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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/170/2024

ATAS/646/2024 du 27.08.2024 ( PC ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/170/2024 ATAS/646/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 27 août 2024

Chambre 10

 

En la cause

A______
représenté par le CSP-Centre social protestant, soit pour lui Madame Sandra LACHAL, mandataire

 

recourant

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : le bénéficiaire), né le ______ 1958, de nationalité suisse, s’est installé en Grèce en 1995, où il a épousé Madame B______, née le ______ 1970, avec laquelle il a eu une fille, née en 2000. Il a vécu seul en Suisse entre 2001 et 2005, avant de retourner en Grèce. Il est à nouveau domicilié à Genève depuis 2013. Les époux se sont séparés en 2017 et ont divorcé en 2019.

b. Le 5 avril 2023, le bénéficiaire a atteint l’âge légal de la retraite. À compter du 1er mai 2023, il a perçu des rentes mensuelles de l’assurance vieillesse et survivant et de la prévoyance professionnelle, correspondant à des montants de CHF 1'589.- et CHF 621.05.

c. Le 14 avril 2023, il a déposé une demande de prestations auprès du service des prestations complémentaires (ci-après : le SPC), indiquant s’acquitter de pensions alimentaires en faveur de son ex-femme et de sa fille, à hauteur de EUR 1'000.-, respectivement EUR 500.-, par mois.

Il a notamment transmis au SPC plusieurs documents rédigés en grec, avec des traductions certifiées conformes, dont :

-          une « convention privée concernant l’autorité parentale, la communication et l’entretien de l’enfant et de l’ex-épouse », datée du 20 octobre 2017, aux termes de laquelle les époux ont convenu que le bénéficiaire verserait mensuellement des pensions alimentaires de EUR 1'000.- pour leur fille et de EUR 300.- pour l’épouse, sur le compte de cette dernière, pour une durée de deux ans ; après cette échéance, un nouvelle convention serait faite d’un commun accord ;

-          une décision du Tribunal de première instance d’Athènes du 19 mars 2019 ratifiant l’accord des époux du 20 octobre 2017 et prononçant la dissolution du mariage ; l’apostille de ce document a été délivrée le 2 août 2019 ;

-          une « convention sous-seing privée concernant la fixation de la contribution à l’entretien de l’enfant et de l’ex-épouse », datée du 4 janvier 2021, valable du 1er janvier 2021 au 31 décembre 2022, renouvelable à cette date ; il en résulte que les montants mensuels des pensions alimentaires étaient fixés à
EUR 500.- pour la fille et EUR 1'000.- pour l’ex-épouse ;

-          une « convention sous-seing privée concernant la fixation de la contribution à l’entretien de l’enfant et de l’ex-épouse », signée le 10 février 2023, par laquelle les ex-époux ont décidé de renouveler définitivement et pour une durée indéterminée la convention du 4 janvier 2021.

d. Le 3 mai 2023, le SPC a demandé au bénéficiaire copie du jugement du divorce ou de la convention de divorce modifiée, dès lors que sa situation financière s’était péjorée, ajoutant que s’il ne s’y conformait pas dans un délai de trois mois, un montant correspondant à CHF 0.- pourrait être retenu.

e. Par courrier du 31 mai 2023, le bénéficiaire a indiqué au SPC que son assistante sociale n’avait pas pu lui préciser le montant que le SPC considérerait comme acceptable s’agissant des pensions alimentaires, mais avait évalué, d’après les barèmes de l’Hospice général, ces montants à CHF 833.- pour l’ex-épouse et à CHF 500.- pour la fille. Il avait également consulté des avocats de la permanence de l’ordre des avocats, qui n’avaient pas non plus pu le renseigner à ce propos.

f. Le 15 juin 2023, le bénéficiaire a écrit au SPC que selon le droit grec, tout accord amiable postérieur au jugement était valable sans ratification par le tribunal. Cet acte légal était valide tant pour les autorités grecques que pour les autorités suisses, étant ajouté que l’administration fiscale cantonale avait reconnu et pris en considération les précédentes conventions.

