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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2831/2023

ATAS/1031/2024 du 17.12.2024 ( AVS ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2831/2023 ATAS/1031/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 17 décembre 2024

Chambre 10

 

En la cause

A______,

représenté par Me David METILLE, avocat

 

 

recourant

 

contre

CAISSE INTERPROFESSIONNELLE AVS DE LA FEDERATION DES ENTREPRISES ROMANDES FER CIAM 106.1

et

C______

 

intimé

 

 

appelé en cause


EN FAIT

 

A. a. La société B______, en liquidation (ci-après : la société), avec siège à Meyrin, a été inscrite le 10 juillet 2013 au registre du commerce de Genève (ci-après : RC), avec pour but social « tous services de surveillance et d'intervention dans le domaine de la sécurité, de la protection de personnes et de biens, du transfert et du transport de valeurs ; conseils en sécurité ».

b. La société a été affiliée en qualité d'employeur auprès de la Caisse interprofessionnelle AVS de la Fédération des Entreprises Romande – FER CIAM 106.1 (ci-après : la caisse).

c. Monsieur C______ (ci-après : le gérant président) en a été le gérant président, avec signature individuelle et ensuite avec signature collective à deux, puis à nouveau le gérant avec signature individuelle du 1er octobre 2018 jusqu'à la radiation de la société le 19 novembre 2021.

d. Monsieur A______ (ci-après : l'intéressé) en a été le gérant avec signature collective à deux du 13 octobre 2017 au 1er octobre 2018.

B. a. Le 24 octobre 2017, l'intéressé a déposé une demande d'autorisation concordataire auprès du service des armes, explosifs et autorisations (ci-après : SAEA) dans le but d'exercer la fonction de chef d'agence au sein de la société (cf. courrier du 19 février 2018 du SAEA).

b. Le département de la sécurité et de l'économie (ci-après : DES) a, par arrêté du 19 décembre 2017, octroyé à la société l'autorisation d'exploiter une entreprise de sécurité, dirigée par l'intéressé, considérant que ce dernier remplissait les conditions personnelles et avait subi avec succès le 6 octobre 2016 l'examen portant sur la connaissance de la profession et de la législation applicable en la matière.

c. Par pli du 29 janvier 2018, reçu le 20 février 2018, le SAEA a transmis à l'intéressé l'arrêté d'autorisation afin d'exploiter la société, en rappelant que le chef d'entreprise devait se conformer au concordat sur les entreprises de sécurité et ses directives.

d. Par contrat de travail daté du 5 janvier 2018 et signé par l'intéressé, la société l’a engagé en qualité de « gérant responsable du service de sécurité et d'intervention » à un taux de 50% à compter du 1er novembre 2017. Il était précisé que l'intéressé devait « amener sa patente » et qu'il était « plus particulièrement responsable de l'organisation du service de sécurité et d'intervention et de la qualité irréprochable des prestations ».

C. a. Entre les 5 juillet 2017 et 29 mars 2018, la caisse a adressé à la société des sommations de paiement aux dates suivantes :

-          le 5 juillet 2017, sommation « décompte de cotisations mai 2017 » d'un montant de CHF 8'856.15, à payer au 18 juillet 2017 ;

-          le 3 août 2017, sommation « décompte de cotisations juin 2017 » d'un montant de CHF 8'173.25, à payer au 16 août 2017 ;

-          le 30 août 2017, sommation « décompte de cotisations juillet 2017 » d'un montant de CHF 8'856.15, à payer au 12 septembre 2017 ;

-          le 27 septembre 2017, sommation « décompte de cotisations août 2017 » d'un montant de CHF 8'856.15, à payer au 10 octobre 2017 ;

-          le 25 octobre 2017, sommation « décompte de cotisations septembre 2017 » d'un montant de CHF 9'765.15, à payer au 7 novembre 2017 ;

-          le 22 novembre 2017, sommation « décompte de cotisations octobre 2017 » d'un montant de CHF 8'856.15, à payer au 5 décembre 2017 ;

-          le 28 février 2018 : sommation « décompte de cotisations janvier 2018 » d'un montant de CHF 6'813.35, à payer au 11 avril 2018 ;

-          le 29 mars 2018 : sommation « décompte de cotisations février 2018 » d'un montant de CHF 6'813.35, à payer au 11 avril 2018.

b. Par courrier du 23 août 2018, la caisse a adressé à la société une menace de plainte pénale du fait que celle-ci ne s'était pas acquittée de son obligation de payer dans les délais les cotisations paritaires arriérées pour les périodes de mai à octobre 2017 et de janvier à août 2018, ainsi que les intérêts moratoires de février à avril 2017 et le contrôle d'employeur 2018 pour les années 2013 à 2016. Le solde dû à la caisse s'élevait à CHF 116'949.55, sans compter les éventuels frais de poursuite et les intérêts moratoires. Le montant de la part pénale pouvant faire l'objet d'une dénonciation s'élevait à CHF 52'441.90.

c. Par courrier du 24 août 2018, la société, par son gérant président, a fait état de difficultés financières à la suite de malversations d'anciens employés et a requis un arrangement de paiement concernant les cotisations paritaires arriérées, tout en s'acquittant des cotisations mensuelles courantes.

d. Entre les mois d'août et de décembre 2018, des tentatives d'arrangements de paiement entre la caisse et la société, par l'entremise du gérant président, ont eu lieu, sans toutefois aboutir à un accord.

e. Par courrier du 17 janvier 2019, la caisse a confirmé son accord de principe à l'établissement d'un sursis au paiement afin d'amortir le montant de la part pénale des cotisations AVS/AI/APG/AC et « PAS » pouvant faire l'objet d'une dénonciation et qui s'élevait à CHF 60'264.20. L'arrangement serait provisoire, les poursuites maintenues et les procédures civiles de recouvrement suivraient leur cours.

f. À la suite de poursuites engagées à l'encontre de la société, la caisse a reçu les 16 septembre et 7 novembre 2019 dix procès-verbaux valant actes de défaut de biens concernant les poursuites relatives aux décomptes de cotisations « employeur » de janvier à avril 2018, aux décomptes de cotisations « affilié » de mai à septembre 2018, au contrôle d'employeur de 2018 et aux intérêts moratoires de 2018.

g. Par jugement du Tribunal de première instance du 5 décembre 2019, la société a été dissoute par suite de faillite avec effet dès le même jour.

h. Le 20 décembre 2019, la caisse a informé l'intéressé, en sa qualité de gérant de la société, qu'à la suite du prononcé de la faillite de ladite société le 5 décembre 2019, celle-ci ne s'était pas entièrement acquittée de ses obligations envers la caisse, que la part pénale des cotisations arriérées s'élevait à CHF 34'789.10 et le total des cotisations dues à CHF 131'873.01. Un délai au 6 janvier [2020] était fixé pour s'acquitter de la part pénale des cotisations arriérées. Il était relevé que la caisse subissait un dommage vu la délivrance d'actes de défauts de biens à l'encontre de la société et qu'elle devrait en demander réparation aux organes responsables.

i. Le même jour, un courrier similaire a été adressé au gérant président, portant sur des périodes plus étendues.

j. Le 2 janvier 2020, l'intéressé a informé la caisse qu'il ne pouvait être tenu responsable de la dette concernant les cotisations sociales arriérées de la société.

Il a fait valoir qu'il n'était pas au courant que ces paiements n'étaient pas effectués. Dès son entrée au sein de la société, il avait immédiatement informé les responsables qu'il devait être à même de pouvoir exercer son activité « dans la plus grande rigueur légale envers ses employés et les autorités compétentes ». La documentation relative aux employés aurait dû lui être fournie, mais cela n'avait jamais été fait, malgré son insistance. Dès le début de son activité, on lui avait toujours garanti que tout était en ordre et, qu'à la suite d'un contrôle, tout était en règle s'agissant des cotisations AVS. Sur les fiches de salaire, les montants des cotisations sociales apparaissaient comme payés, et le gérant président lui avait garanti que tout était en règle. Après avoir constaté plusieurs irrégularités dans le fonctionnement de la société, il avait immédiatement informé l'autorité compétente, soit la police cantonale genevoise. Après plusieurs rendez-vous avec cette dernière, il avait pris la décision de cesser son activité, en raison de la violation du concordat sur les entreprises de sécurité par la société et l'absence de documentation qui aurait dû être mise à sa disposition. Il avait alors remis sa carte d'accréditation à l'autorité compétente au début du mois de mars 2017 [rect. 2018], date à partir de laquelle il n'était plus responsable des agissements de la société. Cette dernière l'avait néanmoins contraint à rester jusqu'au 31 mai 2017 [rect. 2018], alors qu'il n'avait plus aucun pouvoir de décision. Certains salaires ne lui avaient pas été versés, de sorte qu'il avait intenté une procédure par-devant le Tribunal des Prud'hommes et mis la société aux poursuites.

