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Décisions | Chambre de surveillance

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C/3321/2020

DAS/161/2024 du 09.07.2024 sur DJP/319/2023 ( AJP ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/3321/2020 DAS/161/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 9 JUILLET 2024

 

Appel (C/3321/2020) formé le 13 juillet 2023 par Monsieur A______, domicilié ______ (Genève) et Madame B______, domiciliée ______ (Israël), tous deux représentés par Me Raphaël JAKOB et Me Soile SANTAMARIA, avocats.

* * * * *

Arrêt communiqué par plis recommandés du greffier
du 11 juillet 2024 à :

 

- Madame B______
Monsieur A______

c/o Me Raphaël JAKOB et Me Soile SANTAMARIA, avocats.
Rue François-Versonnex 7, 1207 Genève.

- Maître C______
______, ______ [GE].

- Maître D______
______, ______ [GE].

- JUSTICE DE PAIX.

 


EN FAIT

A.           a) E______, née E______ le ______ 1944, originaire de Genève, domiciliée de son vivant no. ______ chemin 1______, [code postal] F______ (Genève), est décédée à F______ le ______ 2020.

b) E______, divorcée depuis 2009, n'a laissé aucun enfant, ni autre héritier réservataire.

c) Elle a rédigé un testament olographe le 15 décembre 2011, complété par un codicille du 15 décembre 2012, par lequel elle a désigné G______, ou à défaut H______, notaire, en qualité d'exécuteur testamentaire.

Elle leur a laissé des instructions, par un document séparé, désignant quatre personnes (I______, J______, K______ et L______) comme héritiers légataires, par parts égales, de ses avoirs bancaires et du produit de la vente de son appartement genevois et une fondation (Fondation M______), légataire de l'ensemble de ses avoirs bancaires à Singapour. Les bénéficiaires de cette fondation étaient G______ et, à son décès, ses enfants N______ et O______.

d) Par ordonnance du 20 mai 2015, le Tribunal de protection a constaté que le mandat pour cause d'inaptitude établi le 2 février 2014 par E______, désignant G______ comme mandataire aux fins de lui fournir une assistance personnelle, gérer son patrimoine et la représenter dans ses rapports juridiques, n'avait pas été constitué valablement, la concernée présentant déjà un état de démence à l'époque de sa signature, et a instauré une curatelle de représentation et de gestion étendue au domaine de l'assistance personnelle et aux soins, confiée à Me P______, avocat.

A cette date, E______ disposait d'un patrimoine estimé entre 6'000'000 fr. et 7'000'000 fr.

Les recours formés par G______ contre cette ordonnance auprès de la Cour de justice, puis auprès du Tribunal fédéral, ont été rejetés.

e) Le 26 avril 2016, le curateur de E______ a déposé une plainte pénale à l'encontre de G______, lequel a été reconnu, par arrêt du 26 novembre 2019 de la Chambre pénale d'appel et de révision, coupable d'abus de confiance, d'escroquerie par métier et de faux dans les titres et notamment condamné à payer à E______, soit pour elle son curateur, la somme de 1'726'968 fr. avec intérêts à 5% dès le 19 février 2014, sous déduction d'un montant de 412'000 fr.

f) G______ a renoncé à son mandat d'exécuteur testamentaire le 19 février 2020.

g) Il ressort du certificat d'héritiers du 5 octobre 2021 établi par Q______, notaire à Genève, que les héritiers légaux de E______ sont ses cousines, B______ et R______, et son petit-cousin, A______.

Ce certificat d'héritiers a été homologué le 8 octobre 2021 par la Justice de paix.

h) Le 3 février 2023, S______, avocat, s'est constitué pour la défense des intérêts de O______ et N______, lesquels faisaient valoir leurs droits dans la succession de E______, en qualité de bénéficiaires de la Fondation M______.

i) Le 7 février 2023, Me H______ a renoncé à son mandat d'exécuteur testamentaire et sollicité des instructions de la Justice de paix concernant les fonds dont il disposait en la comptabilité de son Etude pour le compte de la succession.

j) Le 9 février 2023, la Justice de paix a informé les héritiers de ce qu'ils recouvraient la libre disposition des avoirs et dettes héréditaires et pouvaient les administrer selon leur volonté commune, sous réserve d'éventuelles mesures de sûretés ultérieures.

k) Par courrier du 16 février 2023, A______ a informé la Justice de paix de ce qu'il venait d'apprendre le décès de R______ (intervenu le ______ 2022); il ignorait si elle avait des héritiers.

l) C______, avocate, a été désignée aux fonctions d'administratrice d'office de la succession de feu R______, par décision de la Justice de paix du 2 mars 2023.

m) Par courrier du 3 mars 2023, A______ s'est formellement opposé à la requête du 3 février 2023 de N______ et O______.

n) N______ et O______, dans un courrier adressé à la Justice de paix le 15 mars 2023, indiquaient ne pas s'opposer à la désignation d'un administrateur d'office de la succession de E______ afin d'assurer la conservation du patrimoine successoral jusqu'à ce que la Fondation, radiée selon eux à tort par le curateur de la de cujus, soit reconstituée, subsidiairement qu'un accord avec les héritiers légaux soit trouvé.

o) Par décision du 14 avril 2023, la Justice de paix a rejeté la requête formée par N______ et O______, relevant que son pouvoir était de mettre les héritiers en possession de la succession, ce qui avait été fait suite à l'homologation du certificat d'héritiers du 8 octobre 2021. La Fondation M______ étant dissoute au jour du décès de la de cujus, elle ne pouvait figurer sur le certificat susmentionné. Outre le fait que leur qualité pour solliciter une mesure conservatoire dans la succession était douteuse, la demande était tardive et quoi qu'il en soit, les conditions n'en étaient pas réalisées.

p) Par courrier du 2 mai 2023, A______ sollicitait que des démarches urgentes soient entreprises; une somme de 90'000 fr. avait été versée par Me H______, en qualité d'exécuteur testamentaire, à G______ lequel était pourtant débiteur de la succession à hauteur de 1'477'000 fr. suite à la condamnation pénale intervenue et avait provisionné une somme de 70'000 fr. (contestée) pour son activité dans la succession concernée. Aucune reddition de compte n'avait été faite par ce dernier et les fonds de la succession avaient été rapatriés chez ce notaire.

q) Par requêtes des 25 mai 2023 et 9 juin 2023, A______ et B______ ont requis de la Justice de paix qu'elle désigne un représentant d'hoirie afin de pouvoir agir en justice aux noms des héritiers de feu E______ à l'encontre de H______, G______, N______ et O______.

Selon eux, Me C______ ne pouvait agir à l'encontre des précités dès lors qu'elle se trouvait dans une situation de conflit d'intérêts.

r) Par courrier du 25 mai 2023, Me C______ a confirmé l'existence d'un conflit d'intérêts ne lui permettant pas d'agir contre les précités.

s) Me C______, A______ et B______ se sont déclarés d'accord que A______ soit désigné en qualité de représentant de l'hoirie, ce que celui-ci a déclaré accepter.

B.            Par décision DJP/319/2023 du 28 juin 2023, la Justice de paix a désigné D______, avocat, aux fonctions de représentant de la communauté héréditaire de E______ (ch. 1 du dispositif), lui a conféré le pouvoir général de représenter la succession pour faire valoir les prétentions de la communauté héréditaire à l'encontre de H______, notaire, et de G______, N______ et O______ (ch. 2), mis les frais exposés par le greffe et un émolument de décision de 600 fr. à la charge de la succession (ch. 3).

Elle a retenu que la succession de E______ ne se trouvant pas sous exécution testamentaire, administration d'office ou liquidation officielle et n'ayant pas encore fait l'objet d'un partage, une représentation de celle-ci pouvait être ordonnée. Bien que feu R______ soit représentée dans la succession par C______, en sa qualité d'administratrice d'office de sa succession, elle ne pouvait agir dans les éventuelles actions à entreprendre à l'encontre de H______, notaire, G______, N______ et O______, ce qui engendrait une situation de blocage. La désignation d'un représentant à la communauté héréditaire se justifiait donc pleinement dans un tel cas de figure. En raison de la situation successorale qui était complexe et du fait qu'il existait déjà un conflit d'intérêts, il se justifiait de désigner une personne tierce qui n'avait été choisie ni par l'une, ni par l'autre des parties, de façon à garantir son autonomie et sa neutralité, raison pour laquelle un avocat était désigné pour la représenter.

C.           a) Par acte du 13 juillet 2023, A______ et B______ ont formé appel contre cette décision, qu'ils ont reçue le 4 juillet 2023, et conclu principalement à son annulation et, ceci fait, à la désignation de A______ aux fonctions de représentant de la communauté héréditaire de E______, née E______, décédée le ______ 2020.

Ils ont également formé une requête de mesures provisionnelles, visant à désigner A______ en qualité de représentant de la succession, qui a été rejetée par décision de la Chambre de surveillance du 27 juillet 2023 (DAS/179/2023).

b) Dans sa réponse du 20 octobre 2023, C______ s'en est rapportée à justice. Elle a cependant précisé qu'elle avait annoncé immédiatement à la Justice de paix le conflit d'intérêts l'empêchant d'agir selon les volontés de l'hoirie de feu E______. A ce sujet, les héritiers de feu R______, membre de l'hoirie, n'étaient pas encore identifiés, un généalogiste ayant été mandaté pour ce faire. Cependant, il ressortait des recherches d'ores et déjà entreprises par celui-ci que deux ayants-droit potentiels avaient été identifiés en Angleterre, de sorte qu'il semblait que A______ et B______ ne soient pas les seuls héritiers de feu E______.

c) D______ s'en est rapporté à justice quant au recours formé, tout en précisant avoir entrepris des démarches auprès du Ministère public et à l'encontre de G______, dans le but de préserver les intérêts des héritiers. Il poursuivait sa mission dans ce sens.

d) Par courrier du 23 novembre 2023, C______ a indiqué avoir reçu le rapport du généalogiste mandaté (qu'elle n'a pas produit), duquel il ressortait que deux autres héritiers légaux (dont elle n'a pas communiqué l'identité) avaient été identifiés.

EN DROIT

1.             1.1.1 Les décisions du juge de paix, qui relèvent de la juridiction gracieuse et sont soumises à la procédure sommaire (art. 248 let. e CPC), sont susceptibles d'un appel auprès de la Chambre civile de la Cour de justice (art. 120 al. 2 LOJ) dans le délai de dix jours (art. 314 al. 1 CPC) si la valeur litigieuse est égale ou supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC).

Ces décisions sont de nature pécuniaire (arrêts du Tribunal fédéral 5A_797/2017 du 22 mars 2018 consid. 1; 5A_725/2010 du 12 mai 2011 consid. 1.2).

1.1.2 Selon l'art. 311 al. 1 CPC, l'appel doit être écrit et motivé. Cette disposition ne régit pas expressément le contenu de l'acte. Il faut cependant admettre qu'il s'agit d'une forme de demande adressée au juge et qu'il faut donc appliquer par analogie les art. 221 et 244 CPC. On en déduit donc que l'acte d'appel doit contenir la désignation des parties (art. 221 al. 1 let. a et 244 al. 1 let. a CPC; ATF 138 III 213 consid. 2.3).

La demande d'un héritier tendant à la désignation d'un représentant de la communauté héréditaire jusqu'au partage, au sens de l'art. 602 al. 3 CC est une mesure ordonnée dans le cadre de la dévolution successorale (arrêt du Tribunal fédéral 5A_267/2012 du 21 novembre 2012 consid. 3.1). Le représentant de l'hoirie indivise est nommé pour la communauté des héritiers, non comme le représentant et dans l'intérêt d'un unique héritier (arrêt du Tribunal fédéral 5A_241/2014 du 28 mai 2014 consid. 2.1). Il s'ensuit que l'instauration d'une mesure de représentation de la communauté héréditaire déploie ses effets pour tous les membres de l'hoirie (arrêts du Tribunal fédéral 5A_796/2014 du 3 mars 2015 consid. 5.2 et 5D_133/2010 du 12 janvier 2011 consid. 1.4).

Dès lors que la désignation d'un représentant de la communauté héréditaire aboutit à un jugement qui sortit ses effets à l'égard de tous les héritiers et que, en outre, elle touche au sort de biens dont les cohéritiers sont titulaires en commun avec le requérant (art. 602 al. 2 CC), la demande de mise en place d'un représentant de la communauté héréditaire doit être intentée contre tous les cohéritiers ("consorité passive nécessaire" : ATF 136 III 123 consid. 4.4.1 ; 100 II 440 consid. 1). L'héritier qui conteste une décision relative à la désignation d'un représentant de la communauté héréditaire est donc tenu, sous peine de rejet de son recours (ATF 130 III 550 consid. 2.1.2), d'assigner tous ses cohéritiers devant l'autorité cantonale de recours, de manière à leur conférer la qualité de partie à l'instance de recours.

1.2 En l'espèce, la succession comprend notamment un bien immobilier à Genève et divers comptes bancaires, de sorte que la valeur litigieuse étant supérieure à 10'000 fr., la voie de l'appel est ouverte.

Il est apparu en cours de procédure d'appel que d'autres héritiers légaux de la de cujus auraient été retrouvés par le généalogiste chargé de cette mission, suite au décès de R______, membre de l'hoirie de E______. Leur existence et leur identité n'étaient cependant pas connus des appelants au moment où ils ont formé leur appel (ni de la Cour), il ne peut leur être reproché de ne pas avoir assigné l'hoirie de R______.

Ainsi, bien que l'acte d'appel ne contienne manifestement pas la désignation de l'ensemble des héritiers légaux de l'appelante, interjeté en temps utile et par deux héritiers légaux de la succession, il doit être déclaré recevable.

2.             Les recourants soulèvent une violation de leur droit d'être entendus.

2.1 Garanti aux art. 29 al. 2 Cst et 53 CPC, le droit d'être entendu comprend en particulier le droit pour le justiciable de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à son détriment, de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur la décision, d'avoir accès au dossier, de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur sujet (ATF 135 II 286 consid. 5.1; 135 I 187 consid. 2.20; 129 II 497 consid. 2.2).

Le droit d'être entendu est une garantie de nature formelle, dont la violation entraîne l'annulation de la décision attaquée, sans égard aux chances de succès du recours sur le fond (ATF 137 I 195 consid. 2.2). Ce moyen doit être examiné avec un plein pouvoir d'examen (arrêt du Tribunal fédéral 5A_540/2013 du 3 décembre 2013 consid. 3.3.1; ATF 127 III 193 consid. 3).

Toutefois, le droit d'être entendu n'est pas une fin en soi. Il constitue un moyen d'éviter qu'une procédure judiciaire ne débouche sur un jugement vicié en raison de la violation du droit des parties de participer à la procédure. Lorsqu'on ne voit pas quelle influence la violation du droit d'être entendu a pu avoir sur la procédure, il n'y a pas lieu d'annuler la décision attaquée (ATF 143 IV 380 consid. 1.4.1; arrêt du Tribunal fédéral 1C_229/2020 du 27 août 2020 consid. 2.1).

Par ailleurs, une violation du droit d'être entendu en instance inférieure est réparée, pour autant qu'elle ne soit pas d'une gravité particulière, lorsque l'intéressé a eu la faculté de se faire entendre en instance supérieure par une autorité disposant d'un plein pouvoir d'examen en fait et en droit (ATF 130 II 530 consid. 7.3; 127 V 431 consid. 3d/aa; 126 V 130 consid. 2b). L'appelant ne peut alors pas se contenter de se plaindre de cette violation, mais doit exercer son droit d'être entendu (arrêt du Tribunal fédéral 5A_925/2015 du 4 mars 2016 consid. 2.3.3.2 non publié aux ATF 142 III 195). Pour le surplus, même en présence d'un vice grave, une réparation de la violation du droit d'être entendu peut également se justifier lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure, ce qui serait incompatible avec l'intérêt de la partie concernée à ce que sa cause soit tranchée dans un délai raisonnable (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1).

2.2 En l’espèce, les appelants estiment que la Justice de paix ne leur ayant pas soumis la possibilité de désigner un tiers avocat à la fonction de représentant de la communauté héréditaire, elle aurait violé leur droit d'être entendus. Ils soutiennent que si elle leur avait indiqué qu'elle entendait mandater un avocat, ils auraient alors proposé un autre avocat que celui qui a été désigné.

Aucune violation du droit d'être entendu ne saurait être retenue. En effet, les appelants, qui ont sollicité la nomination d'un représentant de la communauté héréditaire, ont fait valoir leur choix quant à la personne à désigner à cette fonction devant la Justice de paix, de sorte que leur droit d'être entendus a été respecté. La Justice de paix a analysé, dans le cadre de sa décision, l'opportunité de ce choix, qu'elle a déniée, en motivant sa décision, ce qui a permis aux appelants de la contester en toute connaissance de cause et de faire valoir tous leurs griefs devant l’autorité de seconde instance, laquelle revoit la cause en fait, en droit et sous l’angle de l’opportunité. Autre est la question du choix de la personne du représentant de la communauté héréditaire faite par la Justice de paix, qui sera examinée ci-dessous, à la lumière des griefs invoqués.

Le grief de violation du droit d'être entendu doit être rejeté.

3.             La question litigieuse se rapporte à la désignation du représentant de la communauté héréditaire.

3.1.1 S'il y a plusieurs héritiers, tous les droits et obligations compris dans la succession restent indivis jusqu'au partage (art. 602 al. 1 CC). A la demande de l'un des héritiers, l'autorité compétente peut désigner un représentant de la communauté héréditaire jusqu'au moment du partage (art. 602 al. 3 CC).

La nomination d'un représentant d'hoirie doit être faite chaque fois qu'elle paraît utile, selon l'appréciation de l'autorité, parce que les héritiers ne peuvent pas agir envers des tiers, d'une façon générale ou dans un cas particulier, en raison de leurs divergences, ou en cas de blocages survenus en raison des dissensions des héritiers ou encore lorsque la substance ou les rendements de la succession sont mis en péril. L'autorité ne peut désigner un représentant que si la communauté héréditaire dure encore et si la représentation n'est pas déjà assurée par un exécuteur testamentaire, un administrateur officiel ou un liquidateur officiel (Spahr, Commentaire Romand - CC II, 2016, n. 69 et suivantes ad art. 602 CC).

L'autorité bénéficie d'un large pouvoir d'appréciation pour décider si elle accueille la requête favorablement ou non. Elle nommera un représentant chaque fois que les circonstances justifient une telle solution, par exemple, lorsque les héritiers sont incapables d'administrer le patrimoine successoral, lorsqu'ils n'arrivent pas à prendre une décision importante ou à choisir un représentant, lorsqu'ils sont en conflit, si certains d'entre eux sont absents ou en cas de mise en danger de la substance voire des revenus de la succession. La requête doit être admise en principe lorsque les membres de la communauté ne peuvent pas agir envers les tiers ou s'il y a rupture de leur rapport de confiance. Toutefois, de simples divergences internes sur la manière d'exploiter et de gérer le patrimoine successoral ne justifient en principe pas la désignation d'un représentant, tout comme de simples divergences d'opinion entre cohéritiers (arrêt du Tribunal fédéral 5A_781/2017 du 20 décembre 2017 consid. 2.3; Spahr, op. cit., n. 69 et suivantes ad art. 602 CC ; Minnig, Basler Kommentar - ZGB II, 7ème éd. 2023, n. 50 ad art. 602 CC).

Les pouvoirs du représentant d'hoirie dépendent de la mission définie par l'autorité. Le représentant peut être désigné pour certains actes isolés sur lesquels les héritiers ne parviennent pas à s'entendre. L'autorité peut aussi donner au représentant un mandat général et lui confier toute l'administration de la succession, auquel cas son statut juridique se rapproche de celui de l'administrateur officiel de la succession, sans toutefois que ses fonctions ne portent sur le partage de la succession (arrêts du Tribunal fédéral 5A_416/2013 du 26 juillet 2013 consid. 3.1; 5P.83/2003 du 8 juillet 2003 consid. 1).

Le représentant de l'hoirie agit au nom et pour le compte de la succession, dans le seul intérêt ce celle-ci, indépendamment de la volonté des différents héritiers, conformément à un droit qui lui est propre (ATF 53 II 2002).

3.1.2 Les parties peuvent faire des propositions quant à la désignation de la personne du représentant de la communauté héréditaire mais l'autorité n'est pas tenue de choisir les personnes suggérées (Spahr, Commentaire Romand - CC II, 2016, n. 67 et suivantes ad art. 602 CC).

Pour prévenir les conflits d'intérêts, l'autorité devrait éviter de procéder à la désignation d'un héritier en tant que représentant d'hoirie si les autres membres de la communauté s'y opposent (Spahr, Commentaire Romand - CC II, 2016, n. 67 et suivantes ad art. 602 CC).

