Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites
DCSO/489/2025 du 04.09.2025 ( PLAINT ) , IRRECEVABLE
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE A/2502/2025-CS DCSO/489/25 DECISION DE LA COUR DE JUSTICE Chambre de surveillance DU JEUDI 4 SEPTEMBRE 2025 |
Plainte 17 LP (A/2502/2025-CS) formée en date du 14 juillet 2025 par A______/B______ SA, représenté par Me Julien WAEBER, avocat.
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Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par pli recommandé du greffier du 9 septembre 2025
à :
- A______/B______ SA
c/o Me WAEBER Julien
WAEBER PENET Avocats
Quai Gustave-Ador 2
Case postale 3021
1211 Genève 3.
- Office cantonal des poursuites.
A. a. Se prévalant d'une créance de 4'612'504 fr. 33 plus intérêts à 8 % dès le 1er juin 2025 découlant d'une convention homologuée par la Commission de conciliation en matière de baux et loyers du 1er mars 2025, C______ SA a requis et obtenu du Tribunal de première instance (ci-après le Tribunal), le 1er juillet 2025, le séquestre des avoirs suivants de A______/B______ SA, ayant son siège à Genève :
Tous avoirs auprès [des banques] D______, ayant son siège à Zurich, et E______, ayant son siège à Bâle;
La créance de 201'827 fr. 77 dont A______/B______ SA est titulaire à l'encontre de A______/F______ SA, ayant son siège à Genève;
Toutes actions, participations, créances ou droits dans ou envers A______/F______ SA, ayant son siège à Genève, ainsi que [la banque] G______, ayant son siège à Zurich, dont est titulaire A______/B______ SA ou dont elle serait ayant droit économique.
b. L'ordonnance de séquestre a été transmise pour exécution le jour-même à l'Office cantonal des poursuites de Genève (ci-après l'Office), qui a été désigné Office leader, et aux Offices des poursuites compétents de Bâle et Zurich.
c. L'Office a exécuté le jour-même le séquestre, auquel le n° 1______ a été attribué, en informant les détenteurs des avoirs et créances séquestrés de ce qu'ils ne devaient plus s'en dessaisir ni les payer.
d. Le 4 juillet 2025, la créancière et la débitrice ont informé l'Office d'un accord entre elles visant à la renonciation partielle au séquestre et à la libération des avoirs sis sur quatre comptes auprès de E______, à l'exclusion de tous les autres bien séquestrés.
B. a. Par acte expédié le 14 juillet 2025 à la Chambre de surveillance de surveillance des Offices des poursuites et faillites de Genève (ci-après la Chambre de surveillance), A______/B______ SA a formé une plainte "contre l'ordonnance de séquestre" estimant que "l'assiette et l'étendue" du séquestre étaient excessives. En effet, les actions de G______ à elles-seules représentaient une valeur de près de 500'000'000 fr., de sorte que leur blocage total était démesuré, comme le blocage de tout autre bien additionnel. En outre, elle n'était pas détentrice d'actions de A______/F______ SA. Elle concluait par conséquent à ce que le séquestre soit limité à 1 % des actions de G______ et à ce qu'il soit levé s'agissant d'actions de A______/F______ SA.
b. Dans ses observations du 21 août 2025, l'Office a conclu à l'irrecevabilité, de la plainte au motif qu'elle était prématurée et sans objet. Il n'avait en effet pas encore obtenu de réponse des détenteurs des biens visés par le séquestre de sorte qu'il n'avait pas encore pu constater si celui-ci avait porté ou non, ni estimer les biens séquestrés, ni, par voie de conséquence, statuer sur l'assiette du séquestre, dans le cadre d'un procès-verbal de séquestre, seule mesure susceptible de faire l'objet d'une plainte.
c. La Chambre de surveillance a informé les parties par avis du 25 août 2025 que la cause était gardée à juger.
1. 1.1.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de l'article 17 al. 1 LP (art. 13 LP; art. 125 et 126 al. 2 let. c LOJ; art. 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP) contre les mesures de l'Office ne pouvant être contestées par la voie judiciaire.
La plainte doit être déposée, sous forme écrite et motivée (art. 9 al. 1 et 2 LaLP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 2 LP). Elle peut également être déposée en tout temps en cas de nullité de l'acte contesté (art. 22 al. 1 LP), de retard à statuer et de déni de justice (art. 17 al. 3 LP).
1.1.2 Le délai de plainte en matière de saisie, respectivement de séquestre, ne commence à courir qu’à partir de la notification du procès-verbal de saisie, respectivement de séquestre (ATF 133 III 580 consid. 2.2; 124 III 211; 107 III 7 consid. 2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_934/2017 consid. 3.2). Lorsque le procès-verbal n’a pas encore été notifié, le délai de plainte ne peut pas commencer à courir et une plainte néanmoins formée est irrecevable (arrêt du Tribunal fédéral 7B.23/2005 consid. 1.3; Jent-Sørensen, Basler Kommentar, SchKG, 2021, n° 19 ad art. 112 LP).
L'avis de séquestre au tiers détenteur ou débiteur est une simple mesure de sûreté (art. 98 et 99 LP); il y a exécution du séquestre, non quand l'avis est adressé au tiers, mais quand le procès-verbal du séquestre est notifié au débiteur (ATF 101 III 67 consid. 6 et la jurisprudence citée). La mesure de sûreté a pour seul effet que le tiers est informé qu'il ne peut pas remettre au débiteur les biens qu'il détient, mais doit les tenir à la disposition de l'office (art. 98 al. 2 LP), et que désormais il ne peut s'acquitter qu'en main de l'office (art. 99 al. 2 LP) (ATF 103 III 36 consid. 3).
1.1.4 Selon l'art. 276 LP, il est dressé procès-verbal du séquestre au pied de l’ordonnance. Le procès-verbal contient la désignation des objets et de leur valeur. Il est transmis immédiatement à l’office des poursuites qui en notifie immédiatement une copie au créancier et au débiteur et informe les tiers dont les droits sont touchés par le séquestre.
Le procès-verbal de séquestre constate la mise sous mains de justice de tout ou partie des biens patrimoniaux du poursuivi dont le séquestre a été autorisé (Chabloz/Copt, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2025, n° 1 ad art. 276 LP).
Selon l'art. 97 LP, applicable au séquestre en vertu de l'art. 275 LP (de Gottrau/de Gottrau, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, n° 3 ad art. 97 LP), le fonctionnaire fait l'estimation des objets qu'il saisit, respectivement séquestre et ne saisit ou séquestre que les biens nécessaires pour satisfaire ou garantir les créanciers saisissants ou séquestrants, en capital, intérêts et frais.
L’estimation de la valeur des biens et son indication dans le procès-verbal de séquestre est une condition de validité de l’exécution du séquestre. Comme en cas de saisie, le fonctionnaire procède à l’estimation, au besoin à l’aide d’un expert. Le but de cette estimation est de permettre, d’une part, à l’office de déterminer l’étendue des biens à séquestrer. L’office ne séquestrera que les biens nécessaires pour garantir le créancier séquestrant en capital, intérêts et frais (Chabloz/Copt, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2025, n° 13-14 ad art. 276 LP)
En ce qui concerne l’étendue du séquestre, ne sont mis en sûreté parmi les biens visés par l’ordonnance de séquestre que ceux nécessaires – selon l’estimation des objets – pour satisfaire le créancier séquestrant dans une procédure d’exécution forcée ultérieure. Afin de tenir compte des frais et des intérêts, une majoration de 20% du montant total de la créance au moment de l’émission de l’ordonnance de séquestre est, en règle générale, appropriée. Par ailleurs, dans le cas de créances (par ex., une créance pour la cession ou la création d’une servitude) ou de biens (par ex., un tableau) qui ne peuvent pas être divisés, la créance entière ou le bien physique entier sera exceptionnellement séquestré, même si la valeur estimée est supérieure au montant du séquestre (Chabloz/Copt, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2025, n° 20 ad art. 275 LP).
La violation de l’art. 97 LP ouvre la voie de la plainte à l’autorité de surveillance (art. 17 LP), que ce soit en cas de mauvaise estimation de la valeur des biens saisis, ou de refus voire d’omission de procéder à l’estimation des objets saisis (de Gottrau/de Gottrau, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, n° 19 ad art. 97 LP).
Le créancier est en droit d'exiger l'exécution d'une ordonnance de séquestre en force sur tous les biens désignés, même ceux appartenant apparemment à des tiers. En matière de séquestre, à la différence de la saisie, l'ordonnance du juge désigne les biens à séquestrer; l'Office ne bénéficie d'aucune autonomie et l'exécution portant sur d'autres biens que ceux mentionnés dans l'ordonnance est nulle (ATF 113 III 139 consid. 6; 107 III 33 consid. 1).
Les revendications par des tiers de bien séquestré et les contestations diverses sur la titularité des biens séquestrés sont mentionnées dans la rubrique observations du procès-verbal de séquestre en regard des biens séquestrés visés (Chabloz/Copt, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2025, n° 6 ad art. 276 LP).
Lorsque le séquestre n’a pas pu être exécuté ou qu’il a échoué, totalement ou partiellement, cette information doit également figurer dans le procès-verbal. Tel pourra être le cas si les biens indiqués dans l’ordonnance sont notamment insaisissable ou inexistants, la banque n’entretenant par exemple aucune relation avec le débiteur (Chabloz/Copt, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2025, n° 7 ad art. 275 LP).
1.1.5 Les griefs concernant les conditions de fond du séquestre doivent être soulevés dans la procédure d'opposition et ceux concernant l'exécution du séquestre dans la procédure de plainte (ATF 129 III 203 consid. 2.2 et 2.3 et les références).
Plus singulièrement, les compétences des offices et des autorités de poursuite portent sur les mesures proprement dites d'exécution, soit celles concernant la saisissabilité des biens (art. 92 ss LP), l'ordre de la saisie (art. 95 ss LP), la sauvegarde des biens saisis (art. 98 ss LP) et la procédure de revendication (art. 106 ss LP). Elles visent aussi le contrôle de la régularité formelle de l'ordonnance de séquestre. Ce pouvoir d'examen entre en effet par définition dans les attributions d'un organe d'exécution qui ne peut donner suite à un ordre lacunaire ou imprécis, ni exécuter un séquestre entaché de nullité, l'exécution d'une ordonnance frappée de nullité étant elle-même nulle au sens de l'art. 22 LP. L'exécution du séquestre ne doit cependant être refusée par l'Office que dans les cas où l'ordonnance de séquestre apparaît indubitablement nulle (notamment lorsqu'elle viole manifestement le droit international public relatif aux immunités) et que l'on ne saurait exiger du plaignant qu'il agisse par la voie de l'opposition selon l'art. 278 LP (ATF 142 III 291 consid. 2.1 et les références; 136 III 379 consid. 3 et 4.2.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_883/2012 du 18 janvier 2013 consid. 6.1.2).
En revanche, le constat de l'existence de biens séquestrables appartenant au débiteur – qui est une condition d'octroi du séquestre – est de la compétence du juge. Les griefs contre ce constat doivent être soulevés dans la procédure d'opposition devant le juge du séquestre. La question de savoir si le créancier a réussi à rendre vraisemblable que certaines valeurs appartiennent au débiteur malgré l'apparence formelle contraire relève ainsi de la compétence du juge du séquestre (ATF 130 III 579 consid. 2.2.4; arrêts du Tribunal fédéral 5A_898/2016 du 27 janvier 2017 consid. 6; 5A_730/2016 du 20 décembre 2016 consid. 3.2).
Les litiges portant sur la propriété des biens séquestrés relèvent de la procédure de revendication (art. 106 et ss LP) et ressortissent également au juge civil.
1.2 En l'espèce, la plaignante a saisi la Chambre de surveillance d'une plainte lorsqu'elle a eu connaissance des avis de séquestre, avant même de se voir notifier le procès-verbal de séquestre, de sorte que sa démarche apparaît globalement prématurée et, partant, irrecevable.
Plus particulièrement, la plaignante reproche à l'Office d'avoir fait porter le séquestre sur des valeurs excédent largement le montant de la créance en poursuite. A cet égard, l'Office n'ayant pas encore procédé à l'estimation des biens séquestrés, ni déterminé la mesure dans laquelle le séquestre devait porter pour couvrir la créance à garantir, la plainte vise une décision qui n'a pas encore été rendue par l'Office, dont la teneur n'est par conséquent pas connue et dont la conformité à l'art. 97 LP ne peut être examinée. Il appartiendra ainsi à l'Office de décider de la proportion des actions dans G______ qui devra être séquestrée pour garantir le recouvrement de la créance à l'origine du séquestre, y compris les intérêts et les frais.
En outre, les griefs soulevés sont pour la plupart irrecevables devant la Chambre de céans en raison de son incompétence à raison de la matière pour en connaître. Il en va ainsi notamment du fait de remettre en cause l'ordonnance de séquestre en tant que telle et son contenu, alors que la voie pour la contester est l'opposition auprès du juge du séquestre.
Plus particulièrement, la plaignante soutient que le séquestre porterait sur des biens dont elle n'est pas propriétaire (actions de A______/F______ SA). Elle entend remettre par là en cause l'appréciation du juge du séquestre qui a estimé que la créancière avait rendu suffisamment vraisemblable que ces biens appartenaient à la débitrice. La contestation de cette appréciation doit s'effectuer essentiellement par la voie de l'opposition au séquestre. Le tiers lésé ou la débitrice peuvent également utiliser la voie de la revendication au sens des art. 106 et ss LP s'ils s'y estiment fondés. En revanche la voie de la plainte devant l'autorité de surveillance n'est pas ouverte.
Il appartiendra à l'Office de constater, dans le procès-verbal de séquestre, que ce dernier n'a pas porté, s'il devait, dans le cadre de l'exécution du séquestre, constater indubitablement que ces actions ne sont pas propriété de la débitrice. Il n'appartient en revanche pas à la Chambre de surveillance de se substituer à l'Office dans l'exécution du séquestre et d'intervenir sur cet objet à ce stade.
Il résulte de ce qui précède que la plainte sera intégralement déclarée irrecevable.
2. La procédure devant l'autorité de surveillance est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 let. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 62 al. 2 OELP).
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La Chambre de surveillance :
Déclare irrecevable la plainte formée le 14 juillet 2025 par A______/B______ SA contre le séquestre ordonné à son préjudice le 1er juillet 2025 sur requête de C______ SA (séquestre n° 1______), respectivement l'exécution de ce séquestre.
Siégeant :
Monsieur Jean REYMOND, président; Messieurs Alexandre BÖHLER et
Anthony HUGUENIN, juges assesseurs; Madame Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.
Le président : La greffière :
Jean REYMOND Véronique AMAUDRY-PISCETTA
Voie de recours :
Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.