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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/2875/2024

JTAPI/396/2025 du 14.04.2025 ( ICCIFD ) , REJETE

Descripteurs : REFORMATIO IN PEJUS;EFFET CONFISCATOIRE DE L'IMPÔT
Normes : LPFisc.41.al1; LIPP.60
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2875/2024 ICCIFD

JTAPI/396/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 14 avril 2025

 

dans la cause

 

Madame A______ et Monsieur B______, représenté par Me Martin AHLSTROM, avocat, avec élection de domicile

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

 


 

EN FAIT

1.             Dans leur déclaration fiscale 2022, Madame A______ et Monsieur B______ ont indiqué un revenu imposable nul et une fortune nette imposable de CHF 3'292'138.-.

2.             Le 28 novembre 2023, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) les a invités à fournir des justificatifs relatifs aux charges et frais d'entretien de leur bien immobilier, ce qu’ils ont fait le 6 février 2024.

3.             Le 5 mars 2024, l'AFC-GE leur a demandé de produire divers documents, comptables notamment, en lien avec les sociétés qu’ils détenaient. Ils ont donné suite à cette requête par pli du 31 mai 2024.

4.             Par bordereaux du 14 juin 2024, l'AFC-GE les a taxés sur un revenu de CHF 116'203.- et une fortune de CHF 11'531'231.-. Ce faisant, elle a rajouté au revenu imposable une somme de CHF 243'517.-, à titre de rendement des participations, admettant une déduction de CHF 73'055.- « pour participations qualifiées privées ».

Après une réduction de CHF 60'165,65 à titre de bouclier fiscal, les impôts cantonal et communal (ci-après : ICC) finalement dus étaient fixés à CHF 72'639.- (taxe personnelle et impôt immobilier complémentaire [ci-après : IIC] non compris). L’impôt fédéral direct (ci-après : IFD), calculé sur un revenu imposable de CHF 153'200.-, était arrêté à CHF 7'601,50.-.

5.             Par réclamation du 17 juillet 2024, les époux, sous la plume de leur conseil, ont contesté avoir perçu le rendement des participations de CHF 243'517.-.

6.             Par décisions du 26 juillet 2024, l'AFC-GE a admis cette réclamation, en ce sens que ledit rendement de CHF 243'517.- n’était plus imposé. Il en résultait un revenu imposable nul, de sorte qu’aucun IFD n’était dû et que l’ICC l’était uniquement sur une fortune de CHF 11'531'231.-.

A teneur du bordereau rectificatif ICC 2022, après une réduction de CHF 6'044,85, à titre de bouclier fiscal, les ICC finalement dus étaient fixés à CHF 107'213,75 (taxe personnelle et IIC non compris).

7.             Par acte du 9 septembre 2024, les époux, sous la plume de leur conseil, ont recouru contre la décision relative à l’ICC 2022 auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant à son annulation, en ce sens que « l'impôt sur la fortune doit être fixé en tenant exclusivement compte d'un rendement net de 1% de la fortune dans la mise en œuvre du bouclier fiscal » et qu'aucun « rendement théorique supérieur à 1% ne peut être appliqué dans la mise en œuvre du bouclier fiscal », le tout sous suite de frais et dépens. Préalablement, ils ont conclu à ce que l'AFC-GE leur communique « le détail du calcul du bouclier fiscal pour la fixation de l'impôt sur la fortune », ce tant en ce qui concernait le bordereau du 26 juillet 2024 que celui du 14 juin 2024.

L'AFC-GE n’ayant pas fourni le détail de son calcul du bouclier fiscal, ils ne comprenaient pas quelle « méthode » elle avait utilisée. Entre le bordereau du 14 juin 2024 et celui du 26 juillet 2024 on passait d'un impôt sur la fortune de l'ordre de CHF 50'000.- à CHF 110'000.-, alors que, selon ce dernier bordereau, le revenu imposable était nul. Pour parvenir à une telle augmentation, l'AFC-GE avait pris en compte un rendement de la fortune supérieure à 1% dans le calcul du bouclier fiscal. Elle avait « dû retenir un revenu théorique » de leur participation dans une société, alors qu'ils n’en avaient perçu aucun. Elle devait procéder à un nouveau calcul en retenant un rendement de la fortune limitée à 1%, et non un « revenu théorique supérieur ».

