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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/11281/2023

AARP/173/2024 du 24.05.2024 sur JTDP/1413/2023 ( PENAL ) , REJETE

Descripteurs : RUPTURE DE BAN;DISPOSITIONS PÉNALES DE LA LSTUP
Normes : CP.286; CP.291; LSTUP.19.leta.ch1

république et

canton de genève

pouvoir judiciaire

P/11281/2023 AARP/173/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 24 mai 2024

 

Entre

A______, actuellement détenu en exécution anticipée de peine à l'Établissement fermé de B______, ______, comparant par Me C______, avocat,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/1413/2023 rendu le 3 novembre 2023 par le Tribunal de police

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A.           Saisine de la Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR)

a.a. En temps utile, A______ appelle du jugement JTDP/1413/2023 du 3 novembre 2023, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a reconnu coupable de rupture de ban (art. 291 du Code pénal [CP]), d'empêchement d'accomplir un acte officiel (art. 286 CP) et d'infraction à l'art. 19a ch. 1 de la Loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes (LStup).

Le TP a révoqué la libération conditionnelle accordée le 29 août 2022 par le Tribunal d'application des peines et des mesures (TAPEM) (solde de peine : quatre mois et
19 jours) et l'a condamné à une peine privative de liberté d'ensemble de neuf mois, sous déduction d'un jour de détention avant jugement, à une peine pécuniaire de
20 jours-amende, à CHF 10.- l'unité, à une amende de CHF 100.- ainsi qu'aux frais de la procédure.

Les conclusions en indemnisation du condamné ont été rejetées.

Plusieurs mesures (confiscation et destruction) ont été ordonnées.

a.b. A______ entreprend intégralement ce jugement, concluant à son acquittement ainsi qu'à l'octroi d'une indemnité fondée sur l'art. 429 al. 1 let. c du Code de procédure pénale (CPP), frais à charge de l'État.

a.c. Le MP conclut au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement entrepris.

b.a. Selon l'acte d'accusation du 2 octobre 2023, il est reproché ce qui suit à A______ :

- le 24 mai 2023, il a pénétré sur le territoire suisse, à Genève, alors qu'il savait faire l'objet d'une décision d'expulsion judiciaire prononcée à son encontre par le TP
le 2 mai 2022 pour une durée de cinq ans, valable du 14 septembre 2022 au
14 septembre 2027 (chiffre 1.1.) ;

- le même jour, à proximité du centre d'injection "D______", à Genève, il a pris la fuite en courant à la vue de la police, alors que les agents s'apprêtaient à procéder à son contrôle, et ce nonobstant les injonctions "Stop police", empêchant ceux-ci de procéder à des actes entrant dans leurs fonctions (chiffre 1.2.) ;

- le même jour, il a détenu, sans ordonnance, deux comprimés de DORMICUM destinés à sa consommation personnelle (chiffre 1.3.).

B.            Faits résultant du dossier de première instance

 

Procédure P/1______/2021

a.a. Par jugement JTDP/463/2022 rendu le 2 mai 2022 par le TP, l'expulsion de A______ a été prononcée pour une durée de cinq ans, mesure valable à compter du 14 septembre 2022 (date de son renvoi effectif, cf. infra B.b.) jusqu'au
14 septembre 2027.

a.b. Le 23 mai 2022, le MP a adressé à l'Office cantonal de la population et des migrations (OCPM) et au Service d'application des peines et des mesures (SAPEM) une injonction d'exécuter le jugement précité, en particulier de mettre en œuvre l'expulsion prononcée.

b. Par jugement du 29 août 2022, le TAPEM a ordonné la libération conditionnelle de A______ au jour de son renvoi effectif, soit au plus tôt le 14 septembre 2022, lui imposant, à titre de règles de conduite, de collaborer avec les autorités compétentes en vue de son renvoi vers la France, de quitter le territoire suisse et ne de plus y revenir (délai d'épreuve : un an dès le renvoi effectif).

