Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/420/2024 du 07.06.2024 ( AI ) , REJETE
En droit
rÉpublique et | 1.1canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
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A/1004/2023 ATAS/420/2024 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 7 juin 2024 Chambre 9 |
En la cause
A______
| recourante |
contre
OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE | intimé |
A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée), née de sexe masculin le ______ 1976, est en couple et sans enfants.
b. Disposant d’une formation en informatique auprès de l’École supérieure de gestion de Genève, l’intéressée a notamment exercé les activités d’analyste auprès de B______ de 2007 à 2011 et d’architecte de logiciel auprès de C______ SA jusqu’à son licenciement en 2015. Elle a également exercé des fonctions politiques.
c. Elle poursuit une activité politique et militante LGBT et bénéficie de prestations de l’Hospice général (ci-après : l’hospice).
B. a. Le 2 février 2021, elle a déposé une demande de prestations auprès de l’office cantonal de l’assurance-invalidité (ci-après : OAI), faisant valoir qu’elle souffrait de troubles neuropsychiatriques depuis 2014. Sa médecin traitante, la docteure D______, médecin interne du service de psychiatrie des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) la suivait depuis octobre 2016. Elle était également suivie par le docteur E______, du service de spécialités psychiatriques des HUG depuis janvier 2021.
b. Répondant au formulaire de l’OAI le 27 mai 2021, la Dre D______ a posé les diagnostics de perturbation de l’activité et de l’attention (F90.0) et trouble dépressif récurrent (F33). Sa capacité de travail était nulle dans son activité habituelle. Ses limitations fonctionnelles étaient les suivantes : présence de troubles de la concentration et de l’attention, importantes difficultés organisationnelles, présence d’une distractibilité, anxiété, fatigabilité, labilité émotionnelle. Sa capacité de travail dans une activité adaptée était de 50%. Elle était prise en charge de manière pluridisciplinaire et suivait un traitement médicamenteux. L’évolution était globalement favorable avec une légère amélioration clinique.
c. Par avis du 15 mars 2022, le service médical régional de l’assurance-invalidité (ci-après : SMR) a préconisé la réalisation d’une expertise psychiatrique avec bilan neuropsychologique.
d. Le rapport d’expertise psychiatrique a été rendu le 7 juillet 2022 par le docteur F______, psychiatre-psychothérapeute FMH. L’expert a posé les diagnostics, sans répercussion sur la capacité de travail, de trouble dépressif récurrent, épisode actuel léger (F33.0), traits mixtes de la personnalité (Z73.1) et trouble de l’attention avec hyperactivité légère durant l’enfance (F90). Sa capacité de travail était entière depuis août 2020 tant dans son activité habituelle que dans une activité adaptée, avec une diminution de rendement de 30%. La poursuite d’un suivi psychiatrique régulier et un traitement psychotrope n’était pas exigible car la capacité de travail de l’intéressée était conservée. Une aide pour la réinsertion professionnelle était recommandée pour améliorer son pronostic dans la mesure où elle n’avait pas pu se former à la hauteur de son potentiel intellectuel en lien avec son trouble de l’attention.
L’expert relevait des discordances entre les activités possibles durant la
journée-type chez une assurée qui gérait son quotidien sans difficultés objectivables en dehors d’une baisse d’efficacité dans les tâches nécessitant une attention accrue, en partageant les tâches quotidiennes avec sa compagne qui était au bénéfice d’une rente de l’assurance-invalidité, avec des activités variées plaisantes, des activités militantes politiques à raison de 20%, sans limitations objectivables lors de l’examen clinique.
Au vu de l’anamnèse, la journée-type et l’examen clinique, aucune limitation fonctionnelle psychiatrique significative n’était retenue.
e. Le 8 août 2022, se fondant sur les résultats de l’expertise, le SMR a retenu que son incapacité de travail était de 70% dès le 1er août 2020. Compte tenu de la perte de rendement retenue par l’expert, les atteintes psychiatriques devaient être qualifiées d’incapacitantes, celles-ci interagissant entre elles. S’agissant des limitations fonctionnelles, l’expert a retenu la difficulté à maintenir une activité soutenue.
