Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/383/2025 du 26.05.2025 ( AI ) , ADMIS/RENVOI
En droit
rÉpublique et | canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
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A/3979/2024 ATAS/383/2025 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 26 mai 2025 Chambre 1 |
En la cause
A______ représentée par Me Charles PRATI, avocat
| recourante |
contre
OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE | intimé |
A. a. A______ (ci-après l’assurée ou la recourante), née le ______ 1939, a déposé une demande d’allocation pour impotence le 22 octobre 2008 auprès de l’office de l’assurance-invalidité (ci-après : l’OAI).
b. Elle a indiqué être atteinte de sclérose en plaques et avoir besoin d’aide pour se vêtir/se dévêtir, se lever/s’assoir/se coucher, se laver/se peigner/se doucher, aller aux toilettes, se déplacer dans la maison/à l’extérieur, certains besoins étant limités aux moments d’accès de faiblesse, ainsi qu’un besoin de surveillance personnelle de nuit comme de jour en cas de faiblesse, de besoin impérieux ainsi que pour les injections médicales.
c. Par décision du 8 janvier 2009, la caisse cantonale genevoise de compensation (ci-après : la caisse) a reconnu un degré d’impotence moyen dès le 1er décembre 2006 et fixé le début des paiements au 1er octobre 2007, une révision pouvant être demandée au 1er novembre 2013.
Aux termes de cette décision, l’assurée avait besoin d’une aide régulière et importante d’autrui pour accomplir cinq actes de la vie quotidienne depuis le mois de décembre 2005. La demande ayant été déposée le 22 octobre 2008, elle était tardive et le versement ne pouvait démarrer que le 1er octobre 2007.
d. Le 27 septembre 2012, l’assurée a déposé une demande d’allocation complète, en lien avec la progression de sa maladie de sclérose en plaques.
e. Par décision du 4 octobre 2012, la caisse a constaté que le degré d’impotence de l’assurée n’avait pas changé au point de modifier ses droits, de sorte que cette dernière continuait à bénéficier de la même allocation pour impotent de degré moyen.
f. Le 30 janvier 2023, l’assurée a requis une révision de l’allocation, son état de santé s’étant aggravé de manière progressive depuis plus de dix ans, nécessitant une aide directe pour tous les actes de la vie quotidienne (AVQ) et les activités instrumentales de la vie quotidienne (AIVQ). L’aide était ainsi nécessaire également pour l’acte de « manger » depuis début 2020, s’agissant de mettre les repas dans l’assiette, servir de l’eau et couper les aliments.
g. Selon le rapport du service de gériatrie des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) reçu par la caisse le 21 février 2023, le besoin d’aide était sous-évalué dans la mesure où l’assurée était dépendante pour tous ses déplacements et transferts, qui se faisaient avec un verticalisateur adapté. Elle était donc dépendante pour toutes les activités de la vie quotidienne et nécessitait un accompagnement plusieurs heures par jour et de soins particulièrement astreignants.
h. Selon le rapport de la Docteure B______ du 16 février 2023, l’état de santé de l’assurée – qui souffrait de sclérose en plaques avec tétraparésie spastique – allait en s’aggravant et ne pouvait être amélioré par des mesures médicales, les moyens auxiliaires existant déjà au domicile (mobilisation avec verticalisateur et orthèses adaptées).
i. Selon le rapport de l’Institution genevoise de maintien à domicile (ci-après : IMAD) du 29 février 2023, plusieurs évaluations avaient été effectuées au domicile de l’assurée, dans un contexte de péjoration lente et insidieuse de son état de santé, notamment au niveau de la mobilité et de l’autonomie au quotidien. Le fauteuil roulant n’était plus adapté à sa pathologie et à ses difficultés, et le verticalisateur n’était pas non plus adapté à ses incapacités, l’assurée n’ayant plus le tonus suffisant dans les membres inférieurs et le transfert n’étant plus sécuritaire en raison du positionnement de ses pieds. De nombreux conseils, aménagements et moyens auxiliaires avaient été préconisés, avec l’installation d’un lit médicalisé, de changements de position réguliers, et d’un élévateur électrique. Ce dernier était en l’état refusé par l’assurée, de sorte que les transferts étaient à risque pour elle-même et le personnel.
j. Une enquête à domicile a été effectuée le 11 juillet 2023. S’agissant de l’acte de « manger », l’infirmière évaluatrice a constaté que l’assurée pouvait manger sans aide, des repas étant livrés une fois par jour, son mari ajoutant parfois des petites choses qu’il préparait lui-même. Elle pouvait prendre les plats pré-cuisinés dans le frigo et une bouteille d’eau quand elle était seule. Elle disait pouvoir utiliser son couteau pour pousser la nourriture, mais ne pas pouvoir couper ce qui était dur, étant précisé que la plupart des repas étaient livrés pré-découpés. Elle indiquait pouvoir se faire une tartine avec du Boursin ou du miel, ainsi que se servir à boire. Cet acte n’était donc pas retenu puisque le plus souvent l’assurée était autonome pour ce point.
L’enquêtrice a constaté que l’assurée avait cinq actes de la vie quotidienne de touchés et recommandait de continuer à octroyer une allocation pour impotent de degré moyen.
k. Par décision du 25 juillet 2023, la caisse a refusé d’augmenter l’allocation pour impotent. L’assurée ne nécessitait pas une aide supplémentaire pour accomplir tous les actes ordinaires de la vie selon les renseignements obtenus, notamment à la suite de la visite de l’infirmière évaluatrice du 11 juillet 2023.
l. Selon la note de travail du 25 juillet 2023, l’acte « aller aux toilettes » était comptabilisé, mais plus celui de « manger ».
m. Le 12 juin 2024, l’assurée a contesté cette décision, qui lui a été notifiée le 13 mai 2024.
Ses besoins avaient évolué depuis l’année 2009 puisque l’IMAD effectuait désormais quatre passages à domicile par jour, à deux personnes, au lieu de deux passages avec une personne. Cette situation était due à une aggravation notable de son état de santé, car non seulement elle avait les deux jambes paralysées, mais avait vu au cours des années son bras gauche se paralyser jusqu’à l’actuelle paralysie totalement handicapante. Elle ne pouvait plus manger seule, ni se déplacer en fauteuil roulant, ne pouvait plus sortir seule, ni n’avait accès aux différentes pièces de son logement.
Elle avait plusieurs fois contacté l’OAI après le passage de l’infirmière évaluatrice pour connaître la réponse à sa demande de révision de l’allocation, sans en obtenir jusqu’au 13 mai 2024.
n. Par courrier du 19 août 2024, le Docteur C______, neurologue FMH, a soutenu l’opposition de sa patiente, relevant qu’à son sens, elle présentait déjà une impotence grave en 2009 et, qu’en tous les cas, son état s’était aggravé et qu’elle présentait de plus en plus de difficultés dans la mobilisation, comprenant aussi des difficultés au niveau du membre supérieur droit. L’aide infirmière avait aussi augmenté.
o. Par décision sur opposition du 31 octobre 2024, la caisse a confirmé sa décision du 26 juillet 2023, les arguments avancés par l’assurée ne lui permettant pas de la modifier. L’assurée restait au bénéfice d’une allocation pour impotent de degré moyen.
B. a. Par acte du 29 novembre 2024, l’assurée, sous la plume de son conseil, a interjeté recours auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après la chambre de céans), concluant principalement à l’annulation de la décision du 31 octobre 2024 et à être mise au bénéfice d’une allocation pour impotent de degré grave avec effet au jour du dépôt de la demande de révision. Subsidiairement, elle a conclu à l’annulation de la décision entreprise et au renvoi de la cause pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
En substance, son état de santé s’était aggravé depuis la décision d’une allocation pour impotent de degré moyen rendue en février 2009, tant au niveau de la mobilisation que dans l’usage de ses membres supérieurs, ce qui impactait sa capacité à réaliser les actes ordinaires de la vie et avait nécessité une intensification de l’aide à domicile (lit médicalisé et salle de bain aménagée) ainsi qu’un besoin d’aide quotidienne et permanente d’une gouvernante, de l’IMAD et de ses proches. Elle n’était en mesure de prendre qu’un couvert et était incapable de se servir d’un couteau, n’arrivait que difficilement à amener seule la nourriture à la bouche, devait être constamment assistée lors de ses repas et porter un bavoir. Ses repas lui étaient apportés au lit et, sans l’aide d’un tiers, elle devait porter l’aliment dur à la bouche et le découper en morceaux avec ses dents. Atteinte de sclérose en plaques, elle développait en outre désormais un psoriasis. Elle ne pouvait plus utiliser sa main gauche et présentait de graves difficultés à faire usage de sa main droite, péjorées en outre par le psoriasis.
L’intimé se fondait sur la visite de l’infirmière évaluatrice en juillet 2023 alors que sa décision était rendue plus d’une année après et que ses constatations n’étaient plus conformes à la réalité de sa situation et ne bénéficiaient donc plus de la moindre valeur probante, ce d’autant que le psoriasis dont elle souffrait et le handicap pour l’acte de « manger » avaient été diagnostiqués postérieurement à la visite. Les constatations de l’intimé sur ce point étaient donc inexactes et incomplètes.
b. Par réponse du 19 décembre 2024, l’OAI a conclu au rejet du recours.
Il n’y avait pas lieu de s’écarter de l’enquête à domicile, qui remplissait les exigences de valeur probante posées par la jurisprudence. Aucun élément ne démontrait que l’assurée aurait besoin d’une aide plus étendue, en sorte que c’était à juste titre que l’acte de « manger » n’avait pas été reconnu. Aucun document médical circonstancié postérieur ne permettait de remettre en cause les conclusions du rapport, en particulier pas une aggravation objective de l’état de santé. Le diagnostic de psoriasis était mentionné dans un courrier électronique postérieur à la décision litigieuse, sortant du cadre du litige, et ses conséquences sur la capacité à accomplir l’acte de « manger » n’étaient pas posées.
c. Dans sa réplique du 4 février 2025, la recourante a persisté dans ses conclusions et son argumentation. Elle a précisé qu’en raison de l’évolution de la sclérose en plaques et des plaies en lien avec le psoriasis dont elle souffre, elle n’avait désormais l’usage que d’une seule main et ne pouvait pas couper la nourriture elle-même. Le rapport de l’enquête à domicile, qui datait de deux ans, ne reflétait plus sa réalité quotidienne et était en contradiction avec le rapport médical sur la base duquel l’intimé reconnaissait le besoin d’aide pour l’acte de « manger ». Ce besoin ressortait encore de la note de travail du 25 juillet 2023. Il ne pouvait par ailleurs pas évoluer favorablement alors que l’état de santé de la recourante se péjorait au niveau de la mobilité et de l’autonomie au quotidien, ce que l’IMAD avait relevé le 23 février 2023 et ce qui ressortait déjà de la demande de révision du 2 février 2023. Les appréciations des besoins de la recourante étaient contradictoires et rendaient confus le constat de son absence d’autonomie pour l’acte de manger, alors qu’il était clair et évident et que l’intimé aurait pu le constater s’il n’avait pas fait l’économie d’une nouvelle enquête à domicile.
Elle a versé à la procédure une attestation du Dr C______ du 6 décembre 2024 selon laquelle elle était « totalement dépendante de son entourage et qu’elle ne [pouvait] absolument pas faire face à ses activités quotidiennes de façon dépendante » et qu’elle était « complètement impotente ce d’autant que sa maladie [avait] évolué », ainsi qu’un certificat médical de la Docteure D______, médecin cheffe de clinique de l’unité de gériatrie communautaire des HUG, du 21 janvier 2025 selon lequel la recourante ne pouvait « couper la nourriture elle-même » et était « dépendante des AIVQ ».
d. Cette écriture a été envoyée à l’intimé le 5 février 2025.
1. Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
2. Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).
Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.
3. Le litige porte sur la question de savoir si la recourante a droit à une API de degré grave plutôt que moyen et depuis quand le droit à cette prestation est ouvert.
4. Dans le cadre du développement continu de l’AI, la LAI, le règlement du 17 janvier 1961 sur l’assurance-invalidité (RAI - RS 831.201) et l'art. 17 LPGA notamment ont été modifiés avec effet au 1er janvier 2022 (modifications des 19 juin 2020 et 3 novembre 2021 ; RO 2021 705 et RO 2021 706).
En l’absence de disposition transitoire spéciale, ce sont les principes généraux de droit intertemporel qui prévalent, à savoir l’application du droit en vigueur lorsque les faits déterminants se sont produits (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et la référence). Lors de l’examen d’une demande d’octroi de rente d’invalidité, est déterminant le moment de la naissance du droit éventuel à la rente. Si cette date est antérieure au 1er janvier 2022, la situation demeure régie par les anciennes dispositions légales et réglementaires en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021. Si elle est postérieure au 31 décembre 2021, le nouveau droit s’applique (arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2023 du 20 juillet 2023 consid. 2.2. et les références).
Dans les cas de révision selon l'art. 17 LPGA, conformément aux principes généraux du droit intertemporel (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1), il convient d’évaluer, selon la situation juridique en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021, si une modification déterminante pour le droit à la rente est intervenue jusqu’à cette date. Si tel est le cas, les dispositions de la LAI et celles du RAI dans leur version valable jusqu'au 31 décembre 2021 sont applicables. Si la modification déterminante est intervenue après cette date, les dispositions de la LAI et du RAI dans leur version en vigueur à partir du 1er janvier 2022 sont applicables. La date de la modification se détermine selon l'art. 88a RAI (arrêts du Tribunal fédéral 8C_55/2023 du 11 juillet 2023 consid. 2.2 ; 8C_644/2022 du 8 février 2023 consid. 2.2.3).
En l’occurrence, il n’est pas contesté que le droit de la recourante à une allocation pour impotent est né antérieurement au 1er janvier 2022. Toutefois, la décision querellée est fondée sur un motif de révision survenu en 2023, de sorte que les dispositions applicables seront citées dans leur nouvelle teneur.
4.1 Conformément à l’art. 17 al. 2 LPGA, toute prestation durable accordée en vertu d’une décision entrée en force est, d’office ou sur demande, augmentée ou réduite en conséquence, ou encore supprimée si les circonstances dont dépendait son octroi changent notablement.
Cette disposition s’applique à la révision des allocations pour impotent. Dans ce contexte, la procédure doit déterminer si les circonstances dont dépendait le droit à l’allocation ont changé de manière significative (arrêt du Tribunal fédéral 9C_662/2019 du 19 février 2020 consid. 4.2).
4.2
4.2.1 Selon l’art. 42 al. 1 phr. 1 LAI, les assurés impotents (art. 9 LPGA) qui ont leur domicile et leur résidence habituelle (art. 13 LPGA) en Suisse ont droit à une allocation pour impotent.
Est réputée impotente toute personne qui, en raison d’une atteinte à sa santé, a besoin de façon permanente de l’aide d’autrui ou d’une surveillance personnelle pour accomplir des actes élémentaires de la vie quotidienne (art. 9 LPGA). Ces actes sont ceux que la jurisprudence antérieure à l’entrée en vigueur de la LPGA désignait par « actes ordinaires de la vie » (Michel VALTERIO, Commentaire de la Loi fédérale sur l’assurance-invalidité [LAI], 2018, n. 10 ad art. 42 LAI).
Est aussi considérée comme impotente la personne vivant chez elle qui, en raison d’une atteinte à sa santé, a durablement besoin d’un accompagnement lui permettant de faire face aux nécessités de la vie (art. 42 al. 3 phr. 1 LAI).
La loi distingue trois degrés d’impotence : grave, moyen ou faible (art. 42 al. 2 LAI).
Le degré d’impotence se détermine en fonction du nombre d'actes (associés éventuellement à une surveillance personnelle permanente ou à un accompagnement durable pour faire face aux nécessités de la vie) pour lesquels l’aide d’autrui est nécessaire (art. 37 RAI). L’évaluation du besoin d’aide pour accomplir les actes ordinaires de la vie constitue donc une appréciation fonctionnelle ou qualitative de la situation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_350/2014 du 11 septembre 2014 consid. 4.2.2 et la référence).
L’art. 37 al. 1 RAI prescrit que l’impotence est grave lorsque l’assuré est entièrement impotent. Tel est le cas s’il a besoin d’une aide régulière et importante d’autrui pour tous les actes ordinaires de la vie et que son état nécessite, en outre, des soins permanents ou une surveillance personnelle.
Le terme « entièrement » impotent se rapporte uniquement aux six actes ordinaires de la vie pris en considération. Est donc entièrement impotent au sens de l'art. 37 al. 1 RAI, l’assuré qui a besoin d’aide pour effectuer ces actes sans toutefois être entièrement dépendant d'autrui pour autant; il suffit qu’il le soit dans une mesure importante. L’exigence d'un besoin d’aide régulière et importante d’autrui pour tous les actes ordinaires de la vie, d’une part, et, d’autre part, celle d’un état nécessitant des soins permanents ou une surveillance personnelle sont cumulatives. L’exigence du besoin d’aide de tiers ainsi comprise est déjà tellement étendue que la condition de soins permanents ou de surveillance personnelle n’a plus qu’un caractère secondaire et doit être considérée comme remplie dès qu’il y a soins permanents ou surveillance personnelle, fussent-ils peu importants (ATF 106 V 153 consid. 2a).
Pour être permanents, il n’est pas nécessaire que les soins soient fournis 24 heures sur 24: ils ne doivent simplement pas être occasionnés par un état temporaire (par exemple par une maladie intercurrente), mais être entraînés par une atteinte qui puisse être présumée permanente ou de longue durée. L’exigence de soins ou de surveillance ne s’applique pas aux actes ordinaires de la vie, mais concerne plutôt des prestations d’aide médicale ou infirmière requises en raison de l’état physique ou psychique de l’assuré (ATF 106 V 153 consid. 2a). Par « soins permanents », il faut entendre, par exemple, la nécessité de donner des médicaments ou de mettre un pansement chaque jour (ATF 107 V 136 consid. 1b).
4.2.2 L’art. 37 al. 2 RAI stipule que l’impotence est moyenne si l’assuré, même avec des moyens auxiliaires, a besoin : d’une aide régulière et importante d’autrui pour accomplir la plupart des actes ordinaires de la vie (let. a) ; d’une aide régulière et importante d’autrui pour accomplir au moins deux actes ordinaires de la vie et nécessite, en outre, une surveillance personnelle permanente (let. b) ; ou d’une aide régulière et importante d’autrui pour accomplir au moins deux actes ordinaires de la vie et nécessite, en outre, un accompagnement durable pour faire face aux nécessités de la vie au sens de l'art. 38 RAI (let. c).
On est en présence d’une impotence de degré moyen au sens de la let. a lorsque l’assuré doit recourir à l’aide de tiers pour au moins quatre actes ordinaires de la vie (arrêt du Tribunal fédéral 9C_560/2017 du 17 octobre 2017 consid. 2 et la référence).
Il faut attribuer plus d’importance à la surveillance personnelle permanente dans les cas d’une impotence de degré moyen et non pas seulement une importance minime comme à l’art. 37 al. 1 RAI, étant donné que, dans le cadre de l’art. 37 al. 2 let. b RAI, les situations exigeant l’aide d’autrui dans l’accomplissement des actes ordinaires de la vie sont beaucoup moins fréquentes qu’en cas d’impotence grave (ATF 107 V 145 consid. 1d).
4.2.3 Selon la jurisprudence, les actes élémentaires de la vie quotidienne se répartissent en six domaines : 1. se vêtir et se dévêtir ; 2. se lever, s’asseoir et se coucher ; 3. manger ; 4. faire sa toilette (soins du corps) ; 5. aller aux toilettes ; 6. se déplacer à l’intérieur ou à l’extérieur et établir des contacts sociaux (arrêt du Tribunal fédéral 8C_691/2014 du 16 octobre 2015 consid. 3.3 et les références).
De manière générale, on ne saurait réputer apte à un acte ordinaire de la vie l’assuré qui ne peut l’accomplir que d’une façon non conforme aux mœurs usuelles (ATF 106 V 153 consid. 2b). Ce principe est en particulier applicable lorsqu’il s’agit d’apprécier la capacité d'accomplir l’acte consistant à aller aux toilettes (ATF 121 V 95 consid. 6c ; 121 V 94 consid. 6b et les références).
Quand il s’agit d’examiner le besoin d’une aide pour chacun des actes ordinaires de la vie, il ne doit être tenu compte de moyens auxiliaires que dans la mesure où ils sont effectivement pris en charge par l'assurance-invalidité. L’assuré incapable de marcher est réputé avoir besoin d’une aide pour ses déplacements (à l’extérieur), même s’il dispose d’une voiture automobile remise par l'assurance-invalidité ou financée par celle-ci au moyen de prestations de remplacement, car c’est uniquement en considération d’un but professionnel, et non pour couvrir des frais de déplacements privés, que l’assurance intervient dans ce cas (ATF 117 V 146 consid. 3a).
Par ailleurs, il n’y a aucune raison de traiter différemment un assuré qui n’est plus en mesure d’accomplir une fonction (partielle) en tant que telle ou ne peut l’exécuter que d’une manière inhabituelle et un assuré qui peut encore accomplir cet acte, mais n’en tire aucune utilité (ATF 117 V 151 consid. 3b ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 43/02 du 30 septembre 2002 consid. 1 et 2.1).
Pour qu’il y ait nécessité d’assistance dans l’accomplissement d’un acte ordinaire de la vie comportant plusieurs fonctions partielles, il n’est pas obligatoire que la personne assurée requière l’aide d’autrui pour toutes ou la plupart des fonctions partielles; il suffit bien au contraire qu’elle ne requière l’aide directe ou indirecte d’autrui, d’une manière régulière et importante, que pour une seule de ces fonctions partielles (ATF 121 V 88 consid. 3c). Les fonctions partielles d'un acte ordinaire de la vie ne peuvent toutefois être prises en considération qu’une fois en tout lorsque l’assuré a besoin de l’aide d’autrui pour accomplir ces fonctions dans plusieurs actes ordinaires. En revanche, si l’accomplissement d’un acte ordinaire de la vie est seulement rendu plus difficile ou ralenti par l’atteinte à la santé, cela ne signifie pas qu’il y ait impotence (arrêt du Tribunal fédéral 9C_360/2014 du 14 octobre 2014 consid. 4.4 et les références).
L’aide est régulière lorsque l’assuré en a besoin ou pourrait en avoir besoin chaque jour (arrêt du Tribunal fédéral 9C_562/2016 du 13 janvier 2017 consid. 5.3 et les références). C’est par exemple le cas lors de crises pouvant ne se produire que tous les deux ou trois jours, mais pouvant aussi survenir brusquement chaque jour ou même plusieurs fois par jour (RCC 1986 p. 510 consid. 3c).
L’aide est importante lorsque l’assuré ne peut plus accomplir seul au moins une fonction partielle d’un acte ordinaire de la vie (ATF 121 V 88 consid. 3c et les références ; ATF 107 V 136 consid. 1b) ; lorsqu’il ne peut le faire qu’au prix d’un effort excessif ou d’une manière inhabituelle ou que, en raison de son état psychique, il ne peut l’accomplir sans incitation particulière (ATF 106 V 153 consid. 2a et 2b) ; lorsque, même avec l’aide d’un tiers, il ne peut accomplir un acte ordinaire déterminé parce que cet acte est dénué de sens pour lui (par ex. si l’assuré souffre de graves lésions cérébrales et que sa vie se trouve réduite à des fonctions purement végétatives, de sorte qu’il est condamné à vivre au lit et qu’il ne peut entretenir de contacts sociaux (ATF 117 V 146 consid. 3b ; CIIAI, ch. 8026).
Les personnes chargées de déterminer s’il y a impotence (médecin, collaborateurs des services sociaux) doivent se limiter à indiquer en quoi consiste l’aide accordée de manière régulière. Décider si elle est importante est en revanche une question de droit qu’il incombe à l’administration, respectivement au juge de trancher (ATF 107 V 136 consid. 2b).
4.3 S’agissant de l’acte ordinaire de la vie « manger », il y a impotence lorsque l’assuré peut certes manger seul, mais seulement d’une manière non usuelle, lorsqu'il ne peut pas couper ses aliments lui-même ou lorsqu'il ne peut les porter à sa bouche qu'avec ses doigts. Il y a également impotence lorsque l'assuré ne peut pas du tout se servir d'un couteau et donc pas même se préparer une tartine (Valterio, op. cit., n° 19 et 20 ad. art. 42 LAI ; voir également ATF 121 V 88 consid. 3c ; ATF 106 V 153 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_346/2010 du 6 août 2010 consid. 4 et 5). Cet acte comprend l'aide consistant à apporter un des repas principaux au lit en raison de l'état de santé de la personne assurée (cf. arrêts du Tribunal fédéral 9C_235/2024 du 30 juillet 2024 ; consid. 5.4 ; 9C_346/2010 du 6 août 2010, consid. 3 et 5). Dans l’arrêt 9C_346/2010 précité, le Tribunal fédéral a retenu qu’il n’y avait pas impotence dans le cas d’une assurée qui était encore en mesure de manger seule avec une cuillère et une fourchette, même si elle ne pouvait plus couper certains aliments (consid. 5).
Il convient toutefois de souligner que même si l’assuré éprouve des difficultés pour couper des aliments, il existe des moyens auxiliaires simples et peu coûteux, dont l’utilisation peut être exigée de lui en vertu de son obligation de diminuer le dommage (cf. ATF 134 V 64 consid. 4), qui lui permettraient d’effectuer cet acte comme, par exemple, un couteau ergonomique (arrêt du Tribunal fédéral 9C_525/2014 du 18 août 2014 consid. 6.3). Il n’y a par contre pas d’impotence si l’assuré n’a besoin de l’aide directe d’autrui que pour couper des aliments durs, car de tels aliments ne sont pas consommés tous les jours et l’assuré n’a donc pas besoin de cette aide de façon régulière ni dans une mesure considérable (arrêt du Tribunal fédéral 9C_791/2016 du 22 juin 2017 consid. 4 et la référence).
La nécessité de se faire accompagner pour se rendre à table ou quitter la table ou d’être aidé pour y prendre place ou se lever n’est pas significative puisqu’elle est déjà prise en considération dans les actes ordinaires de la vie correspondants − se lever, s’asseoir, se coucher et se déplacer (arrêt du Tribunal fédéral 9C_346/2010 du 6 août 2010 consid. 3 et la référence ; CIIAI, ch. 8019), tout comme l’impossibilité d’apporter les repas à table (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H.128/03 du 27 août 2003 consid. 3). En revanche, il y a impotence lorsqu’il s’avère nécessaire d’apporter un des trois repas principaux au lit en raison de l’état de santé objectivement considéré de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral 9C_346/2010 du 6 août 2010 consid. 3 et la référence).
5.
5.1 La plupart des éventualités assurées (par exemple la maladie, l'accident, l'incapacité de travail, l'invalidité, l'atteinte à l'intégrité physique ou mentale) supposent l'instruction de faits d'ordre médical. Or, pour pouvoir établir le droit de l'assuré à des prestations, l'administration ou le juge a besoin de documents que le médecin doit lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d'assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1).
En règle générale, le degré d’impotence d’un assuré est déterminé par une enquête à son domicile. Cette enquête doit être élaborée par une personne qualifiée qui a connaissance de la situation locale et spatiale, ainsi que des empêchements et des handicaps résultant des diagnostics médicaux. Il s’agit en outre de tenir compte des indications de la personne assurée et de consigner les opinions divergentes des participants. Enfin, le contenu du rapport doit être plausible, motivé et rédigé de façon suffisamment détaillée en ce qui concerne chaque acte ordinaire de la vie et sur les besoins permanents de soins et de surveillance personnelle et finalement correspondre aux indications relevées sur place. Le seul fait que la personne désignée pour procéder à l’enquête se trouve dans un rapport de subordination vis-à-vis de l’office AI ne permet pas encore de conclure à son manque d’objectivité et à son parti pris. Il est nécessaire qu’il existe des circonstances particulières qui permettent de justifier objectivement les doutes émis quant à l’impartialité de l’évaluation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_907/2011 du 21 mai 2012 consid. 2 et les références). Lorsque le rapport constitue une base fiable de décision, le juge ne saurait remettre en cause l’appréciation de l’auteur de l’enquête que s’il est évident qu’elle repose sur des erreurs manifestes (ATF 130 V 61 consid. 6.1.2).
5.2 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 360 consid. 5b ; 125 V 195 consid. 2 et les références ; 130 III 324 consid. 3.2 et 3.3). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).
5.3 En l’espèce, dans la décision litigieuse, l'intimé a maintenu l'API de la recourante à un degré moyen, refusant de la faire passer à un degré grave, ce que la recourante conteste.
Il convient par conséquent d'examiner si les circonstances dont dépendait le droit à l'allocation pour impotent de degré moyen allouée à la recourante par décision du 4 février 2009, et maintenu par décision du 4 octobre 2012, ont changé de manière significative, justifiant l'octroi d'une API de degré grave.
5.4 En se fondant sur l'enquête à domicile du 11 juillet 2023, l'intimé considère que la recourante n’a pas besoin d’aide supplémentaire à celle constatée précédemment pour accomplir tous les actes ordinaires de la vie.
La recourante conteste la force probante de l'enquête à domicile, la considérant comme n’étant plus d’actualité. Elle estime qu'elle a besoin d'une aide régulière et importante d'autrui pour accomplir six actes ordinaires de la vie (à savoir « se vêtir et se dévêtir ; se lever, s'asseoir et se coucher ; manger ; faire sa toilette ; aller aux toilettes ; se déplacer et entretenir des contacts avec autrui ») et nécessite en outre un accompagnement durable pour faire face aux nécessités de la vie.
Dans son opposition du 12 juin 2024, elle a précisé que son état de santé s’était aggravé de manière notable, puisque son bras gauche s’était totalement paralysé au cours des années et qu’elle ne pouvait plus manger seule. Sans se référer à cette paralysie du bras gauche, le Dr C______ a soutenu, le 19 août 2024, cette opposition, relevant qu’à son sens, sa patiente présentait déjà une impotence grave en 2009 et que son état s’était aggravé, qu’elle présentait de plus en plus de difficultés dans la mobilisation, comprenant aussi des difficultés au niveau du membre supérieur droit.
Ces éléments vont à l’encontre des constats posés par l’infirmière évaluatrice en juillet 2023, puisque celle-ci relevait que la recourante pouvait notamment prendre les plats pré-cuisinés dans le frigo et une bouteille d’eau quand elle était seule, se servir à boire et disait pouvoir utiliser son couteau pour pousser la nourriture, mais ne pas pouvoir couper ce qui était dur, et pouvoir se faire une tartine avec du Boursin ou du miel.
Ils rendaient également plausible une aggravation de l’état de santé de la recourante, à tout le moins depuis le rapport de l’infirmière évaluatrice, pouvant possiblement avoir un impact sur ses capacités à effectuer les actes de la vie quotidienne.
Aucune investigation supplémentaire n’a néanmoins été effectuée avant la décision sur opposition du 31 octobre 2024. En particulier, l’intimé n’a demandé aucun avis au service médical régional de l’AI (ci-après SMR) ni n’a effectué une nouvelle enquête à domicile pour évaluer les limitations de la recourante et les actualiser au besoin.
Dans le cadre de la procédure, la recourante a produit des documents médicaux faisant état d’une aggravation de son état de santé ainsi que de l’apparition d’un psoriasis.
Au vu de ce qui précède, les éléments du dossier ne permettent pas de trancher de l’existence ou non d’une aggravation durable de l’état de santé de la recourante et de ses éventuelles répercussions sur son quotidien et son degré d’impotence.
Il en résulte qu’un complément d’instruction doit être réalisé, ce qui justifie un renvoi à l’intimé.
6. Il se justifie en conséquence d’admettre partiellement le recours, d’annuler la décision du 31 octobre 2024 et de renvoyer la cause à l’intimé pour instruction complémentaire au sens des considérants et nouvelle décision motivée.
7. La recourante obtenant partiellement gain de cause, une indemnité de CHF 2'000.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03).
8. Au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l’intimé au paiement d’un émolument de CHF 200.- (art. 69 al. 1bis LAI).
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. L’admet partiellement.
3. Annule la décision du 31 octobre 2024.
4. Renvoie la cause à l’intimé pour instruction complémentaire et nouvelle décision au sens des considérants.
5. Condamne l’intimé à verser une indemnité de CHF 2'000.- à la recourante à titre de dépens.
6. Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé.
7. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Pascale HUGI |
| La présidente
Fabienne MICHON RIEBEN |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le