Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision
AARP/316/2024 du 02.09.2024 sur JTDP/271/2024 ( PENAL ) , REJETE
république et | canton de genève | |
pouvoir judiciaire P/22905/2023 AARP/316/2024 COUR DE JUSTICE Chambre pénale d'appel et de révision Arrêt du 2 septembre 2024 |
Entre
A______, domicilié ______ [GE], comparant par Me B______, avocate,
appelant,
contre le jugement JTDP/271/2024 rendu le 29 février 2024 par le Tribunal de police,
et
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimé.
EN FAIT :
A. Saisine de la Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR)
a. En temps utile, A______ appelle du jugement JTDP/271/2024 du 29 février 2024, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a reconnu coupable de rupture de ban, de délit et de contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants [LStup], d'infraction à la loi fédérale sur les armes [LArm], a révoqué le sursis octroyé le 25 février 2022 par la CPAR (peine privative de liberté de 12 mois), et l'a condamné à une peine privative de liberté d'ensemble de 18 mois (sous déduction de la détention avant jugement) partiellement complémentaire à celle prononcée le 24 juin 2023 par le Ministère public de Genève (MP). Le TP a prononcé une amende de CHF 300.-, renoncé à révoquer le sursis octroyé le 13 janvier 2021, ordonné les confiscations d'usage et mis les frais de la procédure à la charge du condamné.
A______ entreprend partiellement ce jugement, concluant à la non-révocation du sursis octroyé le 25 février 2022 par la CPAR et au prononcé d'une peine "largement inférieure à celle prononcée par le Tribunal de police".
b. Selon l'acte d'accusation du 2 février 2024, il est reproché ce qui suit à A______ :
"1.1.1. Trafic de stupéfiants (art. 19 al. 1 let. b, c et d LStup)
A Genève, depuis le lendemain de sa sortie de prison en 2022 jusqu'au 18 octobre 2023, date de son interpellation, A______ s'est livré à un trafic de stupéfiants portant sur une quantité de haschich minimale oscillant entre 6'988.2 grammes et 8'988.2 grammes, et a, en particulier:
· détenu sur lui, lors de son interpellation le 18 octobre 2023, deux plaquettes de haschich d'un poids total de 196.5 grammes, destinées à la vente ;
· détenu, à tout le moins le 18 octobre 2023, pour lui-même ou pour le compte d'un tiers, dans la chambre qu'il occupait chez C______ au no.______, chemin 1______, [code postal] D______ [GE], 16 plaquettes de haschich d'un poids total de 1'625.5 grammes, destinées à la vente ;
· stocké et détenu, à tout le moins le 18 octobre 2023, pour lui-même ou pour le compte d'un tiers non identifié, dans la chambre qu'il occupait chez C______ au no.______, chemin 1______, [code postal] D______, une plaquette de haschich d'un poids total de 98.2 grammes, destinée à la vente ;
· depuis une date indéterminée en mai 2023 jusqu'au 18 octobre 2023, procuré à C______, en guise de loyer, environ un à deux grammes de haschich tous les deux jours, soit une quantité minimale sur la période visée de 80 grammes de haschich ;
· depuis une date indéterminée en 2022 jusqu'au 18 octobre 2023, vendu à des toxicomanes non identifiés entre 5'000 à 7'000 kilos [rect. grammes] de haschich, engendrant un bénéfice de CHF 200.- par plaquette de 100 grammes.
A______ s'est ainsi rendu coupable de trafic de stupéfiants au sens de l’article 19 alinéa 1 lettres b, c et d de la loi fédérale sur les stupéfiants.
1.1.2. Rupture de ban (art. 291 CP)
Depuis le lendemain de sa sortie de prison en 2022 jusqu'au 18 octobre 2023, A______ a régulièrement pénétré sur le territoire suisse, en particulier à Genève, depuis la France et, depuis une date indéterminée en mai 2023 jusqu'au 18 octobre 2023, il a régulièrement séjourné chez C______ au no.______, chemin 1______, [code postal] D______, alors qu'il faisait l'objet d'une expulsion judiciaire prononcée le 25 février 2022 pour une durée de 5 ans par la Chambre pénale d'appel et de révision du canton de Genève et d'une seconde décision d'expulsion judiciaire pour une durée de 3 ans par le Tribunal de police du canton de Genève.