Procédure P/2______/2023

c.a. Par ordonnance pénale du 3 février 2023, A______ a été déclaré coupable de violation de domicile et de rupture de ban (faits du 2 février 2023), et condamné à une peine privative de liberté de six mois, sous déduction de deux jours de détention avant jugement. Le MP a renoncé à révoquer la libération conditionnelle accordée le 29 août 2022, mais en a prolongé le délai d'épreuve de six mois et a adressé au prévenu un avertissement formel.

c.b. Par courrier du 8 mars 2023, le SAPEM a demandé à la Commandante de la Police de procéder à l'inscription dans le système de recherches national (RIPOL) d'un mandat d'arrêt à l'encontre de A______, puisque celui-ci ne répondait pas à leurs convocations en vue de l'exécution de la peine précitée (cf. PP B-14).

Faits de la présente procédure

d.a. Le 24 mai 2023, A______ a été interpellé par la police.

d.b. À teneur du rapport d'arrestation du même jour, une patrouille de police pédestre avait voulu procéder au "contrôle" de A______, "individu bien connu" des services de police. Alors que l'intéressé sortait du centre d'injection "D______", les agents s'étaient dirigés vers lui et A______ avait pris la fuite en courant. À la hauteur du boulevard 3______ no. ______, deux appointés avaient saisi les bras du prévenu et l'avaient menotté. Aucune blessure n'était relevée.

A______ était en possession de deux comprimés de DORMICUM sans disposer de l'ordonnance idoine.

Les contrôles d'usage avaient permis d'établir que le prévenu faisait l'objet du mandat d'arrêt et de l'expulsion judiciaires mentionnés supra (cf. B.a.a et B.c.b.).

d.c. Selon l'avis d'arrestation du 24 mai 2023, A______ avait été arrêté à 15h30 pour "flagrant délit (art. 217 al. 1 let. a CPP) [d'] empêchement d'accomplir un acte officiel et rupture de ban". La police avait avisé le MP à 16h12 (cf. PP Y-34).

d.d. Entendu par la police le jour même à 17h31, A______, lequel a renoncé à la présence d'un avocat, a déclaré être parti à la vue de la police "par réflexe" et ne pas se souvenir pourquoi il ne s'était pas arrêté en entendant les sommations "Stop Police". Il connaissait l'existence de l'expulsion judiciaire. Il était venu s'acheter des cigarettes et se procurer de la méthadone. Il fumait un joint de haschich tous les soirs pour s'endormir et consommait de l'héroïne, sans être en mesure d'en dire plus sur la fréquence. Il suivait un traitement à base de méthadone "en automédication". Il consommait occasionnellement des comprimés de DORMICUM. Il en avait pris un cachet, acheté à un toxicomane, peu avant son arrestation.

d.e. Au cours de l'audition, A______ a demandé à être présenté à un médecin, car il sentait "l'effet de manque". Le Dr E______ est intervenu au poste de police et a prescrit de l'ibuprofène et de la méthadone. Il n'a pas constaté de "déficit neurologique focal ou de déviation SM" (cf. PP B-12 et cf. infra C.c.).

e. Entendu le 25 mai 2023 par le MP en présence de son conseil, A______ a affirmé ne plus se souvenir de ses déclarations de la veille et a précisé que le médecin, dont il avait eu la visite à nouveau le matin même (sans être en mesure de reconnaître celui-ci), lui avait dit qu'il n'avait pas l'air d'être "la même personne", qu'il n'était pas "dans son état normal" lors de la première visite médicale.

Dans la nuit du 23 au 24 mai, il avait fait la fête aux F______ [France], puis s'était rendu à G______ [France]. Trois amis et lui avaient bu deux bouteilles de vodka. Il ne se rappelait pas comment, quand ou pourquoi il était allé Genève. Il ne se souvenait pas d'avoir dit qu'il avait voulu s'acheter des cigarettes ou se procurer de la méthadone. Il était habituellement conscient de ses actes. Il était en train de se "reconstruire". Il faisait des recherches d'emploi et était inscrit au chômage en France. Il avait promis à sa compagne qu'il ne retournerait pas en Suisse. Il ne se souvenait pas d'avoir couru devant la police, mais ne le contestait pas : "si j'ai couru, c'est que je l'ai fait". Il ne se remémorait pas d'avoir dit qu'il s'en était allé "par réflexe". Il avait acheté les deux comprimés de DORMICUM pour sa consommation personnelle, car il ne les avait pas à G______.

f. Entendu le même jour par le TMC, A______ a répété, en substance, avoir bu et ignorer comment il était arrivé à Genève.

