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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/17783/2011

AARP/312/2024 du 04.09.2024 sur JTCO/37/2013 ( PENAL ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : ASSISTANCE JUDICIAIRE;DÉCISION D'IRRECEVABILITÉ;REJET DE LA DEMANDE
Normes : CPP.135; CPP.138
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/17783/2011 AARP/312/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 10 septembre 2024

 

Concernant

 

Me A______, avocat, [Étude] B______, ______ [GE],

requérant,


 

Attendu, EN FAIT, que Me A______ a été désigné conseil juridique gratuit de C______ [ndlr : alias D______], partie plaignante, dans la cause P/1620/2012 par décision du Ministère public (MP) du 14 mars 2012 ;

Que, par ordonnance du Tribunal correctionnel (TCO) du 14 mars 2012 (OTDP/228/2013), ladite procédure a été jointe à la cause P/17783/2011 ;

Que le TCO a statué sur le fond par jugement du 21 mars 2013 (JTCO/37/2013) ;

Que ce jugement ne fixe pas la rémunération des avocats plaidant au bénéfice de l'assistance judiciaire et qu'il n'apparaît pas que ceux-ci avaient déposé leur état de frais avant la clôture des débats ;

Qu'à tout le moins Me A______ ne l'a pas fait ;

Que plusieurs appels ayant été interjetés, la cause a été inscrite au rôle de la Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR) en date du 17 mai 2013 ;

Que celle-ci a statué par arrêt AARP/66/2014 du 10 février 2014, sans non plus taxer l'activité déployée devant elle par les avocats plaidant au bénéfice de l'assistance judiciaire ;

Qu'elle l'a en revanche fait dans plusieurs arrêts ultérieurs séparés (AARP/93/2014 et 103/2014 du 10 mars 2014 ; AARP 218/2014 du 8 mai 2014 ; AARP/335/2014 du 21 juillet 2014), dont aucun ne concernait Me A______, celui-ci n'ayant pas formulé de requête en ce sens ;

Que la cause a été encore portée au Tribunal fédéral par l'un des prévenus, dont le recours a été rejeté par arrêt du 5 novembre 2014 ;

Que, par ailleurs, Me A______ a assuré la défense d'office de C______, prévenu, dans le cadre de la procédure P/1______/2012 à compter du 8 mai 2012 ;

Que, saisie le 16 janvier 2014, la CPAR a rendu plusieurs arrêts dans cette cause, soit :

-          AARP/453/2014 du 28 août 2014, notifié le 11 novembre 2014 en l'étude de Me A______, qui ne taxe pas l'activité du défenseur d'office en appel ;

-          AARP/319/2015 du 27 juillet 2015 arrêtant la rémunération de Me A______ à CHF 780.- ;

-          AARP/549/2015 du 18 novembre 2015, la fixant à CHF 7'336.95 ;

-          AARP/106/2018 du 2 mars 2018, la taxant par CHF 2'901.70 ;

-          AARP/385/2018 du 29 novembre 2018, allouant un complément de CHF 470.90 ;

Que le recours en matière pénale formé par C______, représenté par un nouveau défenseur privé, contre le dernier arrêt sur le fond, soit l'AARP/106/2018 a été rejeté par arrêt du Tribunal fédéral du 23 août 2018 ;

Que, par deux courriers du 6 juillet 2023, mentionnant pour l'un la P/1620/2012, pour l'autre la P/17783/2011, Me A______ a adressé au Greffe de l'assistance juridique ses états de frais, précisant "A noter que la prescription a été valablement interrompue, les pièces utiles étant à disposition" ;

Qu'il a également produit à l'appui la décision du MP du 14 mars 2012 le désignant conseil juridique gratuit de D______ [ndlr : alias C______] dans la cause P/1620/2012 ;

Que l'état de frais relatif à la P/1620/2012 facture une activité déployée entre le 26 août 2012 et le 19 décembre 2014 et celui relatif à la P/17783/2011 des diligences intervenues entre le 15 août 2012 et le 16 octobre 2015 ;

Que le Greffe de l'assistance juridique a fait suivre ces communications à la CPAR ;

Que, par courrier du 6 mai 2024, la CPAR en a informé Me A______, prenant soin d'annexer "pour éviter d'inutiles recherches" copie des communications concernées de ce dernier et rappelant que la cause P/1620/2012 avait été jointe à la P/17783/2011 ;