A______ s'est ainsi rendu coupable, à réitérées reprises, de rupture de ban au sens de l’article 291 du Code pénal.
1.1.3. Infraction à la loi fédérale sur les armes (art. 33 al. 1 let. a LArm)
A une date indéterminée à tout le moins en septembre 2023, A______ a importé sur Genève depuis la France une gazeuse d'autodéfense CS, soit une arme interdite, qu'il a ensuite détenue jusqu'au 18 octobre 2023, date de son interpellation, dans la chambre qu'il occupait chez C______ au no.______, chemin 1______, [code postal] D______.
A______ s'est ainsi rendu coupable d'infraction à la loi fédérale sur les armes au sens de l’article 33 alinéa 1 lettre a de la loi fédérale sur les armes.
1.1.4. Consommation de stupéfiants (art. 19a LStup)
A Genève, depuis le lendemain de sa sortie de prison en 2022 jusqu'au 18 octobre 2023, date de son interpellation, A______ :
· a quotidiennement consommé du haschich ;
· a consommé un ou deux grammes de cocaïne par semaine ;
· le 18 octobre 2023, jour de son interpellation, détenu dans la chambre qu'il occupait chez C______ au no.______, chemin 1______, [code postal] D______, une barrette de 22.8 grammes de haschich pour sa consommation ;
· le 18 octobre 2023, jour de son interpellation, détenu sur lui trois parachutes contenant un total de 1.9 grammes de cocaïne, destinée à sa consommation.
A______ s'est ainsi rendu coupable de consommation de stupéfiants au sens de l’article 19a de la loi fédérale sur les stupéfiants".
B. Faits résultant du dossier de première instance
a.a. Le prévenu a d'emblée admis les faits.
Il s'était livré au trafic de haschisch car il était endetté – sa dette s'élevait à quelque CHF 2'500.-. Il "galérait", était sans moyens de subsistance ; donc il vendait de la drogue. Ce trafic ne lui avait pas rapporté plus de CHF 10'000.-, qu'il avait dépensés pour vivre. Il était conscient qu'il faisait l'objet d'une expulsion judiciaire. Le spray OC servait à se défendre en cas d'agression. Il sniffait de la cocaïne et fumait six à sept joints par jour. Ses actes relevaient d'une erreur – c'était mal.
a.b. E______, ressortissante espagnole, domiciliée à F______ (France), entendue comme témoin, a déclaré être la compagne de A______. Ils étaient en couple. Ils vivaient ensemble – ils avaient pris un studio en août 2023. Elle avait de la famille en Espagne et ils projetaient d'aller y vivre, de se marier.
b. Le TP a classé l'ensemble des faits antérieurs au 18 janvier 2023 car A______ était en prison jusqu'à cette date. "Tenant compte de la période pénale réduite", le TP a ainsi retenu à charge de A______ la vente d'une "quantité minimale de cannabis de 3.6 kilos".
C. Procédure d'appel
a.a. Aux débats, A______ a déclaré avoir fait appel car il considérait que la peine était "trop longue". Il avait réfléchi en détention, regrettait ce qu'il avait fait et présentait des excuses. Il allait tout arrêter, changer, ne plus récidiver. Il ne voulait plus faire d'allers-retours en prison – la prison n'était pas une vie. Il demandait une dernière chance.
A______ a produit une attestation de travail et un courrier émanant de la prison de G______ ("[Le détenu] est occupé au sein de l'atelier cuisine depuis le 17 avril 2024. L'attitude et le comportement de l'intéressé sont conformes aux dispositions réglementaires en vigueur […] Votre mandant n'a pas fait l'objet de sanction disciplinaire depuis son incarcération […]".
a.b. Par la voix de son conseil, A______ persiste dans ses conclusions.
b. Le MP conclut au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement entrepris.