L'AFC-GE avait procédé à une reformatio in pejus, sans les avoir préalablement invités à se prononcer, et dépassé « le cadre strict de l'objet de la contestation dans la mesure où elle a[vait] décidé de retenir un revenu théorique alors que tel n'avait pas été le cas lors de la première décision du 14 juin 2024 ». Pour ce motif, la décision contestée devait être annulée.

Une augmentation de l'impôt sur la fortune de plus de 100 %, alors que leur revenu était nul, constituait une violation du principe de l'interdiction de l'arbitraire et de la capacité contributive.

8.             Le 15 octobre 2024, l'AFC-GE a communiqué aux recourants le détail de ses calculs du bouclier fiscal, ce dont elle a informé le tribunal.

9.             Dans sa réponse du 8 novembre 2024, après y avoir à nouveau exposé ses calculs, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Compte tenu d’une fortune de CHF 11'674'711.- (déduction sociale comprise), le rendement net minimal théorique s'élevait à CHF 118'832.-. Il remplaçait le rendement effectif qui était négatif (compte tenu notamment des frais immobiliers totalisant CHF 130'371.-).

Pour calculer le « revenu bouclier », l’on devait additionner ledit revenu théorique et le revenu net imposable. Leur revenu effectif brut s'élevait à CHF 105’600.-, duquel étaient soustraits CHF 9’355.- de frais professionnels, CHF 21'164.- de déductions générales et CHF 13’000.- de déductions sociales, ce qui donnait un revenu net imposable de CHF 62’081.-. Par conséquent, le « revenu bouclier » était fixé à CHF 180'913.- (CHF 118'832.- + CHF 62'081.-) et l'impôt global ne pouvait pas excéder CHF 108'547,80 (60% de CHF 180'913.-). Selon le bordereau rectificatif du 26 juillet 2024, cet impôt avait été fixé à CHF 107'213,75. Ainsi, elle avait appliqué correctement le bouclier fiscal et, donc, respecté le principe de la capacité contributive.

S’agissant du grief relatif à la reformatio in pejus, l’augmentation de la charge fiscale ressortant du bordereau rectificatif du 26 juillet 2024 résultait de l’admission de la réclamation des contribuables. Leur taxation 2022 avait en effet été modifiée conformément à leur demande tendant à la non-imposition des dividendes de CHF 243'517.-. Dès lors, la modification de la taxation 2022 en leur défaveur ne constituait pas « formellement » une reformatio in pejus. Il n'était donc pas nécessaire de les inviter à se déterminer sur ce point. Toutefois, si, par impossible, le tribunal devait constater une violation de leur droit d'être entendu, celle-ci pourrait être réparée devant ce dernier, qui jouissait d'un plein pouvoir d'examen.

10.         Par réplique du 4 décembre 2024, sous la plume de leur conseil, les recourants ont maintenu leurs conclusions.

Au vu de ses calculs, l'AFC-GE avait appliqué correctement la jurisprudence actuelle relative au bouclier fiscal. Cela étant, la différence de calcul du bouclier fiscal entre le bordereau du 14 juin 2024 et celui du 26 juillet 2024 soulevait « une problématique au niveau de la mise en œuvre du bouclier fiscal et par extension de la justesse de la jurisprudence en vigueur ». En d’autres termes, alors que le rendement de la fortune diminuait entre ces bordereaux, l'impôt augmentait, ce qui était illogique, puisque selon le but poursuivi par le système du bouclier fiscal, c'était l'inverse qui aurait dû se produire. La mise en œuvre du rendement minimal de 1% constituait une cautèle lorsque la fortune ne produisait pas de revenu. En l'espèce, avec un rendement supérieur à 1%, l’on voyait la charge fiscale diminuer.

En tout état, l'incohérence du système actuel du calcul du bouclier fiscal, telle que constatée dans le cas d'espèce, consacrait une violation de leur capacité contributive. En effet, avec davantage de revenus, ils paieraient moins d'impôt. Il appartenait à l'AFC-GE d'acter cette incohérence et de revoir la mise en œuvre du calcul du bouclier fiscal. A tout le moins, et suite à leur réclamation, elle aurait dû les inviter à prendre position sur les conséquences de cette incohérence dans leur cas. En invoquant, dans leur réclamation, une réduction des revenus imposables, ils ne pouvaient raisonnablement s'attendre à une augmentation de la charge fiscale. De ce point de vue, il s'agissait bien d'une reformatio in pejus.