f. Le 9 décembre 2022, le service de réadaptation de l’OAI a considéré que des mesures d’ordre professionnel n’étaient pas de nature à réduire le dommage, car c’était dans l’activité habituelle que l’assurée pourrait réduire le mieux le dommage. Il existait sur le marché primaire de l’emploi équilibré des entreprises qui pourraient respecter ses limitations fonctionnelles, comme par exemple : la Ville de Genève, l’État de Genève, les associations ou les fondations.
g. Par projet de décision du 16 décembre 2022, confirmée par décision du 10 février 2023, l’OAI a rejeté la demande de prestations, au motif que son degré d’invalidité était de 30%, soit un taux inférieur à 40%, ce qui était insuffisant pour ouvrir le droit à une rente de l’assurance-invalidité.
C. a. Par acte du 15 mars 2023, l’assurée a interjeté recours devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice contre la décision du 10 février 2023, concluant à son annulation.
Aucun de ses médecins traitants n’avait été contacté. Ses difficultés liées au TDAH entrainaient des problèmes administratifs, pertes d’objets et de documents, rendez-vous manqués, horaires difficiles à tenir et problèmes au quotidien (alimentation et hygiène). S’ajoutait à cela une mauvaise vue, provoquant des collisions et des chutes. Le taux d’incapacité de 30% ne reflétait pas sa situation médicale.
b. Par réponse du 11 avril 2023, l’OAI a conclu au rejet du recours. Le rapport d’expertise prenait en compte la situation médicale de l’assurée dans son ensemble, aussi bien objectivement que subjectivement, et reposait sur des éléments complets. La description du contexte médical et l’appréciation de la situation médicale étaient claires. Les conclusions de l’expertise étant enfin dûment motivées, il convenait de lui reconnaître pleine valeur probante.
c. Lors de la comparution personnelle du 24 novembre 2023, l’assurée a indiqué qu’elle n’avait pas de document médical récent sur son état de santé. Elle était actuellement placée auprès de G______ à 50% depuis juin 2023. Il s’agissait d’un poste d’assistante en informatique non rémunéré, étant précisé qu’elle percevait des prestations de l’hospice. En raison de ses douleurs et d’un épuisement général, elle ne parvenait pas à exercer son activité à plus de 40%. Ses activités quotidiennes étaient fortement entravées. Elle avait beaucoup de difficultés à se doucher et à manger et oubliait souvent ses tâches quotidiennes. Elle avait également des problèmes administratifs. Au niveau politique, elle pensait avoir manqué les « trois quarts » des réunions et n’effectuait plus aucune activité associative depuis 2017. Elle était disposée à suivre une mesure de réadaptation de l’OAI. Elle comptait déposer une nouvelle demande AI en lien avec ses problèmes de vue.
À l’issue de l’audience, la chambre de céans a imparti un délai à l’assurée pour produire tous documents médicaux en lien avec sa situation médicale.
d. L’assurée n’a pas réagi dans le délai imparti, si bien que la cause a été gardée à juger.
1.
1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 Le délai de recours est de 30 jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).
Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.
2. Le litige porte sur le droit de la recourante à des prestations de
l’assurance-invalidité.
2.1 Le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705).
En cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste, en principe, celle en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits et le juge se fonde, en règle générale, sur l'état de fait réalisé à la date déterminante de la décision litigieuse (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; 132 V 215 consid. 3.1.1 et les références).
En l’occurrence, la décision querellée a été rendue postérieurement au 1er janvier 2022, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées ci-après dans leur nouvelle teneur (ATF 148 V 174 consid. 4.1).
2.2
2.2.1 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2).
En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.
2.2.2 Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28a al. 1 LAI).
La comparaison des revenus s'effectue, en règle ordinaire, en chiffrant aussi exactement que possible les montants de ces deux revenus et en les confrontant l'un avec l'autre, la différence permettant de calculer le taux d'invalidité (méthode générale de comparaison des revenus ; ATF 128 V 29 consid. 1 ; 104 V 135 consid. 2a et 2b).
2.2.3 Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté ; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 127 V 294 consid. 4c ; 102 V 165 consid. 3.1 ; VSI 2001 p. 223 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).