D. Situation personnelle du prévenu et antécédents
a. A______ est âgé de 30 ans, de nationalité algérienne, célibataire, sans enfant. Issu d'une fratrie de dix enfants, ses frères et sœurs et parents vivent en Algérie et en Tunisie. Soudeur de formation, acquise au pays, il y a travaillé dans le commerce de pièces détachées (magasinier), avant d'immigrer, il y a cinq ans, via l'Espagne, en Suisse, à Genève, où il n'a plus jamais travaillé – il est sans emploi, sans revenu.
A______ explique être l'ami intime, depuis deux ans (cf. courrier du 16 février 2024), de E______, faire ménage commun avec elle depuis août 2023 et projeter de quitter la Suisse pour l'Espagne, pour s'y marier et mener une vie "tranquille".
b.a. Selon l'extrait du casier judiciaire suisse, A______ a été condamné :
· Le 13 janvier 2021 par le MP à une peine pécuniaire de 60 jours-amende, à CHF 10.- l'unité, assortie du sursis, délai d'épreuve trois ans, et à une amende de CHF 300.- pour entrée et séjour illégaux et contravention à la LStup.
· Le 25 février 2022 par la CPAR à une peine privative de liberté de 12 mois, assortie du sursis, délai d'épreuve quatre ans, et à une amende de CHF 100.- pour délit (art. 19 al. 1 let. c et d) et contravention à la LStup, recel, recel d'importance mineure et obtention illicite de prestations d'assurance sociale ou d'aide sociale. Une mesure d'expulsion a été prononcée pour une durée de cinq ans.
· Le 5 décembre 2022 par le TP à une peine privative de liberté de 11 mois, ferme, partiellement complémentaire à la précédente, et à une amende de CHF 100.- pour délit (art. 19 al. 1 let. b et c) et contravention à la LStup, rupture de ban, vol et séjour illégal. Une (nouvelle) mesure d'expulsion a été prononcée pour une durée de trois ans. Le TP a renoncé à révoquer les sursis octroyés les 13 janvier 2021 et 25 février 2022 mais a adressé un avertissement formel et prolongé les délais d'épreuve d'un an.
o À teneur du jugement du Tribunal d'application des peines et des mesures (TAPEM) du 17 janvier 2023, statuant sur demande de libération conditionnelle : "[…] A______ mentionne vouloir quitter la Suisse pour se rendre en France où il a des amis qui peuvent l'aider. Il compte se marier et travailler […] Durant son incarcération, il a reçu la visite régulière de son amie […] A______ exprime son refus total de se soumettre à ses obligations telles que découlant des articles 89 et 90 LEI [obligation de collaborer] […] le cité n'a encore jamais bénéficié d'une libération conditionnelle et indique vouloir quitter la Suisse de sorte que le pronostic n'est pas totalement défavorable. Le Tribunal de céans fonde ainsi l'espoir que le cité saura à l'avenir se comporter de manière conforme à l'ordre juridique suisse […] PAR CES MOTIFS LE TRIBUNAL D'APPLICATION DES PEINES ET DES MESURES 1. Ordonne la libération conditionnelle de A______ pour le 18 janvier 2023. 2. Dit que le solde de peine non exécuté est d'un mois et 10 jours. 3. Fixe la durée du délai d'épreuve à un an, soit échéant au 18 janvier 2024, en l'avertissant que s'il devait, durant ce délai, commettre un nouveau crime ou un délit, sa réincarcération pour le solde de sa peine pourra être ordonnée […]".
· Le 24 juin 2023 par le MP à une peine privative de liberté d'ensemble, après révocation de la libération conditionnelle, de 180 jours, ferme, et à une amende de CHF 100.- pour rupture de ban et contravention à la LStup.
b.b. A______ n'a pas d'antécédent inscrit au casier judiciaire français.
E. Assistance judiciaire
Me B______, défenseure d'office de A______, dépose un état de frais pour la procédure d'appel, facturant, sous des libellés divers, deux heures et
30 minutes d'activité de cheffe d'étude et 13 heures et 30 minutes d'activité d'avocate-stagiaire, hors débats d'appel, lesquels ont duré 45 minutes, dont 30 minutes à la rédaction de la déclaration d'appel et une heure à la lecture du jugement de première instance consacrées par l'avocate-stagiaire.
L'avocate a été indemnisée pour 20 heures et 25 minutes d'activité en première instance.
EN DROIT :
1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale [CPP]).
La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décision illégale ou inéquitable (art. 404 al. 2 CPP).
2. 2.1.1. Le délit à la LStup, la rupture de ban et l'infraction à la LArm sont sanctionnés par des peines privatives de liberté de trois ans au plus ou une peine pécuniaire.
Le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir. La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (art. 47 du Code pénale [CP]).
En matière de trafic de stupéfiants, il y a lieu de tenir compte plus spécifiquement des éléments suivants. Même si la quantité de drogue ne joue pas un rôle prépondérant, elle constitue sans conteste un élément important (ATF 138 IV 100 consid. 3.2). Le type de drogue et sa pureté doivent être pris en considération (ATF 122 IV 299 consid. 2c). Le type et la nature du trafic en cause sont aussi déterminants. L'appréciation est différente selon que l'auteur a agi de manière autonome ou comme membre d'une organisation. L'étendue du trafic entrera également en considération. Un trafic purement local sera en règle générale considéré comme moins grave qu'un trafic avec des ramifications internationales. Enfin, le nombre d'opérations constitue un indice pour mesurer l'intensité du comportement délictueux. S'agissant d'apprécier les mobiles qui ont poussé l'auteur à agir, le juge doit distinguer le cas de celui qui est lui-même toxicomane et agit pour financer sa propre consommation de celui qui participe à un trafic uniquement poussé par l'appât du gain (arrêt du Tribunal fédéral 6B_757/2022 du 26 octobre 2022 consid. 2.2).
Bien que la récidive ne constitue plus un motif d'aggravation obligatoire de la peine (art. 67 aCP), les antécédents continuent de jouer un rôle très important dans la fixation de celle-ci. En général, la culpabilité de l'auteur est amplifiée du fait qu'il n'a pas tenu compte de l'avertissement constitué par la précédente condamnation, et sa rechute témoigne d'une énergie criminelle accrue. Une série d'infractions semblables pèse plus lourd que des actes de nature différente. Les antécédents judiciaires ne sauraient toutefois conduire à une augmentation massive de la peine, parce que cela reviendrait à condamner une deuxième fois pour des actes déjà jugés
(ATF 120 IV 136 consid. 3b ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_49/2012 du 5 juillet 2012, consid. 1.2).
2.1.2. Le juge suspend en règle générale l’exécution d’une peine pécuniaire ou d’une peine privative de liberté de deux ans au plus lorsqu’une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l’auteur d’autres crimes ou délits (art. 42 al. 1 CP). Si, durant les cinq ans qui précèdent l’infraction, l’auteur a été condamné à une peine privative de liberté ferme ou avec sursis de plus de six mois, il ne peut y avoir de sursis à l’exécution de la peine qu’en cas de circonstances particulièrement favorables (al. 2).
Dans l'hypothèse de l'art. 42 al. 2 CP, la présomption d'un pronostic favorable, respectivement du défaut d'un pronostic défavorable, ne s'applique plus, la condamnation antérieure constituant un indice faisant craindre que l'auteur puisse commettre d'autres infractions. L'octroi du sursis n'entre donc en considération que si, malgré l'infraction commise, on peut raisonnablement supposer, à l'issue de l'appréciation d'ensemble des facteurs déterminants, que le condamné s'amendera. Le juge doit examiner si la crainte de récidive fondée sur l'infraction commise peut être compensée par des circonstances qui empêchent que l'infraction antérieure ne détériore le pronostic. Tel sera notamment le cas si l'infraction à juger n'a aucun rapport avec l'infraction antérieure ou que les conditions de vie du condamné se sont modifiées de manière particulièrement positive (ATF 134 IV 1 consid. 4.2.3). Cela étant posé, il n'est pas contestable que l'existence d'antécédents pénaux est un point non seulement pertinent mais incontournable du pronostic. Il n'est pas discutable non plus que, eu égard à leur gravité, les antécédents visés par l'art. 42 al. 2 CP pèsent lourdement dans l'appréciation d'ensemble et qu'un pronostic défavorable ne peut alors être exclu qu'en présence d'autres circonstances susceptibles de contrebalancer positivement cet élément négatif (arrêt du Tribunal fédéral 6B_444/2023 du 17 août 2023, consid. 3.1).