11.         Par duplique du 13 janvier 2025, l'AFC-GE a campé sur sa position.

Après un rappel de ses calculs du boucler fiscal retenu dans le bordereau initial du 14 juin 2024, elle a notamment ajouté que la différence d'imposition entre les deux bordereaux s'expliquait par la prise en compte, dans le bordereau initial, de la déduction CHF 73'055.- pour participations qualifiées privées.

 

EN DROIT

1.             Le tribunal connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l'AFC-GE (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens de l'art. 49 LPFisc.

3.             Tout d’abord, il faut constater que la conclusion préalable des recourants, tendant à ce que l'AFC-GE leur communique ses calculs du bouclier fiscal, n’a plus d’objet, cette dernière l’ayant fait en date du 15 octobre 2024. Dans leur réplique, les recourants ont par ailleurs confirmé le caractère exact desdits calculs.

4.             Les recourants soutiennent qu’en rendant la décision sur réclamation contestée, sans les avoir préalablement invités à se déterminer, l'AFC-GE aurait violé leur droit d’être entendu, s’agissant d’une « reformatio in pejus ».

5.             Aux termes de l’art. 42 LPFisc, dans la procédure de réclamation, l'AFC-GE jouit des mêmes compétences que dans celle de taxation. Aucune suite n’est donnée au retrait de la réclamation s’il apparaît, au vu des circonstances, que la taxation était inexacte.

6.             Selon l’art. 43 al. 1 LPFisc, dans la procédure de réclamation, l'AFC-GE peut déterminer à nouveau tous les éléments de l’impôt et, après avoir entendu le contribuable, également modifier la taxation au désavantage de celui-ci.

7.             Une violation du droit d'être entendu peut être réparée lorsque la partie lésée a la possibilité de s'exprimer devant une autorité de recours jouissant d'un plein pouvoir d'examen. Toutefois, une telle réparation doit rester l'exception et n'est admissible, en principe, que dans l'hypothèse d'une atteinte qui n'est pas particulièrement grave aux droits procéduraux de la partie lésée. Cela étant, une réparation de la violation du droit d'être entendu peut également se justifier, même en présence d'un vice grave, lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure, ce qui serait incompatible avec l'intérêt de la partie concernée à ce que sa cause soit tranchée dans un délai raisonnable (ATF 146 III 97 consid. 3.5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_183/2024 du 14 novembre 2024 consid. 4.1).

8.             Découlant directement de l'art. 9 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et valant pour l'ensemble de l'activité étatique, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu'il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 137 II 182 consid. 3.6.2 ; ATF 137 I 69 consid. 2.5.1).

Parallèlement à la protection de la confiance, le principe de la bonne foi interdit à chacun d'abuser de ses droits. Compris dans cette perspective, le principe de la bonne foi impose aux justiciables et aux parties à une procédure l'obligation d'exercer leurs droits dans un esprit de loyauté. L'interdiction de l'abus de droit représente un correctif qui intervient dans l'exercice des droits (ATF 129 II 361 consid. 7.1 ; ATA/622/2014 du 12 août 2014). L'abus de droit consiste à utiliser une institution juridique à des fins étrangères au but même de la disposition légale qui la consacre, de telle sorte que l'écart entre le droit exercé et l'intérêt qu'il est censé protéger s'avère manifeste (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, p. 198 n. 583 ; Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, 3ème édition, p. 551 n. 1184). L'interdiction de l'abus de droit vaut, en droit administratif, pour les administrés et l'administration (Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 198 n. 584).