g. Lors des débats de première instance, A______ a reconnu les faits. Après la soirée arrosée, il n'avait pas osé rentrer auprès de sa compagne. Ses amis et lui avaient continué à boire. Il ignorait comment il s'était retrouvé dans une voiture. Il avait quelques "flashs", lors desquels il se trouvait à Genève. Son "seul souvenir" était qu'il devait "partir vite" et son dernier souvenir" remontait à son réveil au poste lorsqu'il avait demandé ce qu'il faisait là.

h. En première instance, A______ a produit :

- une attestation établie par le Service de médecine pénitentiaire des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) le 27 octobre 2023, selon laquelle
il bénéficiait d'un suivi addictologique et se montrait "assidu" et "volontaire". Le patient envisageait d'entamer une psychothérapie, à poursuivre après sa libération ;

- un constat de lésions traumatiques établi par les HUG le 30 mai 2023, selon lequel il rapportait avoir été frappé au visage (front) par des policiers lors de son arrestation. Le patient disait se souvenir ni des détails ni de la nature du coup et se plaignait d'une douleur de type brûlure au toucher. L'examen mettait en évidence une dermabrasion triangulaire de quatre centimètres de grand axe localisée au niveau frontal droit
(cf. photographie de la lésion annexée au constat) ;

- une promesse d'embauche au sein d'une épicerie sise à G______ dès le 13 novembre 2023 et l'extrait du registre relatif à ce commerce.

i. Le prévenu a renoncé à requérir son indemnisation au sens de l'art. 429 CPP
(cf. procès-verbal des débats de première instance p. 4).

C.           Procédure d'appel

a. La juridiction d'appel a ordonné l'instruction de la cause par la voie écrite avec l'accord des parties (art. 406 al. 2 CPP).

b. Selon son mémoire d'appel, A______ persiste dans ses conclusions, requérant une indemnité de CHF 200.- par jour de détention injustifiée en application de l'art. 429 al. 1 let. c CPP.

c. À l'appui de son mémoire, l'appelant produit deux "rapports internes cas police établis" par le Dr E______ :

- en lien avec sa visite du 24 mai 2023, lequel fait état d'un état de manque (méthadone) et d'une toxicomanie avec addiction aux opiacés ;

- en lien avec sa visite du 25 mai 2023, lequel fait état des mêmes "diagnostics" que la veille ainsi que d'une ecchymose de cinq centimètres frontale droite.

d. Selon son mémoire de réponse, le MP persiste dans ses conclusions.

e. Les arguments de l'appelant et du MP seront discutés infra (cf. consid. 2.8.1. et ss.)

D.           Situation personnelle du prévenu et antécédents

 

a. A______, ressortissant français, est né le ______ 1983 à H______ (Liban). Divorcé, il a un fils de 13 ans qu'il garde de manière alternée avec la mère de l'enfant et dont il affirme avoir la charge.

 

Il a effectué sa scolarité obligatoire au Liban puis en France où il a obtenu un diplôme de formation générale (CFG) avant de suivre des études en bijouterie option sertissage puis gemmologie à I______ [France] pendant six ans.

 

Avant son interpellation, il était sans emploi et sans revenu. Il percevait des allocations familiales d'un montant de EUR 600.-. Il habite dans une résidence à J______ (France) et paie un loyer de EUR 130.-.

b.a. À teneur de son casier judiciaire suisse, A______ a été condamné à dix reprises entre le 23 janvier 2014 et le 3 février 2023 pour des infractions contre le patrimoine, contre la loi fédérale sur la circulation routière (LCR), la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (LEI) et la LStup, les dernières fois :

-          le 2 mai 2022, par le TP, à une peine privative de liberté de huit mois et à une expulsion pour une durée de cinq ans, pour dommages à la propriété, violation de domicile, tentative de vol, vol et interdiction de pénétrer dans une région déterminée, étant relevé qu'il a été libéré conditionnellement par jugement du
29 août 2022 (délai d'épreuve d'un an, prolongé par le MP jusqu'au 13 mars 2024) ;

-          le 3 février 2023, par le MP, à une peine privative de liberté de six mois ainsi qu'à une amende de CHF 500.-, pour violation de domicile, rupture de ban et contravention à la LStup.

b.b. À teneur de son casier judiciaire français, A______ a été condamné à seize reprises entre 2004 et 2023 pour le même type d'infractions (cf. supra D.b.a.) ainsi que plusieurs faits de violences, la dernière fois le 23 mars 2023 à dix mois d'emprisonnement pour conduite d'un véhicule sans permis et refus d'obtempérer.