2.1.3. À teneur de l'art. 46 al. 1 CP, si, durant le délai d’épreuve, le condamné commet un crime ou un délit et qu’il y a dès lors lieu de prévoir qu’il commettra de nouvelles infractions, le juge révoque le sursis ou le sursis partiel ; si la peine révoquée et la nouvelle peine sont du même genre, il fixe une peine d’ensemble en appliquant par analogie l’art. 49 CP. S’il n’y a pas lieu de prévoir que le condamné commettra de nouvelles infractions, le juge renonce à ordonner la révocation ; il peut adresser au condamné un avertissement et prolonger le délai d’épreuve de la moitié au plus de la durée fixée dans le jugement (al. 2). Le juge appelé à connaître du nouveau crime ou du nouveau délit est également compétent pour statuer sur la révocation (al. 3).
La commission d'un crime ou d'un délit durant le délai d'épreuve n'entraîne pas nécessairement une révocation du sursis. Celle-ci ne se justifie qu'en cas de pronostic défavorable, à savoir lorsque la nouvelle infraction laisse entrevoir une réduction sensible des perspectives de succès de la mise à l'épreuve (ATF 134 IV 140 consid. 4.2 et 4.3). Par analogie avec l'art. 42 al. 1 et 2 CP, le juge se fonde sur une appréciation globale des circonstances du cas d'espèce pour estimer le risque de récidive (ATF 134 IV 140 consid. 4.4). Dans l'appréciation des perspectives d'amendement à laquelle il doit procéder pour décider de la révocation d'un sursis antérieur, il doit tenir compte des effets prévisibles de l'octroi ou non du sursis à la nouvelle peine. Il peut parvenir à la conclusion que l'exécution, le cas échéant, de la nouvelle peine aura un effet dissuasif suffisant, justifiant de renoncer à la révocation du sursis antérieur (ATF 134 IV 140 consid. 4.5). En cas de révocation du sursis, le juge doit fixer une peine d'ensemble en partant méthodiquement de la peine infligée pour l'infraction nouvellement commise pendant le délai d'épreuve, selon les principes fixés à l'art. 47 CP, en tant que "peine de départ" (Einsatzstrafe). Cette nouvelle peine doit être augmentée en raison de la peine dont le sursis est révoqué, par application analogique du principe de l'aggravation (ATF 145 IV 146 consid. 2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_444/2023 du 17 août 2023, consid. 4.1.1 et 4.1.2).
2.1.4. Selon l'art. 49 CP, si, en raison d’un ou de plusieurs actes, l’auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l’infraction la plus grave et l’augmente dans une juste proportion (al. 1). Si le juge doit prononcer une condamnation pour une infraction que l’auteur a commise avant d’avoir été condamné pour une autre infraction, il fixe la peine complémentaire de sorte que l’auteur ne soit pas puni plus sévèrement que si les diverses infractions avaient fait l’objet d’un seul jugement (al. 2).
Lorsque, parmi plusieurs infractions à juger, l'une au moins a été commise avant d'autres jugées précédemment (concours rétrospectif partiel), les nouvelles infractions – soit celles commises après l'entrée en force d'un précédent jugement – doivent faire l'objet d'une peine indépendante. Ainsi, il convient d'opérer une séparation entre les infractions commises avant le premier jugement et celles perpétrées postérieurement à celui-ci. Le juge doit tout d'abord s'attacher aux infractions commises avant ledit jugement, en examinant si, eu égard au genre de peine envisagé, une application de l'art. 49 al. 2 CP entre en ligne de compte. Ensuite, il doit considérer les infractions commises postérieurement au jugement précédent, en fixant pour celles-ci une peine indépendante, le cas échéant en faisant application de l'art. 49 al. 1 CP. Enfin, le juge additionne la peine complémentaire ou la peine cumulative retenue pour sanctionner la ou les infractions commises antérieurement au jugement précédent à celle retenue pour sanctionner les infractions commises postérieurement à cette décision (ATF 145 IV 1 consid. 1).
En matière de trafic de stupéfiants, la jurisprudence a admis que les différents actes n'entrent pas en concours entre eux, mais doivent être considérés comme une seule infraction. En cas de concours rétrospectif partiel, il se justifie donc de considérer que l'infraction à la LStup s'insère dans le groupe d'infractions dans lequel prend place le dernier acte commis en violation de l'art. 19 ch. 1 LStup. Il n'y a pas lieu, dans une telle configuration, de condamner l'auteur dans un premier temps pour les actes de trafic commis antérieurement à la condamnation précédente, puis, dans un second temps, pour les actes commis postérieurement à celle-ci (arrêt du Tribunal fédéral 6B_93/2021 du 6 octobre 2021, consid. 2.2).
2.2.1. Le TP ayant correctement tenu compte des critères de l'art. 47 CP, il peut être renvoyé à son exposé des motifs, que la CPAR fait sien (art. 82 al. 4 CPP ;
ATF 141 IV 244 consid. 1.2.3).
Sous l'angle des éléments déterminants en matière de trafic de stupéfiants, sont relevant de surcroît les facteurs suivants : le trafic de l'appelant porte sur une drogue dite "douce". Il a agi de manière autonome, non au sein d'une organisation. Son trafic reste local, sans ramification internationale. Ses opérations sont nombreuses (entreposage, détention, vente, cession à titre de paiement du loyer) et régulières. Bien que consommateur, il n'a pas agi pour financer sa propre consommation, mais pour amortir sa dette et vivre – le TP a donc retenu à juste titre l'appât du gain.
Il travaille à la prison de G______ et son attitude est correcte.
Seule une peine privative de liberté entre en considération (art. 40 CP). Une peine pécuniaire, au demeurant non requise par la défense, ne ferait pas sens, sous l'angle de la prévention spéciale.
Les délits à sanctionner ont été commis en partie avant la condamnation du 24 juin 2023, en partie après. Il y a donc concours rétrospectif partiel.
Si les ruptures de ban antérieures au 24 juin 2023, commises "à réitérées reprises" selon l'acte d'accusation, avaient fait l'objet d'un (seul) jugement rendu à cette date, elles n'auraient pas été sanctionnées par une peine supérieure aux 180 unités arrêtées par le MP. C'est donc une peine "de grandeur zéro" qui doit être fixée comme peine complémentaire à la peine privative de liberté de base de 180 jours. Considérant, ensuite, les infractions commises postérieurement à l'ordonnance pénale du 24 juin 2023, dont le délit à la LStup, qui doit être considéré comme une seule infraction, il convient de fixer une peine indépendante. L'infraction concrètement la plus grave est le délit en question, portant sur quelque 5 kg de haschisch au total, lequel doit être réprimé par une peine de huit mois. Cette peine, de base, doit être augmentée dans une juste proportion de trois mois (peine hypothétique : six mois) pour sanctionner les ruptures de ban et d'un mois (peine hypothétique : deux mois) pour sanctionner l'infraction à la LArm, ce qui ramène la peine à 12 mois, soit à un an.
Pour la contravention à la LStup, à laquelle les principes visés supra (cf. 2.1.4) s'appliquent (art. 104 CP), c'est une peine complémentaire de CHF 100.- à la peine de base (CHF 100.-) du 24 juin 2023 qui doit être prononcée. Une peine indépendante de CHF 200.- doit en outre venir sanctionner les consommations postérieures au 24 juin 2023, ces amendes devant être ensuite additionnées, leur somme étant de CHF 300.-.
S'agissant de la question du sursis, que la défense ne discute pas, les condamnations antérieures, de plus de 180 unités pénales pour certaines, font craindre que l'appelant puisse commettre d'autres infractions. D'abord, les infractions à juger sont en rapport avec les infractions antérieures, spécifiques (délits à la LStup et ruptures de ban notamment). Ensuite, les conditions de vie de l'appelant ne se sont pas modifiées depuis, encore moins de manière particulièrement positive. Elles sont, au contraire, singulièrement identiques à celles qui prévalaient antérieurement. Le prévenu a pour amie intime E______ ; mais c'était déjà le cas il y a deux ans. Il nourrit le projet de s'établir à l'étranger et de se marier ; mais ce projet existait déjà précédemment puisqu'il l'annonçait au TAPEM. Il est sans travail, sans ressources, sans statut en Suisse, cette situation perdurant depuis cinq ans. Partant, les circonstances actuelles ne viennent nullement compenser la détérioration du pronostic induite par les infractions antérieures. Elles ne sont pas particulièrement favorables au sens de l'art. 42 al. 2 CP. En conclusion, c'est une peine ferme qui doit être prononcée.
2.2.2. L'appelant a récidivé dans les délais d'épreuve.
Il n'appert pas que la purge de la (présente) peine privative de liberté d'un an puisse avoir sur lui un effet dissuasif suffisant, justifiant de renoncer à la révocation du sursis antérieur. En effet, de précédentes peines de même ampleur (12 et 11 mois), dont une ferme, ne l'ont pas détourné de la récidive. L'opportunité qui lui a été offerte, sur libération conditionnelle, de faire ses preuves à l'extérieur, n'a pas été saisie. Pire, sitôt sorti de prison, le prévenu s'est remis à trafiquer. La (nouvelle) peine privative de liberté, ferme, prononcée le 24 juin 2023, en pleine période pénale, aurait dû servir de coup de semonce. Mais elle est restée sans effet, l'appelant n'en tirant aucun enseignement, en faisant fi. Autant d'avertissements dont il n'a pas su tenir compte. Il en découle que les perspectives d'amendement sont ternes, voire inexistantes. Dans ces conditions, le sursis accordé le 25 février 2022 sera révoqué.
La non-révocation du sursis octroyé le 13 janvier 2021 est acquise à l'appelant (art. 391 al. 2 CPP).
La peine privative de liberté d'un an servira de peine de départ. Par application analogique du principe de l'aggravation, elle sera augmentée de six mois en raison de la peine (12 mois) dont le sursis est révoqué. La peine privative de liberté d'ensemble sera ainsi fixée à 18 mois. La détention avant jugement sera imputée (art. 51 CP).
Le jugement entrepris sera par conséquent confirmé.
3. L'appelant, qui succombe, supportera les frais de la procédure envers l'État, y compris un émolument de CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 14 al. 1 let. e du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale [RTFMP]).
4. 4.1. Considéré globalement, l'état de frais produit par Me B______, défenseure d'office de A______, satisfait aux exigences légales (art. 16 RAJ) et jurisprudentielles régissant l'assistance judiciaire gratuite en matière pénale, à l'exception du temps consacré par la stagiaire à la rédaction de la déclaration d'appel et à la lecture du jugement de première instance, qui sera retranché (1,5 heure au total) – ces activités étant rémunérées de manière adéquate par la majoration forfaitaire (cf. ordonnance de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2014.51 du 21 novembre 2014 consid. 2.1 ; décisions de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2013.127 du 4 décembre 2013 consid. 4.2).
4.2. La rémunération de Me B______ sera partant arrêtée à CHF 2'321.75 correspondant à 2,5 heures d'activité au tarif de CHF 200.-/heure (CHF 500.-) et 12,75 heures d'activité au tarif de CHF 110.-/heure (CHF 1'402.50) plus la majoration forfaire de 10%, vu l'activité déjà indemnisée (CHF 190.25), plus un déplacement A/R aux débats d'appel (CHF 55.-) et l'équivalent de la TVA au taux de 8.1% (CHF 174.-).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/271/2024 rendu le 29 février 2024 par le Tribunal de police dans la procédure P/22905/2023.
Le rejette.
Condamne A______ aux frais de la procédure d'appel, en CHF 1'255.-, qui comprennent un émolument de CHF 1'000.-.
Arrête à CHF 2'321.75, TVA comprise, le montant des frais et honoraires de Me B______, défenseure d'office de A______.
Confirme le jugement entrepris, dont le dispositif est le suivant :
"Classe la procédure en lien avec les faits qualifiés de rupture de ban (art. 291 CP) pour la période pénale du 2 avril 2022 au 17 janvier 2023 et le 23 juin 2023 et en lien avec les faits décrits sous chiffre 1.1.1 et 1.1.4 pour la période pénale du 2 avril 2022 au 17 janvier 2023 (art. 329 al. 1 let. c CPP).
Déclare A______ coupable d'infraction à l'art. 19 al. 1 let. b, c et d de la loi fédérale sur les stupéfiants (LStup), de rupture de ban (art. 291 al. 1 CP), d'infraction à l'art. 33 al. 1 let. a de la loi fédérale sur les armes et de consommation de stupéfiants (art. 19a LStup).
Renonce à révoquer le sursis octroyé le 13 janvier 2021 par le Ministère public.
Révoque le sursis octroyé le 25 février 2022 par la Chambre pénale d'appel et de révision à la peine de 12 mois, sous déduction de 131 jours de détention avant jugement (art. 46 al. 1 CP).
Condamne A______ à une peine privative de liberté d'ensemble de 18 mois, sous déduction de 135 jours de détention avant jugement (dont 65 jours en exécution anticipée de peine) (art. 40 et art. 51 CP).
Dit que cette peine est partiellement complémentaire à celle prononcée le 24 juin 2023 par le Ministère public de Genève (art. 49 al. 2 CP).
Condamne A______ à une amende de CHF 300.- (art. 106 CP).
Prononce une peine privative de liberté de substitution de 3 jours.
Dit que la peine privative de liberté de substitution sera mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'est pas payée.
Ordonne la confiscation et la destruction de la gazeuse CS d'autodéfense, de la balance électronique et de la drogue figurant sous chiffres 1 à 5 de l'inventaire n 2______, ainsi que de la drogue figurant sous chiffres 1 et 2 de l'inventaire n 3______ (art. 69 CP).
Ordonne la confiscation du téléphone figurant sous chiffre 3 de l'inventaire n 3______ (art. 69 CP).
Ordonne la confiscation et leur dévolution à l'état des espèces figurant sous chiffre 4 de l'inventaire n°3______.
Condamne A______ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 1'621.-, y compris un émolument de jugement de CHF 700.- (art. 426 al. 1 CPP).
Fixe à CHF 3'949.95 l'indemnité de procédure due à Me B______, défenseur d'office de A______ (art. 135 CPP).
Fixe l'émolument complémentaire de jugement à CHF 1'400.-.
Met cet émolument complémentaire à la charge de A______".
Notifie le présent arrêt aux parties.
Le communique, pour information, au Tribunal de police, à l'Office fédéral de la police ainsi qu'à l'Office cantonal de la population et des migrations.
La greffière : Melina CHODYNIECKI |
| Le président : Fabrice ROCH
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Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.
Dans la mesure où il a trait à l'indemnité de l'avocat désigné d'office ou du conseil juridique gratuit pour la procédure d'appel, et conformément aux art. 135 al. 3 let. b CPP et 37 al. 1 de la loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération (LOAP), le présent arrêt peut être porté dans les dix jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 39 al. 1 LOAP, art. 396 al. 1 CPP) par-devant la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (6501 Bellinzone).
| ETAT DE FRAIS |
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| COUR DE JUSTICE |
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Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).
Total des frais de procédure du Tribunal de police : | CHF | 3'021.00 |
Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision |
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Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c) | CHF | 00.00 |
Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i) | CHF | 140.00 |
Procès-verbal (let. f) | CHF | 40.00 |
Etat de frais | CHF | 75.00 |
Emolument de décision | CHF | 1'000.00 |
Total des frais de la procédure d'appel : | CHF | 1'255.00 |
Total général (première instance + appel) : | CHF | 4'276.00 |