La reconnaissance de l’existence d’une atteinte à la santé psychique suppose la présence d’un diagnostic émanent d’un expert (psychiatre) et s’appuyant selon les règles de l’art sur les critères d’un système de classification reconnu, tel le CIM ou le DSM-IV (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 ; 141 V 281 consid. 2.1 et 2.1.1 ; 130 V 396 consid. 5.3 et 6).
Dans l’ATF 141 V 281, le Tribunal fédéral a revu et modifié en profondeur le schéma d'évaluation de la capacité de travail, respectivement de l'incapacité de travail, en cas de syndrome douloureux somatoforme et d'affections psychosomatiques comparables. Il a notamment abandonné la présomption selon laquelle les troubles somatoformes douloureux ou leurs effets pouvaient être surmontés par un effort de volonté raisonnablement exigible (ATF 141 V 281 consid. 3.4 et 3.5) et introduit un nouveau schéma d'évaluation au moyen d'un catalogue d'indicateurs (ATF 141 V 281 consid. 4). Le Tribunal fédéral a ensuite étendu ce nouveau schéma d'évaluation aux autres affections psychiques (ATF 143 V 418 consid. 6 et 7 et les références). Aussi, le caractère invalidant d'atteintes à la santé psychique doit être établi dans le cadre d'un examen global, en tenant compte de différents indicateurs, au sein desquels figurent notamment les limitations fonctionnelles et les ressources de la personne assurée, de même que le critère de la résistance du trouble psychique à un traitement conduit dans les règles de l'art (ATF 143 V 409 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2019 du 17 mars 2020 consid. 3 et les références).
Le Tribunal fédéral a en revanche maintenu, voire renforcé la portée des motifs d'exclusion définis dans l'ATF 131 V 49, aux termes desquels il y a lieu de conclure à l'absence d'une atteinte à la santé ouvrant le droit aux prestations d'assurance, si les limitations liées à l'exercice d'une activité résultent d'une exagération des symptômes ou d'une constellation semblable, et ce même si les caractéristiques d'un trouble au sens de la classification sont réalisées. Des indices d'une telle exagération apparaissent notamment en cas de discordance entre les douleurs décrites et le comportement observé, l'allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, l'absence de demande de soins, de grandes divergences entre les informations fournies par le patient et celles ressortant de l'anamnèse, le fait que des plaintes très démonstratives laissent insensible l'expert, ainsi que l'allégation de lourds handicaps malgré un environnement psycho-social intact (ATF 141 V 281 consid. 2.2.1 et 2.2.2 ; ATF 132 V 65 consid. 4.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_16/2016 du 14 juin 2016 consid. 3.2).
L'organe chargé de l'application du droit doit, avant de procéder à l'examen des indicateurs, analyser si les troubles psychiques dûment diagnostiqués conduisent à la constatation d'une atteinte à la santé importante et pertinente en droit de l'assurance-invalidité, c'est-à-dire qui résiste aux motifs dits d'exclusion tels qu'une exagération ou d'autres manifestations d'un profit secondaire tiré de la maladie (cf. ATF 141 V 281 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 5.2.2 et la référence).
Il y a lieu de se fonder sur une grille d’analyse comportant divers indicateurs qui rassemblent les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique (ATF 141 V 281 consid. 4).
- Catégorie « Degré de gravité fonctionnel » (ATF 141 V 281 consid. 4.3),
A. Complexe « Atteinte à la santé » (consid. 4.3.1)
Expression des éléments pertinents pour le diagnostic (consid. 4.3.1.1), succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à cet égard (consid. 4.3.1.2), comorbidités (consid. 4.3.1.3).
B. Complexe « Personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles; consid. 4.3.2)
C. Complexe « Contexte social » (consid. 4.3.3)
- Catégorie « Cohérence » (aspects du comportement; consid. 4.4)
Limitation uniforme du niveau d'activité dans tous les domaines comparables de la vie (consid. 4.4.1), poids des souffrances révélé par l'anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation (consid. 4.4.2).
Les indicateurs appartenant à la catégorie « degré de gravité fonctionnel » forment le socle de base pour l’évaluation des troubles psychiques (ATF 141 V 281 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.2).
Le Tribunal fédéral a récemment rappelé qu’en principe, seul un trouble psychique grave peut avoir un caractère invalidant. Un trouble dépressif de degré léger à moyen, sans interférence notable avec des comorbidités psychiatriques, ne peut généralement pas être défini comme une maladie mentale grave. S'il existe en outre un potentiel thérapeutique significatif, le caractère durable de l'atteinte à la santé est notamment remis en question. Dans ce cas, il doit exister des motifs importants pour que l'on puisse néanmoins conclure à une maladie invalidante. Si, dans une telle constellation, les spécialistes en psychiatrie attestent sans explication concluante (éventuellement ensuite d'une demande) une diminution considérable de la capacité de travail malgré l'absence de trouble psychique grave, l'assurance ou le tribunal sont fondés à nier la portée juridique de l'évaluation médico-psychiatrique de l'impact (ATF 148 V 49 consid. 6.2.2 et les références).
2.2.4 Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents qu’un médecin, éventuellement d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est, à ce motif, incapable de travailler (ATF 140 V 193 consid. 3.2 et les références ; 125 V 256 consid. 4 et les références). En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).
Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales
(cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3; ATF 125 V 351 consid. 3).
Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.
Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4. et les références ; ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).
Un rapport du SMR a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu'il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d'une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d'un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 RAI ; ATF 142 V 58 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l'office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5 ; ATF 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1).
En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52 ; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).
On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaitre pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 8C_755/2020 du 19 avril 2021 consid. 3.2 et les références).
2.3 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b et les références ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références ; cf. ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).
3. En l’occurrence, l’intimé s’est fondé, pour rendre la décision litigieuse, sur le rapport d’expertise du Dr F______ du 7 juillet 2022. Fondé sur toutes les pièces du dossier, comprenant une anamnèse, la description des plaintes de la recourante, ainsi que d’une journée-type, un examen clinique, des examens psychométriques, une analyse sanguine et d’urines, des diagnostics et limitations fonctionnelles clairs et une appréciation convaincante de la capacité de travail de la recourante, le rapport d’expertise répond aux critères jurisprudentiels précités pour qu’il lui soit reconnu une pleine valeur probante.
L’expert a analysé les indicateurs jurisprudentiels pertinents. Il a notamment retenu que l’indice de gravité était absent en l’absence de limitations fonctionnelles significatives objectivables des ressources et en dehors d’une baisse légère du rendement en lien avec un trouble de l’attention. Le trouble de la personnalité émotionnellement labile de type impulsif et anxieuse, présent chez l’assurée depuis l’âge adulte, ne l’avait pas empêchée de gérer son quotidien sans limitations dans le passé et à travailler sans limitations ; il n’était pas décompensé selon la journée-type, sans hospitalisation psychiatrique et avec une vie conjugale stable. Au niveau du contexte social, l’assurée présentait un isolement social partiel mais pas total. L’expert a objectivé une cohérence moyenne entre plusieurs plaintes subjectives et le constat objectif, mais sans exagération volontaire des plaintes. L’assurée gardait des capacités et ressources personnelles suffisantes, sans nécessiter une aide indispensable dans le quotidien mais un partage des tâches et sans limitations d’un point de vue psychiatrique.
La recourante conteste l’appréciation de l’expert selon laquelle sa capacité de travail serait de 100%, avec une diminution de 30%, dans son activité habituelle. Elle se plaint de ce qu’aucun médecin assurant son suivi n’aurait été contacté. Il ressort toutefois de l’expertise que le rapport médical de la Dre D______ du 27 mai 2021 a été pris en compte par l’expert. Ce dernier a toutefois retenu une discordance entre les éléments retenus par les psychiatres traitants de l’assurée et son examen clinique qui n’objectivait pas de limitations fonctionnelles. La recourante gérait son quotidien sans difficultés objectivables. Entendue en audience, la recourante a certes contesté cette appréciation, faisant valoir que ses activités quotidiennes étaient en réalité fortement entravées. Elle ne remet toutefois pas en cause les éléments retenus par l’expert sur la base de l’entretien approfondi. Or, il en ressort notamment que la recourante partageait des repas avec ses parents, faisait des activités avec sa compagne et jouait à des jeux de rôle avec ses amis. Elle faisait également du bricolage physique ou sur un logiciel. Elle partait en vacances avec sa compagne et faisait des activités culturelles pendant les week-ends. Ainsi, l’appréciation de l’expert, selon laquelle l’intéressée ne nécessitait pas d’aide significative durant la journée-type mais juste un partage des tâches, n’apparaît pas critiquable. Les plaintes subjectives exprimées en audience par la recourante ne se reflètent ainsi que partiellement dans sa journée-type, ce que l’expert avait d’ailleurs relevé, en retenant une cohérence moyenne entre ses plaintes subjectives et les constats objectifs.
Enfin, en tant que la recourante se plaint d’une péjoration de son atteinte oculaire, force est de relever qu’il s’agit d’un élément nouveau, postérieur à la décision litigieuse. Ce point excède, dès lors, l'objet de la contestation. C'est le lieu de rappeler que, selon la jurisprudence constante, le juge des assurances sociales apprécie la légalité des décisions attaquées, en règle générale, d'après l'état de fait existant au moment où la décision litigieuse a été rendue. Les faits survenus postérieurement et qui ont modifié cette situation, doivent normalement faire l'objet d'une nouvelle décision administrative (ATF 121 V 366 consid. 1b et les références). La chambre de céans n’en tiendra ainsi pas compte, étant précisé que la recourante a indiqué en audience qu’elle déposerait une nouvelle demande en lien avec cette affection.
Ainsi, en l’absence de pièces probantes produites par la recourante, aucun indice concret ne permet de douter du bien-fondé de l’expertise du Dr F______. Dans ces conditions, on ne saurait reprocher à l’intimé d’avoir suivi les conclusions de l’expertise quant à la capacité de l’assurée à exercer une activité habituelle à 100% avec une diminution de rendement de 30%. Or, un degré d’invalidité de 30% est insuffisant pour ouvrir droit à une rente.
4. Reste à examiner si la recourante peut bénéficier d’une mesure de réadaptation.
4.1 S’agissant d’éventuelles mesures de réadaptation, il sied de rappeler que, d’après la jurisprudence, on applique de manière générale dans le domaine de l’assurance-invalidité le principe selon lequel un invalide doit, avant de requérir des prestations de l’assurance-invalidité, entreprendre de son propre chef tout ce qu’on peut raisonnablement attendre de lui pour atténuer le mieux possible les conséquences de son invalidité ; c’est pourquoi un assuré n’a pas droit à une rente lorsqu’il serait en mesure, au besoin en changeant de profession, d’obtenir un revenu excluant une invalidité ouvrant droit à une rente (sur ce principe général du droit des assurances sociales, voir ATF 123 V 233 consid. 3c, 117 V 278 consid. 2b, 400 consid. 4b et les arrêts cités). La réadaptation par soi-même est un aspect de l’obligation de diminuer le dommage et prime aussi bien le droit à une rente que celui à des mesures de réadaptation (art. 21 al. 4 LPGA).
Selon l’art. 8 al. 1 LAI, les assurés invalides ou menacés d’une invalidité (art. 8 LPGA) ont droit à des mesures de réadaptation pour autant que ces mesures soient nécessaires et de nature à rétablir, maintenir ou améliorer leur capacité de gain ou leur capacité d’accomplir leurs travaux habituels (let. a) et que les conditions d’octroi des différentes mesures soient remplies (let. b). Le droit aux mesures de réadaptation n’est pas lié à l’exercice d’une activité lucrative préalable. Lors de la fixation de ces mesures, il est tenu compte de la durée probable de la vie professionnelle restante (art. 8 al. 1bis LAI en vigueur dès le 1er janvier 2008). L’art. 8 al. 3 let. b LAI dispose que les mesures de réadaptation comprennent les mesures d’ordre professionnel (orientation professionnelle, formation professionnelle initiale, reclassement, placement, aide en capital).
