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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/414/2025

DCSO/488/2025 du 05.09.2025 ( PLAINT ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/414/2025-CS DCSO/488/25

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 4 SEPTEMBRE 2025

 

Plaintes 17 LP (A/414/2025-CS, A/415/2025-CS et A/416/2025-CS, jointes) formées en date du 7 février 2025 par ETAT DE GENEVE, soit pour lui l'ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE, et CONFEDERATION SUISSE, soit pour elle l'ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE.

* * * * *

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du ______ à :

- ETAT DE GENEVE, soit pour lui l'ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE, Direction des affaires juridiques

Rue du Stand 26

Case postale 3937

1211 Genève 3.

- CONFEDERATION SUISSE, ADMINISTRATION DE L'IMPÔT FEDERAL DIRECT, soit pour elle l'ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE, Direction des affaires juridiques

Rue du Stand 26

Case postale 3937

1211 Genève 3.


- A______

c/o Me FONTANET Bénédict

Fontanet & Associés

Grand-Rue 25

Case postale 3200

1211 Genève 3.

- B______

c/o Me C______

Borel & Barbey

Rue Jargonnant 2

Case postale 6045

1211 Genève 6

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A. a. A______ est propriétaire d'un appartement en PPE, parcelle n° 3______/1______ (anciennement numérotée 3______/2______) de la commune de D______ [GE], sise chemin 4______ no. ______, [code postal] D______ (ci-après l'appartement de D______ ou l'appartement).

Il en a financé l'acquisition au moyen d'un prêt hypothécaire de 2'000'000 fr. accordé par [la banque] B______ (ci-après B______ ou la banque) le 18 mars 2016.

A______ a nanti auprès de la banque une cédule hypothécaire de premier rang, sur papier et au porteur, en garantie du remboursement d'un capital de 2'000'000 fr., plus intérêt à 12 % l'an.

Il a également souscrit, le 18 mars 2016, une cession de créance en faveur de la banque portant sur les revenus locatifs de l'appartement de D______. L'appartement étant toutefois en cours de construction et d'aménagement, sa location n'était pas envisagée à moyen terme.

b. L'appartement, ses revenus locatifs et les comptes de A______ auprès de B______ ont été séquestrés une première fois en 2017, au profit de l'ADMINISTRATION FEDERALE DES CONTRIBUTIONS, DIVISION DES AFFAIRES PENALES ET ENQUÊTES (ci-après la DAPE) pour des créances fiscales à l'encontre de A______.

Courant 2021, un accord a été négocié entre la DAPE, B______ et A______, tendant à la levée partielle de ce séquestre pour permettre l'achèvement des travaux de construction et d'aménagement de l'appartement ainsi que sa location, avec cession des revenus locatifs en faveur de la banque, afin que cette dernière puisse réduire son encours hypothécaire et payer les charges de PPE. Les entrepreneurs actifs sur le chantier de construction, impayés, ayant requis l'inscription d'hypothèques légales, la cession de celles-ci à la banque contre paiement de leurs créances au moyen des avoirs figurant sur les comptes séquestrés de A______ et terminaison des travaux a été convenue.

c. Par deux décisions du 13 février 2023, l'AFC a condamné A______ à fournir des sûretés :

-      en garantie pour le paiement des impôts cantonaux et communaux, rappel d'impôt, frais, intérêts et amendes pour les périodes fiscales 2007 à 2015, à concurrence de 562'966'261 fr. 20, plus intérêts à 3 % sur le montant de 224'161'858 fr. 40 dès le 13 février 2023, et

-      en garantie pour le paiement de l'impôt fédéral direct, rappel d'impôt, frais, intérêts et amendes pour les périodes fiscales de 2008 à 2015, à concurrence de 179'087'924 fr. 19, plus intérêts à 4 % sur le montant de 68'627'502 fr. 20 dès le 13 février 2023.

d. En exécution de ces décisions de fourniture de sûretés, l'AFC a ordonné, par décisions du 23 février 2023, l'une relative aux impôts cantonaux et communaux et l'autre relative à l'impôt fédéral direct, le séquestre de biens de A______ à concurrence des montants susmentionnés, notamment de l'appartement de D______ et de ses fruits.

e. L'Office cantonal des poursuites de Genève (ci-après l'Office) a exécuté les séquestres et avisé, le 23 février 2023, B______ du séquestre, en sa qualité de créancière gagiste.