9.             En l’espèce, dans leur réclamation formée contre le bordereau initial du 14 juin 2024, les recourants ont fait valoir uniquement la non-imposition du rendement de la fortune de CHF 243'517.-. Ce faisant, ils pouvaient et devaient savoir que l’admission de leur grief impacterait forcément le calcul du bouclier fiscal, d’autant qu’ils étaient assistés par un avocat, si bien qu’ils pouvaient se déterminer à ce sujet déjà dans leur réclamation. Quant à l’autorité intimée, étant donné qu’elle s’est limitée à admettre leur grief, elle n’avait pas à les interpeler à ce sujet. Le fait que cette admission a eu pour conséquence la réduction du montant accordé à titre du bouclier fiscal n’y change rien. A cet égard, il doit d’ores et déjà être relevé que les recourants se méprennent lorsqu’ils laissent entendre que l’impôt fixé par le bordereau rectificatif du 26 juillet 2024 serait plus élevé que celui arrêté par le bordereau du 14 juin 2024. En effet, c’est précisément le contraire qui ressort du bordereau rectificatif, puisqu’aucun impôt sur le revenu n’est dû, contrairement au bordereau initial, mais uniquement celui sur la fortune, dont le montant est d’ailleurs identique à celui arrêté le 14 juin 2024. Quant à l’augmentation de la charge fiscale globale entre les deux bordereaux, elle ne résulte pas d’une aggravation de la taxation elle-même - cas dans lequel l'AFC-GE aurait été tenue de procéder selon l’art. 43 al. 1 LPFisc, mais est inhérente au système du bouclier fiscal en tant que tel, question qui fait précisément l’objet du présent litige et sera examinée ci-après. Enfin, les recourants n’indiquent pas quelle démarche ils auraient concrètement entreprise si l'AFC-GE les avait invités à se déterminer sur les conséquences de l’admission de leur réclamation. En tout état, s’ils considèrent qu’ils auraient pu retirer leur réclamation, afin de préserver l’avantage fiscal découlant du bordereau du 14 juin 2024, alors qu’ils l’avaient eux-mêmes remis en cause, l'AFC-GE aurait été tenue de refuser le retrait de leur contestation, en vertu de l’art. 42 LPFisc.

Dans ces conditions, non seulement on ne saurait retenir une violation du droit d’être entendu, mais, de plus, invoquer une telle violation apparait abusif. En tout état, une telle violation par l’autorité intimée aurait été réparée devant le tribunal, qui dispose du même pouvoir d’examen que cette dernière, les recourants ayant pleinement fait valoir leur point de vue à ce sujet.

Ainsi, ce grief est écarté.

10.         Aux termes de l’art. 60 de la loi sur l’imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08), pour les contribuables domiciliés en Suisse, les impôts sur la fortune et sur le revenu, centimes additionnels cantonaux et communaux compris, ne peuvent excéder au total 60% du revenu net imposable. Toutefois, pour ce calcul, le rendement net de la fortune est fixé au moins à 1% de la fortune nette. Sont considérés comme rendement net de la fortune, au sens de cette disposition, les revenus provenant de la fortune mobilière et immobilière, sous déduction notamment des frais mentionnés à l'art. 34 let. a, c, d et e LIPP (al. 2).

11.         Selon la jurisprudence relative à l'art. 60 LIPP, le rendement net de la fortune n'est qu'un élément parmi d'autres revenus nets imposables du contribuable et il ne peut pas être inférieur à 1% de la fortune nette. En d'autres termes, un contribuable ne peut pas se prévaloir, dans le cadre du calcul du bouclier fiscal, d'un rendement nul ou inférieur à 1% de sa fortune nette (arrêt du Tribunal fédéral 9C_638/2022 consid. 5.1.2 et les références citées).

Aux termes de l'art. 26 al. 1 Cst., la propriété est garantie. En matière fiscale, cette disposition ne va pas au-delà de l'interdiction d'une imposition confiscatoire, laquelle porte atteinte à l'institution même et au noyau essentiel de la propriété privée. Pour juger si une imposition a un effet confiscatoire, le taux de l'impôt exprimé en pour cent n'est pas seul décisif ; il faut examiner la charge que représente l'imposition sur une assez longue période, en faisant abstraction des circonstances extraordinaires ; à cet effet, il convient de prendre en considération l'ensemble des circonstances concrètes, la durée et la gravité de l'atteinte ainsi que le cumul avec d'autres taxes ou contributions et la possibilité de reporter l'impôt sur d'autres personnes ou encore le fait que l'impôt sur la fortune devait en principe pouvoir être couvert par les rendements de celle-ci (ATA/495/2024 du 16 avril 2024 consid. 5.1 et les arrêts cités).

Le Tribunal fédéral fait preuve d'une grande retenue dans l'admission du caractère confiscatoire d'une imposition, qu'il n'a constaté qu'à une reprise, dans le cadre d'une rente viagère constituée par disposition pour cause de mort, relativement à laquelle l'impôt sur les successions et l'impôt sur le revenu, combinés, représentaient 55% du montant des rentes d'une personne ayant une capacité contributive réduite (ATA/125/2018 du 6 février 2018 ; Xavier OBERSON, Droit fiscal suisse, 5ème éd., 2021, p. 48 n. 50).