L'autorité de protection bénéficie d'un large pouvoir d'appréciation et procède à une pesée des intérêts afin de statuer sur la requête (EIGENMANN, in Revue de l'avocat 2020, p. 60).

3.2 En l'espèce, il n'est pas contesté qu'un représentant de la communauté héréditaire doit être désigné à la succession de feu E______, au vu du conflit d'intérêts avéré de l'administratrice d'office de la succession de R______, membre de cette hoirie. Il ne sera donc pas revenu sur ce point.

Seule la personne du représentant de cette communauté héréditaire est remise en cause.

Les appelants soutiennent que la Justice de paix aurait dû désigner A______ à cette fonction, puisqu'ils étaient d'accord et que la Justice de paix ne pouvait pas s'écarter de leur proposition. Sur ce dernier point, les appelants se trompent puisqu'au contraire, si certes les parties peuvent faire des propositions quant à la désignation de la personne du représentant de la communauté héréditaire, l'autorité n'est pas tenue de choisir les personnes suggérées (cf. supra 3.1.2). Outre le fait que la Justice de paix dispose d'un large pouvoir pour désigner un représentant de l'hoirie, il n'apparaît, de manière générale, pas opportun de désigner l'un de ses membres, compte tenu du risque de conflit d'intérêts que cela représente. Il n'est ainsi pas nécessaire que le conflit d'intérêts soit existant, mais uniquement possible. En l'espèce, c'est à raison que la Justice de paix a désigné un tiers avocat à la fonction de représentant de la communauté héréditaire. En effet, comme elle l'a relevé, la succession est complexe, diverses actions judiciaires devant être menées à l'égard de tiers qui invoquent des droits dans la succession et contre lesquels des procédures doivent être menées dans l'intérêt de celle-ci, sans compter d'autres légataires mentionnés sur le testament de la de cujus, qui se sont également manifestés auprès de la Justice de paix. La désignation d'un avocat neutre en qualité de représentant de la succession se justifie d'autant plus que les héritiers de la succession de R______, qui était membre de l'hoirie, n'avaient pas encore été identifiés au moment où la décision a été rendue. Or depuis lors, même si les appelants ne sont pas en conflit, comme ils le soutiennent, ils ne semblent désormais plus les seuls héritiers légaux de la succession de E______, puisque deux autres personnes auraient été identifiées. Ceci justifie d'autant plus la désignation d'un tiers neutre comme représentant de la communauté héréditaire.

C'est ainsi à raison que la Justice de paix a désigné un avocat, qui dispose de toutes les compétences requises, ce que personne ne remet en cause, afin de représenter la communauté héréditaire de feu E______. Les propositions formulées par les appelants de désigner soit Me P______, ancien curateur de la de cujus, soit Me T______, mandaté par ce dernier dans la procédure pénale dirigée contre G______ - pour des motifs essentiellement économiques pour la succession- ne semblent pas opportunes, dès lors que, contrairement à ce que soutiennent les appelants, ces avocats n'ont qu'une connaissance partielle du dossier, les motifs d'économie avancés n'étant par ailleurs pas suffisants pour modifier la décision rendue, ce d'autant que Me D______, désigné sur mesures provisionnelles, a d'ores et déjà débuté sa tâche, qu'il mène dans l'intérêt de la communauté héréditaire, dorénavant élargie.

La décision de la Justice de paix n'est ainsi pas critiquable.

L'appel sera donc rejeté.

4.             Les frais judiciaires seront arrêtés à 500 fr. (art. 26 et 35 RTFMC), mis conjointement et solidairement à la charge de A______ et B______, qui succombent (art. 106 al. 1 CPC), et compensés avec l'avance de frais versée, laquelle demeure acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

5.             Il n'est pas alloué de dépens.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel formé le 13 juillet 2023 par A______ et B______ contre la décision DCJC/319/2023 rendue le 28 juin 2023 par la justice de paix dans la cause C/3321/2020.

Au fond :

Le rejette.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires à 500 fr., les met, conjointement et solidairement, à la charge de A______ et B______ et les compense avec l'avance de frais effectuée, laquelle demeure acquise à l'Etat de Genève.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Jessica QUINODOZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.