Pour déterminer si une mesure est de nature à maintenir ou à améliorer la capacité de gain d'un assuré, il convient d'effectuer un pronostic sur les chances de succès des mesures demandées (ATF 132 V 215 consid. 3.2.2 et les références). Celles-ci ne seront pas allouées si elles sont vouées à l'échec, selon toute vraisemblance (arrêt du Tribunal fédéral I 388/06 du 25 avril 2007 consid. 7.2). Le droit à une mesure de réadaptation présuppose qu'elle soit appropriée au but de la réadaptation, poursuivi par l'assurance-invalidité, et cela tant objectivement en ce qui concerne la mesure que sur le plan subjectif en rapport avec la personne de l'assuré. En effet, une mesure de réadaptation ne peut être efficace que si la personne à laquelle elle est destinée est susceptible, partiellement au moins, d'être réadaptée. Partant, si l'aptitude subjective de réadaptation de l'assuré fait défaut, l'administration peut refuser de mettre en œuvre une mesure (arrêt du Tribunal fédéral 9C_846/2018 du 29 novembre 2019 consid. 5.1 et les références), sans qu'il soit nécessaire de recourir à la procédure préalable de mise en demeure prévue par l'art. 21 al. 4 LPGA (arrêts du Tribunal fédéral 8C_480/2018 du 26 novembre 2018 consid. 7.3 et les références ; 9C_59/2017 du 21 juin 2017 consid. 3.3 et les références), une telle procédure préalable n'étant requise que si une mesure de réadaptation a été commencée et qu'il est question de l'interrompre (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_783/2015 du 7 avril 2016 consid. 4.8.2 et les références). L'absence de capacité subjective de l'assuré doit toutefois être établie au degré de la vraisemblance prépondérante (arrêt du Tribunal fédéral 8C_667/2015 du 6 septembre 2016 consid. 5.3 et les références).
Sont réputées nécessaires et appropriées toutes les mesures de réadaptation professionnelle qui contribuent directement à favoriser la réadaptation dans la vie active. L’étendue de ces mesures ne saurait être déterminée de manière abstraite, puisque cela suppose un minimum de connaissances et de savoir-faire et que seules seraient reconnues comme mesures de réadaptation professionnelle celles se fondant sur le niveau minimal admis. Au contraire, il faut s’en tenir aux circonstances du cas concret. Celui qui peut prétendre au reclassement en raison de son invalidité a droit à la formation complète qui est nécessaire dans son cas, si sa capacité de gain peut ainsi, selon toute vraisemblance, être sauvegardée ou améliorée de manière notable (ATF 124 V 108 consid. 2a ; VSI 1997 p. 85).
On rappellera qu'il n'existe pas un droit inconditionnel à obtenir une mesure professionnelle (voir par ex. l'arrêt du Tribunal fédéral 9C_385/2009 du 13 octobre 2009). Il faut également relever que si une perte de gain de 20% environ ouvre en principe droit à une mesure de reclassement dans une nouvelle profession (ATF 139 V 399 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_500/2020 du 1er mars 2021 consid. 2 et les références), la question reste ouverte s'agissant des autres mesures d'ordre professionnel prévues par la loi (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_464/2009 du 31 mai 2010).
4.2 En l’occurrence, il ressort de l’expertise que l’assurée n’a pas pu se former à la hauteur de son potentiel intellectuel en lien avec son trouble de l’attention depuis l’enfance. Entendue en audience, la recourante a invoqué son « peu d’expérience » et le fait qu’elle ne pouvait « compenser son manque de diplôme dans le domaine ». Or, une formation insuffisante ne relève pas de
l’assurance-invalidité. L’intimé a du reste retenu que c’était dans son activité habituelle d’architecte de logiciel qu’elle pourrait réduire le mieux le dommage, car sa limitation fonctionnelle – soit sa difficulté à maintenir une activité soutenue – était respectée. De telles activités étaient envisageables en Ville de Genève, à l’État de Genève, et auprès d’associations et de fondations. Il convient ainsi de retenir que le marché du travail offre un nombre suffisant d'activités compatibles avec la limitation fonctionnelle de la recourante et son niveau de formation, de sorte que l’intimé était fondé à lui refuser l’octroi de mesures d’ordre professionnel.
5. Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté
La recourante, qui succombe, n'a pas droit à des dépens (art. 61 let. g LPGA a contrario) et sera condamnée au paiement d’un émolument de CHF 200.- (art. 69 al. 1bis LAI).
******
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. Le rejette.
3. Met un émolument de CHF 200.- à la charge de la recourante.
4. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Sylvie CARDINAUX |
| La présidente
Eleanor McGREGOR |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le