E.            Assistance judiciaire

Me C______, défenseur d'office de A______, dépose un état de frais pour la procédure d'appel, facturant, sous des libellés divers, neuf heures et 35 minutes d'activité de chef d'étude.

L'avocat a été indemnisé plus de 32 heures pour ses diligences au cours de la procédure préliminaire et de première instance.

EN DROIT :

1. 1.1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 CPP).

1.2. La Chambre n'examine que les points attaqués du jugement de première instance (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables
(art. 404 al. 2 CPP), sans être liée par les motifs invoqués par les parties ni par leurs conclusions, à moins qu'elle ne statue sur une action civile (art.  391 al. 1 CPP).

2. 2.1. La présomption d'innocence, garantie par les art. 10 CPP, 32 al. 1 de la Constitution fédérale [Cst.], 14 par. 2 Pacte ONU II et 6 par. 2 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales [CEDH], ainsi que son corollaire, le principe "in dubio pro reo", concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large. En tant que règle sur le fardeau de la preuve, elle signifie, au stade du jugement, que le fardeau de la preuve incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu. Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective
(ATF 148 IV 409 consid. 2.2).

2.2. L'art. 10 al. 2 CPP consacre le principe de la libre appréciation des preuves, en application duquel le juge donne aux moyens de preuve produits tout au long de la procédure la valeur qu'il estime devoir leur attacher pour se forger une intime conviction sur la réalité d'un fait (arrêt du Tribunal fédéral 6B_348/2012 du
24 octobre 2012 consid. 1.3).

Le principe de l'appréciation libre des preuves interdit d'attribuer d'entrée de cause une force probante accrue à certains moyens de preuve, comme des rapports de police. On ne saurait toutefois dénier d'emblée toute force probante à un tel document. Celui-ci est en effet, par sa nature, destiné et propre à servir de moyen de preuve, dans la mesure où le policier y reproduit des faits qu'il a constatés et où il est fréquent que l'on se fonde, dans les procédures judiciaires, sur les constatations ainsi transcrites (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1143/2023 du 21 mars 2024 consid. 2.3)

2.3. L'art. 6 par. 3 let. d CEDH garantit à tout accusé le droit d'interroger ou de faire interroger les témoins à charge et d'obtenir la convocation et l'interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge. Cette disposition exclut qu'un jugement pénal soit fondé sur les déclarations de témoins sans qu'une occasion appropriée et suffisante soit au moins une fois offerte au prévenu de mettre ces témoins en doute et de les interroger, à quelque stade de la procédure que ce soit (ATF 140 IV 172 consid. 1.3 ; 133 I 33 consid. 3.1 ; 131 I 476 consid. 2.2). Il s'agit de l'un des aspects du droit à un procès équitable. En tant qu'elle concrétise le droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.), cette exigence est également garantie par
l'art. 32 al. 2 Cst. (ATF 144 II 427 consid. 3.1.2 ; 131 I 476 consid. 2.2). Ce droit est absolu lorsque la déposition du témoin en cause est d'une importance décisive, notamment lorsqu'il est le seul témoin ou que sa déposition constitue une preuve essentielle (ATF 131 I 476 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_862/2021 du 21 juin 2022 consid. 1.1).

2.4.1. Quiconque contrevient à une décision d'expulsion du territoire de la Confédération ou d'un canton prononcée par une autorité compétente est passible d'une peine de droit (art. 291 al. 1 CP).

2.4.2. La rupture de ban suppose la réunion de trois conditions : une décision d'expulsion (notamment au sens des art. 66a et 66abis CP), la transgression de celle-ci et l'intention. L'infraction est consommée si l'auteur reste en Suisse après l'entrée en force de la décision, alors qu'il a le devoir de partir ou s'il y entre pendant la durée de validité de l'expulsion (arrêt du Tribunal fédéral 6B_624/2021 du 23 mars 2022 consid. 1.1).

