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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/905/2025

JTAPI/480/2025 du 08.05.2025 ( OCPM ) , REJETE

ATTAQUE

Descripteurs : RECONSIDÉRATION
Normes : LPA.48.al1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/905/2025

JTAPI/480/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 8 mai 2025

 

dans la cause

 

Madame A______

 

contre

 

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Madame A______, née le ______ 1976, est ressortissante de Bolivie.

2.             Le 30 mai 2018, elle a été interpellée par la police et prévenue d’infraction à la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et vols. Il lui était reproché d’avoir, à Genève, entre le 1er octobre 2010 et le 23 mars 2018, volé divers bijoux et objets chez ses employeurs auprès desquels elle travaillait en qualité de femme de ménage, et d’avoir, pendant la même période à tout le moins, résidé et travaillé en Suisse, sans les autorisations nécessaires, faits qu’elle a reconnus.

Lors de son audition par la police, elle a déclaré être arrivée en Suisse en 2007. Sa mère et ses trois filles vivaient en Bolivie. L’argent obtenu des ventes des bijoux volés lui avait permis de subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille, notamment pour payer les frais médicaux de l’une de ses filles qui était malade.

3.             Le même jour, elle a été condamnée par ordonnance pénale du Ministère public à une peine privative de liberté de six mois, avec sursis et délai d’épreuve de trois ans, pour vol, séjour illégal et activité lucrative sans autorisation.

4.             Le 27 juillet 2018, Mme A______ a fait l’objet d’une décision de renvoi, déclarée exécutoire nonobstant recours, prononcée par l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), avec un délai au 31 août 2018 pour quitter le territoire suisse.

5.             Le 6 août 2018, sous la plume d’un conseil, Mme A______ a sollicité auprès de l’OCPM la régularisation de ses conditions de séjour en application de l’opération « Papyrus ».

Elle était arrivée en Suisse une première fois en août 2003. Retournée en Bolivie en juin 2006, elle était revenue à Genève en février 2007, où elle vivait depuis lors de manière ininterrompue. Dès son retour, elle avait travaillé en tant que femme de ménage auprès de plusieurs familles. Elle était titulaire d’une carte AVS/AI, parlait bien le français, était financièrement indépendante, ne faisait l’objet d’aucune poursuite, ni, selon le casier judiciaire dans sa teneur au 7 juin 2018, d’aucune condamnation pénale. Elle participait à la vie sociale et culturelle du canton et avait le soutien de diverses personnes qui résidaient à Genève. Un retour en Bolivie n’était pas envisageable étant donné qu’elle avait perdu tout contact avec son pays d’origine.

À l’appui de sa requête, elle a joint divers documents, dont une attestation de langue française niveau A2.

6.             Le 26 novembre 2018, Mme A______ a sollicité la délivrance d’un visa de retour afin de se rendre au Bolivie pour des raisons familiales, lequel lui a été délivré.

Le 15 janvier 2020, elle a sollicité la délivrance d’un visa de retour afin de se rendre en Espagne pour rendre visite à sa sœur malade, lequel lui a aussi été délivré.

7.             Par décision du 8 octobre 2021, après avoir sollicité et obtenu - partiellement - des documents complémentaires, l’OCPM a refusé d’accéder à la requête du 6 août 2018 et donc de soumettre le dossier de Mme A______ avec un préavis favorable au secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM). Il a prononcé son renvoi de Suisse avec un délai au 8 décembre 2021 pour quitter le territoire.

Elle n’avait pas respecté l’ordre juridique suisse en ayant été condamnée pour d’autres infractions que séjour illégal et activité lucrative sans autorisation. Elle avait affirmé avoir commis ces vols, entre 2012 et 2018, afin de subvenir aux besoins de sa famille et notamment pour payer les traitements médicaux de sa fille malade restée en Bolivie. Or, selon le rapport médical transmis, daté du 24 novembre 2017, tout portait à croire que la maladie de sa fille avait été découverte en 2016 et que les vols commis n’avaient pas uniquement servis à couvrir les soins médicaux de son enfant comme déclaré lors de son audition du 30 mai 2018. Il apparaissait ainsi qu’elle avait choisi de commettre ces vols pour améliorer sa qualité de vie, ainsi que celle de sa famille restée en Bolivie. Ce choix, bien que compréhensible, ne pouvait pas être considéré comme normal et ne correspondait pas au comportement adopté par la majorité des personnes dans une situation similaire.