Que, ces précisions apportées et se référant à l'arrêt du Tribunal fédéral 6B_1319/2023 du 23 avril 2024 relatif à une autre requête de taxation de ce même avocat, dont elle venait de prendre connaissance, la juridiction d'appel a indiqué à Me A______ que la prescription paraissait acquise. Il était invité, s'il devait être d'un autre avis, à saisir la ou les juridiction(s) qu'il estimait compétente(s) d'une requête satisfaisant les conditions de forme et de motivation, accompagnée des pièces pertinentes ;

Que, par courrier du 5 juin 2024, Me A______ a choisi de saisir le Tribunal pénal, précisant que la prescription n'était pas acquise, dès lors que la dernière décision intervenue dans cette cause était l'arrêt du 23 août 2018 du Tribunal fédéral et qu'il avait saisi "l'autorité" le 6 juillet 2023, soit dans le délai de cinq ans ;

Que le Tribunal pénal a estimé que la question était de la compétence de la CPAR et lui a donc fait suivre le courrier précité de Me A______ ;

Que, par communication du 20 juin 2024, la CPAR a fait savoir à l'avocat qu'elle ne partageait pas nécessairement le point de vue de la juridiction de première instance ;

Qu'elle a ajouté que, cela étant, une lecture plus attentive de l'arrêt 6B_1319/2023 précité conduisait au constat que l'avocat qui n'avait pas entrepris une décision sur le fond omettant, contrairement à ce que disposait l'art. 135 al. 2 du code de procédure pénale (CPP), de taxer ses diligences, était forclos à faire valoir ultérieurement sa liste d'opérations, et lui a imparti un délai de dix jours pour se déterminer sur ce point ;

Que, dans le délai imparti, Me A______ soutient que ledit arrêt ne s'appliquerait pas à "la période en cause", les juridictions genevoises ne statuant à l'époque pas simultanément sur la taxation des défenseurs d'office ou conseils juridiques gratuits et sur le fond, et que, en tout état, il avait transmis "au Juge" un relevé d'activité dans "le cadre de l'art. 429 CPP" si bien qu'il eût pu statuer ;

Qu'il ajoute cependant que la question est de la compétence du Tribunal pénal, invitant la CPAR à lui renvoyer la cause, pour taxation ;

Que la cause a dès lors été gardée à juger sur compétence et/ou sur le fond, selon communication à l'avocat du 10 juillet 2024 ;

Considérant, EN DROIT, que selon les art. 135 al. 2 et 138 al. 1 CPP, la compétence pour procéder à la taxation des diligences des avocats plaidant au bénéfice de l'assistance juridique incombe au ministère public ou au tribunal qui statue sur le fond ;

Que, statuant le 19 avril 2013, le Tribunal fédéral a précisé que la décision sur taxation devait donc être prise à chaque étape de la procédure, non dans une décision séparée postérieure (ATF 139 IV 199 consid. 5.1 à 5.3) ;

Qu'il s'ensuit que lorsque la procédure ne prend pas fin par le prononcé d'une ordonnance du ministère public, le tribunal de première instance est compétent pour fixer la rémunération de l'avocat durant la procédure préliminaire et de première instance, alors que la juridiction d'appel arrête celle pour les diligences déployées devant elle ;

Que dans le récent arrêt 6B_1319/2023 consid. 3.4 précité, le Tribunal fédéral a jugé que l'avocat qui n'avait pas recouru selon les voies réservées par le CPP (art. 135 al. 3 CPP) contre une décision sur le fond omettant de statuer simultanément sur sa rémunération était forclos à présenter ultérieurement sa liste d'opérations ;

Que dans la mesure où la juridiction cantonale avait pour sa part considéré que les prétentions du recourant étaient prescrites, le Tribunal fédéral a aussi rappelé (consid. 3.1) qu'il avait précédemment jugé, dans l'affaire susmentionnée concernant déjà ce même avocat, que si la question du délai de prescription ne devrait, pratiquement, guère se poser, l'approche selon laquelle l'indemnisation du conseil d'office en procédure pénale suivait le même régime de prescription que celui, quinquennal, prévu à l'art. 128 ch. 3 loi fédérale complétant le Code civil suisse (CO), n'était pas critiquable (arrêt 6B_1198/2017 précité consid. 6.3; confirmé par arrêt 6B_546/2018 du 16 août 2018 consid. 7) ;

Que la juridiction d'appel n'est pas compétente pour taxer les diligences portées aux deux états de frais produits par le requérant déployées avant sa saisine dans la P/17783/2011, intervenue le 17 mai 2013 ;

Que, s'agissant de l'activité comptabilisée pour la période postérieure, le requérant est forclos, faute pour lui d'avoir recouru contre l'arrêt AARP/66/2014 du 10 février 2014 qui omettait de le faire, c'est sans préjudice de ce que certains postes ne peuvent concerner la procédure d'appel (communications ou entretien avec le client ainsi que deux examens du dossier entre le 17 février 2014 et le 16 octobre 2015) ;

Que s'il est vrai qu'à l'époque, la juridiction d'appel acceptait de statuer dans des décisions ultérieures, ainsi qu'elle l'a fait en l'espèce pour les avocats concernés par les arrêts AARP/93/2014 et 103/2014 du 10 mars 2014 ; AARP 218/2014 du 8 mai 2014 ; AARP/335/2014 du 21 juillet 2014, il n'en demeure pas moins que le requérant eût pu, et dû, déposer son état de frais avant la clôture des débats, ce qui aurait conduit la CPAR à appliquer plus rigoureusement la loi qu'elle ne le faisait, étant rappelé que l'intéressé n'est pas un justiciable ordinaire, mais un avocat, dont le rôle dans la procédure n'est pas celui de s'en remettre à la pratique des tribunaux si celle-ci est incorrecte, sans préjudice de ce que le Tribunal fédéral avait jugé la question dans son arrêt 6B_611/2012 du 19 avril 2013 ultérieurement publié aux ATF 139 IV 199 ;

Que l'argument selon lequel "le juge" – on ignore si le requérant se réfère à la juridiction de première ou de seconde instance, voire toutes deux – eût dû traiter la liste d'opérations présentée sous le couvert de l'art. 429 CPP – ce qui est doublement curieux, dans la mesure où le client bénéficiait de l'assistance judiciaire et était partie plaignante – comme un état de frais à taxer en application de l'art. 135 CPP ne fait que renforcer la conclusion qui précède puisqu'une voie de recours était ouverte contre un tel manquement et n'a pas été empruntée ;

Qu'à tout le moins, le requérant eût pu, et dû, déposer son état de frais dans la foulée du prononcé de l'arrêt du 10 février 2014, ainsi que l'ont fait ses confrères ou consœurs ;

Qu'au lieu de cela, il a attendu, au mieux, le Greffe de l'assistance juridique n'étant pas la juridiction compétente, le 6 juillet 2023, date à laquelle le délai de prescription quinquennal était très largement échu ;

Qu'il a d'abord fait valoir qu'il avait interrompu la prescription, "les pièces utiles étant à disposition", mais n'a pas réitéré cette affirmation et s'est abstenu de motiver et justifier son propos, alors même que son attention avait été attirée sur le fait qu'il lui incombait de le faire dans le courrier de la CPAR du 6 mai 2024 ;

Qu'il soutient désormais que le délai de prescription n'aurait commencé de courir qu'à la date du prononcé de l'arrêt du Tribunal fédéral du 23 août 2018 ;

Qu'on ne saurait le suivre, ledit arrêt concernant certes le même individu, mais une autre procédure (P/1______/2012, non la P/17783/2011 à laquelle a été jointe la P/1620/2012) ;

Qu'abstraction faite de cette incongruité manifeste, l'argument serait en tout état sans fondement, le délai de prescription courant dès la notification de la décision cantonale omettant de procéder à la taxation, non celle du prononcé du dernier arrêt, encore moins un arrêt du Tribunal fédéral, la procédure devant cette juridiction n'étant pas régie par le CPP ;

Qu'il s'ensuit que la requête de taxation doit être déclarée irrecevable, la cause étant transmise au Tribunal pénal, pour l'activité déployée avant le 17 mai 2013 telle que portée aux deux états de frais produits, et rejetée pour le surplus ;

Dans la mesure où la cause est pour partie renvoyée au Tribunal pénal, la demande de taxation n'étant, à ce stade, rejetée qu'en ce qui concerne l'activité déployée à compter de la date précitée, le requérant ne succombe que partiellement. Il supportera partant la moitié des frais de la procédure, comprenant un émolument de CHF 600.- (art. 14 al. 1 let. c du Règlement fixant les tarifs des frais en matière pénale [RTFMP]).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Déclare irrecevable, faute de compétence de la Chambre pénale d'appel et de révision, la demande de taxation de Me A______ dans la cause P/17783/2011 à laquelle a été jointe la P/1620/2012, pour l'activité déployée avant le 17 mai 2013, et transmet la cause au Tribunal pénal.

Rejette pour le surplus ladite requête.

Condamne Me A______ à la moitié des frais de la procédure par CHF 735.-, y compris un émolument de CHF 600.-, soit CHF 367.50.

 

 

La greffière :

Lylia BERTSCHY

 

La présidente :

Alessandra CAMBI FAVRE-BULLE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

 

 

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

60.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

00.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

600.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

735.00