L'Office a notamment informé la banque qu'elle pouvait s'assurer les droits de préférence du créancier gagiste sur les fruits et les loyers perçus de l'immeuble en intentant une poursuite en réalisation de gage pour les créances échues.

La banque s'est déterminée le 14 mars 2023 en exposant que les produits de l'immeuble étaient cédés en sa faveur pour couvrir le service de la dette ainsi que le paiement des charges de PPE et ne pouvaient être remis à l'Office. Elle en concluait que "les produits afférents à ce bien immobilier ne sauraient dès lors être cédés [à l'Office] (…). Au vu de ce qui précède, nous considérons que les séquestres mentionnés sous rubrique n'ont pas porté".

L'Office a répondu le 21 mars 2023 que les séquestres n'avaient pas été exécutés en mains de la banque de sorte qu'il n'appartenait pas à cette dernière de confirmer ou infirmer que le séquestre aurait porté. L'Office s'était limité, dans son avis du 23 février 2023, à informer la créancière gagiste du séquestre portant sur les biens gagés et de ses conséquences en application notamment des art. 102 LP et 806 al. 3 CC.

f. Les procès-verbaux d'exécution des séquestres, auxquels les n° 5______ et n° 6______ ont été attribués, ont été établis le 21 août 2023 par l'Office et notifiés aux parties.

g. Le 28 août 2023, l'AFC a requis les poursuites en validation des séquestres et l'Office a notifié à A______, le 16 octobre 2023, deux commandements de payer, poursuites n° 7______ et n° 8______, auxquels le débiteur a fait opposition.

h. Le Tribunal administratif de première instance, saisi d'une contestation des décisions en fixation des sûretés de l'AFC du 13 février 2023, a rendu le 8 janvier 2024 un jugement fixant le montant des impôts cantonaux et communaux, d'une part, et fédéraux, d'autre part, à, respectivement, 540'869'820 fr. plus intérêts à 3 % dès le 13 février 2023 sur 226'054'980 fr. et 171'150'777 fr. plus intérêts à 4 % dès le 13 février 2023.

Ce jugement a été définitivement confirmé par arrêt de la Chambre administrative de la Cour de justice du 20 août 2024.

i. Le Tribunal de première instance a définitivement prononcé, par jugements du 26 juillet 2024, la mainlevée des oppositions formées aux commandements de payer à concurrence de

-      224'161'858 fr. 40 plus intérêts à 3 % dès le 13 février 2023 et de 314'814'840 fr. dans la poursuite n° 7______ et de

-      68'627'502 fr. 20 plus intérêt à 4 % dès le 13 février 2023 et 101'945'718 fr. 71 dans la poursuite n° 8______, conformément aux dernières conclusions de l'AFC.

j. Parallèlement à ces séquestres et poursuites, l'AFC a conduit à l'encontre de A______ des procédures en rappel et soustraction d'impôts communaux, cantonaux et fédéraux relatifs à l'exercice 2008 (capital, frais, intérêts et amendes), qui ont conduit à un arrêt du Tribunal fédéral du 25 octobre 2023, lequel a arrêté définitivement les montants dus à ces titres.

Sur la base de cet arrêt, l'AFC a notifié à A______, le 17 novembre 2023, les bordereaux définitifs d'impôts, fixant à :

-      89'784'583 fr. 95 plus intérêts à 5 % l'an dès le 29 février 2024 le capital dû à titre d'impôt cantonal et communal et d'amende, ainsi qu'à 531'225 fr. 15 les intérêts courus,

-      31'494'003 fr. 85, plus intérêts à 4.75 % l'an dès le 29 février 2024, le capital dû à titre d'impôt fédéral direct et d'amende, ainsi qu'à 287'163 fr. 95 les intérêts courus.

k. Fondée sur ces bordereaux fiscaux exécutoires, l'AFC a requis et obtenu du Tribunal de première instance, le 29 février 2024, le séquestre de biens de A______ à concurrence desdits montants, dont notamment l'appartement de D______.

L'Office a exécuté ce séquestre sous n° 9______ et établi, le 2 avril 2024, le procès-verbal de séquestre.

l. L'AFC a requis la poursuite en validation du séquestre le 9 avril 2024 pour les montants figurant dans les bordereaux du 17 novembre 2023.