Par ailleurs, elle ne remplissait pas les critères relatifs à un cas individuel d’extrême gravité, n’ayant pas démontré une intégration socioculturelle particulièrement remarquable au vu de son comportement. Elle n’avait pas non plus démontré qu’une réintégration dans son pays d’origine aurait de graves conséquences sur sa situation personnelle indépendamment des circonstances générales affectant l’ensemble de la population restée sur place. Sa mère et ses trois enfants résidaient en Bolivie.

En outre, le dossier ne faisait pas apparaître que l’exécution de son renvoi ne serait pas possible, pas licite ou ne pourrait pas être raisonnablement exigée.

8.             Par courrier du 26 octobre 2021, posté le 27 octobre 2021 et reçu le 2 novembre 2021, Mme A______ a informé l’OCPM être d’accord de quitter la Suisse, mais seulement après avoir récupéré l’argent que son ex-employeuse, Madame B______, lui devait. Cas échéant, il fallait considérer son courrier comme un recours contre la décision du 8 octobre 2021.

9.             Par pli du 4 novembre 2021, l’OCPM a répondu à Mme A______ qu’il transmettait sa correspondance au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) pour raison de compétence.

10.         Le 18 novembre 2021, le tribunal a accusé réception du courrier du 26 octobre 2021, perçu comme un acte de recours, en lui rappelant le fait qu’elle devait expliquer en quoi et pourquoi elle s’en prenait à la décision en cause. Un délai au 29 novembre 2021 lui était imparti pour compléter son recours, à défaut de quoi celui-ci pourrait être déclaré irrecevable. Son attention était par ailleurs attirée sur le fait que les prétentions qu’elle faisait valoir à l’encontre de Mme B______ étaient du ressort de la juridiction des Prud’hommes.

11.         Le 25 novembre 2021, Mme A______ a complété son recours, concluant à l’annulation de la décision de l’OCPM du 8 octobre 2021 en tant qu’elle prononçait son expulsion. Elle sollicitait l’audition de Mme B______.

Elle était arrivée en Suisse en novembre 2003 et avait commencé à travailler pour Mme B______. Cela faisait ainsi dix-huit ans qu’elle résidait et travaillait en Suisse.

Elle avait reconnu les faits qui lui avaient été reprochés en 2018 et avait largement indemnisé la famille concernée.

Entre 2003 et 2009, elle avait accumulé d’importantes dettes, car son salaire n’était que de CHF 1’500.- par mois. Son ancienne patronne n’avait payé ni son AVS, ni sa LPP. Elle avait pris contact avec un syndicat qui lui avait indiqué qu’elle pouvait demander réparation auprès des autorités compétentes et porter plainte.

Elle reprochait à l’OCPM de l’expulser pour un motif, certes répréhensible, alors qu’on laissait libre son ancienne patronne qui lui avait volé plus de la moitié de son salaire, soit au minimum CHF 158’383.-, qui ne lui avait pas payé les cotisations sociales et l’avait employée au noir. Cela ne justifiait certes en rien ce qu’elle avait fait, mais elle avait quatre bouches à nourrir dans son pays, sa mère et ses trois filles âgées alors de 3 à 9 ans. L’OCPM n’en tenait pas compte.

Aujourd’hui, elle était habituée à la Suisse et avait perdu tout réflexe pour se réinsérer dans son pays d’origine qu’elle ne connaissait plus depuis dix-huit ans. Elle était bien intégrée et avait de quoi subvenir à ses besoins et assurer les études de ses trois enfants, âgés aujourd’hui de 15 à 21 ans. Si elle était expulsée, ses filles ne pourraient plus étudier et tous ses efforts et souffrances auraient été vains.

À son âge, elle n’avait aucune chance de s’intégrer ou de trouver un travail en Bolivie, à moins que son ancienne patronne lui paie ce qu’elle lui devait et qu’elle puisse récupérer son AVS et son deuxième pilier pour ouvrir un petit commerce dans son pays. C’était pour cette raison qu’elle avait demandé sa régularisation. L’OCPM ne pouvait pas prendre comme prétexte de son expulsion l’ordonnance pénale de 2018.