k. L'état de collocation dans la faillite a été déposée le 15 juin 2020.

l. Le 3 novembre 2021, l'office cantonal des faillites du canton de Genève a délivré à la caisse deux actes de défaut de biens après faillite. L'un faisait état de créances admises à hauteur de CHF 120'116.01, ce montant étant impayé et comprenant CHF 85'357.20 à titre de cotisations AVS/AI/APG/AC, CHF 17'117.15 d'allocations familiales, CHF 613.40 de cotisations assurance maternité, CHF 1'419.95 de frais administratifs, CHF 5'768.65 de frais de poursuites, CHF 3'181.41 d'intérêts moratoires jusqu'à la date de l'acte de défaut de biens, CHF 6'441.25 d'intérêts moratoires jusqu'au jour de la réquisition de poursuite, CHF 204.15 d'intérêts moratoires à la suite d'un contrôle d'employeur de 2014 et CHF 12.85 d'intérêts moratoires jusqu'au jour de la faillite. L'autre faisait état d'une créance admise à hauteur de CHF 11'757.-, comprenant CHF 1'102.- à titre de cotisations pour la formation professionnelle, CHF 10'055.-pour les taxes et amendes, et CHF 600.- pour les cotisations membre individuel FER.

m. Par jugement du 19 novembre 2021, la procédure de faillite a été clôturée et la société a été radiée d'office.

n. Le 10 décembre 2021, la caisse a adressé à l'intéressé, par courrier recommandé, une décision en réparation de dommage s'élevant à CHF 71'476.75. Elle a fait valoir qu'à la suite des procédures de poursuites à l'encontre de la société, onze procès-verbaux de saisie valant acte de défauts de biens lui avaient été délivrés, de sorte que les cotisations manquantes avaient causé un dommage à l'AVS. Un montant impayé de CHF 71'476.75 était dû, correspondant aux cotisations paritaires AVS/AI/APG/AC, ainsi qu'aux cotisations dues au régime des allocations familiales (AF) des périodes de mai à octobre 2017, janvier à février 2018 et à un solde de frais sur les périodes de février à avril 2017. En raison de sa qualité de gérant, l'intéressé était responsable du dommage causé à l'AVS et le montant du dommage correspondait à celui des cotisations éludées, soit CHF 71'476.75.

o. Une décision du 10 décembre 2021 en réparation de dommage a été adressée au gérant président, portant sur un montant de CHF 120'222.90, correspondant aux cotisations paritaires AVS/AI/APG/AC ainsi qu'aux cotisations dues au régime des AF des périodes de mai à octobre 2017, janvier à septembre 2018, contrôle d'employeur sur l'année 2014 et à un solde de frais sur les périodes de février à avril 2017. Cette décision n'a pas été frappée d'opposition et est entrée en force de chose décidée.

p. Le 22 décembre 2021, l'intéressé a formé opposition à la demande en réparation de dommage, réitérant ses arguments formulés le 2 janvier 2020. Il a indiqué avoir déjà informé la caisse lors d'un entretien qu'il n'était pas responsable de la situation de dommage et qu'il avait fourni les éléments nécessaires pour le prouver.

L'intéressé a transmis plusieurs documents à la caisse, dont :

-          un courriel du 19 février 2018 qu’il avait envoyé à la direction de la société l'informant de sa décision de mettre un terme à leur « coopération professionnelle »;

-          un courriel du 26 février 2018 qu’il avait adressé à la direction de la société sollicitant la mise en place de « mesures urgentes » au sein de la société ;

-          des courriels des 6, 8 et 15 mars 2018 envoyés à Madame E______, de la police cantonale genevoise ;

-          un courriel du 13 mars 2018 du gérant président répondant aux mesures urgentes qu’il avait sollicitées ;

-          des échanges de courriels des 13, 14 et 19 mars 2018 entre le gérant président et lui mettant en exergue des désaccords et ses problèmes rencontrés dans la gestion de la société ;

-          un courriel du 19 mars 2018 envoyé à la direction de la société par lequel il annonçait sa décision de terminer les rapports de travail ;

-          un courrier du 20 mars 2018 par lequel le gérant président avait accepté sa démission, la fin de ses fonctions étant effective au 31 mai 2018, sans libération de son obligation de travailler ;

-          deux courriers du 2 avril 2018 qu’il avait adressé à la direction de la société, l'un valant mise en demeure du paiement de salaire non payé, l'autre l'informant que la carte concordataire de chef d'entreprise serait déposée auprès des services de police le même jour ;

-          un courriel du 11 avril 2018 par lequel il avait indiqué à la direction de la société que, selon l'attestation de la caisse AVS, ses cotisations de fin d'année n'avaient pas encore été payées ; il souhaitait une confirmation de ces paiements ;

-          un courrier du 31 mai 2018 qu’il avait envoyé à la direction de la société afin de solliciter notamment les paiements de son salaire du mois d'avril et de l'arriéré de ses cotisations sociales.

q. Le 3 février 2022, la caisse a transmis à l'intéressé un courrier du 9 décembre 2021, qui lui était revenu en retour, et l'a invité à en prendre connaissance et à lui faire savoir s'il maintenait son opposition.

Ledit courrier indiquait en substance que dans la mesure où les 16 septembre et 7 novembre 2019, l'office des poursuites avait délivré onze procès-verbaux de saisie valant acte de défaut de biens contre la société, la caisse avait constaté un dommage dont elle devait demander réparation aux organes responsables. Le gérant président répondait solidairement du dommage. L'intéressé avait été inscrit au RC comme gérant de la société du 13 octobre 2017 au 1er octobre 2018. En acceptant ce mandat, il avait également accepté les devoirs et responsabilités qui y étaient attachés, notamment en matière de cotisations sociales. En raison du non-paiement des cotisations et eu égard de sa qualité de gérant de la société ainsi que de chef d'entreprise, sa responsabilité était engagée durant son mandat, du 13 octobre 2017 au 10 avril 2018, date à laquelle la direction de la société l'avait relevé de toutes ses fonctions. Un organe responsable devait assumer également les charges d'assurances sociales qui portaient sur des périodes antérieures.

r. Par courrier du 8 février 2022, l'intéressé a maintenu son opposition.

s. Dans l'intervalle, le gérant président ne s'étant pas opposé à la décision en réparation de dommage du 10 décembre 2021 et ayant proposé de verser des acomptes de paiement pour la somme due, la caisse a rendu une décision de sursis au paiement le 11 février 2022 concernant la société en faillite. Un plan de recouvrement a été initié pour le compte du gérant président concernant la créance de CHF 120'222.90 en réparation de dommages de 2018.

t. Par décision du 7 juillet 2023, la caisse a rejeté l'opposition du 22 décembre 2021, concluant que la responsabilité de l'intéressé en tant qu'organe était engagée à hauteur de CHF 69'876.15, étant pris en compte les versements du gérant président, qui répondait solidairement du dommage.

En tant qu'organe répondant subsidiairement des dommages de la société, l'intéressé avait fait preuve de négligence grave en ne faisant pas en sorte que les cotisations dues par la société aient été payées. Dans la mesure où certaines périodes de cotisations étaient échues avant son entrée en fonction, les cotisations en question faisaient aussi partie du dommage. Les seules déclarations orales, voire écrites, du gérant président indiquant que, malgré les problèmes de liquidités, tous les salariés étaient déclarés et payés ne signifiait pas encore que les cotisations sociales déduites des salaires étaient bien versées à la caisse AVS, de même que la part employeur des cotisations sociales. L'intéressé n'apportait pas la preuve qu'il avait tout fait pour contrôler le bon fonctionnement de la société, les pièces produites démontrant effectivement des problèmes dans la gestion de la société, mais à un niveau différent de celui relatif au respect des obligations de sécurité sociale. Aucun élément relatif aux cotisations sociales et à leur non-versement avant et pendant le mandat de l'intéressé ne ressortait du dossier produit par ce dernier. Un contrôle AVS avait effectivement eu lieu le
8 février 2018, mais le fait qu'il n'ait pas donné lieu à des reprises AVS importantes ne signifiait pas encore que les cotisations passées et courantes avaient été ou étaient effectivement payées. Une demande en sa qualité de gérant de la société auprès de la caisse lui aurait permis de constater que la société ne versait pas les cotisations sociales à l'AVS et avait des arriérés. Les problèmes que l'intéressé alléguait avoir rencontrés, sans être en mesure de les documenter avant le printemps 2018, auraient dû le conduire à une certaine méfiance, à des contrôles effectifs de la situation dépassant les assurances données par le gérant président et/ou à une démission.

D. a. Le 11 septembre 2023, l'intéressé, représenté par un avocat, a formé recours contre la décision précitée auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans), concluant, sous suite de frais et dépens, principalement, à son annulation.

Il n'avait pas adopté un comportement passif dans le cadre de l'accomplissement de ses obligations légales et de son cahier des charges. Il avait demandé avec insistance à ce que la documentation nécessaire lui soit remise, invoquant le fait qu'il devait être en situation de pouvoir exercer ses responsabilités. Il n'était pas un « un homme de paille », puisqu'il avait essayé, dans la mesure du possible, d'avoir accès à la documentation qui lui aurait permis de faire usage de ses droits de contrôle. Son supérieur, le gérant président, lui avait affirmé par écrit que les obligations de la société envers l'AVS étaient exécutées, étant rappelé qu'à l'interne il était l'employé du gérant président. De plus, il avait lui-même averti les autorités de la situation irrégulière de l'entreprise au mois de février 2018, soit peu de temps après son entrée en fonction. Il s'était donc comporté avec toute la diligence requise par les circonstances pour faire respecter les prescriptions de droit public, dont le paiement des cotisations AVS. Il ne pouvait dès lors être retenu à son encontre une négligence grave, ni une faute intentionnelle.

Subsidiairement, le recourant a conclu à la réformation de la décision litigieuse en ce sens que le montant dû à titre de réparation du dommage soit fixé à CHF 12'704.75. Il ne pouvait en effet pas être tenu pour responsable du paiement des cotisations concernant les mois précédant son entrée en fonction.

Le recourant a notamment produit un courrier du 8 janvier 2020 adressé à
E______ de la police cantonale genevoise par lequel il avait sollicité son aide pour prouver son innocence concernant la demande en paiement de la caisse.

b. Dans sa réponse du 9 octobre 2023, l'intimée a conclu au rejet du recours.

La décision litigieuse mentionnait par erreur un dommage de CHF 69'876.15, au lieu de CHF 69'876.75. Désormais, le dommage s'élevait à CHF 69'676.75 à la suite du versement de CHF 200.- effectué le 25 août 2023 par le gérant président, autre organe solidairement responsable.

Les plaintes du recourant à l'encontre du gérant président portaient sur diverses questions litigieuses, mais pas sur celle du paiement des charges sociales. Le statut de l’intéressé et son niveau hiérarchique au sein de la société n'étaient pas pertinents en lien avec sa qualité d'organe. En tant que tel, il avait des responsabilités distinctes de celles qu'il avait dans le cadre de son contrat de travail et les deux situations n'étaient pas transposables. De plus, le fait qu’il ait fait confiance au gérant président à propos du paiement des cotisations sociales n’était pas un argument suffisant pour l’exonérer de sa responsabilité. Le contexte décrit par l’intéressé aurait dû le pousser à démissionner au plus vite, après avoir, le cas échéant, demandé directement à l'intimée un relevé de cotisations, en sa qualité de gérant. Enfin, la négligence reprochée au recourant devait être qualifiée de grave. Ses inquiétudes concernaient des règlementations administratives autres que celles relatives aux charges sociales. En tant qu'organe, il ne pouvait se libérer de cette responsabilité en soutenant qu'il faisait confiance à une autre personne chargée de régler les cotisations sociales à la caisse de compensation, cela constituant déjà en soi un cas de négligence grave. Si le recourant se trouvait dans l'incapacité de prendre les mesures nécessaires ou d'exercer son devoir de diligence, il devait alors démissionner de ses fonctions, ce qu'il n'avait pas fait tout de suite. Dans la mesure où certaines périodes de cotisations étaient échues avant son entrée en fonction, les cotisations en question faisaient aussi partie du dommage.

c. Par réplique du 12 janvier 2024, le recourant a persisté dans ses conclusions.

Il a notamment fait valoir que, contrairement à ce qu'invoquait l'intimée, il avait soulevé la question du paiement des charges sociales au gérant président, faisant notamment référence à son courriel du 26 février 2018. Il avait donné sa démission le 19 mars 2018, soit très peu de temps après le début de son contrat de travail le 1er novembre 2017 et encore moins de temps après avoir reçu l'autorisation d'exploiter l'entreprise. Il s'était comporté avec toute la diligence requise par les circonstances de sorte qu'il ne saurait être retenu à son encontre une négligence grave ni une faute intentionnelle. Dans tous les cas, il ne pouvait être tenu pour responsable du non-paiement des cotisations échues avant son entrée en fonction, à savoir le 13 octobre 2017. En effet, au vu des difficultés financières auxquelles faisait face la société, il était parfaitement raisonnable de penser que la société était insolvable au moment de son entrée en fonction. De plus, dans la mesure où il n'avait obtenu l'autorisation formelle de police d'exercer une activité dans le domaine de la sécurité qu'avec effet au 19 décembre 2017, son éventuelle obligation ne saurait dans tous les cas être antérieure à l'octroi de l'autorisation de pratiquer.

d. Par duplique du 15 février 2024, l'intimée a persisté dans ses conclusions.

Elle a relevé que le recourant avait été inscrit en tant que gérant de la société à partir du 13 octobre 2017, de sorte que cette date était déterminante pour définir le début de sa responsabilité. La fin de ses fonctions correspondait au mois d'octobre 2019 [recte 2018], date jusqu'à laquelle il était resté inscrit au RC. S'agissant du droit d'accès aux documents, le seul fait de se contenter de la déclaration du gérant président dans un contexte tendu ne semblait pas suffisant pour être exonéré de la responsabilité d'employeur. Le surendettement de la société avant l'entrée en fonction du recourant n'était pas démontré, étant relevé que la seule existence de difficultés financières ou le fait que des arrangements de paiement aient été obtenus n'équivalait pas à un surendettement.

Était joint un extrait de compte de l'intimée du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016 faisant état des différents versements de cotisations de la société durant ladite période.

e. Le 15 mai 2024, le recourant a maintenu sa position et requis la production du bilan et des comptes de pertes et profits de la société pour l'année 2017 en mains du gérant président.

f. Le 11 juin 2024, l'intimée a maintenu sa position.

g. Par ordonnance du 7 août 2024, la chambre de céans a appelé en cause le président gérant (ci-après : l'appelé en cause) et lui a imparti un délai au
21 août 2024 pour se déterminer.

h. Le courrier contenant l'ordonnance d'appel en cause ayant été retourné à la chambre de céans, cette dernière a cherché à obtenir la nouvelle adresse de l'appelé en cause, en vain. Elle a publié le 17 octobre 2024 dans la Feuille officielle suisse du commerce (ci-après : FOSC) le dispositif de l'ordonnance d'appel en cause à l'encontre de l'appelé en cause, lui octroyant un délai au
4 novembre 2024 pour se déterminer et l'informant que le dossier de la procédure était consultable dans les locaux de la chambre de céans.

i. L'appelé en cause ne s'est pas manifesté.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants, du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10).

Sa compétence ratione materiae pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 À teneur de l'art. 1 al. 1 LAVS, les dispositions de la LPGA s'appliquent aux art. 1 à 97 LAVS, à moins que la loi n'y déroge expressément.

1.3 Selon l'art. 52 al. 5 LAVS, en dérogation à l’art. 58 al. 1 LPGA, le tribunal des assurances du canton dans lequel l’employeur est domicilié est compétent pour traiter le recours. Cette disposition est également applicable lorsque la caisse recherche un organe de l’employeur en réparation du dommage, et ce quel que soit le domicile dudit organe (arrêt du Tribunal fédéral H 184/06 du 25 avril 2007 consid. 2.3).

La société ayant eu son siège dans le canton de Genève jusqu'au moment de sa faillite, la chambre de céans est également compétente ratione loci.

1.4 Le délai de recours est de 30 jours (art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

2.              

2.1 La LPGA, entrée en vigueur le 1er janvier 2003, a entraîné la modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine de l'AVS, notamment en ce qui concerne l’art. 52 LAVS. Désormais, la responsabilité de l’employeur y est réglée de manière plus détaillée qu’auparavant et les art. 81 et 82 du règlement sur l'assurance-vieillesse et survivants du 31 octobre 1947 (RAVS - RS 831.101) ont été abrogés.

Il faut toutefois préciser que le nouveau droit n'a fait que reprendre textuellement, à l'art. 52 al. 1 LAVS, le principe de la responsabilité de l'employeur figurant à l'art. 52 aLAVS, la seule différence portant sur la désignation de la caisse de compensation, désormais appelée assurance. Les principes dégagés par la jurisprudence sur les conditions de droit matériel de la responsabilité de l'employeur au sens de l'art. 52 aLAVS (dans sa teneur jusqu'au 31 décembre 2002) restent par ailleurs valables sous l'empire des modifications introduites par la LPGA (ATF 129 V 11 consid. 3.5 et 3.6).

2.2 Les dispositions de la novelle du 17 mars 2011 modifiant la LAVS sont entrées en vigueur le 1er janvier 2012. Elles n'ont pas amené de changements en matière de responsabilité subsidiaire des organes fondée sur l'art. 52 LAVS. En effet, outre quelques retouches de forme, le nouvel art. 52 al. 2 LAVS concrétise les principes établis par la jurisprudence constante du Tribunal fédéral (cf. Message relatif à la modification de la LAVS du 3 décembre 2010, FF 2011 519, pp. 536 à 538). Sur le plan matériel, sont en principe applicables les règles de droit en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 129 V 1 consid. 1 ; 127 V 467 consid. 1 et les références).

2.3 En l’espèce, les montants litigieux concernent les périodes de février à octobre 2017 et de janvier à février 2018, de sorte que l’art. 52 al. 1 LAVS est applicable dans sa teneur en vigueur au 1er janvier 2012 (arrêt du Tribunal fédéral 9C_80/2017 du 31 mai 2017 consid. 3.2).

3.             Le litige porte sur la responsabilité du recourant dans le préjudice causé à l'intimée par le défaut de paiement des cotisations sociales (AVS/AI/APG, AC et AF) pour les périodes de mai à octobre 2017 et de janvier à février 2018, et d'un solde de frais sur les périodes de février à avril 2017.

4.              

4.1 L'art. 14 al. 1 LAVS en corrélation avec les art. 34 ss RAVS, prescrit l'obligation pour l'employeur de déduire sur chaque salaire la cotisation du salarié et de verser celle-ci à la caisse de compensation avec sa propre cotisation. Les employeurs doivent envoyer aux caisses, périodiquement, les pièces comptables concernant les salaires versés à leurs salariés, de manière à ce que les cotisations paritaires puissent être calculées et faire l'objet de décisions. L'obligation de payer les cotisations et de fournir les décomptes est, pour l'employeur, une tâche de droit public prescrite par la loi. À cet égard, le Tribunal fédéral a déclaré, à réitérées reprises, que la responsabilité de l'employeur au sens de l'art. 52 LAVS est liée au statut de droit public. L'employeur qui ne s'acquitte pas de cette tâche commet une violation des prescriptions au sens de l'art. 52 LAVS, ce qui entraîne pour lui l'obligation de réparer entièrement le dommage ainsi occasionné (ATF 137 V 51 consid. 3.2 et les références).

4.2 Selon l’art. 52 LAVS (dans sa teneur en vigueur du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2019), l'employeur qui, intentionnellement ou par négligence grave, n'observe pas des prescriptions et cause ainsi un dommage à l'assurance, est tenu à réparation (al. 1). Si l'employeur est une personne morale, les membres de l'administration et toutes les personnes qui s'occupent de la gestion ou de la liquidation répondent à titre subsidiaire du dommage. Lorsque plusieurs personnes sont responsables d'un même dommage, elles répondent solidairement de la totalité du dommage (al. 2). Le droit à réparation est prescrit deux ans après que la caisse de compensation compétente a eu connaissance du dommage et, dans tous les cas, cinq ans après la survenance du dommage. Ces délais peuvent être interrompus. L'employeur peut renoncer à invoquer la prescription. Si le droit pénal prévoit un délai de prescription plus long, celui-ci est applicable (al. 3). La caisse de compensation fait valoir sa créance en réparation du dommage par voie de décision (al. 4).

Selon le message relatif à la modification de la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants (LAVS) du 3 décembre 2010 relatif à l’art. 52 al. 2 à
4 LAVS, la réparation du dommage est le corollaire des obligations de droit public que l’employeur assume en matière de perception, de versement et de décompte des cotisations paritaires d’assurances sociales en sa qualité d’organe d’exécution de l’AVS. Ce principe occupe une place prépondérante en droit des cotisations. En effet, d’après la jurisprudence développée par le Tribunal fédéral des assurances depuis 1970, non seulement les employeurs peuvent être tenus de réparer le dommage, mais également, à titre subsidiaire, les personnes physiques qui agissent en leur nom (ATF 114 V 219 et 129 V 11). Actuellement, il est insatisfaisant que la responsabilité subsidiaire des organes, de même que d’autres caractéristiques importantes de la réparation du dommage, ne soient pas réglées dans la loi et ne puissent qu’être déduites de l’étude d’une abondante jurisprudence. Pour le citoyen, la loi doit être conçue de manière plus transparente. La conception de base ne sera pas modifiée ; la responsabilité reste limitée à la faute grave (FF 2011 519, p. 536).

En d’autres termes, la nouvelle teneur de l’art. 52 al. 2 LAVS, entrée en vigueur le 1er janvier 2012, codifie la jurisprudence du Tribunal fédéral selon laquelle, si l'employeur est une personne morale, la responsabilité peut s'étendre, à titre subsidiaire, aux organes qui ont agi en son nom (ATAS/610/2013 du 18 juin 2013 consid. 4a).

5.             À titre liminaire, il convient d'examiner si la prétention de la caisse est prescrite.

5.1 Le 1er janvier 2020 est entrée en vigueur la révision du droit de la prescription de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220), entraînant la modification de l’art. 52 al. 3 LAVS (RO 2018 5343 ; Message du Conseil fédéral relatif à la modification du code des obligations [droit de la prescription] du 29 novembre 2013, FF 2014 221). Cet alinéa prévoit désormais que l’action en réparation du dommage se prescrit conformément aux dispositions du code des obligations sur les actes illicites.

Selon l’art. 60 CO, dans sa teneur en vigueur à compter du 1er janvier 2020, l’action en dommages-intérêts ou en paiement d’une somme d’argent à titre de réparation morale se prescrit par trois ans à compter du jour où la partie lésée a eu connaissance du dommage ainsi que de la personne tenue à réparation et, dans tous les cas, par dix ans à compter du jour où le fait dommageable s’est produit ou a cessé (al. 1). Si le fait dommageable résulte d’un acte punissable de la personne tenue à réparation, elle se prescrit au plus tôt à l’échéance du délai de prescription de l’action pénale, nonobstant les alinéas précédents. Si la prescription de l’action pénale ne court plus parce qu’un jugement de première instance a été rendu, l’action civile se prescrit au plus tôt par trois ans à compter de la notification du jugement (al. 2).

5.2 Jusqu’au 31 décembre 2019, l’art. 52 al. 3 aLAVS prévoyait que le droit à la réparation se prescrivait deux ans après que la caisse de compensation compétente avait eu connaissance du dommage et, dans tous les cas, cinq ans après la survenance du dommage. En renvoyant désormais aux dispositions du CO sur la prescription des actions introduites en cas d’acte illicite, le délai de prescription relatif se trouve porté de deux à trois ans et le délai de prescription absolu de cinq à dix ans. De plus, la prescription plus longue de l’action pénale visée à l’art. 60 al. 2 CO est applicable. Le délai de prescription ne commence plus à courir à la survenance du dommage mais le jour où le fait dommageable s’est produit ou a cessé. Les autres aspects de la prescription, notamment les motifs d’empêchement ou de suspension et les actes interruptifs, sont régis par les art. 130 ss CO (FF 2014 221, p. 260).

5.3 L’art. 49 Titre final du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210) règle de manière générale les questions de droit transitoire en matière de prescription et a été réécrit lors de la révision du droit de la prescription (FF 2014 221, pp. 230 et 231). Depuis le 1er janvier 2020, cet article dispose notamment que lorsque le nouveau droit prévoit des délais de prescription plus longs que l’ancien droit, le nouveau droit s’applique dès lors que la prescription n’est pas échue en vertu de l’ancien droit (al. 1). L’entrée en vigueur du nouveau droit est sans effet sur le début des délais de prescription en cours, à moins que la loi n’en dispose autrement (al. 3). Au surplus, la prescription est régie par le nouveau droit dès son entrée en vigueur (al. 4).

Le principe est que le nouveau droit s’applique dès lors qu’il prévoit un délai plus long que l’ancien droit, mais uniquement à la condition que la prescription ne soit pas déjà acquise. En d’autres termes, les délais de prescription en cours sont allongés par le nouveau droit. A contrario, une créance déjà prescrite demeure prescrite (FF 2014 221, p. 231). Par ailleurs, même si la prétention bénéficie d’un nouveau délai plus long de prescription, cela n’influence pas le point de départ de la prescription, c’est-à-dire que le délai ne recommence pas à courir au moment de l’entrée en vigueur du nouveau droit. Pour les questions de droit de la prescription autres que celles du début et de la longueur du délai, par exemple les (nouveaux) motifs de suspension et d’interruption, la renonciation à la prescription ou le droit transitoire, seul le nouveau droit est applicable dès son entrée en vigueur pour la période suivant celle-ci et non rétroactivement. Ainsi, les déclarations de renonciation à la prescription valablement faites sous l’ancien droit restent valables sous l’empire du nouveau droit (FF 2014 221, p. 254).

5.4 Les délais prévus par les art. 52 al. 3 aLAVS et 60 al. 1 CO sont des délais de prescription, de sorte qu'ils ne sont pas sauvegardés une fois pour toutes avec la décision relative aux dommages-intérêts ; le droit à la réparation du dommage au sens de l'art. 52 al. 1 LAVS peut donc aussi se prescrire durant la procédure d'opposition (ATF 135 V 74 consid. 4.2).

5.5 S'agissant de la prescription absolue, selon la jurisprudence rendue à propos de l'ancien droit, le dommage survient dès que l'on doit admettre que les cotisations dues ne peuvent plus être recouvrées, pour des motifs juridiques ou de fait (ATF 129 V 193 consid. 2.2 ; 126 V 443 consid. 3a). Ainsi, en matière de cotisations, un dommage se produit au sens de l'art. 52 LAVS lorsque l'employeur ne déclare pas à l'AVS tout ou partie des salaires qu'il verse à ses employés et que, notamment, les cotisations correspondantes se trouvent ultérieurement frappées de péremption selon l'art. 16 al. 1 LAVS. Dans un tel cas, le dommage est réputé survenu au moment de l'avènement de la péremption (ATF 112 V 156 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral H 35/06 du 4 octobre 2006 consid. 6). Ce jour marque également celui de la naissance de la créance en réparation et la date à partir de laquelle court le délai de cinq ans (ATF 129 V 193 consid. 2.2 ; 123 V 12 consid. 5c). Un dommage se produit également en cas de faillite, en raison de l'impossibilité pour la caisse de récupérer les cotisations dans la procédure ordinaire de recouvrement. Le dommage subi par la caisse est réputé être survenu le jour de la faillite (ATF 129 V 193 consid. 2.2).

5.6 S'agissant de la prescription relative, le nouveau droit n'a pas modifié son point de départ ; il faut entendre par moment de la « connaissance du dommage », en règle générale, le moment où la caisse de compensation aurait dû se rendre compte, en faisant preuve de l'attention raisonnablement exigible, que les circonstances effectives ne permettaient plus d'exiger le paiement des cotisations, mais pouvaient entraîner l'obligation de réparer le dommage (ATF 129 V 193 consid. 2.1). En cas de faillite, le moment de la connaissance du dommage correspond en règle générale à celui du dépôt de l'état de collocation, ou celui de la publication de la suspension de la liquidation de la faillite faute d'actif (ATF 129 V 193 consid. 2.3), la date de la publication de cette mesure dans la FOSC étant déterminante (arrêt du Tribunal fédéral H 142/03 du 19 août 2003 consid. 4.3 ; ATF 129 V 193 consid. 2.3).

5.7 S’agissant des actes interruptifs de prescription, il résulte de la jurisprudence rendue à propos de l’art. 52 al. 3 aLAVS les éléments qui suivent.

Les délais de prescription sont interrompus par les actes énumérés à l’art. 135 CO (applicable par analogie) ainsi que par tous les actes adéquats par lesquels la créance en dommages-intérêts est invoquée de manière appropriée à l’encontre du débiteur (arrêt du Tribunal fédéral 9C_641/2020 du 30 mars 2021 consid. 5.3 et la référence ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_400/2020 du 19 octobre 2020 consid. 3.2.1 et la référence). Tant la décision que l’opposition interrompent les délais de prescription (ATF 135 V 74 consid. 4.2.2).

5.8 En l'espèce, en application du droit transitoire, la question du point de départ des délais de prescription doit être tranchée à la lumière de l'ancien droit, les faits étant antérieurs à l'entrée en vigueur de l'actuel art. 52 al. 3 LAVS, intervenue le 1er janvier 2020.

Concernant le délai absolu, le dommage est survenu le jour du prononcé de la faillite, soit le 5 décembre 2019, date à laquelle ce délai a donc commencé à courir.

S'agissant du délai relatif, en application de la jurisprudence fédérale précitée, le moment de la connaissance du dommage par l'intimée est survenu le 15 juin 2020, date à laquelle a eu lieu l'état de collocation.

La demande en réparation du dommage a été adressée au recourant le 10 décembre 2021, de sorte que ni la prescription relative, ni la prescription absolue n'étaient acquises.

Le prononcé de l'acte du 10 décembre 2021 a également eu pour effet de faire courir de nouveaux délais de prescription (cf. art. 137 al. 1 CO) qui n'étaient pas échus lors de l'entrée en vigueur du nouveau droit de la prescription, le 1er janvier 2020. Les délais plus longs de prescription de trois ans et de dix ans prévus par la nouvelle loi se sont par conséquent substitués aux anciens et s'appliquent en l'occurrence.

Par la suite, les délais de prescription ont été valablement interrompus par l'opposition du 22 décembre 2021, par la décision sur opposition du 7 juillet 2023 et par le recours du 11 septembre 2023, et depuis lors, par chaque acte judiciaire des parties de sorte qu'à ce jour, la prescription n'est pas acquise.

Par conséquent, l'action en réparation du dommage n'est pas prescrite.

Il convient à présent d'examiner si les conditions de la responsabilité de
l'art. 52 LAVS sont réalisées.

6.             Il s'agit de déterminer si le recourant peut être considéré comme étant « l'employeur » tenu de verser les cotisations à l'intimée.

6.1 À teneur de l'art. 52 al. 2 LAVS, si l'employeur est une personne morale, les membres de l'administration et toutes les personnes qui s'occupent de la gestion ou de la liquidation répondent à titre subsidiaire du dommage. Lorsque plusieurs personnes sont responsables d'un même dommage, elles répondent solidairement de la totalité du dommage.

6.2 S’agissant de la notion d’« employeur », la jurisprudence considère que, si l'employeur est une personne morale, la responsabilité peut s'étendre, à titre subsidiaire, aux organes qui ont agi en son nom, notamment quand la personne morale n’existe plus au moment où la responsabilité est engagée (ATF 123 V 12 consid. 5b ; 122 V 65 consid. 4a). Le caractère subsidiaire de la responsabilité des organes d'une personne morale signifie que la caisse de compensation ne peut agir contre ces derniers que si le débiteur des cotisations (la personne morale) est devenu insolvable (ATF 123 V 12 consid. 5b).

L’art. 52 LAVS ne permet ainsi pas de déclarer l'organe d'une personne morale directement débiteur de cotisations d'assurances sociales. En revanche, il le rend responsable du dommage qu'il a causé aux différentes assurances sociales fédérales, intentionnellement ou par négligence grave, en ne veillant pas au paiement des cotisations sociales contrairement à ses obligations (arrêt du Tribunal fédéral H 96/05 du 5 décembre 2005 consid. 4.1).

6.3 La notion d'organe selon l'art. 52 LAVS est en principe identique à celle qui se dégage de l'art. 754 al. 1 CO.

En matière de responsabilité des organes d'une société anonyme, l'art. 52 LAVS vise en première ligne les organes statutaires ou légaux de celle-ci, soit les administrateurs, l'organe de révision ou les liquidateurs (ATF 128 III 29 consid. 3a ; Thomas NUSSBAUMER, Les caisses de compensation en tant que parties à une procédure de réparation d'un dommage selon l'art. 52 LAVS, in RCC 1991 p. 403).

6.4 S’agissant plus particulièrement du cas d'une Sàrl, les gérants qui ont été formellement désignés en cette qualité, ainsi que les personnes qui exercent cette fonction en fait, sont soumis à des obligations de contrôle et de surveillance étendues, dont le non-respect peut engager leur responsabilité (art. 827 CO en corrélation avec l'art. 754 CO). Ils répondent selon les mêmes principes que les organes d'une société anonyme pour le dommage causé à une caisse de compensation ensuite du non-paiement de cotisations d'assurances sociales (ATF 126 V 237 consid. 4 ; arrêts du Tribunal fédéral H 252/01 du 14 mai 2002 consid. 3b et d, in VSI 2002 p. 176 ; 9C_344/2011 du 3 février 2012 consid. 3.2). Ils ont l'obligation de se faire renseigner périodiquement sur la marche des affaires, ce qui inclut notamment la surveillance du paiement des cotisations sociales paritaires ; ils sont tenus en corollaire de prendre les mesures appropriées lorsqu'ils ont connaissance ou auraient dû avoir connaissance d'irrégularités commises dans la gestion de la société (ATF 114 V 219 consid. 4a ; voir également arrêt du Tribunal fédéral 9C_152/2009 du 18 novembre 2009
consid. 6.1, in SVR 2010 AHV n° 4 p. 11).

6.5 En l'espèce, le recourant était inscrit au RC en qualité de gérant de la société du 13 octobre 2017 au 1er octobre 2018, avec signature collective à deux. Il disposait ainsi de la qualité d'organe formel de la société.

Conformément aux dispositions précitées, il peut être recherché à ce titre par l'intimée pour le non-paiement des cotisations litigieuses.

7.             Reste à examiner si le recourant a commis une faute ou une négligence grave au sens de l'art. 52 al. 1 LAVS.

7.1 L'obligation légale de réparer le dommage ne doit être reconnue que dans les cas où le dommage est dû à une violation intentionnelle ou par négligence grave, par l'employeur, des prescriptions régissant l'assurance-vieillesse et survivants (RCC 1978 p. 259 ; RCC 1972 p. 687). Il faut donc un manquement d'une certaine gravité. Pour savoir si tel est le cas, il convient de tenir compte de toutes les circonstances du cas concret (ATF 121 V 243 consid. 4b).

La caisse de compensation qui constate qu'elle a subi un dommage par suite de la non-observation de prescriptions peut admettre que l'employeur a violé celles-ci intentionnellement ou du moins par négligence grave, dans la mesure où il n'existe pas d'indice faisant croire à la légitimité de son comportement ou à l'absence d'une faute (RCC 1983 p. 101).

Selon la jurisprudence constante, se rend coupable d'une négligence grave l'employeur qui manque de l'attention qu'un homme raisonnable aurait observée dans la même situation et dans les mêmes circonstances. La mesure de la diligence requise s'apprécie d'après le devoir de diligence que l'on peut et doit en général attendre, en matière de gestion, d'un employeur de la même catégorie que celle de l'intéressé. En présence d'une société anonyme, il y a en principe lieu de poser des exigences sévères en ce qui concerne l'attention qu'elle doit accorder au respect des prescriptions. Une différenciation semblable s'impose également lorsqu'il s'agit d'apprécier la responsabilité subsidiaire des organes de l'employeur (ATF 108 V 189). Les faits reprochés à une entreprise ne sont pas nécessairement imputables à chacun des organes de celle-ci. Il convient bien plutôt d'examiner si et dans quelle mesure ces faits peuvent être attribués à un organe déterminé, compte tenu de la situation juridique et de fait de ce dernier au sein de l'entreprise. Savoir si un organe a commis une faute dépend des responsabilités et des compétences qui lui ont été confiées par l'entreprise (ATF 108 V 199 consid. 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_926/2009 du 27 avril 2010 consid. 4.3.2). La négligence grave mentionnée à l'art. 52 LAVS est admise très largement par la jurisprudence (ATF 132 III 523 consid. 4.6).

L’art. 716a al. 1 CO énumère les attributions intransmissibles et inaliénables des membres d’un conseil d’administration. En font partie l’exercice de la haute surveillance sur les personnes chargées de la gestion, pour s’assurer notamment qu’elles observent la loi, les statuts, les règlements et les instructions données
(ch. 5). Dans le cadre de l’exercice de cette haute surveillance, l’administrateur répond de la cura in custodiendo. C’est ainsi qu’il a non seulement le devoir d’assister aux séances du conseil d’administration, mais également l’obligation de se faire renseigner périodiquement sur la marche des affaires. Il est tenu de prendre les mesures appropriées lorsqu’il a connaissance ou aurait dû avoir connaissance d’irrégularités commises dans la gestion de la société. Ce devoir de surveillance incombe à tous les membres du conseil d’administration, nonobstant le mode de répartition interne des tâches au sein du conseil d’administration
(ATF 114 V 219 consid. 4a ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_926/2009 du
27 avril 2010 consid. 4.3.3 et les références).

Commet notamment une faute ou une négligence grave, l'organe qui verse des salaires pour lesquels les créances de cotisations qui en découlent de par la loi ne sont pas couvertes (arrêt du Tribunal fédéral 9C_430/2021 du 7 avril 2022 consid. 5.2 et les références). Commet également une faute grave celui qui ne démissionne pas de ses fonctions alors qu'il se trouvait, en raison de l'attitude du tiers, dans l'incapacité de prendre les mesures qui s'imposaient s'agissant du paiement des cotisations ou qui se trouvait dans l'incapacité d'exercer son devoir de surveillance (voir par exemple : arrêts du Tribunal fédéral 9C_344/2011 du 3 février 2012 consid. 4.3 ; 9C_289/2009 du 19 mai 2010 consid. 6.2).

La négligence grave est également donnée lorsque l'administrateur n'assume pas son mandat dans les faits. Ce faisant, il n'exerce pas la haute surveillance sur les personnes chargées de la gestion, attribution incessible et inaliénable du conseil d'administration conformément à l'art. 716a CO. Une personne qui se déclare prête à assumer ou à conserver un mandat d'administrateur tout en sachant qu'elle ne pourra pas le remplir consciencieusement viole son obligation de diligence (ATF 122 III 195 consid. 3b). Sa négligence peut être qualifiée de grave sous l'angle de l'art. 52 LAVS (ATF 112 V 1 consid. 5b). Un administrateur, dont la situation est à cet égard proche de celle de l’homme de paille, ne peut s'exonérer de ses responsabilités légales en invoquant son rôle passif au sein de la société (arrêt du Tribunal fédéral 9C_289/2009 du 19 mai 2010 consid. 6.2). La faute de l'homme de paille réside précisément dans le fait qu'il s'accommode de ne pouvoir exercer ses fonctions (ATF 122 III 195 consid. 3b ; arrêt du Tribunal fédéral
H 126/04 du 8 septembre 2005 consid. 4).

La jurisprudence exige de l'organe factuellement exclu de la gestion de la société qu'il se soucie sérieusement de remplir ses obligations contractuelles, parmi lesquelles figure le paiement des cotisations sociales. Dans les cas où l'organe risque d'engager sa responsabilité, il doit démissionner (Marco REICHMUTH,
op. cit., p. 133, n. 563 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_446/2014 du 2 septembre 2014 consid. 4.2 et 9C_ 289/2009 du 19 mai 2010 consid. 6.2).

La responsabilité d'un administrateur dure en règle générale jusqu'au moment où il quitte effectivement le conseil d'administration et non pas jusqu'à la date où son nom est radié du registre du commerce. Cette règle vaut pour tous les cas où les démissionnaires n'exercent plus d'influence sur la marche des affaires et ne reçoivent plus de rémunération pour leur mandat d'administrateur (ATF 126 V 61 consid. 4a). En d'autres termes, un organe engage sa responsabilité pour les cotisations sociales qui sont venues à échéance entre le moment de son entrée en fonction et celui de sa sortie effective de la société, ainsi que pour les cotisations qui étaient déjà échues lors de son entrée en fonction, soit pendant la durée où il a exercé une influence sur la marche des affaires. Demeurent réservés les cas où le dommage résulte d'actes qui ne déploient leurs effets qu'après le départ du conseil d'administration (arrêt du Tribunal fédéral H 263/02 du 6 février 2003 consid. 3.2).

7.2 La responsabilité de l'employeur au sens de l'art. 52 LAVS suppose enfin un rapport de causalité (naturelle et) adéquate entre la violation intentionnelle ou par négligence grave des prescriptions et la survenance du dommage. La causalité est adéquate si, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le fait considéré était propre à entraîner un effet du genre de celui qui s'est produit, la survenance de ce résultat paraissant de façon générale favorisée par une telle circonstance (ATF 129 V 177 consid. 3.2).

Le lien de causalité adéquate entre le comportement fautif – soit la rétention des cotisations alors même que les salaires sont versés – et le dommage survenu ne peut pas être contesté avec succès lorsque les salaires versés sont tels que les créances de cotisations qui en découlent directement ex lege ne sont plus couvertes (SVR 1995 AHV n° 70 p. 214 consid. 5 ; arrêts du Tribunal fédéral des assurances H 167/05 du 21 juin 2006 consid. 8 et H 74/05 du 8 novembre 2005 consid. 4).

7.3 Dans un arrêt récent, le Tribunal fédéral a réitéré la portée de l'art. 52 LAVS et la jurisprudence y relative dans le cadre de l'examen de la responsabilité d'un gérant d'une sàrl dans le préjudice subi par la caisse de compensation en raison de cotisations paritaires restées impayées par la sàrl. Le Tribunal fédéral a rappelé qu'en sa qualité de gérant, il incombait au recourant de veiller personnellement à ce que les cotisations paritaires afférentes aux salaires versés fussent effectivement payées à la caisse de compensation, nonobstant le mode de répartition interne des tâches au sein de la société. Un gérant d'une sàrl ne peut se libérer de cette responsabilité en se bornant à soutenir qu'il faisait confiance à un associé chargé de régler les cotisations sociales à la caisse de compensation, car cela constitue déjà en soi un cas de négligence grave. En reconnaissant qu'il faisait confiance à l'associé gérant, à qui était confiée la tâche de régler les paiements et les cotisations sociales, le recourant admet implicitement qu'il n'a pas exercé à satisfaction son devoir de surveillance (cura in custodiendo) et fait preuve de passivité, au lieu d'intervenir directement, ce qui relève d'une négligence qui doit, sous l'angle de l'art. 52 LAVS, être qualifiée de grave. Le Tribunal fédéral a également retenu que cette passivité est de surcroît en relation de causalité naturelle et adéquate avec le dommage subi par la caisse de compensation. En effet, si le recourant avait correctement exécuté sa charge de gérant, notamment en exigeant de consulter tous les documents comptables pertinents (pièces bancaires, correspondance avec l'AVS, etc.), il aurait pu veiller à ce que les cotisations sociales fussent régulièrement versées et ceci l'aurait amené à constater que les retards dans les paiements des cotisations s'accumulaient et à prendre les mesures idoines (arrêt du Tribunal fédéral 9C_463/2023 du 22 mai 2024
consid. 3.21).

7.4 En l'occurrence, dans sa décision querellée, l'intimée a considéré que la responsabilité d'organe du recourant était engagée à hauteur de CHF 69'876.15. Ce montant correspond aux cotisations paritaires AVS/AI/APG/AC ainsi qu'aux cotisations dues au régime des AF impayées des périodes de mai à octobre 2017, janvier à février 2018 et à un solde de frais sur les périodes de février à avril 2017.

7.4.1 À teneur du dossier, il n'est pas contesté ni contestable que l'intimée a subi un dommage dû au non-versement par la société des cotisations paritaires et des frais pendant les périodes précitées.

Durant la période d'octobre 2017 à février 2018, le recourant revêtait la fonction d'organe formel de la société. Il convient par conséquent d'examiner s’il s'est comporté avec toute la diligence requise en matière de gestion en sa qualité d'organe de l'employeur conformément à la jurisprudence précitée.

7.4.2 L’intimée allègue que l’intéressé a fait preuve de négligence en ne faisant pas en sorte que les cotisations sociales dues par la société soient réglées. Les pièces produites par le recourant démontraient des problèmes dans la gestion de la société, mais à un niveau différent de celui relatif au respect des obligations de sécurité sociale. Une demande auprès d’elle, en sa qualité de gérant, lui aurait permis de constater que la société ne versait pas les cotisations sociales à l'AVS et avait des arriérés. Les problèmes rencontrés par l’intéressé auraient dû le conduire à une certaine méfiance, à des contrôles effectifs de la situation dépassant les assurances données par le gérant président et/ou à une démission.

Le recourant, quant à lui, fait notamment valoir qu’une négligence grave ne peut pas lui être reprochée, ni une faute intentionnelle, dans la mesure où il n'a pas adopté de comportement passif dans le cadre de l'accomplissement de ses obligations légales en tant que gérant responsable du service de sécurité et d'intervention de la société.

7.4.3 La chambre de céans constate tout d’abord qu’il ressort des pièces produites que le recourant, inscrit au RC le 13 octobre 2017, a déposé une demande d'autorisation concordataire auprès du SAEA le 24 octobre 2017 dans le but d'exercer la fonction de chef d'agence au sein de la société (cf. courrier du
19 février 2018 de la SAEA).

Selon le contrat de travail daté du 5 janvier 2018, il a été engagé par la société en qualité de gérant responsable de sécurité et d’intervention à un taux de 50% à compter du 1er novembre 2017. Le contrat prévoyait expressément qu’il devait
« amener sa patente », soit l'autorisation d'exploiter une entreprise de sécurité.

Le 19 février 2018, l’intéressé a informé la direction de la société qu'il prenait la décision de mettre un terme à leur « coopération professionnelle » et qu'il ne manquerait pas d'envoyer sa lettre de démission dans les plus brefs délais
(cf. courriel du 19 février 2018).

Par arrêté du 19 décembre 2017, le DSE a accordé à la société l'autorisation d'exploiter, tout en précisant que celle-ci était dirigée par le recourant. Cette autorisation a été transmise à la société le 20 février 2018, date à partir de laquelle elle a pu recommencer à engager de nouveaux agents et obtenir de nouvelles cartes d'agents (cf. courrier du SAES daté du 29 janvier 2018 et reçu le
20 février 2018). Avant cette date, l’entreprise était « bloquée », selon les termes de l'appelé en cause, s’agissant de toute démarche relative à la gestion des autorisations de pratiquer des agents (cf. courriel du 13 mars 2018 de la direction de la société).

Le 26 février 2018, le recourant a adressé à la direction de la société un courriel intitulé « mesures urgentes à mettre en place ». Il y a notamment indiqué s'être entretenu avec la police cantonale genevoise et avoir sollicité, dès le mois d'octobre 2017, un fichier de tous les agents, qui ne lui avait jamais été transmis malgré ses demandes. Le recourant y a également cité ses obligations découlant du concordat sur les entreprises de sécurité du 18 octobre 1996 (CES – I 2 14
[ci-après également : concordat]) et de sa directive y relative du 28 mai 2009
(ci-après : directive générale) en mentionnant différentes dispositions. Il a ainsi notamment rappelé qu'en tant que responsable d'entreprise, il devait avoir accès aux comptes et être en tout temps en mesure de pouvoir exercer ses responsabilités. En particulier, il a retranscrit l'article 2.11.2 let. d de la Directive générale, dont la teneur est la suivante : « sont considérées comme des violations du concordat, outre les conditions personnelles à remplir aux articles 8, 9 et 10a, par exemple, la violation des dispositions de la législation fédérale sur le travail et les assurances sociales (par ex. violation, par l'employeur, de ses obligations de paiement et d'annonce en matière d'AVS) ». Il a ensuite précisé que les points mentionnés dans son courriel devraient être scrupuleusement suivis « sous peine de souffrir les conséquences administratives » et que d'éventuelles conséquences seraient répercutées sur sa personne en tant que responsable de l'entreprise. Il a enfin indiqué que s'il n'avait pas « accès à ces points », leur collaboration prendrait fin, puisqu'il ne souhaitait pas « avoir des problèmes avec l'administration ou les autorités ». Il attendait une réponse dans les prochains jours (cf. courriel du 26 février 2018).

En date du 8 mars 2018, il a transféré le message précité à la police cantonale genevoise, indiquant qu'il n'avait, à ce jour, pas eu accès aux points minimums exigés par le concordat.

Le 13 mars 2018, l'appelé en cause a répondu au recourant qu'il devait respecter la structure hiérarchique de la société et qu’il n'avait aucun droit à engager la société dont il était l'employé et que toute décision engageant la société devait être validée par l'appelé en cause ou, en son absence, par son bras droit,
Monsieur D______. Le recourant devait rendre compte de ses actions à l'appelé en cause en tant qu'il était son supérieur hiérarchique. Il ne pouvait prétendre à un droit d'accès aux comptes des sociétés. L'appelé en cause a précisé la répartition des tâches au sein de la société, indiquant notamment que les devis pour de nouvelles missions seraient soumis pour approbation au recourant. Quant à l'offre et le contrat qui s'ensuivraient, ceux-ci continueraient d'être signés par D______ et l'appelé en cause. S'agissant des contrats de travail, l'engagement des agents de sécurité se ferait d'un commun accord entre le recourant et l'appelé en cause. Le recourant était responsable de la gestion de la conformité des horaires des agents aux contrats de travail et à la convention collective de travail. S'agissant des différentes annonces aux assurances, « le service du personnel » s'en chargeait dans le respect des règles et la société venait d'être l'objet d'un « contrôle de l'AVS » à la suite duquel aucune remarque particulière n'avait été faite. L'appelé en cause a encore précisé que la société « [avait] à cœur, malgré les difficultés de liquidité, de respecter [ses] obligations et [faisait] les déclarations de tous les employés auprès des assureurs sociaux » (cf. courriel du 13 mars 2018).

Par courriel du 14 mars 2018, le recourant a rappelé à l’appelé en cause les problèmes rencontrés au sein de la société, notamment en rapport avec les cartes d'accréditation des employés. Dès son arrivée, il avait demandé à la secrétaire et à l'appelé en cause une liste détaillée des agents ainsi que leurs contrats de travail, mais seule une liste non actualisée lui avait été remise. Il avait pu obtenir une liste à jour par le SAEA et avait découvert que des agents bénéficiant de cartes d'accréditation n'étaient plus employés par la société de sorte qu'il avait dû entreprendre des démarches pour récupérer lesdites cartes. Il avait également relevé des problèmes de paiement de salaire, tant pour les employés que pour lui-même. Enfin, il a réitéré le fait qu'il était chef d'entreprise et n'était pas seulement responsable des horaires des agents. Il a renvoyé à son courriel précédant s'agissant des tâches d'un chef d'entreprise et indiqué que ses obligations découlaient du concordat. Il a informé la société qu'il n'effectuerait plus de services d'intervention en attente de la décision de la société en rapport avec ses demandes. Il a requis de la part de la société de bien vouloir « respecter la législation en vigueur et de [lui] fournir ce qui est exigé par la même législation » (cf. courriel du 14 mars 2018). Ce courriel a également été transmis à la police cantonale genevoise (cf. courriel du 15 mars 2018).

L'appelé en cause lui a rétorqué qu'il lui avait remis le 11 janvier 2018 la liste des agents de sécurité incluant notamment la date d'engagement, le numéro de la carte d'agent, la date d'échéance de validité et la date à laquelle la dernière formation de base avait été effectuée. Le recourant avait donc tous les éléments nécessaires à la gestion du respect des règles liées au permis de ces agents, étant précisé que les dossiers du personnel de la société se trouvaient au siège de la société (cf. courriel du 19 mars 2018).

Le recourant a alors répondu qu'il n'avait pas reçu de liste d'agents actualisée. Il a en outre réitéré le fait que la société avait des salaires en retard, qu'elle ne suivait pas « les directives du concordat » et qu'elle ne donnait pas « suite aux exigences des autorités compétentes ». Il a aussi fait savoir à l'appelé en cause qu'au vu de la situation, sa continuité au sein de la société n'était plus viable et qu’il prenait donc la décision de terminer les rapports de travail (cf. courriel du 19 mars 2018).

Par courrier du 20 mars 2018, l'appelé en cause a indiqué accepter cette démission et fixé la fin effective des relations au 31 mai 2018.

7.4.4 Sur la base de ces éléments, la chambre de céans considère comme établi, au degré de la vraisemblance prépondérante requis, que le recourant, certes inscrit comme gérant au RC dès le 13 octobre 2017, ne disposait dans les faits d’aucun pouvoir décisionnel ni d’aucun accès aux comptes de la société.

Dans une telle configuration, conformément à la jurisprudence précitée, il est exigé de l'organe de la société qu'il se soucie sérieusement de remplir ses obligations contractuelles, parmi lesquelles figure le paiement des cotisations sociales.

À cet égard, la chambre de céans constate en premier lieu que le recourant était parfaitement au courant de ses obligations en tant que chef de sécurité au sein de la société, étant rappelé qu'il était soumis aux dispositions du concordat. Contrairement à ce qu'indique l'intimée, les responsabilités de l’intéressé en tant que chef de sécurité rejoignent celles en tant qu'organe de la société dans la mesure où le concordat prescrit l'obligation de respecter la législation, notamment les dispositions de la législation fédérale et cantonale régissant les assurances sociales (cf. art. 15 al. 1 CES). La directive générale du concordat prescrit en outre des mesures lorsque le titulaire de l'autorisation contrevient aux dispositions prévues, notamment lorsque les dispositions de la législation fédérale sur les assurances sociales sont violées (art. 2.11.2 let. d de la directive générale). L'on ne saurait dès lors parler de deux responsabilités distinctes s'agissant de l'obligation relative au paiement des cotisations sociales.

Elle relève ensuite que le recourant, qui a débuté son activité de gérant responsable de sécurité et d'intervention le 1er novembre 2017, a manifesté son intention de démissionner le 19 février 2018 après avoir constaté des irrégularités dans la gestion de la société. Cette réaction est donc intervenue avant même la délivrance de l’autorisation d’exploiter, et ce trois mois et demi après la prise de fonction et quatre mois après l’inscription au RC, ce qui démontre que le recourant a fait preuve de réactivité. Dans ces circonstances, l’intimée ne saurait être suivie lorsqu’elle lui reproche de ne pas avoir démissionné plus rapidement. Si le recourant a toutefois continué sa mission, il a expressément requis d'obtenir des garanties. Ainsi, le 26 février 2018, il a demandé par écrit de la direction de la société l'accès aux dossiers des employés et la mise en place de mesures permettant le respect des obligations légales telles que prescrites par le concordat, citant notamment la disposition concernant le respect de l'entreprise des obligations en matières d'assurances sociales. Il a en outre expliqué à la direction de la société les risques encourus en cas de non-respect de ces devoirs, citant
l'art. 2.11.2 let. d de la directive générale relative aux conséquences de la violation des dispositions de la législation fédérales sur le travail et les assurances sociales. Il a également demandé l'accès aux comptes de la société, ce qui lui a été refusé par l'appelé en cause. Le recourant a précisé de manière univoque que si aucune mesure n'était prise pour assurer le respect de ces obligations, il serait alors contraint de démissionner. Par conséquent, contrairement à ce que retient l'intimée, le recourant ne s'est pas uniquement soucié des réglementations administratives autres que celles relatives aux charges sociales. Il tenait à faire respecter les dispositions du concordat qui englobaient le respect des dispositions en matière de sécurité sociale, auxquelles il s’est expressément référé. Il était donc soucieux de satisfaire à ses obligations, a manifesté ses préoccupations et s’est montré actif face à la situation.

Lorsque l'appelé en cause lui a assuré que le service du personnel de la société se chargeait des différentes annonces aux assurances en matière de sécurité sociale, le recourant ne s'est pas contenté de se fier à ces dires et de lui faire confiance. En effet, il a annoncé sa démission par courriel du 19 mars 2018, soit environ trois semaines après sa demande de mesures urgentes, faisant notamment valoir le fait que la société ne suivait pas les dispositions du concordat. Ce faisant, il ne s'est pas accommodé du fait qu'il ne pouvait exercer ses fonctions, ni ne s'est contenté de faire confiance à l'appelé en cause pour se libérer de sa responsabilité en tant que gérant de la société. En démissionnant après avoir constaté qu'il ne pouvait assumer la gestion de la société dans les faits, le recourant a adopté un comportement diligent.

Il sied également de rappeler que, en parallèle, celui-ci a régulièrement contacté la police cantonale genevoise, en tant qu'elle est l'autorité compétente par devant laquelle les personnes soumises au concordat ont l'obligation de dénoncer sans délai tout fait pouvant constituer un crime ou un délit poursuivi d'office qui parviendrait à leur connaissance (cf. art. 17 CES). Il a ainsi tenu la police cantonale au courant des manquements de la société et du fait qu'il ne parvenait pas à exercer sa fonction de chef de sécurité, faisant preuve d’une réactivité certaine. Cette démarche démontre elle aussi qu’il était préoccupé par les responsabilités lui incombant en tant que chef de sécurité et de gérant de la société. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que c'est sous l'impulsion de la police cantonale que le recourant a décidé de mettre fin aux rapports de travail, de sorte qu’il s’est immédiatement conformé aux recommandations reçues.

Bien que la négligence grave mentionnée à l'art. 52 LAVS est admise très largement par la jurisprudence, la chambre de céans est d’avis que, dans le cas très particulier du recourant, compte tenu de la chronologie des événements, de la durée relativement courte entre l'inscription de l’intéressé au RC et sa démission, ainsi que des différentes démarches entreprises dans l'intervalle, l'on ne saurait retenir que l’intéressé a manqué de l'attention qu'un homme raisonnable aurait observée dans la même situation.

Les circonstances du cas d'espèce ne permettent ainsi pas de retenir que le recourant, qui a exigé la prise de mesures urgentes de la part de la société et démissionné dès qu’il s'est rendu compte qu'il n’était pas en mesure de faire respecter les dispositions légales, aurait commis une négligence grave ni une faute intentionnelle au sens de l'art. 52 LAVS.

Dans ces conditions, il ne saurait non plus être tenu comme responsable pour les cotisations déjà échues lors de son entrée en fonction, soit pour la période de mai à octobre 2017.

8.             Par conséquent, le recours sera admis et la décision du 7 juillet 2023 annulée.

Le recourant obtenant gain de cause, une indemnité de CHF 2'500.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 89H al. 1 LPA).


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet.

3.        Annule la décision de l'intimée du 7 juillet 2023.

4.        Condamne l'intimée à verser au recourant une indemnité de CHF 2'500.- à titre de dépens.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

Melina CHODYNIECKI

 

La présidente

 

 

 

Joanna JODRY

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le