L'Office a notifié le 3 mai 2024 un commandement de payer, poursuite n° 10______, à A______, auquel ce dernier a fait opposition.

m. Le Tribunal de première instance a levé l'opposition par jugement du 18 novembre 2024.

n. Le 12 août 2024, l'AFC a requis la continuation de la poursuite n° 7______, en validation du séquestre n° 5______, de la poursuite n° 8______, en validation du séquestre n° 6______ et de la poursuite n° 10______ en validation du séquestre n° 9______.

o. L'Office a exécuté la saisie et converti les séquestres en saisie définitive le 31 octobre 2024.

Elle en a avisé B______ par courrier recommandé du même jour, tout en précisant que les produits afférents à la propriété saisie devaient être versés en ses mains. La créancière gagiste pouvait néanmoins s'assurer les droits de préférence que la loi lui conférait sur les fruits, loyers et fermages en intentant une poursuite en réalisation de gage pour les créances échues.

p. L'Office a établi le 5 décembre 2024 le procès-verbal de saisie, série n° 11______, à laquelle participaient, à titre définitif, les poursuites n° 7______ et n° 8______ et, à titre provisoire, la poursuite n° 10______.

Il a modifié et renotifié ce procès-verbal le 9 janvier 2025, lorsque la participation de la poursuite n° 10______ à la série n° 11______ est devenue définitive.

q. L'AFC a requis le 7 janvier 2025 la vente dans les poursuites n° 7______ et n° 8______.

r. Depuis que l'appartement de D______ est séquestré, A______ et B______ sont intervenus à plusieurs reprises auprès de l'Office à son propos.

Ainsi, le 26 avril 2023, B______ s'est adressée à l'Office afin que ce dernier autorise la vente de l'appartement et le remboursement du prêt hypothécaire, le solde du prix de vente restant séquestré au profit de l'AFC.

Par courriers des 10 juin et 13 juillet 2023, B______ a informé l'Office et l'AFC de l'état de ses créances envers A______ découlant du prêt hypothécaire en lien avec l'appartement de D______ :

-      le solde du capital prêté de 2'000'000 fr. s'élevait à 1'875'000 fr. le 1er juillet 2023, suite à des amortissements;

-      les intérêts échus et l'amortissement du premier semestre 2023 s'élevaient, respectivement, à 24'590 fr. 12 et 8'900 fr.

Le 13 mars 2024, A______ est intervenu auprès de l'Office et de l'AFC pour les informer du fait qu'il souhaitait louer l'appartement de D______ afin de couvrir les intérêts et amortissements du prêt hypothécaire, ainsi que les frais de gérance. Il s'était mis d'accord avec B______ pour lui "céder" les loyers. Cette démarche avait pour but d'éviter que cette dernière n'entreprenne une poursuite en réalisation de gage.

L'Office lui a répondu le 17 mai 2024 qu'il entendait instaurer une gérance légale complète de l'appartement et mandater [la régie immobilière] E______ à cette fin, laquelle serait en charge de la perception des loyers pour l'Office.

s. L'appartement de D______ a été loué dès le 1er septembre 2024 pour un loyer et des acomptes de frais accessoires de, respectivement, 5'500 fr. et 300 fr. par mois.

t. Interpellé le 3 décembre 2024 par A______ sur le sort des loyers perçus, l'Office l'a informé du fait qu'en l'absence de cession des loyers à B______ avant le séquestre, les loyers étaient perçus par la gérance légale au profit du créancier séquestrant.

u. A______ s'est à nouveau adressé à l'Office et à l'AFC par courrier du 17 janvier 2025 afin que les loyers tirés de l'appartement puissent revenir à B______, faute de quoi celle-ci intenterait une poursuite en réalisation de gage, les amortissements et intérêts du prêt hypothécaire n'étant plus honorés. Il joignait à ce pli un acte de cession du produit locatif de l'immeuble en faveur de la banque qu'il avait signé le 18 mars 2016.