La décision doit être "exécutoire", ce qui n'est notamment pas le cas si, sous l'ancien droit, l'exécution était prononcée avec sursis (art. 41 aCP) ou si elle a été différée à titre d'essai (art. 55 al. 2 aCP) ou, s'agissant du nouveau droit, si elle est suspendue à la suite d'un recours (A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ (éds), Commentaire romand, Code pénal II, vol. II, Partie spéciale : art. 111-392 CP, Bâle 2017, ad art. 291 N 4).

2.4.3. Sur le plan subjectif, l'infraction de rupture de ban est intentionnelle, le dol éventuel étant toutefois suffisant. Il faut non seulement que l'auteur entre ou reste en Suisse volontairement, mais encore qu'il sache qu'il est expulsé ou accepte cette éventualité (arrêt du Tribunal fédéral 6B_624/2021 du 23 mars 2022 consid. 1.1).

2.5.1. Celui qui aura empêché une autorité, un membre d'une autorité ou un fonctionnaire d'accomplir un acte entrant dans ses fonctions est passible d'une peine de droit (art. 286 al. 1 CP).

2.5.2. Les gendarmes accomplissent en principe leurs missions en uniforme (art. 10
al. 4 de la Loi genevoise sur la police [LPol]). L'uniforme sert de légitimation et, sauf exception prévue par règlement du Conseil d'État, comporte le numéro de matricule de celui qui le porte (art. 46 al. 1 LPol). Les membres autorisés du personnel de la police ont le droit d'exiger de toute personne qu'ils interpellent dans l’exercice de leur fonction qu'elle justifie de son identité (art. 47 al. 1 LPol).

2.6. Quiconque, sans droit, consomme intentionnellement des stupéfiants ou commet une infraction à l'art. 19 LStup pour assurer sa propre consommation est passible d'une amende (art. 19a ch. 1 LStup).

2.7.1. L'appelant a été interpellé à Genève le 24 mai 2023, alors qu'il faisait l'objet d'une mesure d'expulsion qui déployait ses effets. Il en connaissait l'existence, ce qu'il ne conteste pas, ainsi que les enjeux pour avoir déjà été condamné après l'avoir transgressée (cf. B.c.a.).

2.7.2. La défense plaide que la décision d'expulsion n'était pas exécutoire, en ce sens que l'exécution de la peine privative de liberté prononcée ultérieurement dans le cadre de la procédure P/2______/2023 devait primer celle de la mesure, selon l'art. 66c al. 2 CP.

En l'occurrence, l'expulsion fait l'objet d'un jugement définitif et exécutoire (art. 437 al. 2 CPP). Elle s'applique dès l'entrée en force de celui-ci (art. 66c al. 1 CP). Elle est donc effective depuis la libération conditionnelle de l'appelant, le 14 septembre 2022. Elle s'est concrétisée par le retour en France de l'appelant. Le prononcé, le 3 février 2023, d'une nouvelle peine privative de liberté de six mois n'a pas eu pour effet de suspendre le caractère exécutoire de l'expulsion, comme le suggère la défense. En entrant à nouveau sur le territoire suisse, le 24 mai 2023, l'appelant a bien contrevenu à la décision d'expulsion, les art. 66c al. 2 CPP et 12b O-CP-CPM ayant pour seule conséquence que les six mois doivent être purgés avant sa ré-expulsion, exécutable simultanément.

Les éléments constitutifs objectifs de l'art. 291 CP sont ainsi réalisés.

Subjectivement, l'appelant est revenu en Suisse pour acheter des cigarettes, de la méthadone et/ou se procurer des DORMICUM, tout en connaissant l'existence de cette mesure. Il a donc agi intentionnellement. Il n'est pas entré en Suisse, quoi qu'il en soit, pour se soumettre à l'ordre d'exécution du 8 mars 2023 – il ne le soutient pas.

L'absence de souvenirs, feinte ou réelle, n'est pas décisive. Tout au plus influe-t-elle sur la responsabilité (art. 19 CP). Or celle-ci est présumée pleine et entière. Le dossier, les certificats du Dr. E______ en particulier, ne retiennent pas de raison sérieuse de douter de la responsabilité de l'appelant (art. 20 CP), ce que celui-ci ne discute d'ailleurs pas.

2.7.3. Au vu de ce qui précède, les faits tels que décrits au chiffre 1.1. de l'acte d'accusation sont établis et constitutifs de l'infraction de l'art. 291 CP.

L'appel est rejeté sur ce point. Le jugement entrepris sera confirmé.

2.8.1. Contrairement à l'avis de la défense, aucun élément ne permet de s'écarter des constatations résumées dans le rapport d'arrestation du 24 mai 2023.

Le document est certes succinct, mais relate de manière suffisamment précise les faits, soit que les agents ont voulu procéder au "contrôle" de l'appelant – acte entrant dans le cadre de leurs fonctions (art. 47 al. 1 LPol) – et qu'à leur vue, l'intéressé a pris la fuite en courant et a été neutralisé après que les agents ont dû faire usage de la force.

Certes, l'appelant n'a pas été confronté aux auteurs dudit rapport mais cette mesure n'était en l'occurrence pas indispensable, dès lors qu'il a reconnu à tous les stades de la procédure avoir pris la fuite à la vue de la police (cf. notamment PP B-6 et C-3).

Les prétendues lacunes relevées par la défense sont sans conséquence sur la valeur probante du document. Il n'était pas nécessaire de préciser que les gendarmes revêtaient leur uniforme. Ce dernier est, à rigueur de la loi, la tenue par défaut des policiers ainsi que le moyen de légitimation (art. 46 al. 1 LPol). L'appelant n'a jamais prétendu ne pas avoir reconnu les gendarmes ni que ces derniers n'avaient pas prononcé les sommations d'usage. Il en va de même de l'état de manque de l'appelant, dès lors qu'un renvoi express est fait au procès-verbal dans lequel le prévenu s'en plaint. Le lien de causalité entre l'usage de la force lors de l'arrestation et la blessure au front de l'appelant n'est pas établi. Le médecin n'a constaté une blessure au front de l'appelant que le lendemain de son arrestation, alors que vu son emplacement et sa taille, la lésion n'aurait pu lui avoir échappé la veille. L'appelant s'est plaint au plus tôt le 27 mai 2023 d'avoir fait l'objet de violences policières, sans être en mesure de livrer de détail sur le coup qu'il dit avoir reçu (cf. constat des HUG du 30 mai 2023). Il n'en a parlé lors d'aucune audition.

L'appelant a renoncé à l'assistance d'un avocat par-devant la police, étant observé que les infractions n'entraient pas dans le cadre de l'art. 307 al. 1 CPP. Certes, la police a avisé le MP de l'arrestation avant d'auditionner le prévenu. Mais elle est tenue d'avertir "sans délai" le MP de toute arrestation (art. 219 al. 1 CPP), sans préjudice du fait qu'elle a entendu le prévenu au stade de l'investigation policière (art. 219 al. 2 CPP cum art. 159 CPP), et non sur délégation du MP (l'instruction n'ayant formellement été ouverte contre l'appelant que le lendemain de son interpellation [cf. PP C-1]).

2.8.2. Partant, les faits tels que décrits sous chiffre 1.2. de l'acte d'accusation sont établis et constitutifs de l'infraction à l'art. 286 CP.

L'appel est rejeté sur ce point. Le jugement de première instance sera confirmé.

2.9. Il est établi tant par le rapport d'arrestation du 24 mai 2023, dont il n'y a, pour les raisons évoquées supra (cf. consid. 2.8.1.), aucune raison de s'écarter, que par les aveux de l'appelant au cours de la procédure, qu'il était en possession, lors de son arrestation, de deux comprimés de DORMICUM, dont le principe actif est le midazolam (benzodiazépine) (art. 2 let. b et 2b LStup ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_220/2015 et 6B_232/2015 du 10 février 2016 consid. 3.3), sans disposer d'une ordonnance (art. 3 al. 2 let. b, 46 et 48 de l'Ordonnance fédérale sur le contrôle des stupéfiants [OCStup] ; art. 1 al. 2 let. a et annexes 1 et 3 de l'Ordonnance fédérale sur les tableaux des stupéfiants [OTStup-DFI]).

Les faits décrits au chiffre 1.3. de l'acte d'accusation sont donc établis et constitutifs d'une contravention à l'art. 19a ch. 1 LStup.

L'appel doit être rejeté sur ce point et le jugement querellé confirmé.

3. 3.1. La violation de l'art. 291 CP est passible d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire ; celle de l'art. 286 CP de 30 jours-amende au plus et celle de l'art. 19a ch. 1 LStup d'une amende.

3.2. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 consid. 9.1.).

3.3. À teneur de l'art. 89 CP, si, durant le délai d'épreuve, le détenu libéré conditionnellement commet un crime ou un délit, le juge qui connaît de la nouvelle infraction ordonne sa réintégration dans l'établissement (al. 1). Le juge peut renoncer à réintégrer dans l'établissement de détention le détenu libéré conditionnellement ayant commis un nouveau crime ou délit, s'il n'y a pas lieu de craindre que celui-ci commette d'autres infractions (al. 2). Si, en raison de la nouvelle infraction, les conditions d'une peine privative de liberté ferme sont réunies et que celle-ci entre en concours avec le solde de la peine devenu exécutoire à la suite de la révocation, le juge prononce, en vertu de l'art. 49, une peine d'ensemble.

Lors de la fixation de la peine d'ensemble, la nouvelle peine, en tant que "peine de départ", doit être augmentée en raison de la peine révoquée par application analogique du principe de l'aggravation (arrêt du Tribunal fédéral 6B_444/2023 du 17 août 2023 consid. 4.1.2).

3.4. La faute de l'appelant est relativement sérieuse en lien avec l'infraction de rupture de ban, dans la mesure où il est revenu en Suisse alors qu'il connaissait l'existence de la mesure d'expulsion et avait été condamné à peine trois mois plus tôt pour les mêmes faits.

Sa culpabilité est moyenne à importante concernant l'infraction de l'art. 286 CP. Il a pris la fuite en courant devant la police de manière à, à tout le moins, différer le travail de celle-ci, sans oublier que l'usage de la force a été nécessaire pour le neutraliser.

Elle est de faible à moyenne s'agissant de l'infraction contre la LStup. Il disposait de deux comprimés, lesquels étaient destinés à sa propre consommation.

Ses mobiles sont égoïstes. Il a agi par convenance personnelle, faisant fi d'une décision judiciaire en force et au mépris des autorités de poursuite helvétiques. Seule l'intervention de celles-ci l'a stoppé dans ses agissements.

Sa prise de conscience fait défaut compte tenu de l'acquittement plaidé. Sa collaboration n'est que partielle.

Sa situation personnelle, en particulier sa toxicomanie, explique en partie les infractions, mais ne les justifie aucunement.

Il a des antécédents nombreux et spécifiques. Il est ancré dans la délinquance.

3.5. Vu l'absence d'effet de ses précédentes condamnations, même après avoir purgé des peines privatives de liberté, de l'avertissement formel signifié le 3 février 2023 et de la prolongation du délai d'épreuve, et vu la rapidité de la réitération de son comportement délictueux après sa dernière condamnation, seule une peine privative de liberté permet de sanctionner la rupture de ban. Pour ces mêmes motifs, la révocation de la liberté conditionnelle accordée le 29 août 2022 à l'appelant (solde de peine : quatre mois et 19 jours) se justifie et sera confirmée, de même que la peine d'ensemble d'une quotité de neuf mois.

Seront également prononcées à l'encontre de l'appelant une peine pécuniaire de
20 jours-amende, à CHF 10.- l'unité, et une amende de CHF 100.-, compte tenu de la situation personnelle et financière de l'appelant (revenu mensuel de EUR 600.-), pour sanctionner la violation des art. 286 CP et 19a ch. 1 LStup.

3.6. Dans le prolongement de ce qui justifie la révocation de la liberté conditionnelle, l'appelant ne saurait se prévaloir de l'octroi du sursis. Son passé judiciaire en France comme en Suisse, en particulier le genre et la quotité des peines prononcées les 2 mai 2022 et 23 mars 2023, suggèrent un pronostic défavorable et une absence de volonté d'amendement, de sorte que les conditions de l'art. 42 al. 2 CP font défaut.

3.7. Le jugement entrepris sera confirmé sur ces points.

4. 4.1. L'appelant, qui succombe entièrement, supportera les frais de la procédure envers l'État, y compris un émolument d'arrêt de CHF 1'200.- (art. 428 al. 1 CPP).

4.2. Vu l'issue de l'appel, il n'y a pas lieu de revoir la répartition des frais de la procédure préliminaire et de première instance (art. 428 al. 3 CPP).

5. Dans la mesure où le verdict de culpabilité est confirmé et que la détention avant jugement subie ne dépasse pas la peine prononcée, les conclusions de l'appelant en réparation du tort moral seront rejetées (art. 429 al. 1 let. c CPP et art. 431 al. 2 CPP).

6. 6.1. Considéré globalement, l'état de frais produit par Me C______, défenseur d'office de A______, satisfait les exigences légales et jurisprudentielles régissant l'assistance judiciaire gratuite en matière pénale, sous réserve du forfait demandé qui sera ramené à 10% compte tenu de l'activité déjà indemnisée (cf. notamment ACPR/352/2015 du 25 juin 2015).

6.2. La rémunération de Me C______ sera partant arrêtée à CHF 2'260.60 correspondant à 9,58 heures d'activité au tarif de CHF 200.-/heure (CHF 1'916.67) plus la majoration forfaitaire de 10% (CHF 191.67) et l'équivalent de la TVA au taux de 7.7% (CHF 57.75) et 8.1% (CHF 94.50).

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/1413/2023 rendu le 3 novembre 2023 par le Tribunal de police dans la procédure P/11281/2023.

Le rejette.

Condamne A______ aux frais de la procédure d'appel, en CHF 1'395.-, qui comprennent un émolument d'arrêt de CHF 1'200.-.

Arrête à CHF 2'260.60, TVA comprise, le montant des frais et honoraires de
Me C______, défenseur d'office de A______, pour la procédure d'appel.

Confirme le jugement entrepris, dont le dispositif est le suivant :

"Déclare A______ coupable de rupture de ban (art. 291 CP), d'empêchement d'accomplir un acte officiel (art. 286 CP) et d'infraction à l'article 19a chiffre 1 de la Loi sur les stupéfiants.

Révoque la libération conditionnelle accordée le 29 août 2022 par le Tribunal d'application des peines et des mesures de Genève (solde de peine de 4 mois et 19 jours) (art. 89 al. 1 CP).

Condamne A______ à une peine privative de liberté d'ensemble de 9 mois, sous déduction d'un jour de détention avant jugement (art. 40 et 89 al. 6 CP).

Condamne A______ à une peine pécuniaire de 20 jours-amende.

Fixe le montant du jour-amende à CHF 10.-.

Condamne A______ à une amende de CHF 100.- (art. 106 CP).

Prononce une peine privative de liberté de substitution de 1 jour.

Dit que la peine privative de liberté de substitution sera mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'est pas payée.

Ordonne le maintien des mesures de substitution ordonnées le 25 mai 2023 par le Tribunal des mesures de contrainte et la mise en détention pour des motifs de sûreté de A______, avec effet dès la fin de l'exécution de la peine privative de liberté de 6 mois, sous déduction de 2 jours de détention avant jugement, prononcée le 3 février 2023 par ordonnance pénale du Ministère public du canton de Genève (P/2______/2023) (art. 231 al. 1 CPP).

Ordonne la confiscation et la destruction des deux comprimés DORMICUM figurant sous chiffre 1 de l'inventaire n° 4______ (art. 69 CP).

Rejette les conclusions en indemnisation de A______ (art. 431 CPP).

Condamne A______ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 1'193.00 (art. 426 al. 1 CPP).

Fixe à CHF 8'766.80 l'indemnité de procédure due à Me C______, défenseur d'office de A______ (art. 135 CPP)

Fixe l'émolument complémentaire de jugement à CHF 600.-.

Condamne A______ à payer à l'Etat de Genève l'émolument complémentaire fixé à CHF 600.-."

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police, à l'Établissement fermé de B______, à l'Office cantonal de la population et des migrations (OCPM), au Secrétariat d'État aux migrations (SEM) et au Service de l'application des peines et mesures (SAPEM).

 

La greffière :

Lylia BERTSCHY

 

Le président :

Fabrice ROCH

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

1'793.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

120.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

00.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1'200.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'395.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

2'588.00