Elle ne voulait pas quitter la Suisse sans un sou en poche et retourner dans son pays plus pauvre qu’elle n’en était partie. Depuis le mois de septembre, elle essayait de négocier avec son ancienne patronne, en vain. Elle ne quitterait pas la Suisse avant d’avoir récupéré les presque CHF 160’000.- que celle-ci lui devait. N’importe quel humain pouvait le comprendre.

12.         L’OCPM s’est déterminé sur le recours le 12 janvier 2022, concluant à son rejet, les arguments soulevés n’étant pas de nature à modifier sa position.

13.         Le 7 février 2022, Mme A______ a répliqué, détaillant les montants qu’elle estimait lui être dus par son ancienne employeuse. Toutes les démarches entreprises pour récupérer son dû ayant été vaines, elle sollicitait du tribunal qu’il convoque Mme B______ pour lui faire entendre raison. De cette façon, elle pourrait accepter l’injustice de son expulsion.

Il convenait de tenir compte du fait qu’elle était arrivée en Suisse le 6 août 2003 et y avait résidé jusqu’en juin 2006, date à laquelle elle était retournée en Bolivie, puis de février 2007 à ce jour. Elle n’était pas un danger pour la Suisse. À quarante-cinq ans, elle n’avait aucune chance, ni aucune possibilité de trouver du travail en Bolivie. Ici, elle était intégrée et avait un travail. En Bolivie, elle serait condamnée à la mendicité et sa fille cadette ne pourrait pas terminer ses études. Elle était mère célibataire avec trois enfants à charge. Par ailleurs, elle était suivie médicalement depuis 2018 et devait être opérée prochainement pour une endométriose. En Bolivie, elle n’aurait pas de caisse maladie pour être soignée et devrait payer les soins de sa poche.

14.         Par jugement du 22 juin 2022 (JTAPI/657/2022), le tribunal a rejeté le recours interjeté le 27 octobre 2021 par Mme A______.

Après un examen circonstancié du dossier et des pièces versées à la procédure, force était de constater que l’OCPM n’avait pas mésusé de son pouvoir d’appréciation en considérant que Mme A______ ne satisfaisait pas aux conditions strictes requises pour la reconnaissance d’un cas de rigueur.

L’exécution du renvoi était au surplus possible, licite et raisonnablement exigible. Il n’était ni démontré ni même allégué qu’elle ne pourrait pas subir l’intervention prévue - si ce n’était pas déjà fait - en Bolivie. Elle pourrait éventuellement être mise au bénéfice d’un visa ou d’une autorisation de séjour de courte durée afin de se faire opérer en Suisse, si la condition du financement était remplie. Aucun élément ne laissait non plus à penser que son état de santé serait, en l’état, susceptible de se dégrader très rapidement au point de conduire d’une manière certaine à la mise en danger concrète de sa vie ou à une atteinte sérieuse, durable, et notablement plus grave de son intégrité physique à son retour dans son pays. Enfin, il n’était pas non plus allégué que son état de santé l’empêcherait de voyager ou de retrouver du travail en Bolivie.

S’agissant du litige qui l’opposerait à son ancien employeur au sujet de salaires non versés, non seulement le tribunal n’était pas compétent pour en traiter, mais cette problématique ne saurait constituer une circonstance empêchant son renvoi.

15.         Le 25 avril 2023 (ATA/432/2023), la chambre administrative de la Cour de justice a considéré que la décision de l’OCPM était conforme au droit et que le recours contre le jugement du tribunal, entièrement mal fondé, devait être rejeté.

16.         Le 10 juillet 2023, sa décision de renvoi étant désormais exécutoire, l’OCPM a imparti un nouveau délai au 10 octobre 2023 à Mme A______ pour quitter la Suisse et l’espace Schengen.

17.         Par décision du 8 novembre 2023, l’OCPM a refusé de faire droit à une demande de reconsidération de Mme A______ du 23 octobre 2023, dans laquelle cette dernière faisait notamment valoir une plainte pénale déposée contre Mme B______.

18.         Par jugement du 14 février 2024 (JTAPI/119/2024), le tribunal a déclaré irrecevable le recours interjeté le 11 décembre 2023 par Mme A______ contre cette décision.

19.         Le 24 avril 2024, l’OCPM a fixé un nouveau délai de départ au 8 mai 2024 à Mme A______.

20.         Le 16 octobre 2024, Mme A______ a adressé à l’OCPM une demande de révision et de reconsidération pour motif humanitaire « en tenant compte ses 21 années de vie et de travail en Suisse ».

Son ex-employeuse n’avait payé ni l’AVS ni son deuxième pilier. Elle s’était battue pour réclamer ses CHF 158’384.-, mais malheureusement le vol de salaire n’était pas puni en Suisse et les employeurs pouvaient retenir la moitié du salaire sans conséquence pour eux. Elle luttait pour au moins obtenir la moitié de son AVS et de sa LPP. Grâce au traitement médical reçu, elle était en train de guérir sans avoir besoin d’une nouvelle opération.

Elle était au regret de dire qu’une expulsion de la Suisse après 21 années de séjour était une punition difficilement acceptable venant d’un pays respectueux des droits de l’homme. Retourner en Bolivie à l’âge de 48 ans ne lui laissait aucune possibilité de trouver du travail. On l’envoyait directement finir ses jours de la façon la plus indigne qu’un être humain puisse vivre. La situation n’était pas bonne dans son pays. Elle avait encore deux enfants qui étudiaient et n’avait pas d’économies pour pouvoir s’installer ou faire quelque chose en Bolivie. Il fallait tenir compte du fait qu’elle n’avait jamais été à la charge de l’assistance publique, qu’elle avait toujours travaillé et réussi à stabiliser sa situation. Aujourd’hui, ses médecins lui avaient annoncé qu’elle pourrait travailler à 100%.

21.         Par décision du 10 février 2025, déclarée exécutoire nonobstant recours, l’OCPM a refusé d’entrer en matière sur la demande de reconsidération précitée, faute d’éléments nouveaux et importants.

Les éléments invoqués - résidence en Suisse depuis 21 ans, âge de 48 ans, combat pour obtenir la moitié de l’AVS et de ka LPP, bon état de santé et possibilité de travailler à nouveau, aucune possibilité de trouver un emploi en Bolivie et aucune économie pour s’y installer - ne pouvaient pas être pris en considération dans la mesure où les circonstances ne s’étaient pas modifiées de manière notable depuis sa décision de refus.

Il rappelait à Mme A______ qu’elle était tenue de se conformer sans délai à sa décision de refus et de renvoi de Suisse du 8 octobre 2021, en force.

22.         Par acte du 13 mars 2025, Mme A______ a interjeté recours contre cette décision auprès du tribunal, concluant à son annulation et à l’octroi en sa faveur d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur, sous suite de frais et dépens. Préalablement, elle a requis l’octroi de mesures provisionnelles (effet suspensif) et à ce qu’elle soit autorisée à rester sur le territoire suisse jusqu’à droit jugé au fond.

Au fond, toutes les conditions pour régulariser son séjour en Suisse étaient réunies car elle travaillait et n’était pas une charge pour l’État, elle habitait à Genève depuis 21 ans, elle parlait le français, communiquait ainsi sans difficultés et avait établi de bonnes relations avec ses divers employeurs, elle avait refait sa vie grâce au soutien de ses nombreuses amitiés et de ses clients qui appréciaient son savoir-faire. Enfin, un retour en Bolivie n’était pas envisageable étant donné qu’elle avait perdu tout contact avec son pays d’origine.

Des mesures provisionnelles lui permettant de continuer à travailler à Genève et de récupérer sa santé devaient être prononcées. Elle ne représentait pas une menace pour la sécurité publique et l’OCPM n’avait pas analysé sa remarquable évolution ainsi que sa réinsertion sociale.

23.         Dans ses observations du 26 mars 2025, l’OCPM a conclu au rejet du recours.

Les conditions permettant d’entrer en matière sur une demande de reconsidération n’étaient pas réalisées en l’espèce. Les éléments invoqués par la recourante avaient été instruits lors de précédentes procédures contentieuses et ne sauraient représenter des moyens de preuves nouveaux et importants.

Il s’opposait pour le surplus à la restitution de l’effet suspensif et à l’octroi de mesures provisionnelles. La recourante qui faisait l’objet d’une décision de refus d’autorisation de séjour et de renvoi de Suisse entrée en force, ne bénéficiait d’aucun statut légal en Suisse. Aucune pièce au dossier ne permettait de démontrer un intérêt public privé prépondérant lequel pourrait justifier l’octroi de mesures provisionnelles. Les motifs allégués à l’appui de sa demande, tels que la durée de son séjour en Suisse, son emploi à Genève, l’apprentissage du français, résultaient du non-respect de son obligation de quitter la Suisse. Partant, il y avait lieu de considérer que l’intérêt public à l’établissement d’une situation conforme au droit l’emporte sur l’intérêt privé de la recourante à demeurer en Suisse jusqu’à l’issue de la présente affaire.

24.         Par réplique du 16 avril 2025, la recourante s’est déterminée sur la problématique de la restitution de l’effet suspensif. Contrairement à ce que soutenait l’OCPM, ses conditions étaient réalisées ; elle avait vécu 21 ans en Suisse et avait réussi à s’intégrer, elle n’avait pas d’attaches particulières avec la Bolivie et ne représentait pas une menace ou une charge financière pour la Suisse, disposant des ressources financières suffisantes pour subvenir à ses frais de base.

25.         Le 30 avril 2025, elle s’est déterminée sur le fond du litige. L’OCPM se limitait à mentionner des dispositions légales et une jurisprudence d’ordre général, sans aborder sa situation concrète. Il ne se prononçait pas non plus sur son intérêt privé alors même que ce dernier primait l’intérêt public dans la situation d’espèce. Enfin, il se contentait de répéter que sa présence en Suisse ne saurait être prolongée en raison d’une décision judiciaire préalable, sans tenir compte des nouveaux éléments relatifs à sa situation actuelle, alors que tel aurait dû être le cas vu la demande de reconsidération qu’elle avait formée.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l’office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d’étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d’application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu’elle viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire et de l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ;
140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

4.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office et que s’il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, il n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (ATA/53/2025 du 14 janvier 2025 consid. 4).

5.             La recourante conclut à l’annulation de la décision entreprise et à ce qu’une autorisation de séjour pour cas de rigueur lui soit délivrée.

6.             En l’occurrence, il convient d’emblée de rappeler que la décision querellée a pour seul objet le refus d’entrer en matière sur la demande de reconsidération formulée par la recourante le 16 octobre 2024. L’examen du tribunal ne portera donc que sur cette question.

7.             L’autorité administrative qui a pris une décision entrée en force n’est obligée de la reconsidérer que si sont réalisées les conditions de l’art. 48 al. 1 LPA.

Une telle obligation existe lorsque la décision dont la reconsidération est demandée a été prise sous l’influence d’un crime ou d’un délit (art. 80 let. a LPA) ou que des faits ou des moyens de preuve nouveaux et importants existent, que le recourant ne pouvait connaître ou invoquer dans la procédure précédente (art. 80 let. b LPA ; faits nouveaux « anciens » ; ATA/539/2020 du 29 mai 2020 consid. 5b).

Elle existe également lorsque la situation du destinataire de la décision s’est notablement modifiée depuis la première décision (art. 48 al. 1 let. b LPA). Il faut entendre par là des faits nouveaux « nouveaux », c’est-à-dire survenus après la prise de la décision litigieuse, qui modifient de manière importante l’état de fait ou les bases juridiques sur lesquels l’autorité a fondé sa décision, justifiant par là sa remise en cause. Pour qu’une telle condition soit réalisée, il faut que survienne une modification importante de l’état de fait ou des bases juridiques, ayant pour conséquence, malgré l’autorité de la chose jugée rattachée à la décision en force, que cette dernière doit être remise en question (ATA/272/2025 du 18 mars 2025 consid. 2.1).

8.             Selon la jurisprudence rendue en matière de police des étrangers, le simple écoulement du temps entre les décisions des autorités ne constitue pas un motif justifiant une reconsidération (arrêts du Tribunal fédéral 2C_38/2008 du 2 mai 2008 consid. 3.4 ; 2A.180/2000 du 14 août 2000 consid. 4c ; cf. aussi arrêt 2A.271/2004 du 7 octobre 2004 consid. 5 et 6).

Ainsi, bien que l’écoulement du temps et la poursuite d’une intégration socio-professionnelle constituent des modifications des circonstances, ces éléments ne peuvent pas être qualifiés de notables au sens de l’art. 48 al. 1 let. b LPA, lorsqu’ils résultent uniquement du fait que l’étranger ne s’est pas conformé à une décision initiale malgré son entrée en force (ATA/272/2025 du 18 mars 2025 consid. 2.4).

9.             Une demande en reconsidération n’est pas un moyen de droit destiné à remettre indéfiniment en question les décisions administratives, ni à éluder les dispositions légales sur les délais de recours, de sorte qu’il y a lieu d’exclure le réexamen d’une décision de première instance entrée en force lorsqu’il tend à obtenir une nouvelle appréciation de faits déjà connus en procédure ordinaire ou lorsque le requérant le sollicite en se fondant sur des faits ou des moyens de preuve qui auraient pu et dû être invoqués dans la procédure ordinaire (ATF 136 II 177 consid. 2.1).

10.         L’autorité doit seulement procéder à un nouvel examen si la loi le lui impose.
Au-delà de cela, l’auteur de la demande de réexamen n’a aucun droit à obtenir une nouvelle décision, ni à exiger de l’autorité qu’elle procède à un nouvel examen (ATA/272/2025 du 18 mars 2025 consid. 2.2).

Saisie d’une demande de réexamen, l’autorité doit procéder en deux étapes : elle examine d’abord la pertinence du fait nouveau invoqué, sans ouvrir d’instruction sur le fond du litige, et décide ou non d’entrer en matière. Un recours contre cette décision est ouvert, le contentieux étant limité uniquement à la question de savoir si le fait nouveau allégué doit contraindre l’autorité à réexaminer la situation (ATF 136 II 177 consid. 2.1). Si la juridiction de recours retient la survenance d’une modification des circonstances, elle doit renvoyer le dossier à l’intimé afin que celui-ci le reconsidère, ce qui n’impliquera pas nécessairement que la décision d’origine sera modifiée (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 1429).

11.         En droit des étrangers, le résultat est identique que l’on parle de demande de réexamen ou de nouvelle demande d’autorisation : l’autorité administrative, laquelle se base sur l’état de fait actuel, qui traiterait une requête comme une nouvelle demande, n’octroiera pas une autorisation de séjour dans un cas où elle l’a refusée auparavant si la situation n’a pas changé ; et si la situation a changé, les conditions posées au réexamen seront en principe remplies (arrêt du Tribunal fédéral 2C_715/2011 du 2 mai 2012 consid. 4.2 ; ATA/272/2025 du 18 mars 2025 consid. 2.2).

12.         Les demandes en reconsidération n’entraînent ni interruption de délai ni effet suspensif (art. 48 al. 2 LPA).

13.         En l’occurrence, par décision du 10 février 2025, l’OCPM a refusé d’entrer en matière sur la demande de reconsidération de sa décision du 8 octobre 2021 par laquelle il refusait de préaviser favorablement le dossier de la recourante auprès du SEM, en vue de l’octroi d’une autorisation de séjour, et prononçait son renvoi au motif qu’elle ne remplissait ni les conditions de l’art. 30 al. 1 let. b LEI ni celles de l’« opération Papyrus ». De plus, son état de santé ne justifiait pas de prononcer son admission provisoire.

Il convient dès lors d’examiner si les motifs invoqués par la recourante dans le cadre de la présente procédure sont de nature à justifier qu’il soit entré en matière sur sa demande de reconsidération. À cet égard, le tribunal ne peut que constater que les éléments invoqués par la recourante sont identiques à ceux qu’il a traités dans son jugement du 22 juin 2022, hormis la question de la lutte pour récupérer la moitié de son AVS et LPP et le fait que la recourante ait entièrement recouvré sa santé.

Or, conformément à la jurisprudence susmentionnée, il ne s’agit manifestement pas là de modifications notables des circonstances, respectivement importantes de l’état de fait ou des bases juridiques, ayant pour conséquence que, malgré l’autorité de la chose jugée rattachée à la décision en force, cette dernière doive être remise en question.

C’est dès lors à juste titre que l’OCPM a refusé d’entrer en matière sur la demande de reconsidération déposée par la recourante.

14.         Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté.

15.         Pour cette raison, la requête de restitution de l’effet suspensif accompagnant le recours devient sans objet.

16.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s’élevant à CHF 750.-. Il est partiellement couvert par l’avance de frais en CHF 500.- versée à la suite du dépôt du recours.

Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

17.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d’État aux migrations.


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 13 mars 2025 par Madame A______ contre la décision de l’office cantonal de la population et des migrations du 10 février 2025 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 750.-, lequel est partiellement couvert par l’avance de frais en CHF 500.- versée à la suite du dépôt du recours ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l’objet d’un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L’acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d’irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Laetitia MEIER DROZ

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d’État aux migrations.

Genève, le

 

Le greffier