v. De son côté, B______ est intervenue par courrier du 10 janvier 2025 auprès de l'Office pour l'informer de l'état actuel de ses créances envers A______ et des garanties dont elle disposait. Les montants dus au titre du prêt hypothécaire s'élevaient à 1'866'500 fr. en capital et 67'789 fr. 70 en intérêts. A______ lui devait également un montant de 92'890 fr. 35 plus intérêts à 5 % l'an dès le 1er juillet 2016 découlant de la cession d'une créance d'un entrepreneur ayant effectué des travaux sur le bien immobilier. La première créance était garantie par le nantissement de la cédule hypothécaire de 2'000'000 fr. grevant la parcelle n° 3______/1______ de la commune de D______ et la cession du revenu locatif de ce bien immobilier souscrits le 18 mars 2016. La seconde créance était garantie par une hypothèque légale des artisans et entrepreneur inscrite le 29 septembre 2023 sur la parcelle n° 3______/1______. La banque a annexé à son courrier l'acte de cession de créance signé par A______ le 18 mars 2016.

w. Sur cette base, l'Office a adressé à l'AFC, par plis recommandés du 27 janvier 2025, trois décisions de fixation d'un délai de 20 jours à l'AFC pour ouvrir action en contestation de la revendication de B______ portant sur les loyers perçus de la location de l'appartement de D______, en application des art. 106, 108 al. 1 ch. 2 et 109 LP, dans le cadre de chacune des trois poursuites requises par l'AFC (poursuite n° 7______, en validation du séquestre n° 5______, poursuite n° 8______ en validation du séquestre n° 6______ et poursuite n° 10______ en validation du séquestre n° 9______).

B. a. Par trois actes déposés le 7 février 2025 auprès de la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et faillites (ci-après la Chambre de surveillance ou de céans), l'AFC a formé une plainte contre chacune de ces décisions, concluant à ce qu'il soit constaté que la communication du 17 janvier 2025 effectuée par A______, pour le compte de B______, n'était pas constitutive d'une déclaration de revendication valable à la forme, faute de précision, et, dans le cas où elle devait être considérée comme valable, qu'elle était tardive.

A titre préalable, l'AFC a requis l'octroi de l'effet suspensif à ses plaintes, afin de ne pas être contrainte à déposer une action en revendication dans le délai fixé par l'Office, alors qu'elle contestait la décision fixant ce délai.

Elle concluait également à la jonction des trois causes issues de ses plaintes.

b. Les numéros de cause A/414/2025, A/415/2025 et A/416/2025 ont été attribués aux plaintes de l'AFC.

c. Par décision du 13 février 2025, la Chambre de surveillance a ordonné la jonction des trois causes sous n° A/414/2025 et octroyé l'effet suspensif aux plaintes.

d. Dans ses déterminations du 7 mars 2025, B______ a contesté que sa revendication aurait été annoncée tardivement ou de manière insuffisamment précise et conclu au rejet de la plainte. Elle, et A______, avaient en réalité évoqué à plusieurs reprises la cession de créance, avant le courrier du 10 janvier 2025 à l'Office, sans que ce dernier n'enregistre de revendication, considérant que la banque se prévalait uniquement de l'art. 806 CC. Quant à la cession de la créance future en loyer, elle était valable au regard du droit du bail puisqu'il n'était pas nécessaire de désigner la personne du locataire, ni le montant du loyer cédé, la désignation précise de l'objet loué étant suffisante.

e. Dans ses observations du 7 mars 2025, A______ a développé une argumentation similaire à celle de B______ et conclu au rejet de la plainte. Il a précisé qu'il n'appartenait pas à l'autorité de surveillance de statuer sur la validité de la cession, cette question relevant du juge civil saisi de la revendication, mais uniquement de statuer sur la répartition des rôles effectuée par l'Office en application des art. 106 et ss LP.

f. Dans ses déterminations du 26 mars 2025, l'Office s'en est rapporté à justice. Il relevait néanmoins que même si B______ avait attendu près de deux ans après les premiers avis de séquestre pour produire l'acte de cession des revenus locatifs de l'appartement de D______, cela n'avait pas entravé la procédure d'exécution, la question de la répartition du produit de la gérance légale ne se posant pas tant que le séquestre n'avait pas été converti en saisie définitive.

g. Les parties ont été informée par avis du 1er avril 2025 que l'instruction de la cause était close, sous réserve de mesures d'instruction ordonnées par la Chambre de surveillance.

EN DROIT

1. Déposées en temps utile (art. 17 al. 2 LP) et dans les formes prévues par la loi (art. 9 al. 1 et 2 LALP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LALP; art. 17 al. 1 LP), à l'encontre d'une mesure de l'Office pouvant être attaquée par cette voie (art. 17 al. 1 LP) et par une partie potentiellement lésée dans ses intérêts (ATF 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), les plaintes sont recevables.

2. En substance, l'AFC soutient que la déclaration du 17 janvier 2025 est insuffisamment précise, complète et compréhensible pour constituer une revendication en bonne et due forme. En tout état, elle était articulée très tardivement et à un moment inapproprié de sorte qu'elle devait être déclarée irrecevable. Le débiteur avait en effet jusqu'ici cherché à obtenir l'accord des intéressés pour la vente de l'appartement ou pour le versement des loyers à la créancière gagiste, sans toutefois jamais évoquer une quelconque cession de créance, de sorte que l'invocation subite d'une telle cession devait être considérée comme contraire aux règles de la bonne foi. Enfin, la cession de loyer produite était quasiment illisible et sa validité douteuse, la créance future cédée n'étant pas précisément déterminée.

2.1.1 En application de l'art. 106 al. 1 et 2 LP, lorsqu'il est allégué qu'un tiers a sur un bien saisi un droit de propriété, de gage ou un autre droit qui s'oppose à la saisie ou qui doit être pris en considération dans la suite de la procédure d'exécution, l'office mentionne la prétention du tiers dans le procès-verbal de saisie ou en informe les parties si la communication du procès-verbal a déjà eu lieu; le tiers peut annoncer sa prétention tant que le produit de la réalisation du bien saisi n'est pas distribué.

Si le débiteur est en possession du bien revendiqué, que son droit sur la créance est plus vraisemblable que celui du tiers revendiquant ou que la prétention du tiers revendiquant sur un immeuble ne découle pas du registre foncier, le débiteur ou le créancier dans la poursuite ou le séquestre doivent manifester leur contestation de la revendication dans un délai de dix jours que leur fixe l'office. En l'absence de contestation, la revendication est admise. En cas de contestation, il appartient au tiers revendiquant de saisir le juge dans le délai de vingt jours que lui fixe l'office (art. 107 al. 1, 2, 4 et 5 LP).

Si le tiers revendiquant est en possession du bien revendiqué, que son droit sur la créance est plus vraisemblable que celui du débiteur ou que la prétention du tiers revendiquant ressort du registre foncier, il appartient au créancier ou au débiteur dans la poursuite ou le séquestre d'agir devant le juge pour faire valoir son droit dans un délai de vingt jours qui leur est fixé par l'Office; si ni l'un ni l'autre n'agit, la revendication est réputée admise (art. 108 al. 1 et 2 LP).

2.1.2 La procédure des art. 106 al. 1 et 2 et 107 à 109 LP se caractérise par le fait qu'elle se déroule en deux phases. La première est de nature administrative. Elle est destinée à permettre aux intéressés d'annoncer leurs prétentions à l'Office et à ce dernier de fixer la position procédurale des parties. La seconde, de nature judiciaire, permet, une fois les prétentions annoncées et les déterminations des parties connues, de trancher le conflit au fond, que l'office n'a pas à résoudre dès lors qu'il est de la compétence du juge. Ainsi, seules les décisions de l'office relatives à la répartition des rôles dans le procès en revendication ou à la déchéance du droit de revendiquer peuvent être contestées par la voie de la plainte au sens des art. 17 ss LP, les questions de fonds relatives à la revendication relevant de la seule procédure judiciaire (ATF 144 III 198 consid. 5.1.2;
132 III 281 consid. 2.2; 123 III 367 consid. 3b; 120 III 83 consid. 3b; arrêts du Tribunal fédéral 5A_588/2007 consid. 2.2; 5A_697/2008 du 6 mai 2009 consid. 3.2; décision de la Chambre de surveillance DCSO/261/2017 du 04 mai 2017 consid. 1.1; Tschumy, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2025, n° 9 ad introduction aux art. 106 à 109 LP et n° 3 ad art. 108 LP).

2.1.3 Une déclaration valable du tiers revendiquant est une condition nécessaire mais suffisante pour que l'office ouvre la procédure de revendication; il peut y être contraint au moyen d'une plainte (art. 17 al. 1 LP; ATF 136 III 437 consid. 4.2). La loi ne pose pas d'exigence de forme particulière à la déclaration de revendication. Elle peut être orale ou écrite. Elle doit permettre au créancier de comprendre qui revendique, quelle prétention et sur quel bien saisi ou séquestré (ATF 144 III 198 consid. 5.1.2; Tschumy, op. cit., n° 8 et 11 ad art. 106 LP).

