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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3767/2023

JTAPI/1246/2024 du 18.12.2024 ( ICCIFD ) , ADMIS PARTIELLEMENT

Rectification d'erreur matérielle : dispositif : ch. 3 : 2014 au lieu de 2013
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3767/2023 ICCIFD

JTAPI/1246/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 16 décembre 2024

 

dans la cause

 

Madame A______, représentée par Me Damien BONVALLAT, avocat, avec élection de domicile

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

 


 

EN FAIT

1.             Madame A______ (ci-après la contribuable ou la recourante) était copropriétaire avec sa sœur d'un bien immobilier. En prévision de sa vente, un courrier avait été envoyé le 21 octobre 2011 à l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) par un mandataire agissant conjointement pour le compte des acquéreurs et vendeurs. Ce bien immobilier a été vendu par un acte notarié du ______ 2011.

2.             Ce courrier mentionnait notamment qu'une partie du prix de vente serait versée sous forme de rente viagère, imposable à raison de 40% en mains des crédirentières. Il a été retourné avec un "bon pour accord" de l'AFC-GE le 31 octobre 2011.

3.             Par un courrier du 4 mars 2014, mentionnant son numéro de contribuable et un code de déclaration, la contribuable a informé l'AFC-GE de ce qu'elle s'était aperçue qu'elle avait omis de déclarer en 2013 la rente viagère qu'elle reçoit depuis le 1er décembre 2013 et qui s'élève à CHF 10'000.- par mois. Elle demandait que ce montant soit ajouté à sa déclaration déjà envoyée.

4.             Pour la période 2014, la contribuable a retourné à l'AFC-GE un formulaire vierge signé le 27 février 2015. Y étaient annexés les attestations de la rente AVS, de deux rentes de la prévoyance professionnelle et d'une rente de la prévoyance individuelle de CHF 6'339.- versée par B______ ainsi qu'un relevé fiscal établi par l'C______.

5.             Répondant à deux demandes de renseignement du Service de l'immobilier de l'AFC-GE des 20 mars et 20 avril 2015, la contribuable lui a fait parvenir une annexe D remplie à la main ainsi que diverses pièces justificatives. Répondant par ailleurs à deux demandes du Service des titres des 23 juin et 15 juillet 2015, elle a retourné divers relevés de ses avoirs bancaires.

6.             Dans ses bordereaux 2014 datés du 31 août 2015 de l'administration, l'AFC-GE a intégré dans le revenu imposable de la contribuable toutes les rentes qui faisaient l'objet d'attestations annexées au formulaire signé le 27 février 2015, à savoir une rente AVS de CHF 28'080.-, une rente de la prévoyance professionnelle de CHF 17'151.-, une autre rente de CHF 10'464.- et une rente viagère de CHF 2'536.- (40% du montant versé par B______). Ces bordereaux ne mentionnent pas qu'il s'agit de taxations d'office, même partielle.

7.             Dans sa déclaration fiscale 2015 datée du 10 avril 2016 et reçue par l'AFC-GE le 13 avril 2016, la contribuable a notamment mentionné, outre sa rente AVS, une rente de la prévoyance professionnelle de CHF 17'151.-, un montant reçu des rentes genevoises de CHF 12'824.- et une rente viagère de CHF 120'000.-.

8.             En parallèle à une demande de renseignements du Service des titres, le Service de la taxation C de l'AFC-GE a, par un courrier du 31 août 2016, demandé à la contribuable de justifier la rente viagère reçue et son éventuelle valeur de rachat. En réponse, elle a transmis un extrait de son compte D______ mentionnant un crédit de CHF 10'000.- le 30 janvier 2015 avec la mention manuscrite "rente viagère depuis le 29 nov. 2013. Figure sur les précédents bordereaux d'impôts."

