maîtrise. En ce qui concerne le stockage au moyen d'appareils techniques, on attend de l'auteur qu'il ait connaissance du fonctionnement et du contenu du stockage ; en effet, celui qui veut maîtriser une chose connaît son existence. L'élément subjectif de la possession de données pornographiques dans la mémoire-cache doit être admis avec retenue (ATF 137 IV 208 consid. 4.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 7B_54/2022 du 11 décembre 2023 consid. 6.1.2, 6B_954/2019 du 20 mai 2020 consid. 1.3.4, 6B_1260/2017 du 23 mai 2018 consid. 1.2).
L'art. 197 al. 5 CP consacre un cas atténué de l'art. 197 al. 4 CP, en tant qu'il prévoit que les actes destinés à une consommation exclusivement personnelle de l'auteur bénéficient d'un traitement privilégié sur le plan pénal, puisqu'ils sont passibles d'une peine plus légère (Message précité, FF 2012 7051 (7096) ; arrêt du Tribunal fédéral 7B_54/2022 du 11 décembre 2023 consid. 6.1.2).
3.2. En l'occurrence, s'agissant des faits visés sous chiffre 1.1.3.2 de l'acte d'accusation, seuls contestés (en partie) au stade de l'appel, on relève ce qui suit.
D'une part, le discours de l'intimé est ambigu. On peine à croire qu'il ait pu "tomber" sur des images de pédopornographie par un malencontreux hasard, comme il le soutient. Ses consommations antérieures, massives, incitent à penser le contraire. Quoi qu'il en soit, la "confrontation inopinée" à des images d'actes d'ordre sexuel effectifs et non effectifs sur des mineurs n'est pas en tant que telle visée par l'acte d'accusation ; seules le sont les 27 images (supplémentaires) de pédopornographie virtuelle, ce qui lie la CPAR (art. 9 et 350 al. 1 CPP). À cet égard, les images incriminées ressortissent aux mangas. Or l'intimé échange avec un groupe de "mangas pornographiques" précisément, dans lequel il a été mis en présence de contenu parfois illicite – qu'il n'aurait pas osé dénoncer, à le suivre. Le fait qu'il a continué d'utiliser l'application TELEGRAM pour consulter de la pornographie, alors qu'il y avait sévi jusque-là, plutôt que de s'en tenir à des sites de pornographie "traditionnels", interpelle. De même, tendent à le confondre les dates de dernière écriture que portent les 27 images illicites (juillet 2022 - mai 2023). Autant d'éléments à charge.
D'autre part, si trois comptes TWITTER dont il a les références – distincts de celui de l'intimé, dont le contenu n'a pas été déterminé – et un groupe avec lequel il échange sur TELEGRAM présentent/mettent à disposition des images de pédopornographie virtuelle, on ne peut les attribuer ; la source des fichiers n'est pas déterminée ; et les images illégales n'ont pas été retrouvées sur les supports saisis. Outre son manque de clarté/précision, le rapport de la BCI n'exclut pas, comme le soutient le prévenu, que ces images aient pu s'auto-télécharger sur ses appareils – partant qu'il soit entré en leur possession sans le vouloir. À cela s'ajoute qu'on peine à comprendre, au regard des quelque 12'000 fichiers illicites recensés, pour lesquels l'intimé a admis sa culpabilité, qu'il ne confesse pas le téléchargement/visionnage de 27 images supplémentaires s'il s'est bien rendu coupable de ces faits. Aussi ses dénégations sur ce point, constantes, revêtent-elles un certain poids.
Somme toute, il subsiste un doute. Le MP échoue dans la preuve, qui lui incombe, que l'intimé aurait, par un choix délibéré, acquis, fabriqué ("téléchargé"), possédé ("conservé"), mis en circulation ("distribué") – la BCI l'exclut – ou même consommé ("visionné") ces 27 fichiers supplémentaires. La volonté d'avoir la maîtrise de ces images n'est pas établie.
L'intimé sera par conséquent acquitté du chef de pornographie pour la période courant du 16 février 2022 au 22 mai 2023. Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.
4. 4.1. La peine sera fixée d'après la culpabilité de l'auteur. La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures. Il sera tenu compte des antécédents de l'auteur, de sa situation personnelle ainsi que de l'effet de la peine sur son avenir (art. 47 CP).
Le juge atténue la peine si, au moment d’agir, l’auteur ne possédait que partiellement la faculté d’apprécier le caractère illicite de son acte ou de se déterminer d’après cette appréciation (art. 19 al. 2 CP).
4.2. Le TCO ayant correctement tenu compte des critères de l'art. 47 CP, il peut être renvoyé à son exposé des motifs, que la CPAR fait sien (art. 82 al. 4 CPP ; ATF 141 IV 244 consid. 1.2.3).
En particulier, si aucune circonstance atténuante n'est réalisée, ni au demeurant plaidée, il faut retenir, avec les premiers juges, que le prévenu a spontanément avoué les faits perpétrés à l'encontre de H______, alors que rien ne laissait présumer l'existence d'une infraction pénale commise au préjudice de celle-ci, ni ne l'incriminait. Sans cet aveu, le MP n'aurait pas été en mesure d'engager l'accusation de ce chef, ce qui justifie une réduction certaine de la peine. La bonne collaboration à l'enquête peut, en effet, même si elle ne remplit pas les conditions d'un repentir sincère (art. 48 let. d CP), constituer un élément favorable pour la fixation de la peine (arrêt du Tribunal fédéral 6B_339/2014 du 27 novembre 2014 consid. 2.1). De même, si, auditionné au sujet du fichier pointé par FEDPOL, le prévenu n'avait pas évoqué, de son propre mouvement, le visionnage de contenu pédopornographique depuis deux ans et le téléchargement pour environ 100 gigas de ce type de contenu, qu'il échangeait sur TELEGRAM, les autorités de poursuite pénale n'auraient sans doute pas procédé, à défaut d'autre élément, à la saisie/analyse des supports informatiques de l'intéressé. Ce constat justifie donc, lui aussi, une réduction sensible des unités pénales devant sanctionner les faits visés sous chiffre 1.1.3.2 de l'acte d'accusation.
Seule une peine privative de liberté entre en considération (art. 40 CP).
Les infractions abstraitement les plus graves, d'après le cadre légal fixé pour chacune d'elles, sont celles commises au préjudice des enfants F______ et H______. La première (art. 191 CP), qui constitue le crime concrètement le plus grave, doit être sanctionnée par une peine de deux ans. Cette peine, de base, doit être augmentée dans une juste proportion de six mois (peine hypothétique : un an) pour sanctionner la seconde (art. 189 al. 1 aCP), de deux fois trois mois (peines hypothétiques : deux fois six mois) pour réprimer la mise en danger du développement des mineures (art. 187 ch. 1 CP) et de quatre mois (peine hypothétique : huit mois) pour sanctionner la pornographie, ce qui ramène la peine à trois ans et quatre mois (art. 49 al. 1 CP).
5. 5.1.1. Le MP attaque la quotité de la peine (art. 399 al. 4 let. b CPP).
La CPAR peut donc revoir tous les aspects de celle-ci, y compris la question du sursis, ce qui s'impose au vu du lien étroit entre ces deux questions (ATF 144 IV 383 consid. 1.1).
Aussi convient-il d'examiner la possibilité de réduire la peine à la limite légale du sursis partiel et, le cas échéant, de s'en tenir à cette quotité (ATF 134 IV 17 consid. 3).
5.1.2. L'expertise se détermine sur la vraisemblance que l'auteur commette d'autres infractions et sur la nature de celles-ci (art. 56 al. 3 let. b CP).
Le juge apprécie en principe librement une expertise. Il n'est pas lié par le constat ou la prise de position de l'expert. Il doit en effet examiner si, au vu de l'ensemble des preuves et des allégations des parties, il existe de sérieuses objections aux conclusions du rapport d'expertise (ATF 141 IV 369, JdT 2016 IV 160 consid. 6.1). Toutefois, il ne peut s'en écarter que lorsque des circonstances ou des indices importants et bien établis en ébranlent sérieusement la crédibilité, par exemple lorsque les conclusions de l'expert reposent sur des prémisses factuelles erronées ; il est alors tenu de motiver sa décision de ne pas suivre le rapport d'expertise (ATF 138 III 193 consid. 4.3.1 , 110 Ib 52 consid. 2 ; MOREILLON/MACALUSO/ QUELOZ/ DONGOIS (éds), Commentaire romand, Code pénal I, art. 1-110 CP, 2ème éd., Bâle 2021, N 5 ad art. 20 CP).
5.2.1. En l'occurrence, à teneur de la seconde expertise, le risque de récidive d'infraction contre l'intégrité sexuelle et de type pornographie illicite est élevé.
Ce constat apparaît a priori rédhibitoire.
Cela étant, les éléments et circonstances suivants, soumis à la libre appréciation de la Cour, tempèrent le propos de l'expert. D'abord, celui-ci retient que la poursuite des comportements de pédopornographie durant la période des mesures de substitution (du 16 février 2022 au 22 mai 2023) constitue un indicateur évident de gravité. Or la poursuite de tels comportements n'est pas avérée : l'acquittement est confirmé sur ce point. Cette prémisse factuelle de l'expert, sur laquelle il fonde le risque de récidive – avec d'autres éléments il est vrai –, est donc erronée. Ensuite, là où le prévenu taisait son véritable mobile lors de la procédure préliminaire et où l'expert notait chez lui une légère évolution dans la perception de sa pathologie sexuelle puisqu'il abandonnait en partie le discours de justification de ses actes et exprimait de l'ambivalence et des doutes sur son orientation sexuelle, ce discours a cessé par la suite : il a fait place à un propos franc, assumé, en première comme en deuxième instance, l'intéressé reconnaissant avoir été mû par des pulsions sexuelles. La "légère évolution", objectivée à l'époque par l'expert, n'est donc plus d'actualité. À cela s'ajoute que l'intimé est libre depuis le 27 février 2024, soit depuis près de huit mois, ce qui constitue un fait nouveau ; or aucune récidive n'est à déplorer, ce risque étant pallié par les suivis judiciaire (SPI), psychothérapeutique (T______) et social (HG) mis en place, ainsi que par le soutien des proches. Réintégrer le prévenu dans l'établissement ne ferait que peu de sens sous l'angle de la prévention spéciale, pour le surplus.
Au vu de l'ensemble des circonstances, il existe de sérieuses objections aux conclusions du rapport d'expertise.
Il n'est pas déraisonnable, dans ces conditions, de s'en tenir aux facteurs de risque présents dans l'échelle SVR-20, qui oriente, en l'occurrence, vers un risque moyen de récidive.
En conclusion, si le risque de délit contre l'intégrité sexuelle est supérieur à celui de la population en général, le pronostic n'apparait pas (encore) défavorable.
Par conséquent, la peine privative de liberté de trois ans et quatre mois sera ramenée à la limite supérieure du sursis partiel, c'est-à-dire à trois ans, lequel sera octroyé (art. 43 al. 1 CP).
Le jugement entrepris sera réformé sur ce point.
5.2.2. Pour fixer la durée de la partie ferme et avec sursis de la peine, le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation. À titre de critère de cette appréciation, il y a lieu de tenir compte de façon appropriée de la faute de l'auteur. Le rapport entre ces deux parties de la peine doit être fixé de telle manière que, d'une part, la probabilité d'un comportement futur de l'auteur conforme à la loi mais aussi sa culpabilité soient équitablement prises en compte. Ainsi, plus le pronostic est favorable et moins l'acte apparaît blâmable, plus la partie de la peine assortie du sursis doit être importante. Mais en même temps, la partie ferme de la peine doit demeurer proportionnée aux divers aspects de la faute (arrêt du Tribunal fédéral 6B_132/2007 du 17 janvier 2008 consid. 6.4).
5.2.3. En l'espèce, la faute de l'intimé est très grave au regard de la nature et de la répétition des actes et, si la probabilité d'un comportement futur conforme à l'ordre juridique existe, elle est modérée, discutable (cf. 5.2.1 supra). À l'aune de ces critères, atténués par les regrets et la forte culpabilité exprimée, arrêter la partie ferme de la peine en son juste milieu, sur une échelle allant de six à 18 mois (art. 43 al. 2 et 3 CP), c'est-à-dire à un an, apparaît correct.
La partie suspendue de la peine sera fixée à deux ans – le délai d'épreuve, adéquat, n'est pas discuté (art. 44 al. 1 CP).
Le jugement entrepris sera réformé sur ce point.
5.2.4. Le solde de peine à purger (un an moins 283 jours de détention avant jugement (art. 51 CP)) devrait pouvoir l'être sous le régime de la semi-détention ou de la surveillance électronique (art. 77b et 79b CP ; arrêt du Tribunal fédéral 7B_261/2023 du 18 mars 2024 consid. 2.4).
5.2.5. Si les conditions sont remplies aussi bien pour le prononcé d'une peine que pour celui d'une mesure, le juge ordonne les deux sanctions (art. 57 al. 1 CP).
Lorsque le tribunal de première instance renonce à ordonner la mesure ambulatoire requise par le MP et que celui-ci n'en requiert pas à nouveau le prononcé dans son appel, la juridiction d'appel viole l'interdiction de la reformatio in pejus si elle ordonne une mesure ambulatoire (ATF 148 IV 89 consid. 4).
En l'occurrence, l'appel du MP ne porte pas sur la question de la mesure (art. 399 al. 4 let. c CPP). La décision prise par le TCO de ne pas ordonner de traitement ambulatoire (art. 63 CP) est donc acquise au prévenu.
En revanche, vu la pathologie dont souffre l'intimé, des assistance de probation et règle de conduite doivent être prononcées pour la durée du délai d'épreuve (art. 44 al. 2, 93 et 94 CP), ce que les parties ne discutent pas.
Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.
6. 6.1. L'appel étant partiellement admis, l'intimé, qui succombe en partie, devra supporter la moitié des frais de la procédure d'appel, lesquels comprennent un émolument de CHF 2'500.- (art. 14 al. 1 let. e RTFMP). Le solde sera laissé à la charge de l'État (art. 428 al. 1 CPP).
Partant, l'intimé se verra octroyer, pour la procédure d'appel (débats) – il ne produit pas d'état de frais –, à titre d'indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure, CHF 445.90 correspondant à 55 minutes d'activité (1/2) au tarif de CHF 450.-/heure (CHF 412.50) plus l'équivalent de la TVA au taux de 8.1% (CHF 33.40) (art. 429 al. 1 let. a et 3 CPP ; art. 436 al. 1 et 2 CPP).
6.2. Il n'y a pas lieu de revoir les frais fixés par l'autorité inférieure (art. 428 al. 3 CPP).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Reçoit l'appel formé par le Ministère public contre le jugement JTCO/22/2024 rendu le 27 février 2024 par le Tribunal correctionnel dans la procédure P/3557/2022.
L'admet partiellement.
Condamne A______ à une peine privative de liberté de trois ans.
Met A______ au bénéfice du sursis partiel.
Fixe la partie à exécuter de la peine à un an, sous déduction de 283 jours de détention avant jugement.
Fixe la partie suspendue de la peine à deux ans et impartit à A______ un délai d'épreuve de cinq ans.
Confirme le jugement entrepris pour le surplus, dont le dispositif est le suivant :
"Acquitte A______ de pornographie pour la période du 16 février 2022 au 22 mai 2023.
Déclare A______ coupable d'actes d'ordre sexuel avec des enfants (art. 187 ch. 1 CP), de contrainte sexuelle (art. 189 al. 1 CP), d'actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance (art. 191 CP) et de pornographie (art. 197 al. 4 et 5 CP).
[…]
Ordonne à A______, à titre de règle de conduite, de poursuivre un traitement psychothérapeutique en sexologie au rythme et conditions fixés par le thérapeute, pendant la durée du délai d'épreuve (art. 44 al. 2 et 94 CP).
Ordonne à A______, à titre de règle de conduite, de se présenter au Service de probation et d'insertion dans les 48 heures suivant sa libération afin de mettre en place ce suivi.
Ordonne une assistance de probation pendant la durée du délai d'épreuve (art. 44 al. 2 et 93 al. 1 CP).