Si l'office considère que la déclaration de revendication est insuffisante ou peu claire, il doit impartir un bref délai à son auteur pour la compléter (ATF
144 III 198 consid. 5.1.2; 113 III 104 consid. 4b; 72 III 97).

Dans un arrêt portant sur la revendication d'un gage, le Tribunal fédéral a retenu que le tiers gagiste doit indiquer dans sa déclaration le montant de la créance garantie par le gage qu'il revendique; s'il ne le fait pas, l'office lui fixe un délai péremptoire à cette fin. Il en va ainsi même si le tiers prétend que le gage garantit des créances futures - étant rappelé que ce gage est valable à certaines conditions (cf. ATF 142 III 746 consid. 2.2.1). La raison en est qu'on ne peut exiger du créancier poursuivant, qui ne veut pas sans autre reconnaître la prétention du tiers gagiste, qu'il intente un procès à celui-ci sans être informé de ce montant. C'est seulement s'il a connaissance de la somme pour laquelle s'exerce le droit de gage qu'il peut savoir si et dans quelle mesure sa créance reste couverte malgré la revendication du tiers et se rendre compte si l'ouverture de l'action de tierce opposition est nécessaire et opportune. Il appartient ainsi au tiers qui revendique un droit de gage d'indiquer le montant de la créance garantie à l'office. Au vu de la sanction en cas d'inexécution, ce devoir constitue toutefois une simple incombance. En effet, si le tiers omet de donner cette indication, l'office lui fixe un délai péremptoire à cette fin. S'il ne donne pas d'indication sur sa créance, alors même que l'office l'y invite, la seule conséquence immédiate est que sa créance est supposée de la valeur du gage lui-même (ATF 144 III 198 consid. 5.1.2.3;
52 III 182).

2.1.4 La loi ne fixe pas non plus de délai au tiers pour former la déclaration de revendication de biens saisis ou séquestrés. Cette déclaration peut donc intervenir, en principe, dès le moment où le tiers a eu connaissance de l'exécution de la saisie ou du séquestre jusqu'à la distribution des deniers (art. 106 al. 2 LP). Selon la jurisprudence, elle doit toutefois avoir lieu dans un délai bref et approprié aux circonstances, le tiers étant déchu de son droit s'il tarde malicieusement à la faire ou s'il commet une négligence grossière à cet égard (parmi d'autres: ATF
144 III 198 consid. 5.1.2; 120 III 123 consid. 2a; 114 III 92 consid. 1a; 109 III 18 consid. 1; 102 III 140 consid. 3 et les références; Tschumy, op. cit., n° 16 et ss ad art. 106 LP). Le tiers n'est pas tenu d'annoncer sa prétention aussi longtemps qu'une contestation relative à la saisissabilité des biens en cause ou à la validité du séquestre, respectivement de la saisie, n'a pas été tranchée (ATF 114 III 92 consid. 1c; 112 III 59 consid. 2; 109 III 18 consid. 1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_25/2014 du 28 novembre 2014 consid. 5.2).

2.1.5 Les art. 106 et ss LP qui régissent la saisie sont applicables au séquestre par renvoi de l'art. 275 LP.

2.2 Les loyers et fermages courants (art. 806 CC et art. 14 al. 1 ORFI) sont compris de plein droit dans la saisie d’un immeuble. Tant que dure la saisie sur celui-ci, ils ne peuvent plus être saisis et réalisés séparément au détriment du créancier ayant obtenu la saisie, la saisie provisoire ou le séquestre de l’immeuble (art. 14 al. 1 ORFI). L’art. 102 al. 1 LP prévoit expressément la réserve des droits du créancier hypothécaire sur l’immeuble venant à être saisi ou séquestré. Ces droits portent notamment sur les loyers et fermages visés par l’art. 806 al. 1 CC qui seront devenus exigibles depuis la poursuite en réalisation du gage initiée par le créancier gagiste jusqu’au moment de la réalisation de l’immeuble. C’est pour permettre au créancier hypothécaire de sauvegarder ses droits sur ce point que l’art. 102 al. 2 LP – complété par l'art. 15 ORFI – prévoit qu’immédiatement après l’exécution de la saisie (provisoire ou définitive) ou le séquestre, l’office doit communiquer la mesure aux créanciers gagistes (art. 860 CC), de même que, le cas échéant, aux locataires et fermiers, en attirant leur attention sur la teneur des art. 102 al. 1, 94 al. 3 LP et 806 al. 1 et 3 CC; les locataires et fermiers sont en outre avisés qu’ils ne pourront à l’avenir se libérer valablement des loyers et fermages échus que dans les mains de l’office (art. 15 al. 1 lit. b ORFI). Cette mesure de sûreté a essentiellement pour but de permettre au créancier gagiste de sauvegarder ses droits en introduisant le cas échéant une poursuite en réalisation du gage, moment à partir duquel il pourra profiter des loyers et fermages postérieurement exigibles (Jeandin/Sabeti Lange, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2025, n° 1, 3, 6 et l7 ad art. 102 LP).

2.3 En l'espèce, les séquestres portant sur les créances revendiquées par la banque remontent à février 2023, soit à près de deux ans avant la revendication du 10 janvier 2025. En revanche, la conversion du séquestre en saisie définitive n'est intervenue que fin 2024 en raison des oppositions formées aux poursuites en validation des séquestres. L'avis de saisie n'a été notifié à la banque que le 31 octobre 2024 et le procès-verbal de saisie, le 5 décembre 2024. En outre, la créance revendiquée n'existe que depuis septembre 2024, date à partir de laquelle le bien immobilier séquestré, puis saisi a été loué et a produit un revenu locatif. Dans de telles circonstances, une revendication intervenue formellement le 10 janvier 2025 ne saurait être considérée comme tardive, même si elle intervient près de deux ans après les premiers séquestres et mentionne pour la première fois l'existence de la cession de créance en faveur de la banque du 18 mars 2016. De surcroît, l'intérêt marqué par la banque pour la remise des loyers produits par le bien saisi – certes sans que la cession du 18 mars 2016 ne soit mentionnée – remonte à bien avant la déclaration du 10 janvier 2025 et a été évoquée à plusieurs reprises depuis les séquestres, tant par le débiteur que par elle-même, notamment le 13 mars 2024, de sorte qu'il ne saurait lui être fait grief d'avoir malicieusement caché ses intentions jusqu'en janvier 2025. Le fait que l'Office ait appréhendé dans un premier temps cette demande sous l'angle de la protection du droit du créancier gagiste aux loyers et fermages au sens des art. 102 LP et 806 CC et invité la banque à intenter une poursuite en réalisation de gage, plutôt que sous l'angle de la revendication fondée sur la cession de la créance en loyer et invoquée dans le cadre des art. 106 et ss LP n'est pas de nature à modifier cette appréciation. La revendication de la banque n'est par conséquent pas intervenue tardivement.

Quant à sa forme, elle doit être considérée comme suffisamment précise au vu des exigences posées ci-dessus. Le fait qu'un montant précis de la créance revendiquée n'a pas été indiqué n'entraîne notamment pas l'irrecevabilité de la revendication. Pour le reste, la créance revendiquée est très précisément désignée par la banque. La cession de la créance en faveur de la banque est en outre justifiée par une pièce, laquelle, contrairement à ce que soutient la plaignante, est parfaitement lisible et claire. Enfin, dans la mesure où la validité de cette cession devait être contestée au fond par la plaignante, la question ressortit à la compétence du juge civil et non de la Chambre de céans. En conclusion, la revendication de la banque est valable à la forme.

En définitive, la plainte, infondée, sera rejetée.

3. La procédure devant l'autorité de surveillance est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 let. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevables les plaintes de l'AFC contre les décisions de l'Office d'ouvrir la procédure de revendication à B______, dans le cadre des poursuites n° 7______, n° 8______ et n° 10______ en validation des séquestres n° 5______, n° 6______ et n° 9______ à l'encontre de A______, et de fixer à celle-ci un délai pour agir devant le juge civil en revendication des loyers versés pour la location de la parcelle n° 3______/1______ (anciennement numérotée 3______/2______) de la commune de D______, propriété de A______.

Au fond :

Les rejette.

Siégeant :

Monsieur Jean REYMOND, président; Messieurs Alexandre BÖHLER et
Anthony HUGUENIN, juges assesseurs; Madame Elise CAIRUS, greffière.

Le président :

Jean REYMOND

 

La greffière :

Elise CAIRUS

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.