9.             Dans ses bordereaux 2015 datés du 3 octobre 2016, l'AFF-GE a taxé en intégralité les rentes de la prévoyance professionnelle et versées par B______ et la rente viagère à hauteur de CHF 48'000.-, les avis de taxation mentionnant que seul le 40% est imposable.

10.         Dans sa déclaration fiscale 2017 datée du 3 juillet 2018, la contribuable n'a mentionné aucune part à une succession non partagée.

11.         Contre ses bordereaux datés du 5 novembre 2018, la contribuable a formé le 6 décembre 2018 une réclamation. Elle contestait deux éléments en lien avec un bien immobilier et le montant de la déduction pour frais de handicap.

12.         Par un jugement du 7 décembre 2018, le Tribunal d'arrondissement de E______ (ZH) a statué que la contribuable est l'une des héritières légales de feu Madame F______, décédée le ______ 2017 (ci-après : la de cujus) en tant que membre de la troisième parentèle de la ligne paternelle. Le dispositif de ce jugement mentionne qu'il a été notifié par écrit à tous les héritiers légaux et à l'exécuteur testamentaire, chacun avec accusé de réception.

13.         Ce dernier a, par un courrier du 1er février 2019, informé l'ensemble des héritiers sur leur part de la fortune imposable au 31 décembre 2017 et des revenus échus depuis le décès. Ce courrier mentionnait expresséments quels montants devaient être indiqués par chaque héritier dans sa déclaration fiscale.

14.         Faisant suite à une demande de renseignements du 12 décembre 2018 lui demandant de motiver certains points de sa réclamation contre sa taxation 2017, la contribuable a, par un courrier du 5 février 2019 envoyé divers justificatifs à l’AFC-GE. Aucune mention n’était faite de la part de la succession dont elle bénéficiait.

15.         Par des décisions du 15 avril 2019 l’AFC-GE a partiellement admis la réclamation déposée et émis des bordereaux rectificatifs ICC et IFD 2017.

16.         Dans sa déclaration fiscale 2018 datée du 28 juin 2019, la contribuable a mentionné une part de la succession indivise de la de cujus de CHF 218'505.- et des rendements de CHF 1'018.-, montants qui ressortent d’une attestation annexée à celle-ci de l’administrateur officiel de la succession. Ces montants ont été intégrés dans le revenu et la fortune taxés selon les bordereaux émis par l’AFC-GE le 23 septembre 2019.

17.         Par un courrier recommandé du 13 mai 2022, le service du contrôle de l'AFC-GE a informé la contribuable de l'ouverture d'une procédure en rappel d'impôt et soustraction pour les années 2013, 2014 et 2017. Elle indiquait que, suite au dépôt des déclarations d'impôt 2015 et 2018, des éléments avaient été portés à sa connaissance permettant d'envisager des déclarations inexactes en lien avec une rente viagère et une succession non partagée. Elle invitait la contribuable à lui faire parvenir une annexe relative à la succession non partagée de la de cujus ainsi que les attestations des rentes viagères perçues en 2013 et 2014.

18.         En annexe à un courrier du 30 juin 2022, le mandataire de la contribuable a fait parvenir à l'AFC-GE l'annexe requise ainsi que la copie du contrat de vente immobilière du ______ 2011. Il relevait, s'agissant de la succession non partagée, que la situation était incertaine jusqu'au jugement du tribunal d'arrondissement de C______ (ZH). La contribuable ignorait qu'elle pouvait espérer hériter et, surtout, elle n'avait aucune idée du montant de la succession, pour laquelle un bénéfice d'inventaire avait été sollicité. Le mandataire transmettait la copie du jugement et du courrier de l'exécuteur testamentaire précité. Il indiquait que sa cliente contestait avoir dissimilé fautivement du revenu et de la fortune et considérait la procédure de rappel comme tardive. En ce qui concerne les rentes viagères perçues, il se référait au courrier de la contribuatle du 4 mars 2014. Soulignant l'âge de sa cliente, née le ______ 1933, qui exécute au mieux ses obligations fiscales, le mandataire considère qu'elle mérite certains égards et une tolérance plus grande qu'un contribuable en pleine force de l'âge et féru en affaires. Soulignant pour le surplus que toutes les informations relatives à la rente viagère étaient connues du fisc avant l'émission des bordereaux, il concluait à ce que la procédure de contrôle soit clôturée sans suite.

19.         Par un courrier recommandé du 1er février 2023, l'AFC-GE a informé la contribuable que les procédures étaient terminées sans supplément, ni amende pour l'année 2013. En revanche, elle notifiait les bordereaux de rappel d'impôt pour les années 2014 et 2017 portant, pour la première, sur le 40% de la rente viagère et, la deuxième, sur la part de la succession indivise non déclarée. Des bordereaux amende d'une quotité de 0.75 fois le montant de l'impôt soustrait tenant compte de la bonne collaboration étaient également émis pour les montants, en 2014, de CHF 9581.- (ICC) et CHF 2'638.- (IFD) et, pour 2017, CHF 1'442.- (ICC). Le bordereau amende IFD 2014 mentionne que celle afférante à l'année 2017 a été regroupée sur celui-ci.

20.         Contre ces décisions, une réclamation a été déposée par un courrier A+ du 16 mars 2023. Relevant en premier lieu que, malgré son âge, la contribuable exécute au mieux ses obligations fiscales, mais est malheureusement un peu dépassée par les changements intervenus, le mandataire considère que sa bonne volonté et sa bonne foi doivent être examinées à l'aune de ce critère. En ce qui concerne la période 2014, il souligne que, malgré l'envoi inhabituel d'une déclaration non remplie, aucune demande de renseignements n'a été adressée, si bien que les éléments retenus ont certainement été saisis par le taxateur, qui devait tenir compte de la rente viagère déclarée en 2013. La procédure en rappel d'impôt basée uniquement sur l'examen des déclarations des périodes ultérieures doit être annulée pour ce seul motif. En ce qui concerne la période 2017, la contribuable n'avait pas connaissance avec certitude de sa qualité d'héritière, ni du fait que la succession était positive avant de recevoir le courrier de l'exécuteur testamentaire du 1er février 2019. Aucune faute ne peut dès lors lui être reprochée, de sorte que les amendes doivent être annulées. Pour le surplus, l'ouverture d'une procédure en rappel d'impôt pour des montants relativement faibles (revenu de CHF 848.- et fortune de CHF 218'270.-) est surprenante et contestée. Rappelant enfin que la contribuable n'a aucune connaissance particulière dans le domaine fiscal et qu'il ne paraît pas naturel de payer des impôts lorsque le prix de vente d'un immeuble est payé sous forme de rente viagère, il conclut à l'absence d'intention et même de négligence, si par impossible les reprises devaient être maintenues.

21.         Par une décision notifiée par un pli recommandé du 13 octobre 2023, l'AFC-GE a écarté cette réclamation et maintenu ses bordereaux de rappels d'impôts et amendes. Elle estime que le taxateur ne pouvait pas avoir connaissance de la rente viagère versée en 2014, puisque le courrier du 4 mars 2014 concernait la déclaration d'impôt 2013. Par ailleurs, elle considère qu'à aucun moment la contribuable ne lui a expressément écrit pour lui signaler qu'une part de la succession avait été omise en 2017, si bien qu'il ne peut pas avoir non plus de dénonciation spontanée. Les rappels d'impôt sont justifiés dans leur principe et la quotité de l'amende a été fixée en tenant compte de sa bonne collaboration.

22.         Contre cette décision, notifiée le 16 octobre 2023, un recours a été déposé devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) par un courrier A+ du 13 novembre 2023. La recourante reprend pour l'essentiel les faits allégués dans sa réclamation, ajoutant que, au début de l'année 2015, l'amie qui l'aidait à établir sa déclaration était souffrante, si bien qu'elle a retourné un formulaire non rempli, pensant sans doute être en mesure d'envoyer une déclaration complète lorsque son amie serait remise. En ce concerne la succession, elle souligne que la de cujus est une cousine éloignée tant géographiquement que du point de vue des liens familiaux. Elle ne se souvient d'avoir eu qu'un seul et unique contact de toute sa vie avec elle lorsqu'elle était âgée de 7 ans et ignorait totalement qu'elle en serait héritière. Reprenant pour le surplus, et en la développant, l'argumentation soulevée dans sa réclamation, elle conclut à l'annulation des bordereaux de rappels d'impôts et amendes et a l'octroi d'une indemnité équitable, les frais de la procédure devant rester à la charge de l'Etat.

23.         Dans sa réponse du 13 février 2024, l'AFC-GE, après avoir rappelé le déroulement des faits, conclut la confirmation des rappels d'impôt. Compte tenu du ruling obtenu en 2011, la recourante ne pouvait pas de bonne foi ignorer que la rente viagère perçue devait être déclarée et qu'elle serait taxée. Elle rejette par ailleurs toute négligence dans le traitement de la déclaration 2014, soulignant que la recourante aurait pu demander à une fiduciaire ou à tout autre mandataire ou organisme susceptible de l'aider sur le plan administratif d'établir une déclaration complète. Elle n'a pas non plus informé l'administration de son erreur lorsqu'elle a reçu les bordereaux 2014, les laissant entrer en force. Quant à la part de la succession non partagée, l'AFC-GE estime que la contribuable se trouvait dans une parentèle proche de la défunte et relève qu'à aucun moment elle n'a affirmé ne pas avoir été informée du décès de sa cousine et de sa qualité d'héritière, se contentant d'indiquer qu'elle ignorait quelle serait sa part de la succession et du montant de celle-ci. Ayant failli à son devoir d'annoncer l'existence d'une succession indivise, le rappel d'impôt est également justifié. En ce qui concerne l'amende, l'AFC-GE estime que, contrairement à son appréciation initiale, il convient de retenir une simple négligence, raison pour laquelle elle s'engage à ramener la quotité des amendes à 0.4 fois le montant de l'impôt soustrait. Elle conclut pour le surplus au rejet du recours.

24.         Faisant suite à une interpellation du tribunal, l’AFC-GE a, par un courrier du 22 août 2024, précisé que l’attestation relative à la succession indivise n’était pas annexée à la réclamation de la contribuable du 4 décembre 2018 contre sa taxation 2017. Les documents qui avaient été initialement produits avec sa pièce 37 lui ont été transmis ultérieurement et à la suite de ses demandes de renseignements. C’est dans le cadre du dossier de la taxation d’une autre contribuable que ce document lui a été connu, ce qui ressort de nouvelles pièces produites sous le couvert du secret fiscal.

25.         La recourante, à qui ce courrier a été transmis, n’y a pas réagi.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l’administration fiscale cantonale (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 140 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 49 LPFisc et 140 LIFD.

3.             Le présent litige porte sur les bordereaux de rappels d'impôts et amendes notifiés à la recourante pour les années 2014 et 2017.

4.             À teneur des art. 151 al. 1 LIFD et 69 al. 1 LPFisc, lorsque des moyens de preuve ou des faits jusque-là inconnus de l’autorité fiscale lui permettent d’établir qu’une taxation n’a pas été effectuée, alors qu’elle aurait dû l’être, ou qu’une taxation entrée en force est incomplète ou qu’une taxation non effectuée ou incomplète est due à un crime ou à un délit commis contre l’autorité fiscale, cette dernière procède au rappel de l’impôt qui n’a pas été perçu, y compris les intérêts.

5.             Le rappel d’impôt est le pendant, en faveur du fisc, de la révision en faveur du contribuable. Cette procédure porte sur la perception d’impôts qui n’ont pas pu être prélevés par l’administration fiscale au cours de la taxation ordinaire. Le rappel d’impôt n’est soumis qu’à des conditions objectives : il implique qu’une taxation n’a, à tort, pas été établie ou est restée incomplète, de sorte que la collectivité publique a subi une perte fiscale. Il suppose aussi l’existence d’un motif de rappel, qui peut résider dans la découverte de faits ou de moyens de preuve inconnus jusque-là, soit des faits ou moyens de preuve qui ne ressortaient pas du dossier dont disposait l’autorité fiscale au moment de la taxation. Le rappel d’impôt ne peut porter que sur les points pour lesquels l’autorité fiscale dispose de nouveaux éléments (ATF 144 II 359 consid. 4.5.1).

6.             Pour sa part, le contribuable doit remplir la formule de déclaration d'impôt de manière conforme à la vérité et complète et y joindre les annexes (art. 124 al. 2 LIFD ; art. 26 al. 2 LPFisc). Lorsque le contribuable se heurte à une incertitude quant à un élément de fait, il ne doit pas la dissimuler, mais bien la signaler dans sa déclaration. Dans tous les cas, il doit décrire les faits de manière complète et objective (arrêt du Tribunal fédéral C_879/2008 du 20 avril 2009 consid. 5.1).

"Selon la jurisprudence, l'autorité fiscale peut, en principe, considérer que la déclaration d'impôt est exacte et complète et elle n'est pas tenue, à défaut d'indices correspondants, de rechercher des informations complémentaires. En raison de la maxime inquisitoire, l'autorité doit cependant procéder à une analyse plus approfondie, lorsqu'il ressort manifestement du dossier que les faits déterminants sont incomplets ou peu clairs. Lorsque l'autorité fiscale aurait dû se rendre compte de l'état de fait incomplet ou inexact, le rapport de causalité adéquate entre la déclaration lacunaire et la taxation insuffisante ou incomplète est interrompu et les conditions pour procéder ultérieurement à un rappel d'impôt font défaut (ATF 144 II 359 consid. 4.5.1 et les arrêts cités). La rupture du lien de causalité est soumise à des exigences sévères, à savoir une négligence grave de l'autorité fiscale (arrêt 2C_1018/2015 du 2 novembre 2017 consid. 6.1 et les arrêts cités)"(ATF 2C_700/2022 du 25.11.2022 consid. 8.1).

Dans un arrêt antérieur, le Tribunal fédéral a considéré que l’autorité fiscale "n'a pas l'obligation, en l'absence d'indice particulier, d'effectuer des recoupements avec les données d'autres contribuables (arrêt du Tribunal fédéral 2A. 187/2000 du 3 novembre 2000) ni de se mettre à la recherche de renseignements supplémentaires dans le dossier fiscal du contribuable concerné." (RDAF 2003 II 622 consid. 3.3.2)

7.             En l'espèce, il n'est pas contesté que, s'agissant de la période 2017, la recourante n'a mentionné aucune part dans une succession non partagée. Elle n’y a pas non plus fait mention dans le cadre de l’instruction de la réclamation qu’elle avait déposée contre les bordereaux émis pour cette période. Les conditions d'un rappel d'impôts pour celle-ci sont manifestement réunies.

8.             En ce qui concerne la période 2014, la question d'un rappel d'impôts portant sur la rente viagère est plus délicate. En effet, la recourante avait retourné pour cette période un formulaire vierge signé, mais y avait annexé diverses attestations de rentes, qui ont pu être correctement prises en compte dans les bordereaux émis le 31 août 2015. Il n'y avait en revanche aucun justificatif relatif à la rente viagère litigieuse.

9.             Au caractère manifestement incomplet de la déclaration déposée, on peut opposer à l'AFC-GE le fait que, en 2011 déjà, elle avait été saisie d'une demande d'accord préalable sur les modalités de la vente immobilière et le paiement d'une partie du prix sous forme de rente viagère qui a été retournée avec "bon pour accord". Cette même rente, omise dans la déclaration fiscale 2013, avait fait l'objet d'un courrier complétant celle-ci et a été taxée. La recourante se prévaut de ces deux éléments et soutient que, par essence, une rente viagère ne s'éteint pas, si bien que le taxateur, en se basant sur les éléments du dossier, aurait spontanément dû l'intégrer dans la taxation de la période suivante.

10.         Pour le tribunal, l'AFC-GE ne pouvait pas en l'espèce partir de l'idée qu'une déclaration complète lui avait été soumise, puisque celle-ci n'avait pas du tout été remplie et que seuls quelques justificatifs avaient été annexés au formulaire signé et retourné par la recourante. C'est pour cette raison que ses Services de l'immobilier et des titres ont demandé que soient remplies des annexes complètes, qui lui ont été retournées dans les délais et avec les justificatifs requis par la recourante. On peut dès lors s'étonner qu'il ne lui y ait pas été donné l'occasion de remplir une déclaration complète comprenant les autres revenus et déductions.

11.         Pour établir dans ces circonstances très particulières la taxation 2014 de la recourante, il apparaît évident que le taxateur a dû examiner quels éléments ont été retenus dans la taxation de la période précédente et a ainsi pu fixer le montant de certaines déductions, en particulier les primes d’assurance. Il est inexplicable qu’il ne se soit pas interrogé sur la rente viagère litigieuse, qui avait fait l’objet d’un courrier se trouvant dans le dossier de la période 2013. C’est d’ailleurs de manière pertinente que la recourante relève que, par définition, une rente viagère perdure jusqu’au décès de sa bénéficiaire.

12.         Le tribunal retient dès lors que l’AFC-GE a fait preuve d’une négligence suffisamment grave pour que le lien de causalité entre absence de déclaration et taxation incomplète soit rompu, de sorte qu’elle n’était pas en droit de corriger son erreur par un rappel d’impôt. Celui-ci sera dès lors annulé, ce qui conduit également à l’annulation des pénalités infligées pour la période 2013.

13.         Les rappels d'impôt ayant été confirmés dans leur principe pour la période 2017 seulement, reste à examiner la question des pénalités.

14.         Le contribuable qui, intentionnellement ou par négligence, fait en sorte qu'une taxation ne soit pas effectuée alors qu'elle devrait l'être, ou qu'une taxation entrée en force soit incomplète, est puni d'une amende (art. 175 al. 1 LIFD ; art. 56 al. 1 de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14) ; art. 69 al. 1 LPFisc).

15.         Pour qu'une soustraction fiscale soit réalisée, trois éléments doivent dès lors être réunis : la soustraction d'un montant d'impôt, la violation d'une obligation légale incombant au contribuable et la faute de ce dernier. Les deux premières conditions sont des éléments constitutifs objectifs de la soustraction fiscale, tandis que la faute en est un élément constitutif subjectif (arrêts du Tribunal fédéral 2C_41/2020 du 24 juin 2020 consid. 9.1 et 11 ; 2C_874/2018 précité consid. 10.1 ; ATA/859/2018 du 21 août 2018 consid. 13b et la référence). La violation d'une obligation légale peut résulter d'une irrégularité dans la comptabilité ou du fait de remplir sa déclaration fiscale de manière non conforme à la vérité et non complète, en violation de l'art. 124 al. 2 LIFD (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1018/2015 précité consid. 9.4.2 et les références citées).

16.         La soustraction est punissable aussi bien intentionnellement que par négligence. La notion de négligence des art. 175 LIFD et 56 LHID est identique à celle de l'art. 12 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) : commet un crime ou un délit par négligence quiconque, par une imprévoyance coupable, agit sans se rendre compte ou sans tenir compte des conséquences de son acte. L'imprévoyance est coupable quand l'auteur n'a pas usé des précautions commandées par les circonstances et sa situation personnelle, par quoi l'on entend sa formation, ses capacités intellectuelles et son expérience professionnelle. Si le contribuable a des doutes sur ses droits ou obligations, il doit faire en sorte de lever ce doute ou, au moins, en informer l'autorité fiscale (ATF 135 II 86 consid. 4.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_874/2018 précité consid. 10.1.3 ; 2C_129/2018 précité consid. 9.1 et les références ; ATA/407/2022 du 12 avril 2022 consid. 6 a).

17.         La preuve d'un comportement intentionnel de la part du contribuable doit ainsi être considérée comme apportée lorsqu'il est établi avec une sécurité suffisante que celui-ci était conscient du caractère erroné ou incomplet des indications fournies. Si cette conscience est établie, il faut présumer qu'il a voulu tromper les autorités fiscales, afin d'obtenir une taxation plus favorable (arrêts du Tribunal fédéral 2C_792/2021 du 14 mars 2022 consid. 6.4.1 ; 2C_1052/2019 du 18 mai 2020 consid. 3.7.1 ; 2C_184/2019 du 25 septembre 2019 consid. 3.2 et 2C_444/2018 du 31 mai 2019 consid. 10.4.1). Cette présomption ne se laisse pas facilement renverser, car l'on peine à imaginer quel autre motif pourrait conduire un contribuable à fournir au fisc des informations qu'il sait incorrectes ou incomplètes (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1066/2018 du 21 juin 2019 consid. 4.1 ; 2C_129/2018 précité consid. 9.1). Le dol éventuel suffit pour retenir l'intention (arrêts du Tribunal fédéral 2C_78/2019 du 20 septembre 2019 consid. 6.2 ; 2C_444/2018 précité consid. 9.2) : il suppose que l'auteur envisage le résultat dommageable, mais agit néanmoins, parce qu'il s'en accommode au cas où il se produirait (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1073/2018 précité consid. 17.3.1 et les arrêts cités ; ATA/407/2022 précité consid. 6b). En revanche, agit par négligence celui qui, par une imprévoyance coupable, ne se rend pas compte ou ne tient pas compte des conséquences de son acte. L'imprévoyance est coupable lorsque l'auteur n'a pas usé des précautions commandées par les circonstances et sa situation personnelle, ce par quoi l'on entend sa formation, ses capacités intellectuelles et son expérience professionnelle (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1052/2019 précité consid. 3.7.1 ; 2C_1066/2018 précité consid. 4.1 ; 2C_1018/2015 précité consid. 9.4.4).

18.         "La présomption d'innocence, garantie par les art. 6 par. 2 CEDH et 32 al. 1 Cst., ainsi que son corollaire, le principe in dubio pro reo, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves (ATF 120 Ia 31 consid. 2c). En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie que toute personne prévenue d'une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu'il appartient à l'accusation de prouver la culpabilité de l'intéressé (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3; 127 I 38 consid. 2a; 124 IV 86 consid. 2a; 120 Ia 31 consid. 2c). (…) Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective. Lorsque l'appréciation des preuves et la constatation des faits sont critiquées en référence au principe "in dubio pro reo", celui-ci n'a pas de portée plus large que l'interdiction de l'arbitraire (ATF 146 IV 88 consid. 1.3.1; 145 IV 154 consid. 1.1; 127 I 38 consid. 2; 124 IV 86 consid. 2a; 120 Ia 31 consid. 2c-e)." (ATF 2C_700/2022 du 26.11.2022 consid. 11).

19.         En l’espèce, les rappels d'impôts ont été confirmés par le tribunal. Les éléments objectifs d'une soustraction consommée sont ainsi réunis.

20.         Reste à déterminer si les conditions subjectives sont réunies. Dans sa réponse au recours, l'AFC-GE estime qu'une simple négligence peut être reprochée à la recourante. Un comportement intentionnel de sa part, fût-ce par dol éventuel, n'est en effet pas démontré.

21.         Aucun des documents versés à la procédure ne permet de justifier qu'avant la réception du jugement du tribunal d'arrondissement de E______ (ZH) du 7 décembre 2018, la recourante pouvait imaginer être héritière de la de cujus. Il s'agissait en effet d'une parente éloignée décédée dans un autre canton et le tribunal tient pour plausible l'allégation de la recourante selon laquelle elle n'avait aucun contact avec elle. En revanche, elle aurait dû spontannément transmettre à l’AFC-GE l’attestation qu’elle avait reçue début février 2019, soit quelques jours avant ou après avoir complété la réclamation qu’elle avait déposée contre sa taxation 2017. Cette omission constitue à tout le moins une négligence, et le tribunal confirmera sur ce point l’analyse de l’AFC-GE.

22.         En cas de soustraction consommée, l’amende est, en règle générale, fixée au montant de l’impôt soustrait. Si la faute est légère, l’amende peut être réduite jusqu’au tiers de ce montant ; si la faute est grave, elle peut au plus être triplée (art. 175 al. 2 LIFD ; art. 56 al. 1 LHID ; art. 69 al. 2 LPFisc). Le montant de l’impôt soustrait constitue donc le premier critère de fixation de l’amende, la faute intervenant seulement, mais de manière limitée, comme facteur de réduction ou d’augmentation de sa quotité (ATA/407/2022 du 12 avril 2022 consid. 6c).

23.         La quotité précise de l’amende doit par ailleurs être fixée en tenant compte des dispositions de la partie générale du CP, les principes de l’art. 47 CP régissant la fixation de la peine s’appliquant. En droit pénal fiscal, les éléments principaux à prendre en considération sont le montant de l’impôt éludé, la manière de procéder, les motivations, ainsi que les circonstances personnelles et économiques de l’auteur. Les circonstances atténuantes de l’art. 48 CP sont aussi applicables par analogie (ATF 144 IV 136 consid. 7.2.1 s).

24.         Dans la mesure où elles respectent le cadre légal, les autorités fiscales cantonales, qui doivent faire preuve de sévérité afin d’assurer le respect de la loi, disposent d’un large pouvoir d’appréciation lors de la fixation de l’amende, l’autorité de recours ne censurant que l’abus du pouvoir d’appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 2C_12/2017 du 23 mars 2018 consid. 7.2.1 ; ATA/1002/2020 du 6 octobre 2020 consid. 9b et les références citées).

25.         En l’espèce, l’AFC-GE propose, dans sa réponse au recours, de retenir une négligence et de réduire la quotité des amendes à 0.40 fois. Celle-ci est proche du minimum de un tiers et est dès lors conforme à la loi. Elle sera confirmée par le tribunal.

26.         En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, dont le recours est largement admis, est condamnée au paiement d’un émolument réduit s'élevant à CHF 200.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.

27.         Vu l'issue du litige, une indemnité de procédure de CHF 1’000.-, à la charge de l'État de Genève, soit pour lui l’administration fiscale cantonale, sera allouée à la recourante (art. 87 al. 2 à 4 LPA et 6 RFPA).

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 13 novembre 2023 par Madame A______ contre la décision sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 13 octobre 2023 ;

2.             l'admet partiellement ;

3.             annule les bordereaux de rappels d’impôts et amendes ICC et IFD 2013 ;

4.             renvoie le dossier à l’administration fiscale cantonale pour l’émission de nouveaux bordereaux amendes ICC et IFD 2017 d’une quotité de 0.4 ;

5.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 200.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

6.             ordonne la restitution à la recourante du solde de l’avance de frais de CHF 500.- ;

7.             condamne l'État de Genève, soit pour lui l’administration fiscale cantonale, à verser à la recourante une indemnité de procédure de CHF 1’000.- ;

8.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Antoine BERTHOUD, président, Pascal DE LUCIA et Philippe FONTAINE, juges assesseurs

Au nom du Tribunal :

Le président

Antoine BERTHOUD

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière