Décisions | Chambre des baux et loyers
ACJC/977/2025 du 14.08.2025 sur JTBL/716/2024 ( OBL ) , MODIFIE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/3762/2021 ACJC/977/2025 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre des baux et loyers DU MERCREDI 14 AOÛT 2025 |
Entre
FONDATION A______, ayant son siège ______, appelante et intimée sur appel joint d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 27 juin 2024, représentée par Me Nadia CLERIGO CORREIA, avocate, quai des Bergues 23, 1201 Genève,
et
Monsieur B______ et Madame C______, domiciliés ______, intimés et appelants sur appel joint, représentés par l'ASLOCA, rue du Lac 12, case postale 6150, 1211 Genève 6.
A. Par jugement JTBL/716/2024 du 27 juin 2024, notifié aux parties le 28 juin 2024, le Tribunal des baux et loyers (ci-après : le Tribunal) a, préalablement, refusé "de compléter les preuves". Cela fait, il a ordonné à la FONDATION A______ de procéder, dans un délai de 60 jours "dès réception d'un jugement condamnatoire", à tous les travaux utiles, à ses frais et dans les règles de l'art, pour remédier aux défauts relatifs au problème de température de l'eau dans les robinets (passage abrupt de froid à chaud) et aux odeurs et émanations de vapeur des bouches d'aération sur la terrasse de l'appartement de 5 pièces situé au 9ème étage de l'immeuble sis rue 1______ no. ______ à Genève, loué par C______ et B______ (ch. 1 du dispositif).
Le Tribunal a également accordé à C______ et B______ des réductions de loyer de 10% durant chaque période hivernale, du 1er octobre au 30 avril, dès le 1er octobre 2018 jusqu'au 30 avril 2020 concernant le défaut lié au chauffage, de 5% dès le 18 décembre 2020 et jusqu'à réparation du défaut concernant la variation de la température de l'eau, et de 8% du 9 août 2019 au 15 décembre 2020 et dès le 26 février 2021 jusqu'à la réparation du défaut concernant les mauvaises odeurs et les émanations de vapeur sur la terrasse (ch. 2), validé la consignation de loyer opérée par C______ et B______ sur le compte n° 14L 2021 2______ auprès des Services financiers du Pouvoir judiciaire (ch. 3), ordonné aux Services financiers du Pouvoir judiciaire de libérer les loyers consignés à concurrence des réductions octroyées sous chiffre 2 en faveur de C______ et B______ et à concurrence du solde en faveur de la FONDATION A______ (ch. 4), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5) et dit que la procédure était gratuite (ch. 6).
B. a. Par acte expédié le 30 août 2024 et réceptionné au greffe de la Cour de justice le 2 septembre 2024, la FONDATION A______ a formé appel contre ce jugement, dont elle a sollicité l'annulation des chiffres 1, 3 et 4 du dispositif et l'annulation du chiffre 2 en tant qu'il concernait des réductions de loyers accordées en lien avec la variation de température de l'eau et les mauvaises odeurs et émanations de vapeur sur la terrasse.
b. Par mémoire de réponse du 3 octobre 2024, C______ et B______ ont conclu au rejet de l'appel formé par la FONDATION A______ et à la confirmation du jugement entrepris. Subsidiairement, ils ont conclu à ce que la cause soit renvoyée au Tribunal pour instruction complémentaire, conformément à leurs réquisitions de première instance.
Sur appel joint, ils ont conclu à l'annulation des chiffres 4 et 5 du dispositif du jugement et, cela fait, à ce que leur soient accordées des réductions de loyer de 10% du 9 novembre au 23 décembre 2020 concernant le défaut lié au chauffage, de 5% du 10 décembre au 2018 au 19 août 2021 concernant l'affaissement des dalles de la terrasse et de 5% du 16 septembre 2018 au 16 novembre 2021 concernant le défaut affectant la porte-fenêtre coulissante.
c. Par réplique sur appel principal et réponse à l'appel joint du 5 novembre 2024, la FONDATION A______ a persisté dans ses conclusions sur appel principal et a conclu au déboutement de C______ et B______ de toutes leurs conclusions sur appel joint.
d. Par duplique sur appel principal et réplique sur appel joint du 3 décembre 2024, C______ et B______ ont persisté dans leurs conclusions
e. Par duplique sur appel joint et déterminations spontanées sur l'appel principal du 16 décembre 2024, la FONDATION A______ a persisté dans ses conclusions.
f. Les parties ont été avisés par le greffe de la Cour le 22 janvier 2025 de ce que la cause était gardée à juger.
C. Les éléments suivants résultent de la procédure :
a. La FONDATION A______ (ci-après : La FONDATION) est au bénéfice d'un droit de superficie portant sur la parcelle sur laquelle a été érigé l'immeuble sis rue 1______ no. ______ à Genève.
Le chantier de construction de cet immeuble s'est terminé en août 2018 et les premières locations ont débuté en septembre 2018.
L'immeuble est au bénéfice du label Minergie.
b. Le 3 septembre 2018, C______ et B______, locataires, et la FONDATION, bailleresse, ont conclu un contrat de bail portant sur la location d'un appartement de 5 pièces au 9ème étage de l'immeuble précité.
Le bail a été conclu pour une durée initiale d'un an et trois mois et demi, du 16 septembre 2018 au 31 décembre 2019, renouvelable ensuite tacitement d'année en année, sauf résiliation respectant un préavis de trois mois.
Le loyer a été fixé à 2'054 fr. par mois, hors charges.
L'immeuble a été géré par la régie D______ puis, dès le 1er janvier 2020, par la régie E______.
c. Dès leur entrée dans les locaux, les locataires se sont plaints aux régies de plusieurs problématiques rencontrées dans leur appartement, notamment des odeurs nauséabondes émanant de la terrasse, en particulier les jours chauds (premier bon de la régie le 9 août 2019), ainsi qu'un affaissement des dalles de la terrasse (première plainte le 10 décembre 2018).
Ils se sont également plaints, dès le 8 octobre 2018, de problèmes de températures insuffisantes dans leur logement.
d. Les régies ont émis plusieurs bons de travaux et plusieurs entreprises sont intervenues dans l'appartement des locataires et dans l'immeuble.
e. Le 22 juillet 2020, les locataires ont mis en demeure la bailleresse de régler les différents problèmes d'ici au 31 juillet 2020, sous menace de consignation des loyers.
Ils ont consigné leur loyer dès le mois d'août 2020.
Toutefois, les locataires n'ayant pas introduit la demande en validation de consignation dans les délais, les loyers ont été déconsignés en faveur de la bailleresse.
f. Les entreprises suivantes sont intervenues, après avoir reçu des bons de travaux de la part des régies :
- L'entreprise F______ & Cie SA est intervenue à plusieurs reprises pour régler le chauffage. En décembre 2019, elle a indiqué à la régie que les locataires se plaignaient à juste titre d'une température insuffisante dans leur logement dû à des départs en chaufferie trop bas. Il était ainsi, selon l'entreprise, indispensable d'augmenter les courbes de chauffe. En février 2020, l'entreprise a relevé une température de 17 degrés chez les locataires et effectué quelques réglages. En novembre 2020, elle a relevé des températures normales dans l'appartement des locataires (20 degrés dans la cuisine et 19.5 degrés dans une chambre) et un bon fonctionnement du système.
- Les entreprises G______ SA et H______ SA ont procédé à plusieurs contrôles des mauvaises odeurs dont se plaignaient les locataires sur leur terrasse. Après des recherches complexes, elles ont procédé à une modification technique sur le toit du bâtiment en surélevant une cheminée afin d'éviter que les rejets olfactifs des ventilations sanitaires ne se rabattent sur la terrasse des locataires lors de vents dominants. Cette intervention a eu lieu en fin d'année 2020, entre les 16 octobre et 18 décembre 2020.
- L'entreprise G______ SA a également procédé au contrôle de l'affaissement des dalles sur la terrasse.
g. Le 18 décembre 2020, les locataires se sont plaints à la régie que le sol de leur appartement était très froid, qu'il y avait un problème de température de l'eau qui s'alternait entre chaud et froid et la terrasse était toujours inexploitable.
h. Le 23 décembre 2020, le conseil des locataires est revenu sur les incidents de chauffage récurrents ainsi que sur les autres problématiques non réglées et a mis la bailleresse en demeure de remédier à l'instabilité des dalles de la terrasse et de réparer la porte coulissante du séjour, ce d'ici au 22 janvier 2021, sous menace de consignation des loyers.
i. Le 24 décembre 2020, l'entreprise F______ & Cie SA est à nouveau intervenue dans l'appartement des locataires. Elle a relevé des températures de 21.5 degrés au sol, de 21.4 degrés dans la salle de bains et de 23.2 degrés dans la cuisine. Elle a également constaté que la chaudière fonctionnait et que les consignes de températures étaient aux normes.
j. Le 18 janvier 2021, La FONDATION a répondu que, concernant le chauffage, il était vrai que sa mise en route en 2018 avait présenté quelques difficultés de réglages mais que depuis septembre 2020, aucun dysfonctionnement majeur n'avait été signalé, hormis un léger incident réglé rapidement mi-décembre 2020. Elle a rappelé que le bâtiment était "classé HPE" et que dans ce type d'immeubles, l'Office cantonal de l'énergie (OCEN) préconisait des températures maximales de 19 degrés dans les chambres et 21 degrés dans les pièces à vivre. Elle a proposé de poser un enregistreur de températures pendant 24 heures pour vérifier que les minimas étaient respectés. Concernant les odeurs, après des recherches complexes, une modification technique avait eu lieu sur le toit à fin 2020 pour éviter que les vents dominants n'emportent les rejets olfactifs des ventilations sanitaires sur la terrasse des locataires. Concernant les autres défauts, des bons de travaux avaient été émis pour un menuisier afin de régler la porte coulissante et pour l'entreprise G______ SA afin de vérifier à nouveau la stabilité des dalles de la terrasse.
k. Le 28 janvier 2021, C______ et B______ ont consigné le loyer pour le mois de février 2021 (consignation n° 14L 2021 2______).
l. Le 1er février 2021, les locataires ont informé la régie que la plupart des entreprises mandatées étaient déjà intervenues pour établir des devis sur chacune des problématiques, devis restés sans suites. Dans la mesure où les défauts n'avaient pas été réparés dans le délai imparti, les loyers avaient été consignés. Ils ont également précisé qu'après des réglages du chauffage qui avaient duré deux ans, les températures se situaient plutôt entre 18 et 20 degrés qu'entre 19 et 21 degrés. En outre, depuis la dernière intervention du mois de décembre sur le chauffage, l'eau passait subitement de chaud à froid et inversement.
m. Le 18 février 2021, la régie a pris note de la consignation du loyer, tout en confirmant que tout avait été entrepris pour régler les défauts dont se plaignaient les locataires, dont certains, notamment le chauffage et les odeurs, étaient selon elle réparés.
n. Par requête déposée le 26 février 2021 par-devant la Commission de conciliation en matière de baux et loyers, C______ et B______ ont pris les conclusions suivantes, sur les points encore litigieux en appel :
- Valider la consignation.
- Ordonner à la bailleresse de procéder à tous les travaux utiles, à ses frais et dans les règles de l'art, pour remédier complétement et durablement aux défauts suivants, et ce dans un délai de 30 jours dès réception d'un jugement condamnatoire :
· Problème de chauffage;
· Problème de température de l'eau des robinets (passage abrupt de froid à chaud);
· Odeurs de la terrasse et vapeur des bouches d'aération;
· Réparation de la porte coulissante de la terrasse;
· Affaissement des dalles de la terrasse.
- Dire que l'entier du loyer pourra être consigné jusqu'à complète et parfaite exécution des travaux.
- Octroyer aux locataires une réduction de loyer de 25% dès le 16 septembre 2018 et jusqu'à complète et parfaite exécution des travaux.
- Dire que les loyers seront déconsignés, une fois les travaux effectués, en faveur de la bailleresse, sous déduction de la somme correspondant à la réduction de loyer.
o. Le 16 mars 2021, la régie a informé C______ et B______ que, s'agissant des dalles de la terrasse, l'entreprise G______ SA avait confirmé dans un courriel du 24 février 2021 que celles-ci étaient installées dans les règles de l'art. S'agissant de la porte coulissante, l'entreprise I______ Sàrl avait constaté le 3 mars 2021 que les locataires n'utilisaient pas correctement la baie vitrée. Quant au chauffage, l'entreprise F______ & Cie SA s'était rendue à plusieurs reprises chez les locataires en novembre et décembre 2020, durant les fêtes de fin d'année, et avait constaté que tous les réglages de la chaudière et les températures dans l'appartement étaient aux normes (20 à 23.5 degrés dans la cuisine et le salon, 19.5 degrés dans la chambre et 23.2 degrés dans la salle de bains). La régie indiquait donc que la consignation des loyers n'était plus justifiée.
p. Le 5 mai 2021, C______ et B______ sont revenus sur la réunion qui devait se tenir en présence de toutes les entreprises concernées par les travaux encore nécessaires et ont précisé que les problèmes non résolus concernaient notamment les odeurs sur la terrasse et les vapeurs émanant des tuyaux d'aération, l'affaissement des dalles de la terrasse, la porte coulissante, la température trop basse dans l'appartement et la variation de la température de l'eau. Des pétitions signées par de nombreux habitants de l'immeuble, concernant les problèmes de variation de température de l'eau et de chauffage insuffisant dans les appartements, étaient jointes au courrier.
q. Une réunion a été organisée le 3 juin 2021, en présence de toutes les entreprises et de la régie.
r. A la suite de cette réunion, les entreprises suivantes sont intervenues :
- L'entreprise G______ SA est intervenue le 19 août 2021 et a procédé à la remise à niveau des dalles qui avaient bougé.
- Les entreprises I______ Sàrl et J______ AG sont intervenues sur la porte coulissante, la première ayant tout d'abord indiqué à la régie que le problème y relatif venait de la mauvaise utilisation de la porte par les locataires. La deuxième entreprise a changé le chariot de roulettes, qui était inadapté au poids de la porte, ce qui causait le bruit de claquement dont se plaignaient les locataires, indépendamment de l'utilisation qu'ils en faisaient. Le problème a ainsi été réglé le 16 novembre 2021.
- L'entreprise H______ SA est intervenue à quatre reprises dans l'immeuble en juillet 2021 pour contrôler si des habitants avaient procédé à des installations non conformes sur le réseau d'eau, pouvant causer des problèmes de variation de température. Il ressort du rapport de cette entreprise du 21 septembre 2021 que trois installations non conformes (machines à laver, douchettes) étaient raccordées sur le réseau chez des habitants de l'immeuble et qu'un contrôle était également nécessaire dans les logements auxquels le technicien n'avait pas pu accéder lors de son passage. Selon le rapport, ces installations pouvaient provoquer des variations de températures dans les installations sanitaires, de sorte que leur mise en conformité était préconisée.
s. Non conciliée lors de l'audience de conciliation du 22 septembre 2021, l'affaire a été portée devant le Tribunal le 22 octobre 2021 et les locataires ont persisté dans leurs conclusions.
Par mémoire réponse du 31 janvier 2022, la FONDATION a conclu au déboutement des locataires de leurs conclusions et à la libération des loyers consignés en sa faveur.
Dans des allégués complémentaires déposés le 31 mars 2022, C______ et B______ ont indiqué que la problématique de la variation de température de l'eau et de son débit avait été considérablement améliorée à la suite d'une intervention le 19 novembre 2021. Ils ont également produit de courtes vidéos sur lesquelles l'on peut voir de la vapeur émaner de la cheminée sur la toiture et se diriger vers la terrasse des locataires, entendre le bruit de claquement de la porte coulissante avant sa réparation et constater le peu de pression d'eau chaude sur l'un des robinets.
t. Le Tribunal a procédé à l'interrogatoire des parties (cf. infra let. t.a) et à l'audition de plusieurs témoins ( cf. let. t.b) lors des audiences qui se sont tenues les 8 avril, 2 septembre et 11 novembre 2022, ainsi que 10 février, 2 juin, 4 juillet et 11 octobre 2023.
t.a. B______ a déclaré que le problème des dalles de la terrasse était toujours existant, malgré les différentes interventions, la dernière datant de novembre 2021. Les ouvriers qui s'étaient rendus sur place lui avaient dit que les dalles allaient encore bouger, ce qui était le cas. Dès lors, il ne laissait pas ses enfants accéder à la terrasse. Concernant le chauffage, l'entreprise F______ & Cie SA était intervenue en début d'année 2022 et avait décalé de deux heures l'heure du départ de chauffe. Depuis, tout fonctionnait. Avant ces interventions, il faisait extrêmement froid dans les chambres et de l'air s'infiltrait par les fenêtres. Il avait dû poser des chauffages d'appoint. Concernant les mauvaises odeurs sur la terrasse, assimilables à "des odeurs de toilettes publiques mal entretenues", elles étaient toujours fortement présentes, alors que le problème avait été signalé en été 2019. L'entreprise H______ SA avait déplacé les sorties d'air en été 2021 mais cela n'avait que déplacé le problème. S'agissant de la température de l'eau, elle passait toujours de froid à chaud rapidement, surtout le matin et le soir, rendant les douches des enfants compliquées. Une intervention avait eu lieu dans d'autres allées en novembre 2021 et il avait senti une petite amélioration.
La représentante de la bailleresse a déclaré que la mise en œuvre du bâtiment avait posé quelques problèmes de chauffage, lesquels étaient inhérents à toute nouvelle construction. Les premiers signalements du problème de chauffage avaient été faits en novembre 2018 et la régie avait été instruite de faire le nécessaire. S'agissant des odeurs sur la terrasse, des entreprises étaient intervenues et le problème était lié au concept général énergétique. Une cheminée supplémentaire avait été placée. Concernant les variations de température de l'eau, des installations supplémentaires non réglementaires avaient été découvertes chez certains locataires, ce qui avait "déréglé le système". Le problème était aujourd'hui réglé. Ces problèmes étaient également inhérents aux périodes de chauffage des ballons d'eau chaude. Les locataires habitant au dernier étage, il était normal qu'il y ait de fortes variations de températures car, par hypothèse, plusieurs personnes prenaient une douche en même temps dans l'immeuble. En outre, l'immeuble était labellisé Minergie, de sorte que les m3 de chauffage et les périodes étaient calculés par des ingénieurs surveillés par l'OCEN. S'agissant des dalles de la terrasse, elles avaient été installées dans les règles de l'art et les entreprises avaient été mandatées à chaque fois qu'un problème avait été signalé.
t.b. Le concierge de l'immeuble, K______, a déclaré qu'il habitait à côté des locataires et n'avait pas eu de problème de chauffage. Il s'était rendu deux fois dans leur appartement à la demande de la régie. Il était "monté sur le toit avec l'entreprise lorsqu'il y a[vait] eu les travaux"; il avait constaté des "mauvaises odeurs", "mais pas de problèmes particuliers avec la terrasse". Il n'avait pas été interpellé par d'autres locataires pour ce problème. Il avait, en revanche, eu connaissance de problème de pression et de température d'eau et une entreprise était "passée pour régler le problème".
L______, habitant au 8ème étage, a confirmé le problème de chauffage dès l'entrée dans les locaux, problème qui avait été réglé en janvier 2021. Chez lui, les chambres et les sols étaient froids, jusqu'à 13 degrés, et les températures étaient irrégulières d'une pièce à l'autre. Le problème de variation de température de l'eau était toujours d'actualité et l'eau basculait du chaud à froid abruptement. Il faisait dès lors très attention lors des douches des enfants.
M______, habitant au 3ème étage, a confirmé avoir eu des problèmes de chauffage et d'eau chaude chez lui, problèmes qui étaient toujours d'actualité mais qui étaient aléatoires. Il en avait informé le concierge.
N______, ancien locataire ayant habité l'immeuble au 5ème étage en tant que premier locataire et pour une durée d'environ deux ans, a confirmé les problèmes de chauffage dont il s'était plaint à la régie et qui étaient toujours existants à son départ de l'appartement, ainsi que des problèmes de variation de la température de l'eau.
O______, ami de B______, a déclaré qu'il avait senti de fortes mauvaises odeurs sur la terrasse, quand il y avait du vent. Il sentait ces odeurs à chaque visite.
P______, le responsable technique de l'immeuble d'octobre 2020 à octobre 2022, a déclaré qu'il s'était rendu chez les locataires pour un problème d'odeurs sur la terrasse. Il avait fait procéder à une modification de la ventilation et à une déviation. Il s'était rendu une deuxième fois chez les locataires pour des problèmes de dalles, de fenêtres et d'écoulement de l'évier, seuls points dont il se rappelait sur la longue liste de problèmes soulevés par les locataires. Une entreprise était intervenue sur les dalles et avait précisé que l'installation était aux normes mais qu'il ne fallait pas y faire certaines activités, comme de la trottinette. Concernant l'eau chaude, la distribution était souvent problématique car des branchements privatifs perturbaient le système. La régie avait donc fait un contrôle de ces installations privées ainsi qu'un contrôle des installations de l'immeuble. A sa connaissance, aucun autre habitant ne s'était plaint des problèmes dont se plaignaient les locataires, hormis la pétition qu'il avait reçue.
Q______, employé de H______ SA, a déclaré que lorsqu'il s'était rendu chez les locataires, il n'avait pas senti de mauvaises odeurs sur la terrasse. Il avait procédé à des contrôles concernant le problème de variation de température de l'eau et constaté que les installations (chaufferie, nourrice) étaient en ordre. En revanche, il avait constaté que trois machines à laver non conformes étaient installées dans l'immeuble.
R______, technicien de F______ & Cie SA a déclaré qu'il était intervenu chez les locataires pour un problème de chauffage et qu'il n'avait pas ressenti d'odeurs. Pour lui, le fonctionnement du chauffage était bon.
S______, technicien de G______ SA, a déclaré que l'entreprise avait suivi l'intégralité du chantier. Il arrivait fréquemment que les dalles de la terrasse bougent car le bâtiment se tassait et "tout se mettait en place". Ce genre d'interventions dans les bâtiments neufs était fréquent. Ce problème n'empêchait pas l'utilisation de la terrasse. Il avait informé la régie que si elle souhaitait faire plaisir aux locataires, il était possible de faire une intervention complète sur le dallage, mais que cela n'était pas nécessaire. Il s'était également rendu chez les locataires pour des problèmes de mauvaises odeurs, qu'il n'avait pas senties.
T______, technicien de I______ Sàrl, a déclaré qu'il avait constaté que la locataire poussait énergiquement la porte coulissante, alors qu'il fallait "l'accompagner". La porte grinçait un peu et il l'avait huilée. Lors d'un deuxième rendez-vous sur place, il avait constaté que la porte fonctionnait très bien mais qu'il y avait un "petit clic", dû, selon lui, à la mauvaise manipulation de la porte, sans qu'il n'en soit certain. Pour l'éviter, il fallait changer les roulettes.
U______, employé de J______ SA, a confirmé le problème de claquement de la porte coulissante, qui n'était pas insupportable mais gênant. Il avait changé les charriots, ce qui était nécessaire car il y avait un problème de poids de la porte. Une mauvaise manipulation ne pouvait pas endommager les charriots.
u. Par ordonnance du 14 septembre 2023, le Tribunal a refusé d'ordonner des mesures d'instruction complémentaires, estimant qu'il n'était pas nécessaire d'interpeller les entreprises F______ & Cie SA, H______ SA, G______ SA, I______ Sàrl et J______ AG, afin qu'elles produisent une liste datant toutes leurs interventions et une copie de tous leurs rapports/devis, ni de procéder à une inspection locale, ni d'auditionner une nouvelle fois les locataires, ni encore d'ordonner une expertise, car le Tribunal avait déjà procédé à de nombreuses auditions, notamment celles des techniciens qui étaient intervenus chez les locataires.
v. Dans ses plaidoiries finales du 15 décembre 2023, la FONDATION a persisté dans ses conclusions.
Dans leurs plaidoiries finales du 20 décembre 2023, C______ et B______ ont conclu à la réouverture des enquêtes, sollicitant notamment une inspection locale et la mise en œuvre d'une expertise judiciaire. Ils ont par ailleurs retiré leur conclusion relative aux travaux à entreprendre sur la porte coulissante et persisté dans leur demande pour le surplus.
w. Par réplique spontanée du 12 janvier 2024, la FONDATION a conclu au rejet des conclusions visant la réouverture des enquêtes.
D. Dans le jugement attaqué, le Tribunal a retenu que la bailleresse avait été informée dès le 8 octobre 2018 des problèmes de chauffage affectant l'immeuble. Il n'était pas contesté que la mise en route du chauffage avait créé des problèmes lors de la mise en service du bâtiment et que son réglage optimal avait pris plusieurs années. Dans l'intervalle, les appartements n'avaient pas été suffisamment chauffés, l'entreprise F______ & Cie SA ayant relevé des températures de 17 degrés chez les locataires. B______ avait admis en audience qu'à la suite d'une dernière intervention début 2022, le problème avait enfin été réglé, tandis que le témoin L______ avait déclaré que le chauffage était en ordre depuis janvier 2021. Il ressortait des pièces produites et des enquêtes que les interventions des entreprises et les réglages importants sur le système de chauffage avaient eu lieu jusqu'au début de l'année 2020. Les contrôles effectués dans l'appartement loué en novembre et décembre 2020 avaient confirmé que la température était désormais dans la norme. Mis à part certains réglages ponctuels effectués par la suite, le problème de chauffage dans l'immeuble avait ainsi été réglé début 2020, de sorte que les locataires avaient droit à une réduction de loyer de 10% durant les périodes hivernales 2018/2019 et 2019/2020.
Les locataires s'étaient plaints de variations de la température de l'eau pour la première fois le 18 décembre 2020. Il avait été démontré que le réseau de distribution avait été déréglé par le branchement de machines à laver et d'autres installations non conformes dans plusieurs logements. Il ressortait des enquêtes qu'une intervention avait eu lieu le 19 novembre 2021 et que, depuis lors, aux dires mêmes de B______, la situation s'était grandement améliorée. Toutefois, plusieurs témoins avaient déclaré que la température de l'eau variait encore soudainement de chaud à froid et inversement, ce qui posait problème, notamment lors des douches. En outre, la bailleresse n'avait pas démontré avoir pris des mesures pour pallier la présence d'installations non conformes sur le réseau de distribution. Ce défaut était donc toujours d'actualité et il se justifiait de condamner la bailleresse à entreprendre les travaux nécessaires pour y remédier. Une réduction de loyer de 5% dès le 18 décembre 2020 jusqu'à la réparation du défaut était octroyée aux locataires, ce pourcentage tenant compte du fait que la situation s'était améliorée depuis le 19 novembre 2021.
Il n'était pas contesté que des mauvaises odeurs avaient envahi la terrasse des locataires en raison d'un défaut de conception des cheminées d'extraction des ventilations sanitaires. Le premier bon de la régie y relatif datait du 9 août 2019 et une intervention avait eu lieu au plus tard à mi-décembre 2020. Il ressortait toutefois des vidéos produites par les locataires que des émanations de vapeur persistaient à envahir la terrasse, de sorte que ceux-ci étaient fondés à réclamer de la bailleresse qu'elle procède aux travaux nécessaires pour éliminer ce défaut. Une réduction de loyer de 8% était accordée aux locataires, du 9 août 2019 jusqu'au 15 décembre 2020 (date à laquelle la cheminée d'extraction avait été surélevée), puis dès le 26 février 2021 (date à laquelle les locataires avaient avisé la bailleresse de la résurgence des émanations) jusqu'à la réparation du défaut.
Il ressortait du dossier, en particulier des déclarations du témoin U______, que le chariot de la porte coulissante n'était pas adapté au poids de la porte et que le bruit de claquement était dû à cette inadéquation et non à une mauvaise utilisation par les locataires. Ce défaut avait certes été démontré, mais il ressortait des vidéos versées à la procédure qu'il n'engendrait qu'un léger bruit de claquement lors de la fermeture de la porte (et non un bruit "assourdissant" comme allégué par les locataires). Ce léger bruit ne justifiait pas l'octroi d'une réduction de loyer, étant précisé que la porte avait toujours pu être manipulée malgré le défaut.
Au surplus, il n'était pas contesté que les dalles de la terrasse s'étaient affaissées et qu'elles continueraient à le faire. L'entreprise G______ SA avait toutefois exposé que les dalles avaient été installées dans les règles de l'art, que ce processus était normal dans un immeuble neuf, que des interventions ponctuelles pouvaient avoir lieu pour rehausser certaines dalles et que cet affaissement n'empêchait pas l'utilisation de la terrasse. Il ressortait en outre des photographies produites que l'affaissement était minime et ne constituait pas un danger d'utilisation de la terrasse. L'existence d'un défaut n'ayant pas été démontrée à satisfaction de droit, aucune réduction de loyer ne se justifiait à cet égard.
1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).
Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, les contestations portant sur l'usage d'une chose louée sont de nature pécuniaire (arrêt du Tribunal fédéral 4A_388/2016 du 15 mars 2017 consid. 1).
La valeur litigieuse est déterminée par les dernières conclusions de première instance (art. 91 al. 1 CPC; Jeandin, Code de procédure civile commenté, Bâle, 2019, n. 13 ad art. 308 CPC; arrêt du Tribunal fédéral 4A_594/2012 du 28 février 2013).
1.2 En l'espèce, au vu des conclusions en réduction de loyer et en exécution de travaux formulées par les locataires en première instance, la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr., de sorte que la voie de l'appel est ouverte.
1.3 L'appel a été interjeté dans le délai et suivant la forme prescrits par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 CPC). Il est dès lors recevable à la forme.
1.4 L'appel joint a été également interjeté dans le délai et suivant la forme prescrits par la loi (art. 313 CPC). Il est dès lors recevable à la forme.
Par souci de clarté, la FONDATION A______ sera désignée ci-après comme l'appelante et les locataires comme les intimés.
1.5 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit ; en particulier, le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).
1.6 Les litiges portant sur des baux à loyer d'habitation sont soumis, en ce qui concerne la consignation du loyer, aux règles de la procédure simplifiée (art. 243 al. 2 let. c CPC). Les faits sont établis d'office et la maxime inquisitoire sociale s'applique (art. 247 al. 2 let. a CPC).
2. L'appelante reproche au Tribunal d'avoir admis l'existence de deux défauts affectant la chose louée, à savoir (i) des variations de température de l'eau sanitaire ainsi que (ii) des mauvaises odeurs et des émanations de vapeur sur la terrasse de l'appartement loué. Elle lui reproche également d'avoir octroyé des réductions de loyer aux intimés, alors que ces défauts n'auraient, selon elle, pas été prouvés à satisfaction de droit. Elle soutient par ailleurs avoir déjà procédé aux travaux nécessaires pour remédier aux défauts invoqués par les intimés, de sorte qu'aucune intervention supplémentaire ne pourrait raisonnablement être exigée d'elle.
De leur côté, les intimés font grief au Tribunal d'avoir procédé à une mauvaise appréciation des preuves s'agissant des défauts allégués en lien avec (iii) le chauffage insuffisant de l'appartement, (iv) le dysfonctionnement de la porte-fenêtre coulissante et (v) l'affaissement des dalles de la terrasse. Ils lui reprochent également d'avoir refusé de leur octroyer des réductions de loyer à ce titre, respectivement de leur avoir octroyé des réductions insuffisantes.
2.1 Chaque partie doit, si la loi ne prescrit pas le contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit (art. 8 CC). Un fait n'est établi que si le juge en est convaincu (arrêts du Tribunal fédéral 4A_491/2008 du 4 février 2009 consid. 3; 5C_63/2002 du 13 mai 2002 consid. 2). Le tribunal établit sa conviction par une libre appréciation des preuves administrées (art. 157 CPC). Ce faisant, le tribunal décide d'après sa conviction subjective personnelle si les faits se sont produits ou non, c'est-à-dire s'ils sont prouvés ou non (HOHL, Procédure civile, Tome I, 2016, n. 1905). Le juge forge sa conviction sur la base de sa seule appréciation de toutes les preuves qui auront été réunies au cours de la phase probatoire (ATF 132 III 109 consid. 2; JEANDIN, L'administration des preuves, in Le Code de procédure civile, aspects choisis, 2011, p. 93).
L'appréciation des preuves par le juge consiste, en tenant compte du degré de la preuve exigé, à soupeser le résultat des différents moyens de preuves administrés et à décider s'il est intimement convaincu que le fait s'est produit, et partant, s'il peut le retenir comme prouvé (arrêt du Tribunal fédéral 5A_812/2015 du 6 septembre 2015 consid. 5.2).
2.2 La preuve est considérée comme apportée lorsque le juge est convaincu de la réalité d'une allégation. Il doit être convaincu, d'un point de vue objectif, de l'existence du fait concerné. Cette existence ne doit cependant pas être établie avec certitude; il suffit que d'éventuels doutent apparaissent insignifiants
(ATF 128 III 271). Lorsqu'une preuve stricte n'est pas seulement impossible à apporter dans un cas particulier, mais est exclue ou n'est raisonnablement pas exigible en raison de la nature même de l'affaire, en particulier si les faits allégués par la partie qui supporte le fardeau de la preuve ne peuvent être établis qu'indirectement par des indices, le juge peut se fonder sur la vraisemblance prépondérante (ATF 130 III 321).
2.3 L'art. 256 al. 1 CO dispose que le bailleur est tenu de délivrer la chose à la date convenue, dans un état approprié à l'usage pour lequel elle a été louée.
Conformément aux art. 259a et 259d CO, lorsqu'apparaissent des défauts qui ne sont pas imputables au locataire et auxquels il ne doit pas remédier à ses frais, ou lorsque le locataire est empêché d'user de la chose conformément au contrat, il peut exiger du bailleur, notamment, la remise en état de la chose et une réduction proportionnelle du loyer, pour autant que le bailleur ait eu connaissance du défaut.
Le défaut de la chose louée est une notion relative. Son existence dépendra des circonstances du cas particulier. Il convient de prendre en compte notamment la destination de l'objet loué, l'âge et le type de la construction, ainsi que le montant du loyer (arrêts du Tribunal fédéral 4A_395/2017 du 11 octobre 2018 consid. 5.2; 4A_281/2009 du 31 juillet 2009 consid. 3.2).
D'autres facteurs tels que le lieu de situation de l'immeuble, l'âge du bâtiment, les normes usuelles de qualité, les règles de droit public ainsi que les usages courants doivent être pris en considération, de même que le critère du mode d'utilisation habituel des choses du même genre, à l'époque de la conclusion du contrat (Lachat, Le bail à loyer, Lausanne 2019, p. 259-260).
Pour le calcul de la réduction du loyer, le juge procède en principe selon la méthode dite « proportionnelle ». Il compare l'usage de la chose louée, affectée de défauts, avec son usage conforme au contrat, exempt de défauts. En d'autres termes, il s'agit de réduire le loyer dans un pourcentage identique à la réduction effective de l'usage des locaux, de rétablir l'équilibre des prestations des parties (ATF 130 III 504 consid. 4.1; 126 III 388 consid. 11c; Lachat, op. cit., p. 315).
Ce calcul proportionnel n'étant pas toujours aisé, il est admis qu'une appréciation en équité, par référence à l'expérience générale de la vie, au bon sens et à la casuistique, n'est pas contraire au droit fédéral (ATF 130 III 504 consid. 4.1).
La réduction du loyer se calcule sur le loyer net, sans les frais accessoires (LACHAT, op. cit., p. 316).
2.4 Le locataire qui entend se prévaloir des art. 258 ss CO doit prouver l'existence du défaut (LACHAT, op. cit., p. 303).
Dans l'action en réduction de loyer, les faits pertinents en matière de défauts doivent en principe être prouvés de manière stricte (JEANDIN, La preuve en droit du bail - Loyers, défauts et résiliation de baux d'habitations et de locaux commerciaux à l'aune des questions probatoires, 2022, n. 1131 et 1183).
Le locataire devra alléguer les faits dont découle le caractère défectueux de l'objet loué de la manière la plus précise que possible (arrêt du Tribunal fédéral 4A_565/2009 du 21 janvier 2010 consid. 3.4.3; JEANDIN, op. cit., n. 1106 et 1169).
En revanche, l'art. 8 CC ne prescrit pas quelles sont les mesures probatoires qui doivent être ordonnées (ATF 127 III 519 consid. 2a), ni ne dicte au juge comment forger sa conviction (ATF 128 III 22 consid. 2d ; 127 III 248, consid. 3a;
127 III 519, consid. 2a). Il n'exclut ni l'appréciation anticipée des preuves ni la preuve par indices (ATF 129 III 18, consid. 2.6; 127 III 520, consid. 2a;
126 III 315, consid. 4a). La restriction de l'usage causée par le défaut sera le plus souvent prouvée par titre ou par témoignage (JEANDIN, op. cit., n. 1187).
La pratique reconnaît au juge un large pouvoir d'appréciation dans la détermination de la quotité de réduction du loyer (Lachat, op. cit., p. 316).
La Cour de justice a consenti aux réductions de loyers suivantes, en lien avec des problèmes de variations de température de l'eau sanitaire : 10% pour une pression d'eau froide insuffisante (ACJC/381/2007 du 2 avril 2007 consid. 3.2); 15% pour l'absence d'eau chaude aux heures où elle est le plus utile, pour la fourniture parcimonieuse, ou livrée après plusieurs minutes d'écoulement, ou encore en cas de variation subite de la température et ce durant trois ans (ACJC/142/2007 du 5 février 2007 consid. 3.4); 3% pour de brusques variation de température de l'eau dans la douche pendant des années (ACJC/183/2010 du 15 février 2020 consid. 3.1).
S'agissant de nuisances liées à des mauvaises odeurs, la Cour a retenu les réduction suivantes : 5% pour des odeurs de cuisine, principalement aux heures des repas, dans un appartement situé dans un immeuble comprenant plusieurs logements, construit avec un standing minimum et dont le loyer était faible (ACJC/555/2010 du 17 mai 2020 consid. 4.4); 5% pour des mauvaises odeurs (acides, cuisines et poubelles) dans plusieurs pièces d'un logement (ACJC/100/2019 du 24 janvier 2019 consid. 4.2); 10% pour des odeurs d'égouts incommodant les clients d'un restaurant, la constance des nuisances n'étant toutefois pas établie (ACJC/193/2000 du 13 mars 2000); 10% pour des nuisances olfactives dues à un système de ventilation non conforme aux exigences légales (ACJC/624/2006 du 12 juin 2006.)
2.5 L'appelante fait tout d'abord grief au Tribunal d'avoir admis l'existence d'un défaut de la chose louée en lien avec des variations de température de l'eau sanitaire (passage abrupt du froid au chaud). Elle lui reproche d'avoir retenu que ce défaut était avéré sur la base des "seuls dires subjectifs" des intimés et des témoins L______ et M______, sans tenir compte de l'avis des professionnels mandatés par la régie. Elle reproche en particulier au Tribunal de ne pas avoir tenu compte du rapport de l'entreprise H______ SA du 21 septembre 2021, attestant, selon elle, de l'absence de tout défaut à la suite de quatre visites sur place effectuées en juillet 2021, rapport dont le contenu aurait été confirmé par le témoin Q______. Ce faisant, les premiers juges auraient "choisi d'accorder plus de crédit à des avis fondés sur des impressions subjectives plutôt qu'à ceux d'une société connue et reconnue de la branche".
Ce moyen tombe à faux. Le Tribunal a retenu, avec raison, qu'il avait été démontré lors des enquêtes (interrogatoire des parties, déclarations des témoins L______, M______, P______ et Q______) que le réseau de distribution de l'eau sanitaire avait été déréglé en raison du branchement "sauvage" de machines à laver et d'autres installations non conformes dans plusieurs appartements de l'immeuble et que ce dérèglement perdurait. Contrairement à ce que soutient l'appelante, le rapport de l'entreprise H______ SA du 21 septembre 2021 n'atteste pas de l'absence de tout défaut. A l'inverse, ce rapport constate que trois installations non conformes (machines à laver, douchettes) étaient raccordées au réseau chez des habitants de l'immeuble, tout en précisant qu'un contrôle était également nécessaire dans les logements auxquels le technicien n'avait pas pu accéder lors de son passage; il souligne par ailleurs que "ces installations [pouvaient] provoquer des variations de températures dans les installations sanitaires", de sorte que leur mise en conformité était préconisée. Ainsi, le Tribunal a considéré à juste titre que l'appelante n'avait pas démontré que, à la suite de ce constat, des mesures auraient été prises pour éviter de telles variations de température.
Pour ce défaut, les premiers juges ont octroyé aux intimés une réduction de loyer de 5% dès le 18 décembre 2020 jusqu'à son élimination, en précisant que ce pourcentage tenait compte du fait que les intimés avaient admis que la situation s'était améliorée depuis le 19 novembre 2021.
L'appelante soutient que les installations sanitaires de l'appartement auraient toujours été utilisables et que le rapport de H______ SA attesterait du fait que le réseau de distribution d'eau chaude était aux normes et que, dès lors, aucune intervention ne pourrait être exigée d'elle pour remédier au défaut.
Or, comme on vient de le voir, il est établi que des installations non conformes sont toujours présentes chez d'autres habitants de l'immeuble et qu'elles peuvent être la cause des variations de température de l'eau sanitaire dans l'appartement des intimés. Le fait que les pièces d'eau aient toujours été utilisables, ce qui n'est pas contesté par les intimés, ne change rien à ce qui précède.
En conséquence, c'est à bon droit que le Tribunal a condamné la bailleresse à procéder aux travaux nécessaires pour remédier à ce défaut, d'une part, et qu'il a octroyé une réduction de loyer aux intimés à ce titre, dont l'appelante ne remet pas en cause la quotité, d'autre part.
Le jugement attaqué sera dès lors confirmé sur ces points.
2.6 S'agissant des mauvaises odeurs et des émanations de vapeur sur la terrasse, l'existence de ce défaut a été démontrée à satisfaction de droit pour la période du 9 août 2019 au 15 décembre 2020, ainsi que l'a retenu le Tribunal, les témoins O______ et K______ ayant confirmé avoir constaté des mauvaises odeurs sur la terrasse à cette époque-là – étant précisé que le témoin K______ a déclaré être "monté sur le toit avec l'entreprise lorsqu'il y a[vait] eu les travaux" et avoir constaté les odeurs à cette occasion. De plus, après des "recherches complexes", les entreprises G______ SA et H______ SA ont procédé à la surélévation de la cheminée, dans le but d'éviter que les rejets olfactifs des ventilations sanitaires ne se rabattent sur la terrasse des locataires. Ainsi, la première réduction de loyer accordée du 9 août 2019 (date du premier bon de la régie pour remédier au défaut) au 15 décembre 2020 (date de la surélévation de la cheminée) doit être confirmée.
En revanche, s'agissant de la réduction de loyer accordée dès le 26 février 2021 (date d'avis des locataires concernant la résurgence des émanations), les premiers juges ont fondé leur décision sur la base de deux courtes vidéos, dont on ignore dans quelles circonstances elles ont été filmées. Or, ces deux vidéos montrent de la vapeur qui est ramenée par le vent sur la terrasse des locataires, mais ne sont pas propres à démontrer une quelconque odeur. Il en va de même des dires à ce propos du seul témoin O______, ami des locataires.
Ainsi, au vu des principes jurisprudentiels rappelés ci-avant, la preuve que ce défaut aurait subsisté après le 15 décembre 2020 n'a pas été rapportée à satisfaction de droit, en dépit des nombreux actes d'instruction diligentés par le Tribunal qui a procédé, notamment, à l'audition d'une douzaine de témoins parmi lesquels les différents techniciens qui sont intervenus dans l'appartement litigieux. Il sera encore relevé qu'à la lumière des éléments probants d'ores et déjà recueillis par les premiers juges, un renvoi de la cause à ces derniers pour complément d'instruction, tel requis par les intimés, ne serait pas de nature à modifier la conviction acquise par la Cour sur ce point.
Ce second grief de l'appelante est partiellement fondé. Les chiffres 1 et 2 du jugement entrepris seront par conséquent réformés en ce qui concerne la réduction de loyer accordée aux intimés dès le 26 février 2021 et la condamnation de l'appelante à procéder aux travaux utiles (cf. infra consid. 2.10).
2.7 S'agissant du chauffage de l'appartement, le Tribunal a retenu qu'il ressortait des pièces produites et des enquêtes que des réglages importants du chauffage avaient eu lieu jusqu'au début de l'année 2020 et qu'à partir de ce moment, les divers contrôles effectués dans l'appartement des locataires avaient tous démontré que la température dans le logement était conforme aux normes.
Cette appréciation des faits ne prête pas le flanc à la critique.
En effet, il a été démontré qu'en novembre 2020, après une dernière intervention en février 2020, l'entreprise F______ & Cie SA avait relevé des températures normales dans l'appartement des locataires et un bon fonctionnement du système. Par la suite, le 24 décembre 2020, l'entreprise F______ & Cie SA était à nouveau intervenue dans l'appartement des locataires, à la suite de leur nouvelle plainte. Elle avait relevé des températures de 21.5 degrés au sol, de 21.4 degrés dans la salle de bains et de 23.2 degrés dans la cuisine. Elle avait également constaté que la chaudière fonctionnait et que les consignes de températures étaient aux normes.
Partant, c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu que les problèmes de chauffage dans l'appartement avaient été résolus depuis le début de l'année 2020.
Ce grief des intimés sera par conséquent rejeté et le jugement entrepris confirmé sur ce point.
2.8 Concernant la porte coulissante, le Tribunal a retenu qu'il ne ressortait des vidéos produites par les intimés qu'un léger bruit de claquement lors de la fermeture de ladite porte et que ce bruit ne justifiait pas l'octroi d'une réduction de loyers, la porte ayant toujours pu être manipulée malgré le fait que le chariot était inadapté au poids de ladite porte.
La Cour fait siennes ces constatations. Les allégations non prouvées des locataires selon lesquelles ils auraient renoncé à l'usage de cette porte coulissante ne sont pas propres à remettre en question le jugement entrepris, qui sera confirmé sur ce point.
2.9 Finalement, les premiers juges ont retenu qu'il n'était pas contesté que les dalles de la terrasse s'étaient affaissées et continueraient à le faire, mais qu'il avait été démontré lors des enquêtes que lesdites dalles étaient correctement installées, dans les règles de l'art, que le processus d'affaissement était normal dans un immeuble neuf, que des interventions ponctuelles pouvaient avoir lieu et que cet affaissement, dont les photographies produites montraient qu'il était minime et ne constituait aucun danger, n'empêchait pas l'utilisation de la terrasse.
S'il est exact que la première plainte des locataires à ce propos date du 10 (et non du 18) décembre 2018, ce point de détail ne remet pas en cause l'appréciation du Tribunal, que la Cour fait sienne. Les pièces produites et les déclarations du témoin S______ ont démontré que cette installation avait été posée dans les règles de l'art et que les mouvements constatés, normaux et minimes, n'engendraient aucune restriction d'utilisation.
Le dernier grief des intimés sera par conséquent également rejeté.
2.10 Au vu de ce qui précède, le chiffre 2 du dispositif du jugement entrepris sera partiellement annulé en ce qui concerne la réduction de loyer de 8% octroyée aux intimés dès le 26 février 2021 pour le défaut lié aux mauvaises odeurs et aux émanations de vapeur sur la terrasse de l'appartement.
Cela implique également l'annulation partielle du chiffre 1 du dispositif du jugement attaqué, en ce qu'il condamne la bailleresse à procéder aux travaux nécessaires pour remédier à ces odeurs et émanations sur la terrasse.
Le jugement attaqué sera confirmé pour le surplus.
3. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers, étant rappelé que l'art. 116 al. 1 CPC autorise les cantons à prévoir des dispenses de frais dans d'autres litiges que ceux visés à l'art. 114 CPC (ATF 139 III 182 consid. 2.6).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :
A la forme :
Déclare recevable l'appel interjeté le 30 août 2024 par la FONDATION A______ contre le jugement JTBL/716/2024 rendu le 27 juin 2024 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/3762/2021.
Déclare recevable l'appel joint interjeté le 3 octobre 2024 par C______ et B______ contre ce même jugement.
Au fond :
Annule partiellement le chiffre 1 du dispositif de ce jugement, en ce qu'il condamne la FONDATION A______ à procéder aux travaux nécessaires pour remédier aux odeurs et émanations sur la terrasse de l'appartement loué par C______ et B______.
Annule partiellement le chiffre 2 du dispositif de ce jugement, en ce qu'il octroie une réduction de loyer de 8% dès le 26 février 2021 concernant le défaut lié aux mauvaises odeurs et aux émanations de vapeur sur la terrasse de l'appartement loué par C______ et B______.
Confirme ce jugement pour le surplus.
Dit que la procédure est gratuite.
Déboute les parties de toutes autres conclusions.
Siégeant :
Madame Nathalie RAPP, présidente; Madame Pauline ERARD et Madame
Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Monsieur Jean-Philippe ANTHONIOZ et Monsieur Jean-Philippe FERRERO, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF ; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr. cf. consid. 1.2