Il lui a transmis une convention datée du 14 juin 2023, aux termes de laquelle son ex-épouse et lui s’accordaient pour diminuer les pensions alimentaires suite à la péjoration de sa situation financière. Lesdites contributions mensuelles étaient fixées à CHF 673.- (EUR 650.-) pour leur fille et CHF 833.- (EUR 800.-) pour l’ex-épouse.

B. a. Par décision du 12 octobre 2023, le SPC a calculé le droit aux prestations de l’intéressé dès le 1er mai 2023. Il ressort du plan de calcul joint qu’il a admis, à titre de dépenses reconnues, une pension alimentaire pour les mois de mai à
juillet 2023 uniquement, prenant en considération un montant annuel de
CHF 11'847.60 pour le premier mois et CHF 9'869.05 pour les deux mois suivants. Les prestations complémentaires fédérales s’élevaient à CHF 1'532.- pour le mois de mai, CHF 1'367.- pour les mois de juin et juillet, et CHF 544.- pour les mois d’août à octobre. Au niveau cantonal, lesdites prestations étaient fixées à CHF 554.- depuis le mois de mai 2023.

b. Le 9 novembre 2023, le bénéficiaire a formé opposition à l’encontre de cette décision, dans la mesure où aucun montant n’avait été retenu à titre de pension alimentaire à partir du 1er août 2023 en faveur de son ex-épouse. Cette dernière, avec laquelle il avait été marié durant 21 ans, n’avait pas travaillé entre 1998 et 2005, et s’était consacrée à l’éducation de leur fille dès 2000. Elle s’était ainsi rendue dépendante de lui financièrement. Elle avait repris une activité entre 2005 et 2012, puis avait été sans emploi jusqu’en 2015. Elle avait ensuite travaillé à temps partiel jusqu’en 2022 et avait retrouvé un emploi à 100% qui lui rapportait EUR 827.- par mois, soit une somme insuffisante pour faire face à ses besoins, ce d’autant plus qu’elle souffrait de problèmes de santé et devait payer ses frais médicaux. Elle assurait également l’entretien de leur fille, sans emploi, de sorte que sa situation financière était précaire. Il estimait avoir encore une obligation d’entretien envers son ex-épouse et était prêt à établir une nouvelle convention à la demande du SPC. Il avait demandé à ce dernier, par téléphone, quels seraient les barèmes de pensions reconnues, mais il n’avait obtenu aucune réponse. Il avait sollicité un avocat pour entamer une procédure de réduction de la pension alimentaire, en vain. Enfin, il avait pris des renseignements auprès de son assistante sociale de l’Hospice général, qui lui avait répondu le 9 juin 2023 que les montants admis devraient être ceux qu’il avait alors convenu dans la dernière convention. Il avait donc scrupuleusement suivi toutes les consignes reçues. Il estimait que son devoir d’entretien et de solidarité envers son ex-épouse devait être reconnu par le SPC, ajoutant être disposé à établir une nouvelle convention si celui-ci le lui demandait.

Il a joint un courriel du 9 juin 2023 de son assistante sociale, mentionnant que les contributions admises devraient s’élever à CHF 673.- par enfant et à CHF 833.- pour l’ex-conjoint.

c. Le 10 novembre 2023, l’assistante sociale du bénéficiaire a demandé des informations complémentaires au SPC.

d. Le 13 novembre 2023, le SPC lui a répondu qu’il avait été estimé que le bénéficiaire n’avait pas revu à la baisse la convention, comme demandé, puisque la pension pour épouse avait été antérieurement fixée à EUR 300.- par mois. L’intéressé avait donc multiplié par 2.8 fois la contribution versée, au lieu de la réduire, atteignant une somme qui était par ailleurs supérieure au salaire minimum en Grèce, fixé à moins de EUR 800.- par mois.

e. Le 14 novembre 2023, le bénéficiaire a relevé qu’il avait diminué le montant de la pension en faveur de son ex-épouse de EUR 1'000.- à EUR 800.-. Il avait par ailleurs respecté les conseils de son assistante sociale en proposant un tel montant.

f. Par décision sur opposition du 30 novembre 2023, le SPC a confirmé sa décision du 12 octobre 2023. Il a rappelé que le principe d’une pension alimentaire avait été accepté originellement lorsque le bénéficiaire exerçait encore une activité lucrative. Or, dès lors qu’il était à la retraite et de surcroît au bénéfice de prestations complémentaires, il n’était pas exigible de lui qu’il contribue à l’entretien de son ex-épouse. La convention sous seing privé ne liait donc pas le SPC, qui aurait même été en droit de procéder de même pour la période du 1er mai au 31 juillet 2023, si bien que la décision était favorable au bénéficiaire.

C. a. Par acte du 16 janvier 2024, le bénéficiaire, représenté par une mandataire, a interjeté recours contre cette décision par-devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice. Il a conclu, sous suite de frais et dépens, à l’annulation de la décision entreprise et à ce qu’il soit constaté que la contribution d’entretien versée à son ex-épouse devait être prise en compte à titre de dépense reconnue dans le calcul de son droit aux prestations complémentaires.

Le recourant a relevé que l’Hospice général, qui lui avait accordé des avances jusqu’à ce que l’intimé entre en matière sur sa demande, lui avait versé les pensions alimentaires convenues. Il avait toujours fait preuve de bonne foi et s’était fié aux indications communiquées par son assistante sociale pour fixer le montant adéquat de la pension alimentaire qui pourrait être admise par l’intimé. L’organisation de la vie familiale durant le mariage avait eu un impact important sur la prévoyance professionnelle de son ex-épouse, qui avait peu cotisé et aurait dû obtenir la moitié des cotisations qu’il avait acquises durant le mariage au moment du divorce. Ce partage avait toutefois été impossible, puisque les juridictions grecques n’étaient pas compétentes, de sorte que le calcul de la pension alimentaire devait en tenir compte. Son ex-épouse et leur fille, qui n’auraient pas eu la possibilité de faire appel à une aide gouvernementale en Grèce, se seraient retrouvées dans une grande précarité sans les contributions qu’il leur avait versées. Le montant avait été fixé sur la base des besoins effectifs et n’apparaissait pas abusif au regard de la législation suisse. Si les avoirs de prévoyance avaient été partagés au moment du divorce, ses rentes AVS et
2ème pilier seraient inférieures à celles qui étaient prises en compte à titre de revenus par l’intimé, de sorte que le montant de ses prestations complémentaires serait plus élevé.

Le recourant a notamment produit une attestation du 5 janvier 2024, rédigée par une avocate à la demande de son ex-épouse, aux termes de laquelle cette dernière percevait un salaire de EUR 829.25, soit un revenu dans la moyenne, le salaire minimum étant de EUR 780.-, et le coût de la vie pour une personne seule s’élevait à EUR 1'288.-.

b. Dans sa réponse du 8 février 2024, l’intimé a conclu au rejet du recours. Il n’appartenait pas au régime des prestations complémentaires, financé par les impôts, de contribuer à l’entretien de l’ex-épouse du recourant, domiciliée en Grèce, sur la base d’une convention conclue sous seing privé, alors que la situation financière du bénéficiaire s’était péjorée, puisqu’il avait sollicité des prestations complémentaires.

c. Le 8 mars 2024, le recourant a persisté dans ses conclusions. La convention du 14 juin 2023 avait pour but de se conformer à la demande de l’intimé de diminuer la pension versée en tenant compte du montant indiqué par l’antenne SPC de l’Hospice général. Les montants desdites pensions étaient conformes à l’obligation d’entretien prévue par le droit suisse. L’intimé ne lui avait toutefois pas imparti un délai pour lui permettre d’effectuer d’autres démarches. La pension qu’il versait à son ex-épouse compensait notamment l’absence de partage de la prévoyance professionnelle.

d. En date du 8 avril 2024, l’intimé a également maintenu ses conclusions. Il n’avait pas l’obligation d’impartir un délai au recourant pour effectuer des démarches, dès lors que celui-ci n’aurait pas dû conclure la convention en cause au vu de sa situation financière précaire. Si son ex-épouse devait être dans le besoin en l’absence d’une contribution, il lui appartiendrait de solliciter l’assistance des services sociaux grecs. Par ailleurs, à sa connaissance, les ex-époux avaient renoncé à saisir les tribunaux suisses d’une demande de partage de leur prévoyance professionnelle, de sorte que cette question était irrelevante.

e. Copie de cette écriture a été transmise au recourant le 17 avril 2024.

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du
6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134
al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Le délai de recours est de trente jours (art. 60 al. 1 LPGA ; art. 43 LPCC ;
art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10] et art. 43 LPCC).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, compte tenu de la suspension des délais pendant la période du 18 décembre au 2 janvier inclusivement
(art. 38 al. 4 let. c LPGA et art. 89C let. c LPA), le recours du 16 janvier 2024 contre la décision sur opposition du 30 novembre 2023 est recevable
(art. 56 ss LPGA et 62 ss LPA).

2.              

2.1 Les dispositions de la LPGA s’appliquent aux prestations complémentaires fédérales à moins que la LPC n’y déroge expressément (art. 1 al. 1 LPC). En matière de prestations complémentaires cantonales, la LPC et ses dispositions d’exécution fédérales et cantonales, ainsi que la LPGA et ses dispositions d’exécution, sont applicables par analogie en cas de silence de la législation cantonale (art. 1A LPCC).

2.2 Des modifications législatives et réglementaires sont entrées en vigueur au
1er janvier 2021 dans le cadre de la Réforme des PC (LPC, modification du
22 mars 2019, RO 2020 585, FF 2016 7249 ; OPC-AVS/AI [ordonnance du
15 janvier 1971 sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité ; RS 831.301], modification du 29 janvier 2020,
RO 2020 599).

Conformément à l’al. 1 des dispositions transitoires de la modification du
22 mars 2019, l’ancien droit reste applicable trois ans à compter de l’entrée en vigueur de cette modification aux bénéficiaires de prestations complémentaires pour lesquels la réforme des PC entraîne, dans son ensemble, une diminution de la prestation complémentaire annuelle ou la perte du droit à la prestation complémentaire annuelle. A contrario, les nouvelles dispositions sont applicables aux personnes qui n’ont pas bénéficié de prestations complémentaires avant l’entrée en vigueur de la réforme des PC (arrêt du Tribunal fédéral
9C_329/2023 du 21 août 2023 consid. 4.1).

En l’occurrence, le droit aux prestations complémentaires est né postérieurement au 1er janvier 2021, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur nouvelle teneur.

3.             Le litige porte sur le bien-fondé du refus de l’intimé de tenir compte d’un quelconque montant à titre de pension alimentaire versée par le recourant en faveur de son ex-épouse à partir du 1er août 2023, étant rappelé que l’intéressé ne conteste pas l’absence de prise en considération de la contribution de sa fille.

4.             Les prestations complémentaires ont pour but d'assurer un revenu minimum aux bénéficiaires de rentes de l'AVS et de l'AI qui ne peuvent pas couvrir leurs besoins vitaux (art. 112a Cst.).

4.1 Selon l’art. 4 al. 1 let. a LPC, les personnes qui ont leur domicile et leur résidence habituelle en Suisse ont droit à des prestations complémentaires dès lors qu’elles perçoivent une rente de l’AVS.

L’art. 9 al. 1 LPC dispose que le montant de la prestation complémentaire annuelle correspond à la part des dépenses reconnues qui excède les revenus déterminants, mais au moins au plus élevé des montants suivants : la réduction des primes la plus élevée prévue par le canton pour les personnes ne bénéficiant ni de prestations complémentaires ni de prestations d’aide sociale (let. a) ; 60% du montant forfaitaire annuel pour l’assurance obligatoire des soins au sens de
l’art. 10 al. 3 let. d (let. b).

Conformément à l’art. 10 al. 3 let. e LPC, sont reconnus comme dépenses, pour toutes les personnes, les pensions alimentaires versées en vertu du droit de la famille.

4.2 Au niveau cantonal, l’art. 2 al. 1 LPCC prévoit qu’ont droit aux prestations complémentaires cantonales les personnes qui ont leur domicile et leur résidence habituelle sur le territoire de la République et canton de Genève (let. a) et qui sont au bénéfice d'une rente de l'assurance-vieillesse et survivants, d'une rente de l'assurance-invalidité, d'une allocation pour impotent de l'assurance-invalidité ou reçoivent sans interruption pendant au moins six mois une indemnité journalière de l'assurance-invalidité (let. b).

Selon l’art. 4 LPCC, ont droit aux prestations complémentaires cantonales les personnes dont le revenu annuel déterminant n’atteint pas le revenu minimum cantonal d’aide sociale applicable.

En vertu du de l’art. 6 LPCC, les dépenses reconnues sont celles énumérées par la loi fédérale et ses dispositions d'exécution, à l'exclusion du montant destiné à la couverture des besoins vitaux, remplacé par le montant destiné à garantir le revenu minimum cantonal d'aide sociale défini à l'art. 3.

4.3 Les organes des prestations complémentaires sont liés par les décisions que le juge civil a rendues en matière de contributions d'entretien. Toutefois, si l'administration parvient, après un examen approprié, à la conclusion que le bénéficiaire de prestations complémentaires doit payer des contributions trop élevées par rapport à ses possibilités financières, elle doit lui fixer un délai approprié pour introduire une demande en modification du jugement civil (arrêt du Tribunal fédéral 9C_740/2014 du 9 mars 2015 consid. 4.1 in RSAS 2015
p. 263). Dans ce contexte, il a été jugé que la personne qui augmente ses contributions d'entretien afin de les faire supporter par les prestations complémentaires commet un abus de droit au sens de l'art. 2 al. 2 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_740/2014 précité consid. 5.3). Les mêmes principes prévalent aussi en matière d'aide sociale (ATF 136 I 129 consid. 7.2.2). Ces règles s'appliquent également dans l'éventualité inverse, quand le bénéficiaire d'une rente de l'assurance-invalidité renonce par voie extrajudiciaire à des contributions d'entretien qui lui avaient précédemment été accordées par la convention de divorce, puis requiert le versement de prestations complémentaires. Le cas échéant, l'ayant droit aux prestations complémentaires ne peut pas se soustraire à l'obligation de se soumettre à une procédure devant le juge civil compétent, à qui il appartient d'examiner si les conditions d'une suppression ou de réduction de la pension alimentaire sont réunies (ATF 120 V 442 consid. 3b ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_396/2018 du 20 décembre 2018 consid. 5.1). Le procédé de l’administration consistant à fixer un délai à l’assuré pour qu’il saisisse le juge civil d’une demande de modification, a été admis par la jurisprudence, laquelle a été reprise par l'Office fédéral des assurances sociales (ci-après : OFAS) dans ses directives administratives, elles-mêmes conformes au droit fédéral (arrêt du Tribunal fédéral 9C_396/2018 du 20 décembre 2018 consid. 5.2).

4.4 Selon les Directives de l’OFAS concernant les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI (ci-après : DPC, état au 1er janvier 2023), les prestations d’entretien fondées sur le droit de la famille qui ont été ratifiées ou fixées par une autorité ou par le juge peuvent être prises en compte comme dépenses pour autant que la preuve de leur paiement ait été apportée. Sont réservés les cas au sens des nos 3271.02 et 3271.03 (DPC n° 3271.01). Si la situation financière du bénéficiaire de PC vient à se péjorer de manière conséquente et durable, l’organe PC doit exiger de celui-ci qu’il sollicite une modification du jugement de divorce ou de la convention conclue entre les parties. Le bénéficiaire de PC doit être averti par écrit des conséquences indiquées au n° 3271.03 (DPC n° 3271.02). Si l’assuré ne se conforme pas à cette exigence dans les trois mois, l’organe PC prend une décision sur la base du dossier existant. Il est en droit de prévoir un montant correspondant de zéro franc (DPC n° 3271.03).

Les prestations d’entretien fondées sur le droit de la famille dues et effectivement versées au conjoint vivant séparé, à l’ex-conjoint divorcé et aux enfants, et qui n’interviennent pas dans le calcul au sens du n° 3124.07 sont également prises en compte comme dépenses si elles n’ont pas été approuvées ou fixées par une autorité ou par le juge. Il faut tenir compte ici du n° 3272.03 (DPC n° 3272.01). Si le bénéficiaire de PC exige la prise en compte de prestations d’entretien en l’absence de convention y relative approuvée par une autorité ou par le juge, l’organe PC doit vérifier le bien-fondé non seulement de l’obligation d’entretien alléguée par le bénéficiaire de PC, mais également du montant de la contribution en question. Seul un montant approprié peut entrer en ligne de compte au titre des dépenses. Pour le calcul de ce montant, voir n° 3492.01 ss (DPC n° 3272.03). Les DPC prévoient ne manière détaillée la détermination des contributions d’entretien en faveur du conjoint séparé ou divorcé ayant des enfants (DPC n° 3493.01-3493.09).

5.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références ; 126 V 353 consid. 5b et les références ; 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

6.             En l’espèce, l’intimé a calculé le droit aux prestations du recourant en tenant compte du versement d’une pension alimentaire en faveur de son ex-épouse, sur la base d’une contribution annuelle de CHF 11'847.60 pour le mois de mai 2023 et de CHF 9'869.05 pour les mois de juin et juillet 2023. Aucun montant n’a été retenu à partir du 1er août 2023.

Le recourant soutient que l’intimé aurait dû prendre en considération la pension effectivement versée à son ex-épouse et fixée à CHF 833.- par mois, selon la dernière convention signée en juin 2023. Comme déjà relevé, il ne remet pas en cause la décision litigieuse s’agissant du refus de tenir compte d’un montant en faveur de sa fille, désormais âgée de 24 ans et au chômage.

6.1 La chambre de céans rappelle que le jugement de divorce prononcé en Grèce le 19 mars 2019 entérine la convention conclue entre les époux le
20 octobre 2017, par laquelle ceux-ci se sont mis d’accord sur l’autorité parentale et la garde de leur fille alors âgée de 17 ans, la communication entre eux, ainsi que les pensions alimentaires en faveur de la fille et de l’épouse.

Le paragraphe intitulé « pension et autres frais de l’enfant » mentionne que le père versera tous les mois un montant de EUR 1'000.-, qui correspond à sa participation à l’entretien de sa fille, « lequel se fait en commun accord et selon les moyens de chacun ». Ce montant sera versé pendant deux ans. Dès le
20 octobre 2019, une nouvelle convention sera conclue « d’un commun accord en fonction des besoins du moment de l’enfant ».

Le paragraphe suivant concerne la « pension de l’épouse et accords annexes ». Il prévoit le versement d’une contribution d’un montant de EUR 300.- et la renonciation des parties sur les biens réciproques acquis durant le mariage. Le texte de cet accord ne prévoit pas, contrairement à ce qui est précisé pour la contribution de la fille, que la pension en faveur de l’ex-épouse serait convenue pour une durée déterminée, ce qui permet de conclure que les parties n’ont pas entendu la limiter dans le temps. Cette interprétation est confirmée par le fait que le paragraphe relatif à la « communication » mentionne que les règles qui y sont décidées ne seront valables que jusqu’à la majorité de l’enfant. Les conjoints s’étaient donc bien interrogés sur la durée de validité des différentes clauses de leur convention et avaient convenu de trouver un nouvel accord, après un délai de deux ans, s’agissant de la seule pension due en faveur de leur fille, afin d’en adapter le montant aux besoins de celle-ci et en tenant compte des moyens des deux parents.

Le juge civil grec a validé cette convention le 19 mars 2019 et a donc statué sur la contribution d’entretien due par le recourant en faveur de son ex-épouse, contribution fixée à EUR 300.-, et ce pour une durée indéterminée.

Dans ces conditions, le recourant ne saurait se prévaloir des conventions ultérieures passées sous seing privé et qui n’ont pas été validées par un tribunal, par lesquelles il a accepté d’augmenter sensiblement la pension versée à son
ex-épouse, fixée d’un commun accord à EUR 1'000.- dès janvier 2021 (conventions des 4 janvier 2021 et 10 février 2023), puis à EUR 800.- en
juin 2023 (convention du 14 juin 2023). Si la pension décidée en dernier lieu par les parties est certes inférieure à celle qui prévalait depuis janvier 2021, elle reste cependant très supérieure à celle entérinée par le juge civil grec.

Il sera encore observé que les arguments évoqués par le recourant pour tenter de justifier l’augmentation de la pension litigieuse, tels que la prévoyance professionnelle de son ex-épouse, l’absence de partage de son deuxième pilier, les frais médicaux non remboursés en Grèce ou encore l’absence d’aide gouvernementale en cas de précarité, ne lui sont d’aucune aide, puisque tous ces facteurs étaient déjà connus des parties lorsqu’elles ont demandé au juge du divorce de ratifier leur convention. D’ailleurs, les époux avaient précisément convenu que le recourant prendrait exclusivement en charge les dépenses médicales de sa fille, mais aucune clause similaire n’avait été prévue pour son
ex-épouse.

Enfin, que l’administration fiscale cantonale prenne en considération les conventions conclues entre les parties n’est pas déterminant.

Partant, il peut être retenu que les conventions conclues sous seing privé et qui n’ont jamais été approuvées par une quelconque autorité ou par un juge, prévoient des contributions d’entretien manifestement inappropriées, puisqu’elles sont sensiblement plus élevées que celles fixées par le juge civil.

6.2 Cela étant, le recourant pouvait, de bonne foi, penser qu’il avait entrepris les démarches requises en obtenant la baisse de la pension de EUR 1'000.- à
EUR 800.-, montant correspondant à l’évaluation de l’Hospice général.

Il est en effet relevé à cet égard que dans son courrier du 3 mai 2023, l’intimé a demandé au recourant la production de plusieurs documents, dont une copie intégrale du jugement de divorce ou de la convention de divorce modifiée, étant précisé que sa situation financière s’était péjorée et que s’il ne s’y conformait pas dans un délai de trois mois, un montant de CHF 0.- pourrait être retenu. Le recourant a répondu le 31 mai 2023 en remettant de nombreuses pièces relatives à sa rente de prévoyance professionnelle, ses avoirs bancaires, sa situation fiscale, des biens immobiliers, son assurance-maladie, son activité professionnelle et la fin du droit aux allocations familiales. Concernant la contribution d’entretien, il a expliqué avoir en vain cherché à savoir quel montant pourrait être admis et ajouté que l’Hospice général avait évoqué celui de CHF 833.- pour l’ex-épouse. Il avait demandé par téléphone à l’intimé s’il pouvait signer une nouvelle convention sous seing privé avec son ex-femme, comme c’était le cas depuis 2017, mais il lui avait été répondu qu’il devait produire un jugement d’un tribunal suisse. Il a alors souligné que le principe des conventions sous seing privé avait été accepté par le juge du divorce et que saisir la justice ou passer une nouvelle convention engendrait des coûts importants pour les parties. Le 7 juin 2023, l’intimé a adressé au recourant un rappel, mentionnant n’avoir pas reçu la copie intégrale du jugement de divorce ou de la convention modifiée, sans répondre à aucun argument soulevé par l’intéressé. Il ne lui a en particulier pas précisé que le montant de la contribution mentionné par l’Hospice général était supérieur à celui ratifié par le juge et qu’il devait diminuer la première pension convenue. Le
15 juin 2023, le recourant a envoyé à l’intimé la convention du 14 juin 2023, rappelant que le principe d’une convention rédigée et renouvelée d’un commun accord sans passer par un tribunal avait été admis dans le jugement de 2019. Le
17 juillet 2023, l’intimé a sollicité la production d’un document bancaire, sans référence aucune à la contribution. Le 5 octobre 2023, l’intimé a demandé des informations à l’Hospice général sur les prestations accordées, sans non plus revenir sur le montant de la pension.

Partant, faute d’avoir indiqué clairement au recourant qu’il devait modifier la convention de 2017 ratifiée par le juge du divorce et non pas celle en vigueur depuis le 10 février 2023, l’intimé ne saurait lui reprocher de ne pas avoir saisi la justice et écarter, sans autre examen, la contribution d’entretien de EUR 300.- par mois dont l’intéressé reste tenu de s’acquitter, conformément au jugement de divorce de 2019.

6.3 Il ressort des pièces produites que, lors de la signature de la convention
d’octobre 2017 prévoyant le versement d’une pension de EUR 300.-, le recourant était au chômage et bénéficiait d’indemnités à hauteur de CHF 3'706.- par mois
(cf. extrait de compte individuel faisant état d’indemnités de l’assurance chômage de janvier à décembre 2017 pour un total de CHF 44'473.-). Son ex-épouse travaillait pour sa part à mi-temps, selon les allégations de l’intéressé.

La situation du recourant s’est péjorée depuis sa mise à la retraite au mois
d’avril 2023, puisqu’il ne perçoit désormais que ses rentes AVS et LPP pour un montant total de CHF 2'210.-.

Toutefois, rien ne permet de retenir que l’intéressé aurait eu de bonnes chances d’obtenir la réduction ou la suppression de la pension alimentaire due à son
ex-épouse s’il avait saisi la justice grecque. Il paraît au contraire peu probable que le juge civil aurait revu à la baisse le montant de la contribution, compte tenu notamment de la durée du mariage, de la répartition des rôles durant la vie commune, des efforts de l’ex-épouse qui a repris un emploi à temps complet, du fait que celle-ci perçoit un salaire de EUR 829.25, soit un revenu à peine supérieur au salaire minimum en Grèce (EUR 780.-, selon l’attestation de l’avocate du 5 janvier 2024), de l’importante diminution de la pension versée à la fille sans emploi qui vit encore avec sa mère. Qui plus est, l’argumentation du recourant quant à l’absence de partage de sa prévoyance professionnelle est pertinente, puisque cela le favorise au détriment de son ex-épouse qui n’a quant à elle pas eu l’occasion de se constituer une telle prévoyance.

Eu égard à tout ce qui précède, la chambre de céans considère que la contribution de EUR 300.- par mois, validée par jugement, n’est pas excessive et demeure adaptée à la situation réciproque des ex-conjoints.

Ce montant devra donc être pris en considération par l’intimé à titre de contribution d'entretien due à l’ex-épouse dans son calcul des prestations complémentaires, à partir du 1er août 2023.

7.             Au vu de ce qui précède, le recours est partiellement admis, la décision sur opposition du 30 novembre 2023 annulée et la cause renvoyée à l'intimé pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

Le recourant obtenant gain de cause, une indemnité de CHF 1'500.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.      L’admet partiellement.

3.      Annule la décision sur opposition rendue le 30 novembre 2023 par l'intimé.

4.      Renvoie la cause à l'intimé pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

5.      Condamne l'intimé à verser au recourant une indemnité de CHF 1'500.- à titre de dépens.

6.      Dit que la procédure est gratuite.

7.      Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie KOMAISKI

 

La présidente

 

 

 

 

Joanna JODRY

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le