Décisions | Chambre des baux et loyers
ACJC/435/2025 du 18.03.2025 sur JTBL/651/2024 ( OBL ) , CONFIRME
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE c/24709/2021 ACJC/435/2025 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre des baux et loyers DU MARDI 18 MARS 2025 |
Entre
A______, p. a. B______ [régie immobilière], ______ [GE], appelante contre un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 13 juin 2024, représenté par
Me Karin GROBET-THORENS, avocate, rue Verdaine 13, case postale, 1211 Genève 3,
et
Monsieur C______, domicilié ______ [GE], Monsieur D______, domicilié ______, Canada, intimés, représentés par l’ASLOCA, rue du Lac 12, 1207 Genève.
A. Par jugement JTBL/651/2024, communiqué aux parties par pli du 18 juin 2024, le Tribunal des baux et loyers a annulé le congé signifié le 16 novembre 2021 pour le 30 juin 2022 à C______ et D______ par A______ concernant l’appartement de cinq pièces et une chambrette au troisième étage de l’immeuble sis avenue 1______ no. ______ à Genève (ch. 1 du dispositif), a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 2) et a dit que la procédure était gratuite (ch. 3).
En substance, le Tribunal a retenu que C______ bénéficiait de la protection de l’art. 271a al. 1 let. f CO et d’un intérêt digne de protection pour contester la validité du congé. Il a annulé le congé du fait qu’il ne pouvait pas juger si les travaux envisagés par A______ nécessitaient le départ de C______, cette dernière n’ayant pas détaillé ceux-ci.
B. a. Par acte expédié le 20 août 2024 au greffe de la Cour de justice, A______ (ci-après également : la bailleresse) forme appel contre ce jugement, dont elle sollicite l’annulation. Cela fait, elle conclut à l’irrecevabilité de la demande de C______ et D______ si mieux n’aime à son rejet, à la validité du congé notifié le 16 novembre 2021, au refus d’une prolongation de bail et à l’évacuation de ceux-ci.
b. C______ et D______ concluent au rejet de l’appel et à la confirmation du jugement entrepris.
c. Par réplique du 25 novembre 2024, duplique du 20 décembre 2024, déterminations spontanées des 8 et 14 janvier 2025, les parties ont persisté dans leurs conclusions. Elles ont été avisées le 6 février 2025 par le greffe de la Cour de ce que la cause était gardée à juger.
C. Il résulte du dossier les faits pertinents suivants :
a. E______, locataire, a pris à bail de A______, bailleresse, un appartement de cinq pièces et une chambrette au troisième étage de l’immeuble sis avenue 1______ no. ______ à Genève.
b. Le contrat a été conclu le 1er octobre 1970 pour une durée initiale de deux ans et neuf mois, du 1er octobre 1970 au 30 juin 1973, renouvelable ensuite tacitement de trois mois en trois mois sauf résiliation respectant un préavis de trois mois.
c. Le loyer annuel a été fixé par le contrat à 5'300 fr. puis à 5'800 fr. dès le 1er juillet 1971 et à 6'300 fr. à partir du 1er juillet 1972.
d. L’appartement était déjà précédemment loué depuis 1952 par H______, le mari de E______.
e. C______ et D______ sont les deux fils de E______.
f. En janvier 2020, les vitrages de tous les appartements de l’immeuble ont été remplacés par du double vitrage.
Par courriel du 30 janvier 2020, le menuisier en charge de ces travaux a indiqué à la régie gérant l’immeuble qu’il avait expliqué à E______ le processus d’ouverture et fermeture des nouvelles fenêtres, avec l’aide de la voisine, mais il n’était pas certain qu’elle avait compris, raison pour laquelle il souhaitait joindre son petit-fils ou sa fille.
g. E______ est allée vivre dans la Résidence F______, EMS situé à la rue 2______ no. ______ à G______ [GE], du 3 juin au ______ août 2021.
Elle y est décédée le ______ 2021, en laissant pour héritiers ses deux fils, C______, dont l’adresse figurant sur le certificat d’héritiers est l’avenue 1______ no. ______, et D______.
h. C______ a été marié à I______, lesquels habitaient dans le logement conjugal situé au chemin 3______ no. ______ à J______ [GE], dont ils sont copropriétaires.
Par jugement JTPI/18832/2018 du 28 novembre 2018, le Tribunal de première instance a prononcé la séparation de corps de C______ et I______, sans attribuer la jouissance du domicile conjugal. Le nom de C______ est toujours indiqué sur la boîte aux lettres du logement sis au chemin 3______.
i. A teneur du certificat de domicile pour confédérés du 2 janvier 2020, C______ est domicilié chez sa mère, à la rue 1______ no. ______ à Genève.
j. Le nom mentionné sur la plaquette de la porte palière de l’appartement situé aux K______ [GE] est celui de « H______ ». Une étiquette a été collée sur la sonnette avec le nom « E______ et C______ ». L’indication « M. et Mme H______ » apparaît sur la plaquette de la boîte aux lettres.
k. Par avis officiel du 16 novembre 2021, la régie a résilié le bail pour le 30 juin 2022.
l. Le 24 novembre 2021, C______ a demandé le motif de la résiliation du bail de l’appartement qu’occupait sa mère.
m. Par requête du 13 décembre 2021, déclarée non conciliée à l’audience de la Commission de conciliation en matière de baux et loyers du 31 janvier 2022, puis portée devant le Tribunal le 2 mars 2022, C______ et D______ ont conclu, principalement, à l’annulation du congé et, subsidiairement, à l’octroi d’une prolongation de bail de quatre ans et à la possibilité de résilier le bail moyennant un préavis de 15 jours pour le 15 ou la fin d’un mois pendant la prolongation.
Ils ont allégué que C______ vivait dans l’appartement depuis sa séparation d’avec son épouse en 2018 et qu’il percevait des rentes annuelles AVS de 32'504 fr. et LPP de 49'403 fr., produisant une attestation de l’OCAS de janvier 2022 envoyée à l’adresse 1______ no. ______ et un certificat de rente du 17 janvier 2022 adressé au chemin 3______ no. ______.
n. Par mémoire de réponse du 25 mai 2022, la bailleresse a conclu, sur demande principale, à ce que le Tribunal déclare irrecevable la demande et valable le congé et refuse une prolongation de bail et, sur demande reconventionnelle, à la condamnation de C______ et D______ à évacuer l’appartement.
Elle a soutenu que C______ ne vivait pas dans l’appartement, lequel était occupé par la mère de celui-ci, seule. Elle a exposé que ce dernier, occupé par la famille [de] H______ depuis 1952, n’avait pas été remis en état aux standards actuels, notamment la cuisine et les sanitaires, qui devaient être remis au goût du jour. Une rénovation importante de l’appartement était ainsi envisagée, incompatible avec la présence d’un locataire.
o. A l’audience devant le Tribunal le 6 octobre 2022, C______ et D______ ont conclu à l’irrecevabilité de la demande reconventionnelle et, subsidiairement, au déboutement de la bailleresse de ses conclusions.
Ils ont contesté que la bailleresse avait un projet concret et élaboré de travaux avant l’envoi du congé et que les travaux projetés nécessitaient le départ de C______. Ils ont précisé que, le cas échéant, ce dernier pouvait aller vivre ailleurs le temps des travaux.
p. Lors de l’inspection locale du 8 décembre 2022, le Tribunal a constaté qu’une partie des sols de l’appartement était recouverte soit de linoleum, soit de moquette, empêchant le constat de l’état des sols d’origine en carrelage et en parquet dans certaines pièces. Les sols apparents, notamment les parquets, étaient en bon état. Les peintures de l’appartement étaient défraîchies et s’écaillaient par endroits et des fissures étaient apparentes à plusieurs endroits sur les plafonds. Le lavabo du WC était endommagé et ancien et l’ensemble du système électrique était ancien et devait être révisé.
q. Entendu par le Tribunal, C______ a expliqué qu’il habitait avec sa défunte mère dans l’appartement en question où il était né, depuis sa séparation en novembre 2018 d’avec I______. Il avait mal vécu cette séparation, passant par des épisodes d’addictions et de dépression, dont certains avaient nécessité son hospitalisation. Il payait la moitié du loyer et n’avait effectué le changement d’adresse qu’en janvier 2020 à cause des bouleversements vécus. Son courrier arrivait tant à l’adresse de l’appartement des K______, vu que le nom de sa mère figurait sur la boîte aux lettres, tant à l’adresse de l’ancien domicile conjugal, courrier qu’il récupérait lorsqu’il allait voir ses enfants, une à deux fois par semaine. Il n’avait pas jugé utile d’apposer son nom sur la boîte aux lettres aux K______ car son nom de famille y apparaissait déjà et il avait toujours reçu son courrier sans problème. Sa défunte mère avait intégré l’EMS situé à G______. Lors de travaux relatifs aux vitrages, il avait vu deux ouvriers enlever et apporter les vitres.
Le témoin L______, ami de C______ depuis 20 ans, a déclaré que celui-ci était allé vivre chez sa mère après sa séparation. Il avait été invité à plusieurs occasions dans l’appartement des K______, notamment pour y manger, avant le décès de feu E______, le repas étant parfois préparé par cette dernière, parfois par son ami. Concernant la boîte aux lettres, il s’agissait d’un détail selon lui, expliquant que sa propre épouse l’avait quitté il y avait 12 ans et que son nom figurait toujours sur sa boîte aux lettres.
Les enfants de C______, M______ et N______, entendus en qualité de témoins, ont déclaré qu’à la séparation de leurs parents, ils étaient restés vivre dans la maison familiale avec leur mère, alors que leur père était allé habiter chez leur grand-mère, tout en venant régulièrement les voir, à raison de deux ou trois fois par semaine. Leur père n’avait pas déménagé d’un coup mais avait progressivement pris ses affaires personnelles tout en laissant les meubles du fait que l’appartement de leur grand-mère était déjà meublé. Leur père n’avait pas envisagé de chercher un autre logement car leur grand-mère était malade et avait besoin d’aide. Concernant le nom sur la boîte aux lettres, cette question ne leur avait jamais semblé importante avant cette procédure car cela ne causait aucun problème de réception des courriers pour leur père.
Le témoin O______, physiothérapeute ayant suivi feu E______ du 24 septembre 2019 au 23 mars 2021, a déclaré qu’elle s’était rendue dans l’appartement concerné pour prodiguer des soins à E______ deux fois par semaine et que C______, qu’elle suivait également, était à chaque fois présent, sauf durant deux périodes pendant lesquelles il avait été hospitalisé. Il habitait selon elle dans l’appartement et y avait une chambre, ce que feu E______ lui avait dit. Il lui arrivait d’arriver en avance ou en retard aux rendez-vous et C______ était toujours présent.
Le témoin P______, médecin de C______ depuis le 18 avril 2019, a déclaré que son patient lui avait dit habiter avec sa mère dans l’appartement de son enfance depuis sa séparation. Celui-ci avait été hospitalisé aux HUG du 30 septembre au 11 octobre 2019, à Q______ [VS] en octobre-novembre 2019, aux HUG à nouveau à une date qu’elle ne connaissait pas, puis encore à Q______ du 29 juin au 30 juillet 2020.
Le témoin R______, concierge de l’immeuble depuis 17 ans, a déclaré qu’elle connaissait C______ depuis janvier ou février 2022. Elle l’avait rencontré dans le couloir et il était venu se présenter. Elle n’habitait pas l’immeuble mais s’occupait de son entretien et de quatre autres immeubles dans le quartier. Elle passait tous les jours dans tous les immeubles à tour de rôle, le matin et le soir, pour nettoyer, sauf le mercredi soir et le samedi. Elle passait environ une heure à chaque visite dans l’immeuble concerné et elle nettoyait les zones communes à tous les étages, vidait les containers, vérifiait les lumières et relevait le courrier pour une locataire du quatrième étage. Elle venait dans l’immeuble concerné généralement entre 7h30 et 8h30 et à partir de 20h. Elle connaissait feu E______ et avait souvent vu une personne de l’IMAD venant tous les jours lui apporter les repas. Elle n’avait jamais vu des membres de sa famille lui rendre visite. Selon elle, E______ habitait seule et elle lui avait dit qu’elle allait voir son fils qui avait une petite villa, ce avant qu’elle ne tombe malade.
Le témoin S______, habitante de l’immeuble depuis 1997, a déclaré qu’elle connaissait C______ depuis 2014 et qu’elle l’avait vu depuis que feu E______ était tombée malade, environ trois ans avant son décès. Elle ne le voyait toutefois pas souvent lorsque ce dernier venait rendre visite à sa mère. L’IMAD s’occupait de feu E______ et venait deux à trois fois par jour lui apporter les repas. Elle n’avait jamais vu personne venir lui rendre visite, sauf à quelques rares occasions. Lorsque les fenêtres avaient été changées, selon elle en février 2021, elle avait aidé feu E______ à organiser les travaux. Pour elle, à cette époque, elle habitait seule. Elle savait en revanche que C______ habitait l’appartement depuis le décès de sa mère.
Le témoin T______, fils de l’administratrice de la propriétaire habitant l’immeuble, a déclaré qu’il connaissait feu E______ à qui il avait rendu quelques petits services, mais n’avait jamais vu C______ ni d’autres membres de sa famille lui rendre visite. Il quittait son appartement à 8h30 et y revenait vers 15h puis repartait entre 17h30 et 22h30/23h.
A l’audience devant le Tribunal du 2 novembre 2023, U______ a été entendu comme témoin. Il a indiqué qu’il ne se rappelait pas qui il avait vu lors des travaux dans l’appartement litigieux. Puis, les parties ont procédé aux plaidoiries finales en persistant dans leurs conclusions, à la suite de quoi la cause a été gardée à juger.
1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).
Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, les contestations portant sur l'usage d'une chose louée sont de nature pécuniaire (arrêt du Tribunal fédéral 4A_388/2016 du 15 mars 2017 consid. 1).
La valeur litigieuse est déterminée par les dernières conclusions de première instance (art. 91 al. 1 CPC ; JEANDIN, Commentaire Romand, Code de procédure civile 2ème éd., 2019, n. 13 ad art. 308 CPC; arrêt du Tribunal fédéral 4A_594/2012 du 28 février 2013).
Dans une contestation portant sur la validité d'une résiliation de bail, la valeur litigieuse est égale au loyer de la période minimum pendant laquelle le contrat subsiste nécessairement si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle un nouveau congé peut être donné ou l'a effectivement été. Lorsque le bail bénéficie de la protection contre les congés des art. 271 ss CO, il convient, sauf exceptions, de prendre en considération la période de protection de trois ans dès la fin de la procédure judiciaire qui est prévue par l'art. 271a al. 1 let. e CO (ATF 137 III 389 consid. 1.1; 136 III 196 consid. 1.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_388/2016 du 15 mars 2017 consid. 1).
1.2 En l'espèce, le loyer annuel des locaux loués figurant à la procédure et fixé en dernier lieu par le contrat, s’élève à 6'300 fr.
En prenant en compte la durée de protection de trois ans et le montant de ce loyer, la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (6'300 fr. x 3 ans = 18'900 fr.).
La voie de l’appel est ainsi ouverte.
1.3 Selon l’art. 311 CPC, l’appel, écrit et motivé, est introduit auprès de l’instance d’appel dans les 30 jours à compter de la notification de la décision, laquelle doit être jointe au dossier d’appel.
L'appel a été interjeté dans le délai et suivant la forme prescrits par la loi (art. 130, 131, 145 al. 1 let. b et 311 al. 1 CPC). Il est ainsi recevable.
1.4 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC; Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., 2010, n. 2314 et 2416; Rétornaz in : Procédure civile suisse, Les grands thèmes pour les praticiens, Neuchâtel, 2010, p. 349 ss, n. 121).
1.5 L’appelante a formé un certain nombre de critiques contre l’état de fait établi par le Tribunal. Celui-ci a été complété pour tenir compte de tous les éléments pertinents pour l’issue du litige.
2. L’appelante fait griefs aux premiers juges d’avoir constaté inexactement les faits, mal apprécié les preuves et violé l’art. 8 CC, en retenant que C______ habitait avec sa mère avant le décès de celle-ci.
2.1 Chaque partie doit, si la loi ne prescrit pas le contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit (art. 8 CC). Un fait n'est établi que si le juge en est convaincu (arrêts du Tribunal fédéral 4A_491/2008 du 4 février 2009 consid. 3; 5C_63/2002 du 13 mai 2002 consid. 2). Le tribunal établit sa conviction par une libre appréciation des preuves administrées (art. 157 CPC). Ce faisant, le tribunal décide d'après sa conviction subjective personnelle si les faits se sont produits ou non, c'est-à-dire s'ils sont prouvés ou non (HOHL, Procédure civile, Tome I, 2001, n. 1105). Le juge forge sa conviction sur la base de sa seule appréciation de toutes les preuves qui auront été réunies au cours de la phase probatoire (ATF 132 III 109 consid. 2; JEANDIN, L'administration des preuves, in Le Code de procédure civile, aspects choisis, 2011, p. 93).
L'appréciation des preuves par le juge consiste, en tenant compte du degré de la preuve exigé, à soupeser le résultat des différents moyens de preuves administrés et à décider s'il est intimement convaincu que le fait s'est produit, et partant, s'il peut le retenir comme prouvé (arrêt du Tribunal fédéral 5A_812/2015 du 6 septembre 2015 consid. 5.2).
Selon la jurisprudence, il n'y a violation du principe de la libre appréciation des preuves que si le juge dénie d'emblée toute force probante à un moyen de preuve ou s'il retient un fait contre son intime conviction; en revanche, une appréciation des preuves fausse, voire arbitraire, ne viole pas le principe de la libre appréciation des preuves (arrêts du Tribunal fédéral 4A_607/2015 du 4 juillet 2016 consid. 3.2.2.2; 4A_165/2009 du 15 juin 2009 consid. 5; ATF 143 III 297 consid. 9.3.2 p. 333).
2.2 En l’espèce, les premiers juges ont considéré à juste titre que C______ habitait avec sa mère avant le décès de celle-ci.
Les enfants de l’intimé, l’ami d’enfance de celui-ci et la thérapeute ayant suivi feu E______ ont en effet tous confirmé qu’il était allé habiter chez sa défunte mère suite à sa séparation avec I______. Tant l’ami que la thérapeute ont confirmé l’avoir vu dans l’appartement souvent lorsque sa mère avait des rendez-vous de physiothérapie ou lors de repas organisés dans l’appartement.
Le Tribunal a retenu à raison que le fait que C______ était encore copropriétaire de la villa au chemin 3______ avec son nom figurant toujours sur la boîte aux lettres, ne démontrait pas qu’il continuait à y habiter. La séparation a fait l’objet d’un jugement, ce qui n’est pas contesté par les parties, et la procédure a établi que C______ a mal vécu celle-ci, qui a nécessité son hospitalisation à plusieurs reprises. Il est ainsi peu probable qu’il ait continué à habiter avec I______ après leur séparation et aucun élément figurant au dossier ne peut laisser penser qu’il vivait à une autre adresse que celle des K______.
Contrairement à ce que soutient l’appelante, le contenu du courriel du 30 janvier 2020 de U______ permet pas de déduire que feu E______ vivait seule dans son appartement au moment du remplacement des vitrages. D’ailleurs, celui-ci a déclaré au Tribunal qu’il ne se rappelait plus qui était présent dans l’appartement litigieux lors de son intervention.
Les témoignages de la concierge et des voisins ne suffisent pas à démontrer que C______ n’habitait pas avec sa défunte mère avant le décès de celle-ci.
Par ailleurs, la témoin S______ a déclaré avoir vu C______ depuis que feu E______ était tombée malade environ trois ans avant son décès, ce qui corrobore les allégations de ce dernier selon lesquelles il était allé habiter chez sa mère en novembre 2018 consécutivement à sa séparation.
Le certificat de domicile pour confédérés confirme quant à lui que C______ était domicilié à l’avenue 1______ no. ______ à Genève, certes après sa séparation mais à tout le moins à partir du 2 janvier 2020, soit avant le départ de feu E______ de son appartement le 3 juin 2021.
Le fait que le certificat de salaire du 17 janvier 2022 établi par la V______ mentionne l’adresse de C______ comme étant à la chemin 3______ no. ______ à J______, n’est pas déterminant. En effet, les parties ne contestent pas que celui-ci habite dans l’appartement concerné à tout le moins depuis le décès de sa mère.
Contrairement à ce que soutient l’appelante, les déclarations de S______ ne sont pas décisives au vu de l’ensemble des autres éléments figurant à la procédure. Le fait qu’elle ne voyait pas souvent l’intimé ne veut pas dire qu’il n’habitait pas sur place. Il en est de même des témoignages de R______ et de T______, notamment au vu de leurs horaires particuliers et de leurs liens avec l’appelante.
Aucun élément du dossier ne permet de retenir que les témoignages des enfants de C______ et de son ami de longue date seraient inexacts en raison de leurs liens. Les proches de l’intimé sont au contraire les mieux placés pour connaître sa situation personnelle. Le Tribunal n’a ainsi pas constaté inexactement les faits, ni mal apprécié les preuves et il n’a pas violé non plus l’art. 8 CC, en retenant que C______ habitait avec sa mère avant le décès de celle-ci.
Partant, ces griefs de l’appelante seront rejetés.
3. L’appelante fait griefs aux premiers juges d’avoir violé l’art. 59 al. 1 CPC ainsi que le principe de l’interdiction de l’abus de droit.
3.1 Selon l’art. 59 al. 1 CPC, le tribunal n’entre en matière que sur les demandes et les requêtes qui satisfont aux conditions de recevabilité de l’action. Le demandeur ou le requérant doit notamment avoir un intérêt digne de protection (art. 59 al. 2 let. a CPC).
3.2 Le congé est annulable lorsqu'il contrevient aux règles de la bonne foi (art. 271 al. 1 CO). Pour que le congé soit annulable, il n'est pas nécessaire que l'attitude de la partie qui résilie puisse être qualifiée d'abus manifeste de droit au sens de l'art. 2 al. 2 CC.
3.3 Selon l’art. 271a al. 1 let. f CO, le congé d'un bail d'habitation est notamment annulable lorsqu'il est signifié par le bailleur au locataire en raison de changements dans la situation familiale de celui-ci, sans que ces changements n'entraînent d'inconvénients majeurs pour celui-là. En cas de décès du locataire, cette protection contre le congé est conférée aux membres de sa famille qui habitaient avec lui et qui lui succèdent dans la relation contractuelle (CONOD, in Droit du bail à loyer et à ferme, BOHNET et al., éd., 2017, n° 54 ad art. 271a CO; BURKHALTER et al., Le droit suisse du bail à loyer, 2011, nos 62 à 64 ad art. 271a CO). Dans le cas d'un enfant adulte succédant au locataire décédé, le bénéfice de cette protection est donc réservé à une personne habitant le logement à titre principal, et refusé à celle qui ne séjournait que de manière intermittente avec le défunt (arrêt du Tribunal fédéral 4A_34/2017 du 18 avril 2017 consid. 5).
3.4 En l’espèce, les premiers juges ont considéré à raison que C______ disposait d’un intérêt digne de protection pour s’opposer au congé, du fait qu’il habitait avec sa mère avant le décès de celle-ci, à savoir depuis sa séparation avec son épouse.
L’appelante soutient que même s’il fallait retenir que C______ habitait avec sa mère avant le décès de celle-ci, l’intensité et la durée de cette cohabitation n’a pas été suffisante pour que celui-ci puisse bénéficier d’un intérêt digne de protection lui permettant de s’opposer au congé.
Selon elle, C______ ne faisait pas un véritable ménage commun avec sa mère et la cohabitation entre eux n’avait pas été assez longue, de sorte qu’il abusait de son droit en contestant le congé.
Le raisonnement de l’appelante ne saurait être suivi. Il est en effet établi que C______ est allé habiter chez sa mère au moment de sa séparation en novembre 2018. Aucun élément figurant au dossier ne permet de soutenir qu’il serait resté au domicile conjugal, ni qu’il aurait habité à une autre adresse que celle de sa mère.
Les périodes d’hospitalisation de C______, même si les dates exactes ne sont pas toutes connues, ne sont pas suffisantes pour l’empêcher de se prévaloir d’un intérêt digne de protection à contester le congé. Il ne saurait non plus être déduit de ces périodes que celui-ci n’aurait séjourné que de manière intermittente chez sa mère, étant précisé que ces périodes d’hospitalisation étaient indépendantes de sa volonté. Enfin, la procédure a établi que si C______ est allé habiter chez sa mère, c’est parce qu’il s’était séparé de son épouse et que sa mère avait besoin de son aide au vu de son état de santé.
Partant, les premiers juges n’ayant pas violé l’art. 59 al. 1 CPC, ni le principe de l’interdiction de l’abus de droit, les griefs de l’appelante seront rejetés et le jugement sera confirmé dans son intégralité.
4. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers.
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :
A la forme :
Déclare recevable l’appel interjeté le 20 août 2024 par A______ contre le jugement rendu le 13 juin 2024 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/24709/2021-17-OSB.
Au fond :
Confirme ce jugement.
Dit que la procédure est gratuite.
Déboute les parties de toutes autres conclusions.
Siégeant :
Monsieur Ivo BUETTI, président; Madame Pauline ERARD et Madame
Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Monsieur Jean-Philippe ANTHONIOZ et Monsieur Nicolas DAUDIN, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.