Il avait notamment admis que le noyau essentiel de la propriété privée n'était pas touché si, pendant une courte période, le revenu à disposition ne suffisait pas à s'acquitter de la charge fiscale sans entamer la fortune (ATF 143 I 73 consid. 5 ; 
106 Ia 342 consid. 6c ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_324/2017 précité
consid. 3.1 ; 2C_277/2008 du 26 septembre 2008 consid. 4.1, in RDAF 2007 I 573).

Au plan cantonal, la chambre administrative de la Cour de justice a jugé confiscatoire une imposition totale sur le revenu et la fortune représentant 98,5% du revenu imposable des recourants, dont la situation sur ce point était durable (ATA/771/2011 du 20 décembre 2011 consid. 9). Elle est arrivée à la même conclusion s'agissant d'une imposition totale (fédérale, cantonale et communale) équivalant à 92,36% du revenu imposable ICC de la contribuable, ce qui épuisait la substance de l'objet imposable et empêchait sa reconstitution, l'atteinte s'inscrivant au demeurant dans la durée (ATA/818/2012 du 4 décembre 2012 consid. 9). En revanche, elle a nié, à de nombreuses reprises, le caractère confiscatoire de l'imposition en présence de situations exceptionnelles ou qui ne s'inscrivaient pas dans la durée (ATA/495/2024 précité ; ATA/329/2018 du 10 avril 2018 ; ATA/168/2018 du 20 février 2018 ; ATA/1264/2015 du 24 novembre 2015).

12.         Lorsqu'il fait valoir que l'impôt a un caractère confiscatoire, le contribuable, qui a la charge de la preuve, ne peut se limiter à alléguer celui-ci sans aucune démonstration de sa réalité, le seul niveau d’imposition ne suffisant pas à cet égard (ATA/495/2024 précité consid. 5.3 ; ATA/712/2022 du 5 juillet 2022 consid. 7 et les arrêts cités).

13.         En l’espèce, dans leur réplique, les recourants indiquent clairement que le calcul du bouclier fiscal que l'AFC-GE a effectué dans le bordereau rectificatif du 26 juillet 2024 est parfaitement conforme à la jurisprudence, si bien que l’on pourrait se demander si leur recours a toujours un objet.

Quoi qu’il en soit, dans la mesure où ils se limitent à contester ce bordereau parce qu’il serait moins avantageux pour eux par rapport à celui initial du 14 juin 2024, ils n’établissent nullement son caractère confiscatoire ; ils ne le prétendent au demeurant pas. Or, au vu des bases légales et de la jurisprudence susmentionnées, ce seul élément ne suffit pas à considérer que leur imposition serait confiscatoire. En particulier, l’atteinte à leur patrimoine dans la durée n’a pas été démontrée. Ils ont de plus effectivement bénéficié du bouclier fiscal.

En ces circonstances, les recourants supportant le fardeau de la preuve, il n’y a pas lieu d’examiner plus en détail si leur imposition serait confiscatoire. Cela étant, il sera relevé, à toutes fins utiles, que c’est à tort qu’ils se plaignent d’une « incohérence » du système du bouclier fiscal dès lors que selon le bordereau initial du 14 juin 2024 leur charge fiscale globale était moins élevée que celle fixée par le bordereau rectificatif en cause. En effet, ils perdent de vue que la différence entre ces deux bordereaux, en ce qui concerne le calcul du bouclier fiscal, est due à la prise en compte, dans ce premier bordereau uniquement, du rendement effectif de la fortune de CHF 243'517.- et, par conséquent, d’une importante déduction pour participations qualifiées (CHF 73'055.-), ce qui impliquait nécessairement une réduction d’impôt plus importante que celle accordée par le bordereau litigieux, celui-ci ne tenant pas compte de ces éléments.

Ainsi, ce grief est également écarté.

14.         Partant, le recours, entièrement mal fondé, sera rejeté.

En application des art. 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, pris conjointement et solidairement, qui succombent, sont condamnés au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 700.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.

15.         Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 9 septembre 2024 par Madame A______ et Monsieur B______ contre la décision sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 26 juillet 2024 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 700.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Marielle TONOSSI, présidente, Philippe FONTAINE et Yuri KUDRYAVTSEV, juges assesseurs.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière