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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2506/2024

ATAS/644/2024 du 26.08.2024 ( PC )

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2506/2024 ATAS/644/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt incident du 26 août 2024

Chambre 4

 

En la cause

A______

 

 

recourant

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES

intimé

 


EN FAIT

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’intéressé ou le recourant) est né le ______ 2001 et célibataire.

b. Le 11 octobre 2019, il a demandé le versement de prestations complémentaires à l’AVS/AI étant au bénéfice d’une rente ordinaire simple d’invalidité pour enfant octroyée dès janvier 2018 liée à la rente entière ordinaire simple d’invalidité de son père, Monsieur B______, né le 9 mai 1959.

c. Par décision du 10 novembre 2020, le service des prestations complémentaires (ci-après : le SPC ou l’intimé) a octroyé des prestations complémentaires à l’assuré dès le 1er octobre 2019, mais pas de prestations complémentaires cantonales.

d. Le 25 juin 2024, le SPC a informé l’intéressé avoir appris que son père dépassait le seuil de fortune admis pour une personne seule avec effet au 1er janvier 2024. Il se voyait ainsi dans l’obligation de supprimer le droit de l’intéressé aux prestations complémentaires dès cette date, en vertu des ch. 2511.01 et 3143.01 des directives concernant les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI (ci-après : DPC).

Selon le SPC, la nouvelle situation laissait apparaître que l’intéressé n’avait plus droit à des prestations complémentaires, ni à des subsides pour l’assurance-maladie.

Il apparaissait également qu’il avait perçu trop de prestations pour la période du 1er janvier au 30 juin 2024, soit au total CHF 12'026.90.

Ce montant devait être remboursé au SPC dans les 30 jours dès l’entrée en force des décisions de restitution.

En annexe de ce courrier, le SPC a transmis à l’intéressé une décision de prestations complémentaires du 17 juin 2024 lui demandant la restitution de CHF 9'498.- de prestations complémentaires ainsi qu’une décision du 19 juin 2024 lui demandant le remboursement des réductions individuelles de primes d’assurance-maladie à hauteur de CHF 1'967.40 ainsi qu’une décision de restitution de frais de maladie et d’invalidité du 19 juin 2024 à hauteur de CHF 561.50.

e. L’intéressé a formé opposition aux décisions du SPC précitées, faisant valoir notamment que sans les prestations versées par le SPC, il ne savait pas comment subvenir à ses besoins.

Il demandait la suspension « superprovisionnelle » de la décision au vu de l’urgence.

f. Par décision du 18 juillet 2024, le SPC a rejeté l’opposition de l’intéressé, au motif que son père n’était plus au bénéfice des prestations complémentaires depuis le 1er janvier 2024, en raison d’une fortune dépassant le seuil limite. Cette situation était concrétisée par des décisions entrées en force. C’était ainsi à bon droit que le SPC avait supprimé les prestations de l’intéressé de manière rétroactive au 1er janvier 2024, ce qui conduisait à une demande de remboursement de CHF 12'026.90 en sa faveur. Le SPC a indiqué dans sa décision qu’un recours dirigé contre celle-ci n’aurait pas d’effet suspensif.

g. Le 22 juillet 2024, l’intéressé a demandé l’aide sociale au SPC.

B. a. Le 29 juillet 2024, l’intéressé a formé recours contre la décision sur opposition du SPC du 18 juillet 2024 auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans). Il reprenait les arguments développés dans son opposition initiale. Il n’avait pas de contact avec son père, n’avait pas reçu d’héritage et se trouvait dans une situation financière très difficile. Il avait perçu les prestations de bonne foi et ne s’était pas attendu à une décision de restitution du SPC.

Le calcul ne devait pas se faire selon la situation de son père, car il n’avait pas de contact avec lui. Il avait contacté la curatrice de son père qui lui avait confirmé que l’héritage n’était toujours pas apparu sur le compte de son père. Il estimait que le SPC devait se référer à sa situation financière seulement.

La directive mentionnée par l’intimé ne prenait pas en compte le cas concret et n’était pas conforme à l’art. 9a al. 1 let. c de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI du 6 octobre 2006 (loi sur les prestations complémentaires, LPC - RS 831.30). Il était selon la LPC en droit d’exiger des prestations complémentaires. La directive n’avait pas force de loi.

En conséquence, il demandait la remise de la somme de CHF 12'027.-, car la décision querellée le mettait dans une situation très difficile.

Il demandait en plus des mesures « superprovisionnelles », vu l’urgence de sa situation et à ce que l’intimé lui verse les prestations complémentaires jusqu’à l’entrée en force d’une décision de la chambre de céans, car il en avait besoin pour subvenir à ses besoins.

b. Par réponse du 12 août 2024, l’intimé a fait valoir, s’agissant de la demande de mesure provisionnelle du recourant, que, si celui-ci ne devait pas obtenir gain de cause - ce qui après un examen sommaire du dossier paraissait manifeste à teneur du n. 3143.01 DPC, puisque son père, titulaire principal du droit à la rente AVS, n’était plus au bénéfice de prestations complémentaires, ce que l’intéressé ne contestait pas - il était à craindre qu’une procédure (supplémentaire) en restitution des prestations versées à tort, ne se révèle infructueuse, de sorte qu’il fallait considérer que l’intérêt de l’administration l’emportait sur celui du recourant.

En revanche, s’agissant de la demande en restitution des prestations, conformément à l’art. 49 al. 5 phr. 2 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1), la décision portant sur la demande de remboursement du trop-perçu de CHF 12'026.90 était assortie de l’effet suspensif.

En conséquence, le SPC concluait au rejet de la demande de restitution de l’effet suspensif en tant que le recourant demandait la poursuite du versement des prestations accordées avant reddition de la décision entreprise jusqu’à l’issue de la présente procédure.

En revanche, la demande devait être déclarée sans objet en tant qu’elle devait être interprétée également comme concluant à ce que la restitution des prestations indument perçues soit différée jusqu’à l’issue de la présente procédure.

Enfin, si le recourant se trouvait en difficultés financières, il pouvait s’adresser au centre social de sa région pour obtenir une éventuelle aide financière adaptée à sa situation (prestations d’aide sociale).

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Le délai de recours est de 30 jours (art. 60 al. 1 LPGA ; art. 43 LPCC ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA ‑ E 5 10]).

Interjeté dans les forme et délai légaux, le recours est prima facie recevable (art. 56 al. 1 et 60 al. 1 LPGA ; art. 9 de la loi cantonale sur les prestations fédérales complémentaires à l’assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité du 14 octobre 1965 [LPFC - J 4 20] ; art. 43 LPCC).

2.             Le litige porte sur la demande du recourant de prendre des mesures « superprovisionnelles » afin que l’intimé continue à lui verser les prestations complémentaires jusqu’à l’entrée en force de l’arrêt de la chambre de céans sur son recours du 29 juillet 2024. Cette demande correspond matériellement à une demande de restitution de l’effet suspensif au recours formée contre la décision sur opposition du 18 juillet 2024 en tant que l’intimé a supprimé au recourant le droit aux prestations complémentaires avec effet au 1er janvier 2024. La demande du recourant ne concerne pas la demande de restitution qui fait également l’objet du recours, étant par ailleurs relevé que ce dernier a un effet suspensif, conformément à l’art. 49 al. 5 LPGA, sur la demande de restitution.

3.             Selon la jurisprudence, le retrait de l’effet suspensif est le fruit d’une pesée des intérêts qui s’inscrit dans l’examen général du principe de la proportionnalité, lequel exige qu’une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés (règle de l’aptitude) et que ceux-ci ne puissent pas être atteints par une mesure moins incisive (règle de la nécessité). En outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et il exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 142 I 76 consid. 3.5.1 et la référence).

La possibilité de retirer ou de restituer l'effet suspensif au recours n'est pas subordonnée à la condition qu'il existe, dans le cas particulier, des circonstances tout à fait exceptionnelles qui justifient cette mesure. Il incombe bien plutôt à l'autorité appelée à statuer d'examiner si les motifs qui parlent en faveur de l'exécution immédiate de la décision l'emportent sur ceux qui peuvent être invoqués à l'appui de la solution contraire. L'autorité dispose sur ce point d'une certaine liberté d'appréciation. En général, elle se fondera sur l'état de fait tel qu'il résulte du dossier, sans effectuer de longues investigations supplémentaires. En procédant à la pesée des intérêts en présence, les prévisions sur l'issue du litige au fond peuvent également être prises en considération ; il faut cependant qu'elles ne fassent aucun doute (ATF 124 V 82 consid. 6a ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_885/2014 du 17 avril 2015 consid. 4.2).

L'intérêt de la personne assurée à pouvoir continuer à bénéficier des prestations qu'elle percevait jusqu'alors n'est pas d'une importance décisive, tant qu'il n'y a pas lieu d'admettre que, selon toute vraisemblance, elle l'emportera dans la cause principale. Ne saurait à cet égard constituer un élément déterminant la situation matérielle difficile dans laquelle se trouve la personne assurée depuis la diminution ou la suppression des prestations. En pareilles circonstances, l'intérêt de l'administration apparaît généralement prépondérant, puisque dans l'hypothèse où l'effet suspensif serait accordé et le recours serait finalement rejeté, l'intérêt de l'administration à ne pas verser des prestations paraît l'emporter sur celui de la personne assurée ; il serait effectivement à craindre qu'une éventuelle procédure en restitution des prestations versées à tort ne se révèle infructueuse (ATF 119 V 503 consid. 4 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_207/2014 du 1er mai 2014 consid. 5.3 et les références). La jurisprudence a également précisé que le retrait de l'effet suspensif prononcé dans le cadre d'une décision de diminution ou de suppression de rente à la suite d'une procédure de révision couvrait également la période courant jusqu'à ce qu'une nouvelle décision soit rendue après le renvoi de la cause par le tribunal cantonal des assurances pour instruction complémentaire, pour autant que la procédure de révision n'a pas été initiée de façon abusive (ATF 129 V 370 consid. 4 ; voir également arrêts du Tribunal fédéral 9C_846/2018 du 29 novembre 2019 consid. 7.1 et 9C_207/2014 du 1er mai 2014 consid. 5.3).

Selon l’art. 9a LPC, les personnes dont la fortune nette est inférieure aux seuils suivants ont droit à des prestations complémentaires :

a.       CHF 100'000.- pour les personnes seules ;

b.      CHF 200'000.- pour les couples ;

c.       CHF 50'000.- pour les enfants ayant droit à une rente d’orphelin ou donnant droit à une rente pour enfant de l’AVS ou de l’AI.

Le n. 2511.01 DPC reprend la teneur de l’art. 9a LPC et renvoie aux n. 3124.01 et 3124.02 pour les enfants donnant droit à une rente pour enfant de l’AVS ou de l’AI.

Selon le n. 3124.02 DPC, les enfants qui donnent droit à une rente pour enfant de l’AVS ou de l’AI et dont la fortune nette dépasse CHF 50'000.- ne sont pas pris en compte dans le calcul de la prestation complémentaire. Pour les enfants qui ne vivent pas avec un parent ayant droit à une rente, il est renvoyé au n. 3143.02.

Selon le n. 3143.01 DPC, si l’enfant ne vit pas chez ses parents, ou s’il vit chez celui qui n’a pas droit à une rente ni ne donne droit à une rente complémentaire de l’AVS, la prestation annuelle de l’enfant doit être calculée séparément, pour autant que le bénéficiaire de rente ait son domicile et sa résidence habituelle en Suisse et que la fortune des parents ou du parent ayant droit à la rente ne dépasse pas le montant selon le n. 2511.01. À défaut, il n’existe aucun droit aux prestations complémentaires.

La fortune, au sens de l'art. 11 al. 1 let. b et c LPC, comprend toutes les choses mobilières et immobilières ainsi que les droits personnels et réels qui sont la propriété de l'assuré et qui peuvent être transformés en espèces (par le biais d’une vente ou d’un nantissement par exemple) pour être utilisés (MULLER, Bundesgesetz über Ergänzungsleistungen zur Alters-, Hinterlassenen- und Invalidenversicherung, 2006 n. 35, JÖHL, Ergänzungsleistungen zur AHV/IV, SBVR XIV, 2016, n. 163 p. 1844s).

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, la part d'héritage d'un bénéficiaire des prestations complémentaires doit être prise en compte dès l'ouverture de la succession qu'il acquiert de plein droit (art. 560 al. 1 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 [CC - RS 210]), soit au décès du de cujus (art. 537 al. 1 CC) et non seulement à partir du moment où le partage est réalisé (RCC 1992 p. 347 consid. 2c ; arrêts du Tribunal fédéral P 22/06 du 23 janvier 2007 consid. 5, P 61/04 du 23 mars 2006 consid. 4, P 54/02 du 17 septembre 2003 consid. 3.3 ; ATAS/849/2017 ; ATAS/537/2018).

Le Tribunal fédéral justifie sa jurisprudence par le fait que les membres d’une communauté héréditaire sont propriétaires et disposent en commun des biens qui dépendent de la succession (cf. art. 602 al. 1 CC). Dans une propriété indivise, chaque propriétaire peut disposer individuellement de la part au produit de la liquidation lorsque l’indivision est dissoute, par exemple par cession et mise en gage (cf. art. 635 CC). De cette façon, le droit d’un héritier sur la part de la succession ou de la liquidation qui lui revient peut être aliéné et utilisé déjà avant le partage (RCC 1992 p. 347 consid. 2c et 2d). En outre, si on prenait en compte la part de l’héritage au moment du partage, les bénéficiaires de prestations complémentaires pourraient être tentés de retarder le plus longtemps possible le partage pour pouvoir continuer à percevoir lesdites prestations (Erwin CARIGIET, Ergänzungleistungen zur AHV/IV, 2009, p. 165).

4.             En l’espèce, il ressort des dispositions précitées que le recourant n’a pas de droit aux prestations complémentaires si la fortune de son père, qui est l’ayant droit principal à une rente d’invalidité, dépasse les montants cités au n. 2511.01 DPC, qui reprend ceux cités à l’art. 9a LPC. À teneur des pièces au dossier, le recourant n’a pas rendu vraisemblable que l’intimé aurait retenu à tort que son père n’avait pas un montant de fortune excluant le droit aux prestations complémentaires, étant relevé que l’intimé peut, au vu de la jurisprudence précitée, tenir compte d’une part d’héritage avant que celle-ci ne parvienne sur le compte du bénéficiaire des prestations complémentaires.

Dans ces circonstances, les chances de succès du recourant sur le fond ne paraissent pas évidentes à première vue. Par conséquent, l’intérêt de l’administration à l’exécution immédiate de la décision faisant l’objet du recours l’emporte sur celui du recourant à continuer à percevoir les prestations complémentaires durant la procédure. L’issue de la procédure étant incertaine, il existe un risque important que le recourant ne puisse pas rembourser les prestations qui seraient versées à tort par l’intimé, celui-ci étant dans une situation financière difficile.

Partant, la demande de restitution de l’effet suspensif sera rejetée.

La suite de la procédure sera réservée.


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant selon l’art. 21 al. 2 LPA

1.        Rejette la demande de restitution de l’effet suspensif au recours.

2.        Réserve la suite de la procédure.

3.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110) aux conditions de l’art. 95 LTF. Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Julia BARRY

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le