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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3263/2023

JTAPI/437/2024 du 08.05.2024 ( DOMPU ) , REJETE

Descripteurs : ÉVACUATION DES DÉCHETS;CANTON;DOMICILE;AMENDE;INADVERTANCE MANIFESTE
Normes : LPE.31b.al1; LPE.31c.al1; LGD.17; LGD.43.al1; LGD.39.al1; LGD.43.al2
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3263/2023 DOMPU

JTAPI/437/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 8 mai 2024

 

dans la cause

 

A______ SA

 

contre

B______

 


EN FAIT

1.             A______ SA est une société anonyme inscrite au registre du commerce vaudois, dont le but est : « commerce et représentation de textiles ainsi que toute opération commerciale ». Son siège social se trouve à C______, route D______ 1______

Monsieur E______, domicilié à C______, en est l’administrateur unique, avec signature individuelle.

2.             Par décision du 12 septembre 2023, la B______ (ci-après : la commune), soit pour elle son service des travaux, voirie et espace public (ci-après : TVEP), a infligé une amende de CHF 500.- à A______ SA pour : « dépôt sur le territoire de la Commune de tout type de déchets par des personnes qui n’y sont pas domiciliée », en violation de l'art. 16 al. 1 de son règlement communal relatif à la gestion des déchets (LC 44 911), (ci-après : le règlement LC 44 911).

Le 14 août 2023, il avait été constaté la présence d’une personne utilisatrice d’un véhicule appartenant à A______ SA, de marque BMW, immatriculé VD 2______, qui déposait des déchets de tri dans l’enceinte du point de collecte F______ (ci-après : F______).

3.             Par acte du 4 octobre 2023, A______ SA, représentée par son administrateur, (ci-après : l’administrateur), a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant implicitement à son annulation.

Il avait effectivement été interpellé par des agents municipaux de la commune, alors qu’il déposait des déchets d’emballage en PET à la déchetterie. Il leur avait fourni des explications à cet égard et n’avait pas été informé qu’il serait amendé.

Il fréquentait la déchetterie de la commune de C______, située à une centaine de mètres de son domicile, pour ce qui concernait les déchets ménagers. Cette dernière avait toutefois décidé de ne plus récupérer « les emballages en PET, à l’exception des bouteilles et des flaconnages en PET ». Souhaitant contribuer à l’élimination des emballages en PET, il avait pris, pour la première fois, l’initiative de les amener à F______, ignorant qu’il commettait une infraction.

En tout état, la décision litigieuse était excessive, tant dans son principe que sa quotité. Un avertissement aurait été plus opportun. Il était à la retraite depuis cinq ans et ses revenus mensuels n’étaient que de CHF 2'790.-.

4.             Dans ses observations du 26 octobre 2023, la commune a indiqué qu’un collaborateur assermenté, contrôleur du stationnement au sein de la police municipale, avait constaté l’infraction. L’administrateur avait jeté des contenants en plastique, et non pas en PET, dans le conteneur enterré qui était uniquement dédié à la collecte des bouteilles à boisson en PET. Il avait également jeté du papier. Or, n’étant pas domicilié sur le territoire de la commune, il n’était pas autorisé à y jeter ses déchets, en application de l’art. 24 al. 8 du règlement LC 44 911.

5.             La commune a produit le courriel du 15 août 2023 par lequel le collaborateur précité informait l’adjoint au chef du TVEP de l’infraction qu’il avait constatée et de l’échange qu’il avait eu avec l’administrateur.

6.             L’administrateur a répliqué le 8 décembre 2023. Il était locataire d’une boutique au G______ lui donnant accès à la déchetterie mise à la disposition des commerçant, ainsi que d’une galerie située à la rue H______, à Genève, lui permettant d’utiliser la déchetterie se trouvant à la rue I______.

Il n’avait pas eu l’intention de commettre une infraction en utilisant F______. Il l’avait fait pour agir en bon citoyen et par souci de praticité, compte tenu de la proximité du lieu avec son domicile.

Cela étant, dans la mesure où il avait déposé ses déchets dans des installations de collecte et non pas sur la voie publique, il contestait formellement avoir commis une infraction à l’art. 16 al. 1 du règlement LC 44 911 qui interdisait le dépôt de déchets sur la voie publique.

Enfin, la commune de C______ lui avait adressé un courriel, le 7 décembre 2023, confirmant qu’il avait bien accès à la déchetterie et le fait qu’elle ne collectait plus les déchets en plastique (sic).

Il a produit ce courriel dans lequel la commune indique notamment : « Concernant les déchets en plastique, que les flacons sont récoltés à la déchèterie et les autres déchets sont récoltés dans les sacs blancs taxés ».

7.             Dans sa duplique du 12 décembre 2023, la commune a pris bonne note du fait que l’administrateur admettait avoir utilisé un point de collecte situé sur le territoire de B______ pour y déposer des déchets provenant du canton de Vaud. Rappelant la teneur de l’art. 24 al. 8 du règlement LC 44 911, elle a relevé qu’il n’appartenait pas à ses contribuables de payer, par le biais de leurs impôts, le transport et le traitement de déchets qui n’étaient pas produits sur le territoire communal.

8.             Il ressort du tableau d’élimination des déchets disponible sur le site internet de la commune de C______ (https://www.C______) que le papier, le PET, soit les emballages portant le sigle « PET recycling » et les flaconnages plastiques (non PET), soit uniquement les bouteilles de plastique autres que PET sont acceptés à la déchetterie. Les ordures ménagères sont collectées dans des sacs blancs taxés. Les emballages sont à retourner au point de vente dans la mesure du possible.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par la ville / le département en application de la loi sur la gestion des déchets du 20 mai 1999 (LGD - L 1 20) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 50 LGD).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Conformément à l'art. 31b al. 1 LPE, les déchets urbains, les déchets de la voirie et des stations publiques d’épuration des eaux usées ainsi que les déchets dont le détenteur ne peut être identifié ou est insolvable, sont éliminés par les cantons. Les autres déchets doivent être éliminés par le détenteur étant précisé qu'il peut charger un tiers d’assurer cette élimination (art. 31c al. 1 LPE). Dans la mesure où cela est nécessaire, les cantons prennent des mesures propres à faciliter l’élimination de ces déchets. Ils peuvent notamment définir des zones d’apport (art. 31c al. 1 LPE).

4.             Par déchets, on entend les choses meubles dont le détenteur se défait ou dont l’élimination est commandée par l’intérêt public (art. 7 al. 6 LPE). Les autres déchets au sens de l'art. 31c al. 1 LPE sont notamment les déchets de chantier, lesquels font l'objet d'une réglementation spécifique (Flückiger in : Moor/Favre/Flückiger, Commentaire LPE, éd. 2010, ad art. 31c, p. 3). On parle de déchets de chantier lorsque ceux-ci sont produits lors de la construction, de la transformation ou de la déconstruction d’installations fixe (art. 3 let. e de l’ordonnance sur la limitation et l’élimination des déchets du 4 décembre 2015 (OLED - RS 814.600).

5.             L'obligation d'éliminer s'impose au détenteur des déchets. Le détenteur est celui qui a, en fait, un pouvoir de disposition sur les déchets (arrêt du Tribunal fédéral 1A.222/2005 du 12 avril 2006 consid. 5.1). Il ne s'agit donc pas nécessairement de la personne qui est à l'origine de leur production (ATF 119 Ib 492, p. 502). Tous les acteurs du cycle d'élimination des déchets sont visés et non seulement le premier détenteur ; la personne qui collecte des déchets, s'occupe de leur stockage provisoire ou en assure l'élimination d'une manière ou d'une autre est ainsi un détenteur (Flückiger in : Moor/Favre/Flückiger, Commentaire LPE, éd. 2010, ad art. 7, p. 14, N. 25). Ni la qualification en droit civil (propriété, possession) ni la fonction de perturbateur ne sont déterminantes (arrêt du Tribunal fédéral 1A.222/2005 du 12 avril 2006 consid. 5.1).

6.             La LGD a pour but de régler la gestion de l'ensemble des déchets résultant de l'activité déployée sur le territoire du canton ou éliminés à Genève, à l'exclusion des déchets radioactifs ; elle constitue la loi d'application des dispositions prévues en matière de déchets par la LPE et ses ordonnances d'application (cf. art. 1 LGD).

7.             Selon l'art. 17 du règlement d'application de la LGD du 28 juillet 1999 (RGD - L 1 20.01), les communes peuvent édicter des règlements communaux sur le bon fonctionnement de leurs infrastructures de collecte et sur leur gestion des déchets ménagers (al. 1), ces règlements pouvant prévoir les sanctions et les mesures prévues dans la loi (al. 2).

8.             Le règlement de B______ régit la collecte, le transport et l'élimination des déchets sur son territoire, en conformité avec les plans de gestion des déchets du canton, les législations fédérales et cantonales (art. 2 al. 1 du règlement LC 44 911).

9.             Il prévoit notamment que le dépôt sur le territoire de la commune de tout type de déchets par des personnes qui n'y sont pas domiciliées est interdit (art. 24 al. 8 du règlement LC 44 911).

10.         En vertu de l'art. 43 al. 1 LGD, est passible d’une amende administrative de 200 francs à 400 000 francs tout contrevenant aux règlements et arrêtés édictés en vertu de la présente loi (let. b).

11.         Selon l'art. 39 al. 1 du règlement, est passible d’une amende administrative de 100 F à 60 000 F tout contrevenant à la LGD et au RGD (let. a), au présent règlement (let. b) et aux ordres donnés par le Conseil administratif ou un de ses représentants en application de la LGD, de son règlement d’application et du présent règlement communal (let. c).

12.         Les amendes peuvent être infligées tant à des personnes morales qu'à des personnes physiques (art. 43 al. 2 LGD).

13.         Les amendes sont infligées par le Conseil administratif sur la base d’un procès-verbal établi par ses représentants ayant constaté la ou les infractions (art. 39 al. 2 du règlement LC 44 911).

14.         Les amendes administratives prévues par les législations cantonales sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des contraventions, pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut au demeurant aussi exister. C'est dire que la quotité de la sanction administrative doit être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (cf. not. ATA/559/2021 du 25 mai 2021 consid. 7c ; ATA/206/2020 du 25 février 2020 consid. 4b ; ATA/1277/2018 du 27 novembre 2018 consid. 6b et les références citées).

15.         En vertu de l'art. 1 let. a de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG - E 4 05), les art. 1 à 110 CP s'appliquent à titre de droit cantonal supplétif aux infractions prévues par la législation genevoise, sous réserve de celles qui concernent exclusivement le juge pénal, comme notamment les art. 34 ss, 42 ss, 56 ss, 74 ss, 106 al. 2 et 3 et 107 CP (not. ATA/559/2021 du 25 mai 2021 consid. 7d ; ATA/403/2019 du 9 avril 2019 consid. 7b ; ATA/1277/2018 du 27 novembre 2018 consid. 6c).

16.         Il est ainsi en particulier nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût-ce sous la forme d'une simple négligence (cf. ATA/559/2021 du 25 mai 2021 consid. 7d et les références citées).

17.         Selon la jurisprudence constante, l'administration doit faire preuve de sévérité afin d'assurer le respect de la loi et jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour infliger une amende (ATA/403/2019 du 9 avril 2019 consid. 7c ; ATA/1277/2018 du 27 novembre 2018 consid. 6d). Le juge ne la censure qu'en cas d'excès (ATA/403/2019 précité ; ATA/1277/2018 précité).

18.         Enfin, l'amende doit respecter le principe de la proportionnalité garanti par l'art. 5 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst - RS 101) (cf. ATA/559/2021 du 25 mai 2021 consid. 7d et les arrêts cités ; ATA/313/2017 du 21 mars 2017 ; ATA/871/2015 du 25 août 2015 ; ATA/824/2015 du 11 août 2015), lequel commande que la mesure étatique soit nécessaire et apte à atteindre le but prévu et qu'elle soit raisonnable pour la personne concernée (cf. ATF 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 140 II 194 consid. 5.8.2 ; 139 I 218 consid. 4.3).

19.         À titre liminaire, le tribunal relèvera que la mention erronée figurant dans la décision litigieuse, selon laquelle l’infraction commise relevait de l’art. 16 al. 1 du règlement LC 44 911, procède vraisemblablement d’une erreur ne portant pas à conséquence. En effet, le comportement reproché est clairement indiqué dans la décision litigieuse, soit le : « dépôt sur le territoire de la Commune de tout type de déchets par des personnes qui n’y sont pas domiciliées », ce qui correspond à la teneur de l’art. 24 al. 8 du règlement LC 44 911. L’autorité intimée a ensuite mentionné cette disposition tant dans ses observations du 26 octobre 2023 que dans sa duplique du 12 décembre 2023. L’administrateur a d’ailleurs pu faire valablement valoir ses arguments en lien avec cette infraction, dans le cadre de la présente procédure, exposant notamment les raisons pour lesquelles, il n’avait pas déposé ses déchets dans la déchetterie de son lieu de domicile. Il n’a ainsi nullement été prétérité.

20.         Cela étant, il est établi que la société et son administrateur sont domiciliés à C______. Or, en date du 14 août 2023, ce dernier a déposé ses déchets à la déchetterie F______ située sur la commune de B______, en violation de l’art. 24 al. 8 du règlement LC 44 911. L’amende paraît ainsi fondée dans son principe, étant précisé que ni la LGD ni le règlement LC 44 911 ne prévoient le prononcé d’un avertissement avant qu’une amende ne soit infligée.

Il convient également de relever que l’allégation de l’administrateur quant au fait que sa commune de domicile ne collecterait plus les déchets en plastique n’est d’aucune pertinence et ne justifierait de toute façon pas son comportement. En tout état, cette allégation tombe à faux, dès lors qu’il ressort du courriel du 7 décembre 2023 de la commune de C______, de même que de son site internet, que les flacons en plastique sont récoltés à la déchetterie, alors que les autres déchets en plastique sont récoltés dans les sacs blancs taxés.

21.         Quant à la quotité de l’amende de CHF 500.-, elle se situe dans le bas de la fourchette fixée par la loi et apparaît proportionnée par rapport à l’infraction et à la faute commise. Compte tenu du pouvoir d'appréciation conféré à l'autorité en la matière, ce montant ne prête pas le flanc à la critique.

L’administrateur a certes relevé qu’il était à la retraite depuis cinq ans et que le montant de l’amende était excessif, au regard de ses revenus mensuels qui n’étaient que de CHF 2'790.-. C’est toutefois perdre de vue que l’amende ne lui a pas été infligée personnellement et qu’elle vise la société uniquement. Or, il ne ressort pas du dossier qu’elle se trouverait dans une situation financière délicate, ce qu’elle n’a d’ailleurs même pas allégué.

22.         Au vu de ce qui précède, l’amende sera confirmée, tant dans son principe que sa quotité, et le recours sera rejeté.

23.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 250.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 4 octobre 2023 par A______ SA contre la décision de B______ du 12 septembre 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 250.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Gwénaëlle GATTONI, présidente, Oleg CALAME et Aurèle MÜLLER, juges assesseurs.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Gwénaëlle GATTONI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière