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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2480/2024

ATAS/571/2025 du 24.07.2025 ( LCA ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2480/2024 ATAS/571/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 24 juillet 2025

Chambre 3

 

En la cause

A______

représenté par Me Raphaël ROUX, avocat

 

demandeur

 

contre

GROUPE MUTUEL ASSURANCE GMA SA

défenderesse

 


EN FAIT

 

A. a. A______ (ci-après : l'assuré), domicilié en France et de nationalité française, était employé depuis 2011 de la société B______, sise à Genève, comme plaquiste. Il était assuré dans ce cadre par un contrat collectif de perte de gain auprès de GROUPE MUTUEL ASSURANCE GMA SA (ci-après : l'assureur ou l'assurance).

b. L'assuré, souffrant de dépression et de trouble anxieux, a été en incapacité de travail pour cause de maladie du 17 mars au 29 juin 2023, puis du 7 juillet au 31 octobre 2023.

c. À la demande de l'assureur, l'assuré a été examiné par le docteur C______, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, qui, dans un rapport du 17 août 2023, a conclu à un épisode dépressif d'intensité modérée sans symptômes somatiques ou psychotiques et attaques de panique au décours d'un trouble dépressif entraînant une totale incapacité de travail. Selon le médecin, les limitations fonctionnelles étaient significatives dans certains domaines, parfois sévères pour l'exercice du métier de l’assuré. L'expert préconisait un nouveau traitement médicamenteux et estimait que l'assuré pourrait reprendre son travail à plein temps quatre semaines après la mise en place dudit traitement.

d. Se basant sur les conclusions de l'expert, l'assureur, par courrier du 6 septembre 2023, a informé l'assuré qu'il mettrait un terme au versement de ses prestations le 31 octobre 2023 au plus tard.

e. Le 1er novembre 2023, le jour de sa reprise d'emploi, l'assuré a reçu un avertissement de son employeur en raison de manquements qui lui étaient reprochés sur deux chantiers différents.

f. L'assuré a été à nouveau en arrêt de travail à compter du 9 novembre 2023, à 100% selon les certificats médicaux du docteur D______, médecin traitant, et ce, jusqu'au 13 mai 2024.

g. Informé de cette rechute, le médecin-conseil de l'assureur, dans un bref avis du 10 novembre 2023, a estimé que les faits amenés par le Dr D______, dans un certificat médical du 8 novembre 2023 (diagnostic d'état dépressif réactionnel invalidant et incapacité totale de travail du 17 mars au 31 octobre 2023 et, dès le 3 novembre 2023, pour un mois) étaient suffisants pour admettre une rechute et la prolongation de l'incapacité de travail. Cela étant, le médecin-conseil a noté que les recommandations de l'expert ne semblaient pas avoir été suivies, l'assuré continuant de prendre le même antidépresseur qu'auparavant, malgré les effets secondaires constatés. Il préconisait un complément d'expertise.

h. Le Dr C______, interpellé par l'assureur, a noté que les seuls éléments médicaux objectivables étaient l'absence de prise en compte de ses recommandations thérapeutiques, l'assuré ayant continué à prendre un traitement dont l'efficacité et la tolérance étaient médiocres. Dans ces conditions, l'aggravation de son état était donc inéluctable et hautement vraisemblable. La reprise du travail s'avérait délicate. L'expert préconisait une fois encore un changement de traitement et suggérait, dans le cas contraire, une limitation des prestations. En revanche, l'atteinte à la santé lui paraissait indiscutable et ouvrait droit à des prestations (avis du 10 décembre 2023).

i. L'assuré en a été informé par l'assureur par courrier du 12 décembre 2023. À cette occasion, son obligation de diminuer le dommage lui a été rappelée, en lui précisant qu'à défaut, les prestations pourraient lui être refusées.

j. Entre les mois d'avril et mai 2024, l'assureur a tenté d'obtenir des renseignements médicaux du Dr D______.

k. Le 30 avril 2024, l'assuré a informé son employeur qu'il tenterait une nouvelle fois de reprendre le travail le 14 mai 2024.

l. À son retour en entreprise, l'assuré a été immédiatement convoqué par son employeur qui l'a informé qu'il l'avait fait suivre par un détective privé, lequel avait constaté qu'il avait travaillé pour une autre entreprise. L'employeur considérait qu'il y avait dès lors eu rupture du lien de confiance justifiant un licenciement avec effet immédiat, lequel a été dûment signifié à l'assuré.

m. Informée de la situation par l'employeur, l'assurance a cessé le versement des indemnités journalières le même jour, soit le 14 mai 2024.

n. Le docteur E______, médecin généraliste à F______ et nouveau médecin traitant de l'assuré, a émis un certificat d'arrêt total de travail du 14 mai au 14 juin 2024, lequel a été transmis le 15 mai 2024 à l'assureur.

o. Dans un rapport du 7 juin 2024, le Dr E______ a posé le diagnostic de trouble anxio-dépressif présent depuis mars 2023. L'assuré se plaignait de troubles de l'humeur, d'anxiété majorée et de troubles du sommeil. L'incapacité de travail était totale depuis mars 2023, y compris à une nouvelle place de travail, et durerait encore plusieurs mois. Un traitement par venlafaxine, notamment, avait été instauré en septembre 2023.

p. Par courrier du 2 juillet 2024, l'assureur a informé l'assuré qu'il avait été observé, en dates des 19, 22 et 26 avril 2024, en habits de travail, sur un chantier autre que celui de son ex-employeur, alors même que, durant cette période, il avait continué à fournir à l'assureur des certificats médicaux d'incapacité de travail à 100%. L'assureur a indiqué à l'assuré qu'il résiliait la couverture d'assurance avec effet au 17 mars 2023 et qu'il avait l'intention de lui réclamer le montant des prestations qu'il estimait lui avoir versées à tort, pour un total de CHF 70'996.25.

q. Le 3 juillet 2024, le Dr E______ a attesté que l'assuré l'avait consulté le même jour pour un syndrome dépressif grave (avec deux tentatives de suicide durant l'année écoulée) et des troubles du sommeil. Il ajoutait : « Les conseils médicaux de sortir trouver une occupation afin d'éviter le repli anxieux ont été suivi par le patient, qui est allé aider son beau-frère. Malheureusement, cela lui aurait porté préjudice vis-à-vis de son employeur » (sic). Son protocole de soins annexé du même jour fait état d'un syndrome anxio-dépressif grave avec deux tentatives de suicide (F32.2) présent depuis le 1er mars 2023.

r. Le 8 juillet 2024, l'assuré, par le biais de son épouse, a reconnu avoir accompagné son beau-frère sur un chantier, mais allégué que c'était seulement à des fins thérapeutiques, pour se sortir de son isolement, induit par un état dépressif sévère avec tendances suicidaires.

s. Le 9 juillet 2024, G______, psychologue clinicienne, a attesté que l'assuré avait été reçu en consultation à trois reprises à la suite de difficultés professionnelles remontant à juin 2023, car il rencontrait des conditions professionnelles frustrantes qui l'avaient conduit à un état de stress permanent. Depuis, les relations avec son employeur n'avaient cessé de s'envenimer et, le dialogue étant difficile, l'assuré avait continué à se déprécier, ce qui avait déclenché un état dépressif avéré.

t. Le 15 juillet 2024, l'épouse de l'assuré a communiqué à l'assurance une attestation écrite de H______, son frère, exposant qu'après avoir surpris son beau-frère avec une corde dans son garage, il lui avait proposé de l'accompagner sur le chantier de la maison qu'il était en train de bâtir. Au début, l'assuré l'accompagnait seulement pour rester avec lui, discuter, boire des cafés et déjeuner, mais, petit à petit, il avait eu besoin de bouger et de se sentir utile. Il l'avait laissé faire comme bon lui semblait et, étant dans le bâtiment, l'assuré avait bricolé, avec l'accord préalable de son médecin. Il venait comme il le sentait et restait le temps qu'il pouvait, le but étant qu'il se sente mieux.

u. Par courrier du 15 juillet 2024, l'assureur a confirmé sa position.

B. a. Le 23 juillet 2024, l'assuré a saisi la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice d'une action en paiement à l'encontre de l'assureur, formulant préalablement des conclusions provisionnelles. Sur le fond, il sollicite, sous suite de frais et dépens, que la défenderesse soit condamnée à lui verser le montant de CHF 19'687.30 à titre de solde d'indemnités journalières versées depuis le 17 mars 2023 avec intérêts à 5% dès le 14 octobre 2023 et que les indemnités journalières continuent à lui être versées au-delà du 14 mai 2024, pour un montant de CHF 13'474.20 avec intérêts à 5% dès cette dernière date. Il requiert en outre le versement d'une indemnité de CHF 8'000.- à titre de tort moral.

En substance, le demandeur allègue que, s'il a accompagné son beau-frère sur des chantiers, c'était juste pour une aide ponctuelle, à titre de « mesure thérapeutique », afin de sortir de son isolement. Cela lui avait été conseillé par un professionnel de la santé, ce dont il a apporté la preuve.

Il souligne que la décision de l'assureur de stopper l'octroi d'indemnités journalières l'a plongé dans une situation de précarité financière, ainsi que dans une profonde dépression et l'a remis dans l'incapacité totale de travailler. Cela étant, il a néanmoins pu obtenir de l'assurance-invalidité une mesure professionnelle de quelques heures par mois à compter du 15 juillet 2024, qui lui a permis de bénéficier d'indemnités journalières dès cette date.

Quant au fond, le demandeur fait valoir que l'atteinte à sa santé et son incapacité de travail ont été confirmées par l'expert psychiatre mandaté par l'assureur lui-même. Il reproche à ce dernier d'avoir cessé le versement des prestations sans aucun avis médical, sur la base des seuls « soupçons découlant d'observations illicites et inexploitables » faites par son employeur.

Il explique qu'il ne dispose d'aucun revenu, ni fortune, qu'il a dû contracter des dettes, ce qui lui cause un préjudice difficilement réparable. En tout état de cause, il fait valoir que l'assureur aurait dû continuer à lui verser des indemnités journalières au moins jusqu'à la communication de sa « décision ». Il argue que son intérêt à préserver sa santé mentale et à subvenir aux besoins de sa famille l'emporte sur l'intérêt économique de l'assurance.

b. Par écriture du 4 septembre 2024, le demandeur a produit un extrait de ses comptes bancaires ayant pour objectif de documenter la précarité de sa situation. Il a, pour le surplus, fait grief à la défenderesse de persister à lui adresser des demandes de remboursement, malgré la procédure en cours.

c. Invitée à se déterminer, la défenderesse, dans sa réponse du 10 septembre 2024, a conclu au rejet de la demande et a déposé une demande reconventionnelle en remboursement du montant de CHF 70'996.25 + intérêts à 5%. Elle demande au surplus que soit constatée la « témérité du recours » (sic).

d. En outre, par écriture du 12 septembre 2024, la défenderesse a conclu au rejet de la demande en mesures provisionnelles.

e. Par arrêt incident du 19 septembre 2024 (ATAS/709/2024), la Cour de céans a rejeté la requête de mesures provisionnelles et réservé la suite de la procédure.

f. Par mémoire de réplique du 11 octobre 2024, le demandeur a persisté dans ses conclusions et exposé avoir débuté une mesure d'entraînement progressif de l'assurance-invalidité depuis le 15 juillet 2024, à un taux de 20%. Il a en outre produit plusieurs documents :

-          certificats délivrés par le Dr E______ attestant d'un arrêt total de travail du 14 mai au 30 août 2024 et du 27 septembre au 30 octobre 2024 ;

-          certificat délivré par la docteure I______, médecin généraliste remplaçante du Dr E______, attestant d'un arrêt total de travail du 30 août au 27 septembre 2024 ;

-          certificat du 4 septembre 2024 de la Dre I______, mentionnant un état dépressif grave, avec humeur dépressive quotidienne, handicapante dans tous les aspects de sa vie ;

-          certificat du Dr E______ du 2 octobre 2024 précisant qu'un arrêt de travail à temps complet a débuté le 17 mars 2023.

g. Le 23 octobre 2024, la défenderesse a persisté dans ses conclusions.

h. Le 14 novembre 2024, la Cour de céans a tenu une audience.

Dans le cadre des débats d'instruction, le demandeur a modifié ses conclusions et amplifié le solde des indemnités journalières réclamées depuis le 17 mars 2023, ainsi que le montant de celles réclamées à compter du 14 mai 2024.

Il a également produit un certificat d'arrêt total de travail du Dr E______ pour la période du 30 octobre au 29 novembre 2024, une lettre de la centrale de compensation attestant qu’il reçoit une indemnité journalière de l'assurance-invalidité de CHF 167.20 par jour, une communication de l'assurance-invalidité étendant la mesure de réinsertion professionnelle du 4 novembre 2024 au 6 avril 2025, avec un passage à un taux de 30% prévu en décembre 2024, et un certificat de travail de la Fondation J______ qui l’a employé en tant que serveur depuis le 16 juillet 2024 (il y est qualifié de personne volontaire et proactive, qui souffre régulièrement de crises d'angoisse et a besoin de s'isoler, étant précisé que, quand les crises sont trop fortes, il n'est plus en mesure de travailler ; il est indiqué que le stage s’est bien passé grâce à son tempérament agréable, malgré une grande détresse psychologique, une fatigue extrême et le manque de confiance en lui).

La défenderesse a produit pour sa part un rapport d'enquête de l'agence K______ du 3 mai 2024 portant sur la surveillance dont l'assuré a été l'objet du 19 au 30 avril 2024.

Les parties ont au surplus fait valoir leurs réquisitions de preuve.

Le demandeur a déclaré son intention d'agir en justice contre son ancien employeur. Il a expliqué avoir tenté de reprendre le travail en juillet 2023, sans succès à cause d'insomnies, ainsi qu'en novembre 2023, mais avoir alors immédiatement reçu un avertissement futile de son employeur, qu'il a très mal pris et à la suite duquel il a fait une tentative de suicide. Il a refait une nouvelle tentative en mars 2024, déjouée par son beau-frère, qui lui a alors proposé de l'accompagner sur le chantier de sa maison pour se changer les idées et avoir un semblant de vie normale. Son médecin l'a aussi encouragé en ce sens. Il passait de temps en temps, lorsqu'il se sentait suffisamment bien, simplement pour voir du monde et discuter avec des personnes de sa branche, tournait en rond sur place et donnait quelques coups de mains. Même s'il n'avait aucune obligation d'être présent, il voulait retrouver un semblant de vie normale et s'imposait donc des horaires, ce qui explique qu'il ait été sur le chantier de 7h30 à 17h. Constatant que cette occupation lui faisait du bien, il a proposé à son employeur, fin avril 2024, de reprendre le travail.

La défenderesse a relevé qu'elle n’intervient que de manière subsidiaire à l'assurance-invalidité selon ses conditions générales, de sorte que si elle devait, par impossible, être condamnée à verser des prestations au-delà du 14 mai 2024, il conviendrait de tenir compte des indemnités journalières versées par cette assurance.

i. Le 18 décembre 2024, la défenderesse a renoncé à l'audition de son médecin-conseil, le docteur L______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, et sollicité qu'il soit interrogé par écrit. Elle a également produit les questions qu'elle lui avait adressées, ainsi que les réponses de l’intéressé du 17 décembre 2024 (selon le médecin, l'incapacité de travail entre le 17 mars et le 31 octobre 2023 était hautement vraisemblable, la prolongation jusqu'à fin octobre 2023 apparaissant plausible à titre de réajustement du traitement et de préparation à la reprise de travail ; en ce qui concernait la période d'avril 2024 durant laquelle le demandeur avait été observé, le Dr L______ jugeait que le matériel d'observation ne permettait pas d'être convaincu, au moment de celle-ci et dans les semaines précédentes, de l'existence de limitations fonctionnelles massives avec impact sur la capacité de travail dans la profession habituellement exercée ; l'incapacité de travail n'était donc pas hautement vraisemblable ; depuis le 19 avril 2024 au moins, le demandeur disposait d'une capacité de travail ; la période du 9 novembre 2023 à mars 2024 était plus difficile à évaluer, faute d'informations précises ; au moment de la tentative de suicide ayant suivi l'avertissement de l'employeur, l'incapacité de travail était hautement vraisemblable, mais il n'y avait pas d'intensification de la prise en charge, ce qui aurait théoriquement été le cas si la situation psychiatrique s'était aggravée de manière durable, au-delà de l'épisode aigu de réaction au facteur de stress ; au vu des déclarations de la famille indiquant que le demandeur avait envie de bouger et de se rendre utile et compte tenu de la modification du traitement médicamenteux en novembre 2023, une amélioration progressive était probablement survenue fin 2023-début 2024).

j. Le 16 janvier 2025, la Cour de céans a procédé à l’audition de témoins.

H______, beau-frère du demandeur, a déclaré avoir effectivement été témoin d'une tentative de suicide de l’assuré, au printemps 2024, qu'il a interprétée comme un appel au secours. Étant très proche du demandeur, vu leur amitié d'enfance, il s'était assuré de passer plus de temps avec lui, sans le formuler formellement, et s'était donc fait accompagner par l’assuré tout au long de la journée, de manière très régulière, sur le chantier de sa maison, à son dépôt ou à son magasin de déstockage. Le demandeur avait travaillé sur le chantier en posant du contre-plaqué. Le témoin avait ainsi profité de sa présence et de ses conseils, le but n'étant toutefois pas que l’assuré travaille, mais qu’il passe du temps avec lui. L’objectif était de le faire sortir de chez lui, penser à autre chose, l'empêcher de broyer du noir à la maison et l'amener à s'ouvrir et à parler. Le témoin étant très occupé professionnellement, la seule façon d'y arriver était que le demandeur l'accompagne. Il disposait de son plaquiste et de son maçon, et n'avait pas besoin du demandeur, mais, celui-ci étant présent, il avait bricolé. L’assuré n'avait pas reçu de rémunération pour son aide. Le témoin savait que son beau-frère était en arrêt de travail.

M______, ex-employeur du demandeur, a expliqué avoir fait appel à un détective, car des ouvriers lui avaient dit avoir vu l’assuré travailler sur un chantier. Il soupçonnait son employé de se livrer à du travail au noir, s'était rendu sur place, mais n'avait rien constaté et avait alors fait appel à une agence, l'assurance lui ayant indiqué qu'elle ne faisait pas de vérifications. Le rapport d'observation confirmait le travail sur un chantier. Il avait reçu le demandeur la veille de sa reprise d'emploi. Ses arguments ne lui ayant pas paru cohérents, la décision avait été prise de le licencier avec effet immédiat, vu la rupture du lien de confiance. Une audience devant la juridiction des Prud'hommes était prévue. Avant les faits, le demandeur avait fait l'objet d'avertissements, le 1er novembre 2023, au sujet de défauts constatés sur deux chantiers ; à son souvenir, il s'agissait du seul avertissement de cet ordre. Le demandeur n'était à l'époque pas sur la sellette.

N______, épouse du demandeur, a déclaré que son mari et elle-même n'avaient pas compris la raison du licenciement survenu en mai 2024. Elle avait contacté l'employeur et l'assurance. Le premier s'était montré bizarrement compréhensif et la seconde lui avait dit qu'elle continuerait de prester, malgré le licenciement. Les problèmes financiers étaient une chose, mais tout ce qui importait était l'état de son mari, qui avait fait deux tentatives de suicide et qu'elle n'avait jamais vu ainsi après 22 ans de mariage. Il était difficile pour lui de supporter cette situation, car il était le pilier de la famille et subvenait à tous ses besoins. Après la tentative de suicide, elle avait accompagné son mari chez son médecin, à qui elle avait expliqué qu’ayant quatre enfants à charge, elle ne pouvait rester constamment avec lui à la maison. Elle avait évoqué le fait que son frère construisait une maison. Tant le médecin que la psychologue avaient donné leur accord pour que son mari donne un coup de main avant de reprendre son travail, pour évaluer la situation. Le 30 avril, son mari se sentait mieux, raison pour laquelle il envisageait de reprendre le travail deux semaines plus tard.

k. En réponse aux questions des parties, le Dr L______ a mentionné, dans un rapport du 27 janvier 2025, qu'il ne s'était pas prononcé sur le dossier avant sa prise de position du 17 décembre 2024, qu'il n'avait pas eu de contact avec le demandeur ou ses médecins traitants et que la reprise de travail du 14 mai 2024 ne semblait pas incohérente, compte tenu de la modification du traitement en novembre 2023, le délai étant largement suffisant pour qu'une amélioration clinique ait eu lieu et que l'on se trouve en phase d'entretien, voire de prévention des rechutes. Une perspective de reprise de travail en mai 2024 tendait en outre à confirmer l'évolution positive entretemps.

l. Le 3 février 2025, le demandeur a produit des pièces complémentaires, soit des certificats d'arrêt de travail à 100% délivrés par le Dr E______ couvrant les périodes du 3 décembre 2024 au 6 janvier 2025 et du 9 janvier au 21 février 2025, deux attestations de ce médecin des 9 janvier et 28 janvier 2025, mentionnant que le demandeur présentait depuis début janvier une importante anxiété réactionnelle causée par certaines échéances à venir, l'empêchant de se présenter au travail, respectivement qu'il le suivait à sa consultation depuis le 15 mai 2024, son précédent généraliste, le Dr D______, ayant pris sa retraite. Depuis qu'il le suivait, il avait uniquement ajouté un médicament pour aider à la gestion d'attaques de panique plus fréquentes. La fatigabilité de l’assuré restait importante et il souffrait régulièrement de troubles de la concentration et du sommeil. Il présentait aussi une baisse de l'élan vital, en lien avec sa pathologie et les traitements pris. Le demandeur a également remis une attestation du Dr D______ du 26 février 2024 relevant que le changement thérapeutique proposé par l'expert avait eu lieu, mais n’avait induit aucune amélioration.

m. Les 26 février 2025 et 14 mars 2025, les parties ont déposé leurs plaidoiries finales.

Le demandeur a amplifié ses conclusions et sollicité, sous suite de frais et dépens, que la défenderesse soit condamnée à lui verser le montant de CHF 31'018.40 à titre de solde pour les indemnités journalières versées depuis le 17 mars 2023, avec intérêts à 5% dès le 14 octobre 2023, ainsi que le montant de CHF 73'623.60 à titre d'indemnités journalières pour maladie à compter du 14 mai 2024 et jusqu'au terme de son droit aux prestations, avec intérêts à 5% dès le 14 mai 2024. Il a par ailleurs maintenu sa conclusion en indemnisation pour tort moral.

La défenderesse a persisté dans ses conclusions.

n. Sur demande de la Cour de céans, la défenderesse a produit, le 23 juin 2025, le contrat-cadre et les conditions générales applicables, ainsi que les décomptes d'indemnités journalières versées au demandeur, en précisant que certaines pièces produites antérieurement relevaient d'une erreur.

o. Les autres faits seront repris – en tant que de besoin – dans la partie « en droit » du présent arrêt.

EN DROIT

 

1.              

1.1 La compétence de la Cour de céans pour l'action déposée par le demandeur a préalablement été examinée dans l'arrêt incident du 19 octobre 2024 (ATAS/709/2024). Il suffit de s'y référer.

1.2 S'agissant de la demande reconventionnelle de la défenderesse contre le demandeur, l'art. 12 § 2 de la Convention concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale du 16 septembre 1988 (Convention de Lugano, CL - RS 0.275.11), applicable du fait que le demandeur est domicilié en France, prévoit que l'assureur peut introduire une demande reconventionnelle devant le tribunal saisi de la demande originaire.

La compétence à raison du lieu de la Cour de céans pour juger de la demande reconventionnelle est par conséquent aussi établie.

1.3  

1.3.1 Concernant les indemnités journalières, le demandeur a amplifié ses conclusions à deux reprises en cours de procédure et a en dernier lieu requis, au terme de ses plaidoiries finales, le versement de CHF 31'018.40 à titre de solde pour celles versées depuis le 17 mars 2023 et le versement de CHF 73'623.60 pour celles dues à compter du 14 mai 2024, jusqu'au terme du droit aux prestations.

1.3.2 L'admissibilité d'une modification des conclusions est une condition de recevabilité au sens de l'art. 59 du code de procédure civile du 19 décembre 2008 (CPC - RS 272 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_395/2017 du 11 octobre 2018 consid. 4.3).

Conformément à l'art. 243 al. 2 let. f CPC, les litiges portant sur des assurances complémentaires à l'assurance-maladie sociale au sens de la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 18 mars 1994 (LAMal - RS 832.10) sont soumis à la procédure simplifiée.

En procédure ordinaire, la modification de la demande est régie par les art. 227 et 230 CPC, qui s'appliquent par analogie à la procédure simplifiée (art. 219 CPC ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_395/2017 du 11 octobre 2018 consid. 4.4.1).

L'art. 227 al. 1 CPC traite de la modification de la demande avant l'ouverture des débats principaux. Aux termes de cette disposition, la demande peut être modifiée si la prétention nouvelle ou modifiée relève de la même procédure et que l'une des conditions suivantes est remplie : la prétention nouvelle ou modifiée présente un lien de connexité avec la dernière prétention (let. a) ; la partie adverse consent à la modification de la demande (let. b). Il y a connexité matérielle lorsque les deux actions ont le même fondement matériel ou juridique, notamment lorsqu'elles reposent sur un même contrat ou un même état de fait (ATF 129 III 230 consid. 3.1).

La modification de la demande après l'ouverture des débats principaux est quant à elle régie par l'art. 230 al. 1 CPC, qui énonce qu'une telle modification ne peut intervenir que si les conditions fixées à l'art. 227 al. 1 CPC sont remplies (let. a) et si la modification repose sur des faits ou des moyens de preuve nouveaux (let. b).

Aux termes de l'art. 229 al. 3 CPC, lorsqu'il doit établir les faits d'office – comme en matière de litiges portant sur des assurances complémentaires à l'assurance-maladie sociale au sens de la LAMal (cf. art. 247 al. 2 let. a CPC cum art. 243 al. 2 let. f CPC) – le tribunal admet des faits et moyens de preuve nouveaux jusqu'aux délibérations. Ni le texte légal ni les travaux préparatoires ne précisent ce qu'il faut entendre par « jusqu'aux délibérations ». Pour les juridictions fonctionnant avec un juge unique, la délibération correspond en réalité au moment de la prise de décision, activité purement intellectuelle et qui ne s'extériorise d'aucune manière. Dans ce cas, la phase de prise de décision commence dès la clôture des débats principaux, soit la fin des plaidoiries orales, lorsqu'il y en a, ou l'échéance du délai, le cas échéant prolongé, pour déposer des plaidoiries écrites selon l'art. 232 al. 2 CPC (arrêt du Tribunal fédéral 5A_445/2014 du 28 août 2014 consid. 2.1).

1.3.3 En l'espèce, le demandeur a amplifié ses conclusions une première fois à l'occasion des débats d'instruction, puis lors de ses plaidoiries finales.

Ces deux amplifications sont recevables en vertu des art. 227 et 230 CPC. Sous l'angle de l'art. 227 CPC, les prétentions modifiées concernent toujours des indemnités journalières réclamées à la défenderesse sur la base du même rapport juridique, de sorte que le lien de connexité matérielle avec la dernière prétention est donné ; la défenderesse ne s'est au surplus pas opposée à la modification de la demande. L'évolution de l'état de santé du demandeur après l'ouverture des débats principaux et les pièces médicales y afférentes constituent par ailleurs des faits nouveaux au sens de l'art. 230 al. 1 let. b CPC, qui pouvaient être invoqués jusqu'aux plaidoiries finales compte tenu de ce que la Cour de céans doit établir les faits d'office.

1.4 Eu égard à ce qui précède, la demande, y compris modifiée, est recevable.

Il en va de même de la demande reconventionnelle (art. 224 CPC).

2.             Le litige porte sur le solde des indemnités journalières déjà versées, sur la poursuite de celles-ci pour la période courant dès le 14 mai 2024, respectivement sur la validité de la résolution du contrat d'assurance, ainsi que sur le bien-fondé d'une indemnité à titre de tort moral.

3.             Il convient en premier lieu d'examiner si la défenderesse était légitimée à se départir du contrat d'assurance au motif que le demandeur aurait obtenu frauduleusement des prestations.

3.1.1 Aux termes de l'art. 40 LCA, si l'ayant droit ou son représentant, dans le but d'induire l'assureur en erreur, dissimule ou déclare inexactement des faits qui auraient exclu ou restreint l'obligation de l'assureur, ou si, dans le but d'induire l'assureur en erreur, il ne fait pas ou fait tardivement les communications que lui impose l'art. 39 de la présente loi, l'assureur n'est pas lié par le contrat envers l'ayant droit.

L'art. 39 LCA prévoit quant à lui que, sur la demande de l'assureur, l'ayant droit doit lui fournir tout renseignement sur les faits à sa connaissance qui peuvent servir à déterminer les circonstances dans lesquelles le sinistre s'est produit ou à fixer les conséquences du sinistre (al. 1). Il peut être convenu que l'ayant droit devra produire des pièces déterminées, notamment des certificats médicaux, à condition qu'il lui soit possible de se les procurer sans grands frais (al. 1 ch. 2).

Les deux dispositions précitées n'ont pas été modifiées par la révision de la LCA entrée en vigueur le 1er janvier 2022 (modification du 19 juin 2020 ; RO 2020 4969 ; RO 2021 357).

3.1.2 D'un point de vue objectif, la dissimulation ou la déclaration inexacte doit porter sur des faits qui sont propres à influencer l'existence ou l'étendue de l'obligation de l'assureur ; en d'autres termes, il faut que, sur la base d'une déclaration correcte des faits en question, l'assureur n'ait à verser qu'une prestation moindre ou même aucune prestation. En outre, d'un point de vue subjectif, l'ayant droit doit avoir agi avec la conscience et la volonté d'induire l'assureur en erreur, sans qu'il importe qu'il soit parvenu ou non à ses fins. L'assureur peut alors refuser toute prestation, même si la fraude ne se rapporte qu'à une partie du dommage (arrêt du Tribunal fédéral 4A_574/2014 du 15 janvier 2015 consid. 5.1). Cette condition subjective est réputée réalisée lorsque l'ayant droit donne consciemment et volontairement des indications erronées pour en tirer un avantage patrimonial indu. Une volonté d'induire en erreur doit être également admise lorsque l'ayant droit a connaissance d'une formation viciée de la volonté de l'assureur et qu'il exploite cette erreur en passant sous silence la réalité des faits ou en tardant volontairement à en informer l'assureur (arrêt du Tribunal fédéral 4A_382/2014 consid. 5.1).

L'exagération de l'état de santé remplit les conditions objectives de l'art. 40 LCA, tout comme le fait de ne pas annoncer une amélioration de cet état. À cet égard, il importe peu que les prestations de l'assurance soient versées sur la base de certificats d'incapacité de travail délivrés par des médecins et non directement en fonction des déclarations de l'assuré, les attestations des médecins étant fondées en grande partie sur les informations données par leurs patients (arrêt du Tribunal fédéral 4A_20/2018 du 29 mai 2018 consid. 3.1 et 3.2.1 et les références).

Le Tribunal fédéral considère néanmoins que l'art. 40 LCA ne s'applique pas à toute falsification ou dissimulation de faits, mais seulement à celles qui sont objectivement susceptibles d'influencer l'existence ou l'étendue du devoir de prester de l'assureur. La dissimulation d'actes préparatoires à la reprise ultérieure d'une activité professionnelle ne tombe ainsi pas sous le coup de cette disposition (arrêt du Tribunal fédéral 4A_680/2014 du 29 avril 2015 consid. 4.3).

Sous l'angle subjectif, l'intention de tromper sera admise si l'assuré a effectivement travaillé de façon substantielle durant la période litigieuse, tout en omettant volontairement d'en informer le médecin qui avait attesté une incapacité totale de travail (arrêt du Tribunal fédéral 4A_401/2017 du 20 décembre 2017 consid. 6.2.4 ; Alexandre GUYAZ, Commentaire romand de la loi sur le contrat d'assurance, 2022, n. 17 ad art. 40 LCA).

Lorsque les conditions de l'art. 40 CO sont réunies, l'assureur peut refuser ses prestations. Si la fraude est découverte postérieurement au versement effectif de la prestation, l'assureur pourra réclamer le remboursement de ce qu'il a versé conformément aux dispositions sur l'enrichissement illégitime des art. 62 ss CO (ATF 42 II 674 consid. 2a ; Alexandre GUYAZ, op. cit., n. 28 ad art. 40 LCA).

Outre la possibilité de refuser les prestations et de solliciter le remboursement de celles déjà versées sur la base de l'enrichissement illégitime, l'assureur peut aussi se départir du contrat et répéter de ce fait les prestations qu'il a déjà versées, cette faculté n'existant cependant qu'à l'égard de l'auteur de la tromperie (arrêt du Tribunal fédéral 4A_671/2010 du 25 mars 2011 consid. 2.6 et les références), pour autant qu'il soit preneur d'assurance, à savoir partenaire contractuel de l'assureur (arrêts du Tribunal fédéral 5C.138/2005 du 5 septembre 2005 consid. 4.2 ; 4A_382/2014 du 3 mars 2015 consid. 5.2). Lorsque l'employé fraudeur ayant en principe droit à des prétentions dans le cadre d'une assurance collective contre les accidents ou la maladie est en même temps un organe de la société employeuse, l'assureur peut ainsi se départir du contrat (arrêt du Tribunal fédéral 4A_534/2018 du 17 janvier 2019 consid. 3.3 et la référence). Le droit de résolution de l'assureur se limite au contrat avec lequel la prétention frauduleuse se trouve en relation (ATF 131 III 314 consid. 2) et produit des effets ex tunc jusqu'au jour de la fraude, et non au jour de la conclusion du contrat (arrêt du Tribunal fédéral 4A_534/2018 du 17 janvier 2019 consid. 3.3 et les références).

3.1.3 L'art. 40 LCA formule un moyen libératoire pour l'assureur, de sorte qu'il incombe à ce dernier de prouver les faits permettant l'application de cette disposition, laquelle est conçue pour l'hypothèse où l'ayant droit fait des déclarations mensongères relevant de l'escroquerie à l'assurance, en particulier pour le cas où il déclare un dommage plus étendu que celui qui est survenu en réalité (arrêt du Tribunal fédéral 4A_671/2010 du 25 mars 2011 consid. 2.6 et les références).

Le degré de la preuve applicable à l'intention d'induire en erreur, qui incombe à l'assurance, est celui de la vraisemblance prépondérante. En revanche, l'assurance ne se trouve pas dans un état de nécessité pour ce qui est de la preuve, qu'il lui appartient d'établir, que l'assuré a présenté les faits de manière contraire à la vérité ; le degré de la preuve ordinaire, soit celui de la preuve stricte, est dès lors en principe applicable (ATF 148 III 134 consid. 3.4).

3.1.4 En droit des assurances sociales, la jurisprudence a dégagé le principe selon lequel un rapport de surveillance ne constitue pas, à lui seul, un fondement sûr pour constater les faits relatifs à l'état de santé ou la capacité de travail de la personne assurée. Il peut tout au plus fournir des points de repère ou entraîner certaines présomptions. Seule l'évaluation par un médecin du matériel d'observation peut apporter une connaissance certaine des faits pertinents. Cette exigence d'une appréciation médicale sur le résultat de l'observation permet d'éviter une évaluation superficielle et hâtive de la documentation fournie par le détective privé. L'évaluation du médecin est faite sur la base du résultat des mesures de surveillance, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner dans tous les cas une expertise médicale. En effet, il appartient à l'assureur social ou au juge d'apprécier la portée du produit d'une surveillance en fonction du principe de la libre appréciation des preuves. Le matériel d'observation ne constitue en principe pas une base suffisante pour mettre fin définitivement à des prestations ; il faut au surplus une évaluation médicale de l'état de santé et une appréciation de la capacité de travail (arrêt du Tribunal fédéral 4A_273/2018 du 11 juin 2019 consid. 3.2.3.2 et les références).

3.1.5 Dans un arrêt du 21 juin 2018 (ATAS/565/2018), la Cour de céans a recensé plusieurs cas d'application de l'art. 40 LCA en matière d'indemnités journalières maladie.

Elle a relevé que, dans un arrêt 4A_432/2015 du 8 février 2016, le Tribunal fédéral avait considéré qu'il n'était pas arbitraire de retenir qu'un assureur n'avait pas apporté la preuve de la capacité de travail entière ou partielle d'un opticien en arrêt de travail à 100%, quand bien même un détective privé mandaté par l'assureur avait constaté que l'opticien en question était présent quotidiennement dans sa boutique durant 4h30 chaque jour et prenait en charge divers clients (consid. 4.3). L'assuré – interrogé par l'assureur – avait certes menti en déclarant qu'il lui arrivait de rendre visite à sa femme à la boutique et de lui rendre de tout petits services – par ex. changer de la monnaie – sans jamais servir de clients ou leur faire passer de tests de la vue. Malgré tout, le Tribunal fédéral avait nié l'intention d'induire en erreur l'assureur alors que, pour l'instance cantonale, il était établi, au degré de la vraisemblance prépondérante, que l'assuré, en passant sous silence l'activité réellement exercée dans la boutique, avait voulu accroître ses chances de toucher d'autres indemnités journalières. Le Tribunal fédéral avait estimé qu'il n'était pas arbitraire de considérer que l'assuré n'avait pas agi consciemment et volontairement dans le but d'obtenir des indemnités journalières indues, dès lors que son médecin traitant lui avait recommandé de reprendre progressivement son activité à des fins thérapeutiques, à la manière d'un stage (consid. 5.3.2 et 5.3.3).

Dans un arrêt 4A_382/2014 du 3 mars 2015, le Tribunal fédéral avait jugé qu'un assuré, architecte d'intérieur de profession, avait travaillé, dès lors qu'il avait été aperçu dans ses locaux à Zurich, à diverses discussions professionnelles et sur des chantiers à St-Gall, Zermatt et Berne.

Dans un arrêt 4A_286/2016 du 26 août 2016, le Tribunal fédéral avait considéré que l'assuré qui s'était rendu, pendant son incapacité de travail à 100%, dans son garage, et y avait mené, avec des clients, des discussions relatives à des véhicules d'occasion et expertisé des profils de pneus, avait commis une prétention frauduleuse au sens de l'art. 40 LCA.

Dans un arrêt ATAS/802/2016 du 29 septembre 2016, la Cour de céans avait considéré qu'une assurée, coiffeuse de profession, n'avait pas exercé son activité pendant son incapacité de travail, mais s'était limitée à réaliser quelques activités accessoires (prise de rendez-vous, téléphone, agenda) afin de s'occuper et non dans un but lucratif, puisque lesdites tâches incombaient en principe à son employée qui, seule, coiffait les clients. Les faits n'étaient donc pas constitutifs d'une prétention frauduleuse. Saisi d'un recours, le Tribunal fédéral avait suivi l'avis de la Cour cantonale (cf. arrêt 4A_643/2016 du 7 avril 2017). Il avait considéré que l'assurée, coiffeuse indépendante, qui, en arrêt de travail, s'était rendue dans son salon pour passer du temps devant l'ordinateur, répondre au téléphone, prendre des rendez-vous, s'occuper de l'agenda et discuter avec la clientèle, n'avait pas exercé d'activité constituant l'essence de son métier de base. Le dossier ne permettait pas non plus de considérer qu'elle avait assumé lesdites activités systématiquement, à un niveau professionnel. Dès lors, on ne pouvait lui reprocher de déclaration mensongère, d'autant moins que, d'un point de vue subjectif, l'intéressée pouvait penser de bonne foi que seule l'activité de coiffeuse en tant que telle était déterminante.

Dans l'ATAS/568/2018 du 21 juin 2018 précité, confirmé par le Tribunal fédéral (arrêt 4A_534/2018 du 17 janvier 2019 consid. 4.3), la Cour de céans a nié que l'assuré avait exercé des activités typiques de sa profession de fiduciaire, de manière systématique et à un niveau professionnel dans des conditions sereines, bien qu'il ait, sur une certaine période, effectué des démarches relevant de sa sphère d'activité, sous la pression psychologique de son ex-épouse.

Elle en a jugé de même dans un arrêt subséquent du 14 mai 2019 (ATAS/424/2019 consid. 11) impliquant une assurée caissière à un taux de 73.17% qui était en arrêt de travail pour des troubles en lien avec sa situation professionnelle et qui avait participé à certaines démarches administratives pour ouvrir un restaurant.

3.2  

3.2.1 En l'espèce, la défenderesse a résilié la couverture d'assurance avec effet au 17 mars 2023 en raison du fait que, selon les informations en sa possession, le demandeur avait été observé en habits de travail, se déplaçant de son domicile pour aller travailler sur un chantier autre que celui de son ex-employeur, alors qu'il continuait de fournir des certificats médicaux d'incapacité de travail à 100% (lettre du 2 juillet 2024). Elle a précisé dans ses écritures devant la Cour de céans que le demandeur aurait travaillé pendant plusieurs heures sur un chantier en date des 19, 22, 26 et 30 avril 2024 et que ces agissements avaient poussé l'ex-employeur à mettre un terme aux rapports de travail avec effet immédiat en raison d'une rupture du lien de confiance, ce qui témoignait des proportions prises par la situation. Bien que les conseils médicaux incitaient le demandeur à sortir trouver une occupation, l'activité entreprise s'apparentait plus à un véritable travail, selon l'ex-employeur. Le demandeur avait par ailleurs continué à communiquer des certificats médicaux d'incapacité totale de travail, traduisant une attitude contradictoire, et avait dissimulé sa véritable capacité de travail dans le but d'induire l'assurance en erreur.

3.2.2 Les faits sur lesquels s'est fondée la défenderesse pour résilier la couverture d'assurance découlent de la surveillance mise en œuvre par l'ex-employeur. Il ressort du rapport d'enquête que le demandeur s'est en effet rendu sur un chantier en habits de travail durant quatre jours, aux dates susvisées. Il n'a cependant pas été constaté que le demandeur aurait quotidiennement et de manière soutenue réalisé des actes sur le chantier, celui-ci s'étant la plupart du temps concentré à l'intérieur de la maison. Ce n'est ainsi que le lundi 22 avril que le demandeur a été aperçu, « durant une brève sortie » en train d'aider « quelques instants » un ouvrier avec ce qui semblait être un fil de mesure qu'il tenait dans les mains. L'autre activité s'est déroulée le 30 avril, le demandeur ayant été vu déplacer des plaques dans la maison (au maximum durant une heure environ), les préparer et les découper (au maximum durant 1h30 environ). Sur l'ensemble de l'observation, le demandeur n'a pas été aperçu en train de transporter du matériel de chantier (hormis, peut-être, une caisse vide en plastique) ou de conduire un véhicule professionnel, s'étant toujours déplacé avec sa voiture privée.

Il ne peut dès lors être inféré de ce rapport que le demandeur aurait exercé sur le chantier une activité professionnelle continue, puisque, hormis au cours des journées du 22 et du 30 avril 2024, le rapport ne renseigne pas sur ses activités. Celles réalisées les jours en question l'ont au surplus été sur une durée relativement brève.

Par ailleurs, les déplacements du demandeur et sa présence sur le chantier dans la deuxième quinzaine du mois d'avril doivent être mis en relation avec les explications fournies par celui-ci et ses proches tant vis-à-vis de l'assurance qu'au cours de la procédure devant la Cour de céans. De manière constante, l'intéressé, son épouse et son beau-frère ont relevé que la maison en chantier était celle construite par ce dernier et que le demandeur avait été incité par ses proches à s'y rendre afin de surmonter ses difficultés psychiques. L'audition du beau-frère a en particulier confirmé que le but de cette démarche, mise en place naturellement après la tentative de suicide, était de passer plus de temps avec le demandeur, afin que celui-ci sorte de chez lui, se change les idées et soit amené à s'ouvrir et à parler. Le demandeur l'accompagnait ainsi non seulement sur le chantier, mais aussi à son dépôt ou à son magasin de déstockage. Sur le chantier, selon les déclarations de H______, le demandeur a en effet participé à la pose de contre-plaqué au vu de sa profession. Mais, même si le témoin a profité de la présence et des conseils de l’assuré, il n’en demeure pas moins qu’il disposait de ses propres plaquistes et maçons. Le demandeur n'a par ailleurs pas été rémunéré. Quant à l'épouse de l’assuré, elle a mentionné que la présence de son mari sur le chantier avait été discutée avec le médecin et la psychologue, qui l’ont autorisé à donner des coups de main avant de reprendre son travail afin d'évaluer la situation. Ces allégations sont corroborées par le médecin traitant, lequel a exposé que les conseils médicaux de trouver une occupation afin d'éviter le repli anxieux ont été suivis par le demandeur, qui est allé aider son beau-frère (lettres du 3 juillet et du 2 octobre 2024). Enfin, le demandeur a proposé le 30 avril 2024 à son ex-employeur de réintégrer son poste, à savoir la journée durant laquelle il a été observé à réaliser quelques activités relevant de sa profession.

3.2.3 Au vu des circonstances du cas d'espèce, il ne peut être affirmé que le demandeur a dissimulé ou déclaré inexactement des faits qui auraient exclu ou restreint l'obligation de l'assurance, dans le but de l'induire en erreur.

L'ensemble des éléments rapportés ci-dessus permet de retenir que le demandeur n'a pas travaillé de manière professionnelle sur un chantier, mais qu’il a simplement accompagné son beau-frère sur celui de sa maison privée, afin de surmonter sa détresse psychologique. Il s'agissait d'une mesure de protection mise en place par sa famille après la tentative de suicide, discutée avec le médecin traitant, qui s'apparentait à une mesure thérapeutique ayant pour objectif l'amélioration de l'état de santé, à l'exclusion de tout but lucratif. Ces actes se sont par ailleurs déroulés sur une période limitée, peu avant la reprise effective de travail, et avec une intensité relativement faible, le demandeur n'ayant pas été vu en train de réaliser des tâches caractéristiques de son activité habituelle de manière soutenue.

Dans ces conditions, la défenderesse n’était pas en droit de cesser le versement des prestations ou de les réduire, la condition objective de l'art. 40 LCA n'apparaît pas donnée. Sous l'angle subjectif, dans la mesure où le demandeur n'obtenait pas de rémunération pour sa présence et avait informé son médecin de sa démarche, il peut d'autant moins être soutenu qu'il aurait, de manière consciente et volontaire, cherché à induire la défenderesse en erreur en exagérant son état de santé (cf. arrêt du Tribunal fédéral 4A_432/2015 du 8 février 2016 consid. 5.3.4.3 dans lequel l'intention de tromper a été réfutée dans le cas d'une tentative de reprise d'emploi à titre de mesure thérapeutique).

Au surplus, contrairement à ce que semble soutenir la défenderesse, le fait que l'employeur ait considéré que les résultats du rapport d'enquête justifiaient de mettre un terme au contrat de travail avec effet immédiat en raison d'une rupture du lien de confiance n'est pas pertinent et ne démontre pas nécessairement que les conditions d'application de l'art. 40 LCA étaient remplies. Non seulement il n’appartient pas à un employeur, non avisé des spécificités du dossier et de la pathologie affectant son salarié, de se prononcer sur ce point, mais de plus, en l'espèce, l'ex-employeur semble avoir apprécié la situation sans nuances. Tant dans l'information donnée à la défenderesse concernant le licenciement avec effet immédiat que lors de son audition, il a en effet rapporté que la mesure d'investigation avait montré le demandeur en train de travailler sur un chantier en France durant plusieurs jours, ce qui, comme indiqué plus haut, ne ressort cependant pas directement de l'observation, celle-ci avant pour la plupart du temps uniquement vu l’assuré arriver et repartir du chantier.

Dans ces circonstances, les questions de savoir si la surveillance ordonnée par l'employeur était licite, notamment au regard des art. 328b de la loi fédérale du 30 mars 1911 complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220) et 28 al. 2 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210 ; sur cette dernière question, Lucille BONNAZ, L'assurance perte de gain maladie en droit suisse, Thèse, 2024, p. 441 ss), et si l'appréciation médicale du rapport d'observation réalisée a posteriori par le médecin-conseil au cours de la présente procédure judiciaire est suffisante, peuvent demeurer ouvertes.

3.3 Au vu de ce qui précède, la défenderesse n'était pas en droit de résilier le contrat et de réclamer la restitution des indemnités journalières versées. La demande reconventionnelle doit, partant, être rejetée.

4.             Il reste à se prononcer sur le sort de la demande principale et, dans ce cadre, à se déterminer sur la période d'indemnisation, ainsi que sur le montant de l'indemnité journalière.

4.1 La LCA ne contenant aucune disposition spécifique à l'indemnité journalière en cas de maladie, le droit aux prestations se détermine d'après la convention des parties (ATF 133 III 185 consid. 2).

À titre liminaire, l'on relèvera que l'art. 25 § 1 let. e des conditions générales de l'assurance collective d'une indemnité journalière selon la LCA (ci-après : CGA), édition au 1er janvier 2022, auxquelles renvoie le dernier avenant au contrat-cadre d'assurance – disposition dont se prévaut la défenderesse et qui énonce que les prestations sont refusées lors de fraude ou de tentative de fraude à l'assurance – ne trouve pas à s'appliquer dans le cas d'espèce, au vu de la négation d'un comportement frauduleux de la part du demandeur.

D'après le contrat-cadre d'assurance produit le 23 juin 2025, la défenderesse prend en charge le versement de prestations en cas de maladie durant 720 jours dans une période de 900 jours avec imputation du délai d'attente, lequel peut s'élever à deux jours, sept jours ou 30 jours selon le taux choisi de la prime. Est couvert le 80% du salaire soumis à l'AVS.

Selon les CGA, la couverture d'assurance relève de l'assurance de dommages (art. 2 § 1). En vertu de l'art. 13 § 1 CGA, l'assuré en incapacité peut prétendre aux prestations assurées uniquement s'il subit une perte de salaire/de gain, des suites d'une atteinte à la santé. L'indemnité journalière est allouée proportionnellement au degré d'incapacité qui doit être d'au moins 25% (art. 13 § 4 let. a CGA).

L'indemnité journalière est versée après l'expiration du délai d'attente choisi, pour chaque jour d'incapacité (dimanches et jours fériés y compris) (art. 7 let. a). En cas de rechute, seul l'éventuel délai d'attente restant est appliqué (art. 7 let. b).

Est considérée comme rechute, l'incapacité rattachée médicalement à une incapacité antérieure, qui survient durant la période de couverture et durant les 365 jours qui suivent la fin de l'incapacité antérieure. À ces conditions, la rechute fait partie du même cas d'assurance que l'incapacité antérieure (art. 4 § 8 CGA).

Le droit aux prestations cesse pour chaque assuré à l'épuisement du droit maximal aux prestations (art. 16 let. b CGA).

4.2 En vertu de l'art. 8 CC, chaque partie doit, si la loi ne prescrit le contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit. En conséquence, la partie qui fait valoir un droit doit prouver les faits fondant ce dernier, tandis que le fardeau de la preuve relatif aux faits supprimant le droit, respectivement l'empêchant, incombe à la partie, qui affirme la perte du droit ou qui conteste son existence ou son étendue. Cette règle de base peut être remplacée par des dispositions légales de fardeau de la preuve divergentes et doit être concrétisée dans des cas particuliers (ATF 128 III 271 consid. 2a/aa avec références). Ces principes sont également applicables dans le domaine du contrat d'assurance (ATF 130 III 321 consid. 3.1).

En vertu de l'art. 8 CC, la partie qui n'a pas la charge de la preuve a le droit d'apporter une contre-preuve. Elle cherchera ainsi à démontrer des circonstances propres à faire naître chez le juge des doutes sérieux sur l'exactitude des allégations formant l'objet de la preuve principale. Pour que la contre-preuve aboutisse, il suffit que la preuve principale soit ébranlée, de sorte que les allégations principales n'apparaissent plus comme les plus vraisemblables (ATF 130 III 321 consid. 3.4). Le juge doit procéder à une appréciation d'ensemble des éléments qui lui sont apportés et dire s'il retient qu'une vraisemblance prépondérante a été établie (ATF 130 III 321 consid. 3.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_61/2011 du 26 avril 2011 consid. 2.1.1).

4.3  

4.3.1 S'agissant des diverses périodes d'incapacité de travail, il sied en premier lieu de rappeler que la défenderesse, après avoir sollicité l'avis d'un expert et de son médecin-conseil, a reconnu l'incapacité de travail dès le 17 mars 2023 ainsi que les deux rechutes des 7 juillet 2023 et 9 novembre 2023 et a versé des prestations en conséquence, du 17 mars au 29 juin 2023, du 7 juillet au 31 octobre 2023 et du 9 novembre 2023 au 13 mai 2024.

Dans son rapport du 17 décembre 2024, le Dr L______ a par ailleurs indiqué que la prolongation de l'incapacité de travail jusqu'au 31 octobre 2023 était justifiée, à titre de réajustement du traitement et de préparation à la reprise de travail. Pour la période du 9 novembre 2023 à mars 2024, il a relevé que les informations données par la famille montraient une amélioration de l'état clinique vers le mois de mars 2024, période à laquelle le demandeur aurait commencé à se rendre sur un chantier. Au vu de l'adaptation du traitement médicamenteux en novembre 2023 et du mécanisme d'action se déployant entre deux à quatre semaines pour les épisodes dépressifs, il a estimé qu'une amélioration progressive était probablement survenue fin 2023-début 2024. S'agissant de la période dès avril 2024 durant laquelle le demandeur avait été observé, il a considéré que celui-ci avait été en mesure de déployer des capacités physiques et psychiques attendues dans des tâches qui s'apparentaient à son activité professionnelle durant plusieurs heures. L'amplitude horaire rapportée durant l'observation plaidait en défaveur de limitations massives sur le temps de présence ou le rendement. Il a noté ce qui suit concernant l'usage d'outils de découpe : « [cet usage] n'est médicalement admissible que si une personne dispose de capacités de concentration et d'attention suffisantes, ainsi que d'une maîtrise émotionnelle et comportementale, et bien sûr d'un niveau d'énergie compatible. Il faut en effet être capable de tenir l'outil, mobiliser les ressources psychiques et l'expérience pour adopter une gestuelle sécure et parvenir à mener à bien la tâche qui consiste ici à faire des découpes (aux bonnes dimensions, et de bonne facture). Les prérequis médicaux sont nécessaires pour ne pas mettre en danger soi ou autrui, mais également pour que l'action amène le résultat escompté ». Ainsi, lors de l'observation et dans les semaines précédentes, une incapacité de travail n'était pas hautement probable. Dans son complément de rapport du 28 janvier 2025, le Dr L______ a indiqué que la reprise du 14 mai 2024 ne présentait pas d'incohérence par rapport à un traitement dernièrement modifié en novembre 2023, le délai étant largement suffisant pour qu'une amélioration clinique ait eu lieu et que l'on se trouve en phase d'entretien, voire de prévention des rechutes. L'existence d'une perspective de reprise de travail au 14 mai 2024 confirmait de plus l'évolution positive intervenue entretemps.

Le demandeur a pour sa part fourni un certificat d'arrêt de travail signé par le Dr D______ le 9 avril 2024 attestant d'une incapacité jusqu'au 13 mai 2024 inclus, au motif d'un épisode dépressif/dépression sévère persistante, et a proposé ses services à son employeur le 30 avril 2024, pour le 14 mai 2024. Lors de son audition, il a indiqué à ce propos avoir constaté que sa présence sur le chantier de son beau-frère avait été bénéfique et s'être dit qu'il pouvait reprendre le travail. L'incapacité de travail dès le 14 mai 2024 a ensuite été attestée par le Dr E______ ou sa remplaçante, la Dre I______, certificats d'arrêt successifs à l'appui. Dès le 15 juillet 2024, le demandeur a participé à une mesure d'entraînement progressif mise en place par l'assurance-invalidité à un taux de 20%, augmentée à 30% en décembre 2024, jusqu'au 6 avril 2025.

4.3.2 Il ressort des éléments qui précèdent que l'incapacité de travail du demandeur du 17 mars 2023 jusqu'à la fin du mois de mars 2024 (hormis durant les deux tentatives de reprise d'emploi en juillet et novembre 2023) n'est guère contestable, ni même contestée précisément par la défenderesse. Le Dr L______ a en particulier ratifié la prolongation de l'incapacité de travail jusqu'au 31 octobre 2023, alors que l'expert préconisait une reprise à quatre semaines de son rapport, mais conditionnée à la mise en œuvre d'une thérapie. S'il indique que la période de novembre 2023 à mars 2024 est plus difficile à évaluer, il sied néanmoins de constater que le Dr O______, autre médecin-conseil, a reconnu l'incapacité survenue dès le 9 novembre 2023 (cf. avis du 10 novembre 2023) et que le Dr P______ a aussi relevé que l'atteinte à la santé était indiscutable et ouvrait le droit aux prestations (cf. rapport du 10 décembre 2023). Ainsi, même si le Dr L______ estime qu'une amélioration progressive était probablement déjà survenue fin 2023-début 2024 au vu de la modification du traitement médicamenteux en novembre 2023, il y a lieu de considérer que le demandeur a prouvé son incapacité de travail jusqu'au mois de mars 2024 compris, au vu des constatations cliniques faites en temps voulu par le médecin traitant et des certificats d'arrêt délivrés. Il sied également de constater que le Dr L______ ne se montre pas catégorique dans son évaluation (« probablement ») et qu'il fait mention de la présence du demandeur sur le chantier de son beau-frère dès le mois de mars 2024, alors que ceci ne ressort pas directement des propos de la famille ou du rapport d'observation.

S'agissant du mois d'avril 2024, il sied de rappeler que le Dr D______ a attesté d'une incapacité totale de travail du demandeur par ses certificats des 12 mars et 9 avril 2024, le dernier ayant été rendu après la consultation du même jour et courant jusqu'au 13 mai 2024. S'il est certes vrai que le Dr L______, à qui le matériel d'observation a été soumis, estime que les actes déployés par le demandeur ne permettent pas d'être convaincu, au moment de la surveillance et probablement dans les semaines précédentes, de l'existence de limitations fonctionnelles massives ayant un impact sur la capacité de travail dans l'activité habituelle, il sied néanmoins de constater que ce médecin tient pour acquis que le demandeur a exercé de manière régulière des tâches qui s'apparentent à son activité professionnelle durant plusieurs heures. Or, comme déjà relevé, une telle intensité d'activité ne ressort ni du rapport d'observation ni des témoignages recueillis, le caractère occupationnel de la présence du demandeur sur le chantier de construction de la maison de son beau-frère ayant au contraire été souligné (cfsupra consid. 3.2.2 et 3.2.3). La seule activité relevant des tâches professionnelles usuelles du demandeur a consisté en la découpe de panneaux de plancher, le 30 avril 2024. Cette date coïncide avec celle à laquelle le demandeur a proposé à son employeur de réintégrer son poste, par message envoyé à 9h29, ce qui permet de retenir qu'il se sentait apte à travailler la journée en question, comme cela peut du reste être inféré de son audition par la Cour de céans. Pour les jours du mois d'avril qui ont précédé cette date, l'analyse médico-théorique effectuée a posteriori par le Dr L______, sur la base d'une interprétation extensive du matériel d'observation et des activités réalisées par le demandeur, ne permet en revanche pas de revenir sur l'incapacité de travail encore attestée le 9 avril 2024 par le médecin traitant après un examen clinique. Il faut ainsi retenir que le demandeur était encore en incapacité totale de travail jusqu'au 29 avril 2024 et qu'il ne présentait plus d'incapacité de travail dès le lendemain.

Concernant la période dès le 14 mai 2024, il sied de rappeler que le demandeur a été licencié avec effet immédiat le jour en question, dans la foulée de son retour à son poste de travail, et a depuis lors été mis en arrêt de travail par le Dr E______ ou la Dre I______. La défenderesse, qui conteste pourtant l'incapacité de travail alléguée, n'a déposé aucun avis médical afférant à cette période remettant en cause les constatations de ces médecins. Une incapacité de travail depuis le licenciement immédiat – que le demandeur tient pour injustifié – peut au surplus se considérer dans le contexte de sa maladie psychique engendrant une diminution de ses ressources, et de ses précédentes tentatives de reprise d'emploi s'étant soldées par des échecs, témoignant de sa fragilité. Elle n'est par ailleurs pas remise en question par les mesures mises en place par l'assurance-invalidité depuis juillet 2024, s'agissant de mesures de réinsertion préparant à la réadaptation professionnelle qui ont pour vocation de permettre l'accoutumance au processus de travail, la stimulation de la motivation au travail, la stabilisation de la personnalité, la socialisation de base et le développement de la capacité de travail (mesures socioprofessionnelles), ou de maintenir une structure régulière de la journée et la capacité de travail jusqu'à la mise en œuvre de mesures d'ordre professionnel ou jusqu'au début de rapports de travail sur le marché primaire du travail (mesures d'occupation) (cf. art. 14a de la loi fédérale sur l'assurance-invalidité du 19 juin 1959 [LAI - 831.20] et art. 4quinquies al. 1 et 2 du règlement du 17 janvier 1961 sur l'assurance-invalidité du 17 janvier 1961 [RAI - RS 831.201]). Les difficultés du demandeur dans l'accomplissement de cette mesure, malgré sa motivation, ont en outre été relevées par la Fondation J______.

4.3.3 Considérant ce qui précède, il peut être conclu que le demandeur a prouvé avoir été en incapacité de travail du 17 mars au 29 juin 2023, du 7 juillet au 31 octobre 2023, du 9 novembre 2023 au 29 avril 2024 et du 14 mai 2024 au 21 février 2025.

Le taux d'incapacité de travail, de 100%, n'est en outre pas contesté.

Dans ces circonstances, la mise en œuvre d'une expertise judiciaire, qui serait limitée à l'évaluation rétrospective de la capacité de travail sur le vu des certificats médicaux déjà établis et du rapport d'observation, n'apparaît pas apte à prouver les faits litigieux. Il y est donc renoncé.

4.3.4 Par ailleurs, dans la mesure où le contrat-cadre d'assurance couplé aux décomptes d'indemnités journalières mentionne un délai d'attente de deux jours et compte tenu de ce que l'annonce de l'incapacité s'est faite le 21 mars 2023, soit dans les quinze jours qui suivent sa survenance conformément à ce que prévoient les CGA (art. 13 § 5 let. a), le versement de l'indemnité journalière doit débuter deux jours après le début de l'incapacité de travail, à savoir le 19 mars 2023.

En cas de rechute, seul l'éventuel délai d'attente restant étant appliqué (cf. art. 7 let. b CGA) et la défenderesse ne soutenant pas que les diverses incapacités de travail postérieures à celle ayant débuté le 17 mars 2023 relèveraient d'un autre cas d'assurance – elle n'a d'ailleurs pas appliqué de délai d'attente pour les périodes d'indemnisation dès le 7 juillet et dès le 9 novembre 2023 et aucun changement de diagnostic ne ressort des différents avis médicaux –, le versement de l'indemnité journalière doit par la suite coïncider avec les dates d'incapacité de travail telles que mentionnées ci-dessus.

4.4 Il convient à présent de déterminer le montant de l'indemnité journalière.

Selon les différents décomptes d'indemnités produits, la défenderesse a calculé l'indemnité journalière à hauteur de CHF 167.05. Dans ses dernières écritures, le demandeur sollicite pour sa part la fixation de l'indemnité à CHF 240.60 par jour, montant résultant de la prise en considération du 13e salaire, des allocations familiales et correspondant à 90% du salaire assuré (en vertu du premier contrat cadre produit de manière erronée par la défenderesse). La défenderesse a contesté ce montant, mais n'a pas développé de calculs alternatifs.

4.4.1 Concernant le montant de l'indemnité journalière, le contrat-cadre d'assurance prévoit une couverture de 80% du salaire assuré. Il indique en outre que l'indemnité journalière est calculée sur la base du salaire en vigueur au moment de l'incapacité de travail conformément à la déclaration de l'employeur faite par le biais des formulaires mis à sa disposition (§ 4 et 7). L'art. 19 des CGA précise que le salaire AVS dû par l'entreprise assurée constitue la base du calcul de l'indemnité journalière. Le salaire et part de salaire non soumis à l’AVS en raison de l'âge de la personne assurée, ainsi que les allocations familiales dès l'instant où elles ne sont plus perçues par un ayant droit, sont également pris en compte (§ 1). Si l'indemnité est exprimée en pourcentage du salaire, elle est calculée pour les salaires horaires, mais au maximum selon les règles prévues par la convention collective, comme suit : salaire horaire de base brut (éventuellement avec 13e salaire), multiplié par 52 semaines (si nombre d'heures hebdomadaires), divisé par 365 jours, multiplié par le pourcentage de couverture fixé. Avec cette méthode, les suppléments pour vacances et jours fériés sont inclus dans le calcul de l'indemnité journalière. Pour le salaire horaire de base brut, les jours fériés et les vacances ne sont pas ajoutés au salaire horaire de base (§ 4).

Selon les diverses déclarations d'accident – qui constituent les bases sur lesquelles la défenderesse doit calculer l'indemnité journalière – le demandeur jouissait d'un salaire horaire de CHF 33.- de l'heure, d'un 13e salaire correspondant à 8.33% de son salaire, et d'allocations familiales de CHF 1'548.- par mois. Il était en outre engagé à temps complet et effectuait 42.5 heures hebdomadaires de travail.

4.4.2 Il sied en premier lieu d'examiner si les allocations familiales doivent être intégrées dans le calcul de l'indemnité journalière, comme le soutient le demandeur.

Il résulte de l'art. 19 § 1 CGA que les allocations familiales sont prises en compte dès l'instant où elles ne sont plus perçues par un ayant droit.

En l'espèce, l'on ignore si le demandeur recevait des allocations familiales alors qu'il était encore sous contrat de travail, pour ses enfants domiciliés à l'étranger, dès lors que les parties n'ont rien allégué à ce propos. Le demandeur n'ayant pas établi les faits pertinents, il supporte l'absence de preuve, de sorte que les allocations familiales ne doivent pas être intégrées dans le calcul de l'indemnité journalière pour la période précédant la date du licenciement avec effet immédiat, intervenu le 14 mai 2024.

Concernant la période d'incapacité de travail postérieure au licenciement, le demandeur a allégué être privé de tout revenu depuis le 14 mai 2024 (allégué 22 de la demande). La défenderesse a admis ce fait selon la pièce fournie, soit une lettre manuscrite du 8 juillet 2024 exposant, entre autres, que la famille se trouvait sans revenu et ne recevait plus d'allocations familiales depuis le mois de mai. Il n'est dès lors pas contesté par la défenderesse que le demandeur n’a plus reçu d'allocations familiales depuis le 14 mai 2024. Cette date correspond par ailleurs à celle du licenciement avec effet immédiat, de sorte que le demandeur n'était alors plus sous contrat de travail et n'était plus affilié à l'AVS en qualité de salarié. Domicilié en France, il n'était pas non plus une personne sans activité lucrative obligatoirement affiliée à l'AVS. Il n'avait ainsi selon toute vraisemblance plus droit à des allocations familiales pour ses enfants dès cette date (art. 2, 2A et 3 de la loi sur les allocations familiales du 1er mars 1996 [LAF - RS/GE J 5 10]).

Au vu de ce qui précède, pour les périodes d'incapacité de travail du 17 mars 2023 au 13 mai 2024, le montant de l'indemnité journalière s'élève donc à CHF 173.20 ([CHF 33.-/heure + 8.33% x CHF 33.-] x 42.5 heures/semaine x 52 semaines : 365 jours x 80%). Dès le 14 mai 2024, les allocations familiales – qui ne sont plus perçues et s'élèvent à CHF 1'548.- par mois selon les déclarations d'accident, soit à CHF 18'576.- par an – doivent être intégrées dans le calcul de l'indemnité journalière, de sorte que celle-ci s'élève à CHF 213.90.

4.4.3 Les parties s'opposent au surplus sur la question de savoir si les indemnités perçues par le demandeur durant les mesures de réinsertion mises en place par l'assurance-invalidité interfèrent avec le calcul de l'indemnité journalière. La défenderesse a allégué à ce propos, lors de l'audience de comparution personnelle, qu'elle n'intervenait que de manière subsidiaire à l'assurance-invalidité et qu'il fallait tenir compte du fait que le demandeur touchait des indemnités journalières de cette assurance. Le demandeur expose pour sa part que, selon la jurisprudence, l'indemnité journalière maladie perte de gain doit être versée pendant toute la durée de la mise en œuvre des mesures de réadaptation, jusqu'à expiration du droit.

La ligne de défense adoptée par la défenderesse – qu'elle n'a pas développée dans ses écritures – peut être rattachée à l'art. 30 CGA traitant des prestations de tiers. Aux termes de l'art. 30 § 1, l'assureur intervient subsidiairement à tout autre assureur social ou privé couvrant la perte de salaire/gain de l'assuré, et ceci dans les limites de la couverture prévue dans la police. L'art. 30 § 4 énonce que dans les limites du droit aux prestations, l'assureur avance les prestations aussi longtemps que l'assurance-invalidité (LAI), l'assurance-accidents (LAA), l'assurance militaire (LAM), une institution de prévoyance professionnelle (LPP) voire un assureur étranger ou privé n'établissent pas un droit à une rente. Dès l'octroi de la rente par l'une ou plusieurs des institutions précitées, l'assureur est en droit de demander directement, auprès de ces dernières ou d'un éventuel autre tiers, le remboursement des avances concédées. Le montant restitué reste acquis à l'assureur.

Il ressort de cette disposition, et du reste de la jurisprudence, notamment citée par le demandeur (ATF 111 V 235 ; arrêt du Tribunal fédéral K 31/04 du 9 décembre 2004 consid. 4), que le droit à des mesures de reclassement de l'assurance-invalidité n'exclut pas la possibilité de bénéficier simultanément de l'indemnité-journalière d'une assurance perte de gain maladie. Les CGA applicables prévoient expressément que la défenderesse avance les prestations aussi longtemps que l'assurance-invalidité n'a pas statué sur le droit à une rente, ce qui n'est pas le cas en l'occurrence.

Sous cet angle, le moyen soulevé par la défenderesse n'est dès lors pas fondé.

La question pourrait aussi se poser de savoir si la défenderesse se prévaut de l'interdiction de surindemnisation de l'assuré, principe prévu à l'art. 31 CGA. Sa prise de position lapidaire lors de l'audience du 14 novembre 2024 ne permet toutefois pas de l'affirmer clairement. Or, il sied de souligner que, même dans les litiges portant sur des assurances complémentaires à l'assurance-maladie sociale et régis par la maxime inquisitoire sociale, les parties restent tenues de soumettre au tribunal la trame factuelle sur laquelle portera son jugement. Le juge, en particulier lorsqu'il est confronté à des parties représentées par des avocats, n'a pas à investiguer dans les pièces pour tenter d'y trouver un argument favorable à celle qui l'a produite. En présence de personnes assistées, il doit bien plutôt faire preuve de retenue, à l'instar de ce qui prévaut dans un procès ordinaire. La portée de la maxime inquisitoire sociale s'apprécie aussi en considération du principe de disposition ancré à l'art. 58 al. 1 CPC, véritable prolongement procédural de l'autonomie privée gouvernant le droit civil. Ce dernier précepte implique en particulier que le juge intervient à la seule initiative des parties, auxquelles il échoit de définir le cadre du procès et de déterminer dans quelle mesure elles veulent faire valoir les moyens et prétentions qui leur appartiennent (arrêt du Tribunal fédéral 4A_563/2019 du 14 juillet 2020 consid. 4.2 non publié in ATF 146 III 339, et les références).

En l'espèce, la défenderesse dispose d'un service juridique et était représentée par des juristes familiers des questions soulevées par la présente affaire durant toute la procédure. Il n'appartient par conséquent pas à la Cour de céans de l'interpeller pour qu'elle précise son argumentation et indique si elle se prévaut de l'art. 31 CGA.

Par ailleurs, si tant est qu'il faille admettre que la défenderesse a invoqué la disposition contractuelle précitée de façon suffisamment claire, elle n'aurait en tout état pas établi les faits pertinents permettant in casu de calculer l'éventuelle surindemnisation. Bien que l'on connaisse le montant de l'indemnité journalière perçue par le demandeur de la part de l'assurance-invalidité (CHF 167.20 selon le décompte pour le mois de septembre 2024, pièce 22 demandeur), on ne sait pas précisément s'il a touché cette indemnité durant toute la période des mesures de réinsertion. Les faits permettant de calculer l'éventuelle surindemnisation au regard de l'art. 35 § 4 de la convention collective de travail du second-œuvre romand 2019 (CCT-SOR) ne sont également pas connus. Cette disposition, a priori applicable au regard de la couverture géographique de la convention et de la branche d'activité du demandeur, énonce en effet que l'assureur ne peut faire valoir de surindemnisation par rapport aux prestations d'assurances sociales (LAA, AI, LPP, AM) ainsi que d'indemnités provenant d'un recours contre le tiers responsable que pour autant que la perte de gain effective subie par l'assuré ait été complètement indemnisée, ainsi que ses frais supplémentaires de même que ceux subis par les proches et leurs éventuelles diminutions de revenu.

Il n'y a par conséquent pas matière à calculer une éventuelle surindemnisation dans le cadre de la présente procédure.

4.5  

4.5.1 Eu égard aux considérations qui précèdent, le demandeur a droit à être indemnisé pour une incapacité totale de travail du 19 mars 2023 au 29 juin 2023 (103 jours), du 7 juillet au 31 octobre 2023 (117 jours), du 9 novembre 2023 au 29 avril 2024 (173 jours) et du 14 mai 2024 au 21 février 2025 (284 jours).

Une éventuelle incapacité postérieure au 21 février 2025 n'étant pas attestée par certificat médical, la demande visant à ce que la défenderesse preste jusqu'à épuisement du droit aux prestations ne peut être suivie.

L'indemnité journalière s'élève à CHF 173.20 du 19 mars 2023 au 29 avril 2024 et à CHF 213.90 dès le 14 mai 2024 (cf. consid. 4.4.2 supra), de sorte que la prétention du demandeur s'élève à CHF 128'815.20 (393 jours à CHF 173.20 pour la première période, soit CHF 68'067.60, et 284 jours à CHF 213.90 pour la seconde période, soit CHF 60'747.60).

La défenderesse ayant déjà versé, selon ses écritures, le montant de CHF 70'996.25 pour la période qu'elle a indemnisée jusqu'au 13 mai 2024, montant admis par le demandeur, elle n'est pas débitrice d'un solde pour la période en cause. S'agissant de la période d'indemnisation du 14 mai 2024 au 21 février 2025, pour laquelle elle n'a pas presté, elle reste devoir CHF 57'818.95 (CHF 128'815.20 - CHF 70'996.25).

4.5.2 Le demandeur a requis que les prestations dues dès le 14 mai 2024 soient versées avec un intérêt de 5% l'an dès cette date.

Les CGA ne stipulent pas de terme pour l'exigibilité des indemnités journalières.

L'art. 41 al. 1 LCA dispose que la créance qui résulte du contrat est échue quatre semaines après le moment où l'assureur a reçu les renseignements de nature à lui permettre de se convaincre du bien-fondé de la prétention. Les « renseignements » au sens de l'art. 41 LCA visent des questions de fait, qui doivent permettre à l'assureur de se convaincre du bien-fondé de la prétention de l'assuré (cf. l'intitulé de l'art. 39 LCA). Ils correspondent aux devoirs de déclaration et de renseignement institués par les art. 38 et 39 LCA (ATF 129 III 510 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 4A_58/2019 du 13 janvier 2020 consid. 4.1 ; 4A_489/2017 du 26 mars 2018 consid. 4.3 ; 4A_122/2014 du 16 décembre 2014 consid. 3.5). Cela étant, lorsque l'assureur conteste à tort son obligation, la créance devient exigible dès ce moment, le délai de réflexion de quatre semaines prévu par l'art. 41 LCA étant privé de sens (arrêt du Tribunal fédéral 4A_122/2014 du 16 décembre 2014 consid. 3.5).

Le débiteur d'une obligation exigible est mis en demeure par l'interpellation du créancier (art. 102 al. 1 CO en lien avec l'art. 100 al. 1 LCA). L'intérêt moratoire de 5% l'an (art. 104 al. 1 CO) est dû à partir du jour suivant celui où le débiteur a reçu l'interpellation, ou, en cas d'ouverture d'une action en justice, dès le lendemain du jour où la demande en justice a été notifiée au débiteur (arrêt du Tribunal fédéral 5C.177/2005 du 25 février 2006 consid. 6.1). Toutefois, lorsque l'assureur refuse définitivement, à tort, d'allouer des prestations, on admet, par analogie avec l'art. 108 ch. 1 CO, qu'une interpellation n'est pas nécessaire ; l'exigibilité et la demeure sont alors immédiatement réalisées (arrêts du Tribunal fédéral 4A_16/2017 du 8 mai 2017 consid. 3.1 ; 4A_122/2014 consid. 3.5 ; 4A_206/2007 du 29 octobre 2007 consid. 6.3 ; 5C.18/2006 du 18 octobre 2006 consid. 6.1 in fine). Un débiteur peut valablement être interpellé avant même l'exigibilité de la créance (ATF 103 II 102 consid. 1a). La demeure ne déploie toutefois ses effets qu'avec l'exigibilité de la créance (cf. ATAS/304/2023 du 3 mai 2023 consid. 11.1 et la référence).

4.5.3 En l'espèce, la défenderesse n'a plus versé d'indemnités journalières dès la reprise de travail avortée du 14 mai 2024, quand bien même le certificat d'arrêt de travail dès cette date avait été transmis le lendemain (cf. pièce 47 défenderesse, dernier certificat). Le demandeur, son épouse ou le syndicat s'étaient par ailleurs tournés vers elle afin de solliciter le versement des prestations et insister sur la situation financière délicate de la famille, demandes auxquelles la défenderesse a réagi par la lettre du 2 juillet 2024 dans laquelle elle a résilié rétroactivement la couverture d'assurance, montrant ainsi son intention de ne pas servir les indemnités.

Par conséquent, la défenderesse contestant, à tort, son obligation de prester compte tenu de la fraude dont elle se prévaut, elle se trouve immédiatement en demeure et la créance est exigible dès le 14 mai 2024, date à partir de laquelle les intérêts de 5% courent.

4.5.4 En conclusion, la défenderesse sera donc condamnée à verser au demandeur la somme de CHF 57'818.95 avec intérêts à 5% l'an dès le 14 mai 2024.

5.             Le demandeur sollicite une indemnité de CHF 8'000.- à titre de réparation de son tort moral, du fait que la défenderesse aurait gravement violé son devoir de diligence dans le cadre de l'instruction du dossier et se serait notamment reposée de manière illégitime sur les dires de l'employeur et un rapport d'observation pour conclure à une fraude.

Aux termes de l'art. 49 al. 1 CO, celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité a droit à une somme d'argent à titre de réparation morale, pour autant que la gravité de l'atteinte le justifie et que l'auteur ne lui ait pas donné satisfaction autrement. En vertu du renvoi de l'art. 99 al. 3 CO, cette disposition est applicable également à la responsabilité contractuelle (Franz WERRO/Vincent PERRITAZ, in Commentaire romand du Code des obligations, 3e éd., 2021, n. 7 ad intro. art. 47-49 CO).

Savoir si la conclusion en paiement d'une indemnité pour tort moral est recevable et si la Cour de céans est compétente en la matière, s'agissant d'une prestation qui ne fait partie du catalogue de l'assurance-maladie et qui, par conséquent, sort du cadre de l'assurance-maladie complémentaire (cf. ATAS/1060/2010 du 7 octobre 2010), sont des questions qui peuvent rester ouvertes, la prétention devant quoi qu'il en soit être rejetée.

L'application de l'art. 49 CO suppose en effet que l'auteur n'ait pas donné satisfaction autrement à la victime. Cette condition exprime le caractère subsidiaire de la réparation du tort moral qui, selon les conceptions admises, doit rester exceptionnelle (Franz WERRO/Vincent PERRITAZ, op. cit., n. 12 ad art. 49 CO).

En l'occurrence, quand bien même on peut concevoir que l'absence de prestations ait pu être une source de difficultés pour le demandeur et sa famille, la reconnaissance de l'incapacité de travail et la condamnation de la défenderesse au versement des indemnités journalières pour les périodes correspondantes, avec intérêts moratoires, apparaissent adéquates pour satisfaire le demandeur, sans qu'il faille y rajouter une indemnité pour tort moral.

On ajoutera en outre que l'atteinte à la santé psychique du demandeur est préexistante à l'interruption du versement des indemnités journalières et manifestement multifactorielle, de sorte que l'existence d'un lien de causalité entre la faute et le préjudice – pour autant que ces deux derniers éléments puissent être admis vu le contexte – est douteuse.

La prétention doit par conséquent être rejetée, en tant qu'elle est recevable.

6.             Le demandeur, représenté par un conseil, obtient gain de cause pour l'essentiel de la demande qui porte sur l'indemnité journalière, de sorte qu'il a droit à des dépens.

Les cantons sont compétents pour fixer le tarif des frais comprenant les dépens (art. 96 CPC en relation avec l'art. 95 al. 3 let. b CPC). À Genève, le règlement fixant le tarif des frais en matière civile du 22 décembre 2010 (RTFMC - E 1 05.10) détermine notamment le tarif des dépens, applicable aux affaires civiles contentieuses (art. 1 RTFMC).

La valeur litigieuse, telle que définie par les dernières conclusions du demandeur, s'élève à CHF 112'642.-, ce qui correspond à des dépens de CHF 11'658.52 selon l'art. 85 al. 1 RTFMC, auxquels il convient d'ajouter la TVA (8.1%) et les débours (3%), de sorte que le montant total, arrondi, s'élève à CHF 12'953.- (art. 25 et 26 al. 1 de la loi d'application du code civil suisse et d'autres lois fédérales en matière civile du 11 octobre 2012 [LaCC - E 1 05] ; art. 84 et 85 RTFMC ; art. 25 al. 1 de la loi fédérale régissant la taxe sur la valeur ajoutée du 12 juin 2009 [LTVA - RS 641.20]).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 114 let. e CPC).

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare la demande et la demande reconventionnelle recevables.

Au fond :

2.        Admet partiellement la demande.

3.        Condamne la défenderesse à verser au demandeur la somme de CHF 57'818.95 avec intérêts à 5% l'an dès le 14 mai 2024.

4.        La rejette pour le surplus.

5.        Rejette la demande reconventionnelle.

6.      Condamne la défenderesse à verser au demandeur une indemnité de CHF 12'953.- à titre de dépens.

7.      Dit que la procédure est gratuite.

8.      Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile (Tribunal fédéral suisse, avenue du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14), sans égard à sa valeur litigieuse (art. 74 al. 2 let. b LTF). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoqués comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Pascale HUGI

 

La présidente

 

 

 

 

Karine STECK

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu'à l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) par le greffe le