Avertit A______ que s'il devait commettre de nouvelles infractions et/ou ne pas respecter les règles de conduite et/ou l'assistance de probation pendant la durée du délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 et 95 al. 5 CP).
Interdit à A______ d'entrer en contact, seul, avec H______ pendant une durée de 5 ans (art. 67b al. 1 et 2 let. a CP).
Interdit à A______, à vie, l'exercice de toute activité professionnelle et toute activité non professionnelle impliquant des contacts réguliers avec des mineurs (art. 67 al. 3 CP).
Ordonne la libération immédiate de A______.
Constate que A______ acquiesce aux conclusions civiles déposées par H______ (art. 124 al. 3 CPP).
Condamne A______ à payer à H______ CHF 8'000.-, avec intérêts à 5% dès le 1er janvier 2020, à titre de réparation du tort moral (art. 47/49 CO).
Condamne A______ à verser à H______ CHF 23'846.10, à titre de juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure (art. 433 al. 1 CPP).
Réserve, pour le surplus le dommage matériel de H______.
Condamne A______ à payer à F______ CHF 3'000.-, avec intérêts à 5% dès le 23 décembre 2021, à titre de réparation du tort moral (art. 47/49 CO).
Condamne A______ à payer à E______, CHF 2'000.-, avec intérêts à 5% dès le 23 décembre 2021, à titre de réparation du tort moral (art. 47/49 CO).
Condamne A______ à payer à D______, CHF 2'000.-, avec intérêts à 5% dès le 23 décembre 2021, à titre de réparation du tort moral (art. 47/49 CO).
Condamne A______ à verser à E______ et D______ CHF 13'532.05, à titre de juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure (art. 433 al. 1 CPP).
Ordonne la confiscation et la destruction des objets figurant sous chiffres 7 et 13 de l'inventaire du 15 février 2022, sous chiffre 1 de l'inventaire n° 3______ du 15 février 2022 et sous chiffre 6 de l'inventaire n° 4______ du 23 mai 2023 (art. 69 CP).
Ordonne la confiscation et la destruction des disques durs figurant sous chiffres 3 et 4 de l'inventaire du 15 février 2022, après extraction, aux frais du prévenu, et restitution à ce dernier des dossiers de montage contenus dans ces disques (art. 69 CP).
Ordonne la confiscation et la destruction du téléphone [de marque] W______ figurant sous chiffre 1 de l'inventaire n°5______ du 24 mai 2023, après extraction, aux frais du prévenu, et restitution à ce dernier des photographies de S______ (art. 69 CP).
Ordonne la restitution à A______ des objets figurant sous chiffres 1, 2, 5, 6, 8 à 12, 14 et 15 de l'inventaire du 15 février 2022, et sous chiffres 1 à 5 de l'inventaire n° 4______ du 23 mai 2023 (art. 267 al. 1 et 3 CPP).
Condamne A______ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 19'523.75, y compris un émolument de jugement de CHF 2'000.- (art. 426 al. 1 CPP)."
Arrête les frais de la procédure d'appel à CHF 2’695.-.
Met la moitié de ces frais, soit CHF 1'347.50, à la charge de A______ et laisse le solde à la charge de l'État.
Alloue à A______, à la charge de l'État, CHF 445.90, TVA comprise, à titre d'indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice de ses droits de procédure.
Notifie le présent arrêt aux parties.
Le communique, pour information, au Tribunal correctionnel, à l’Office fédéral de la police, au Service d’application des peines et des mesures, au Service de probation et d’insertion.
La greffière : Linda TAGHARIST |
| Le président : Fabrice ROCH |
Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.
| ETAT DE FRAIS |
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| COUR DE JUSTICE |
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Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).
Total des frais de procédure du Tribunal correctionnel : | CHF | 19’523.75 |
Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision |
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Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c) | CHF | 00.00 |
Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i) | CHF | 60.00 |
Procès-verbal (let. f) | CHF | 60.00 |
Etat de frais | CHF | 75.00 |
Emolument de décision | CHF | 2'500.00 |
Total des frais de la procédure d'appel : | CHF | 2'695.00 |
Total général (première instance + appel) : | CHF | 3'237.75 |