Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/399/2024 du 23.05.2024 ( CHOMAG ) , ADMIS
En droit
rÉpublique et | 1.1canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
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A/282/2023 ATAS/399/2024 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 23 mai 2024 Chambre 3 |
En la cause
A______ représentée par l’Association de défense des chômeur-se-s (ADC), mandataire
| recourante |
contre
CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE CHÔMAGE
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intimée |
A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée) a sollicité l’octroi d’indemnités de l’assurance-chômage à compter du 1er août 2022.
b. Le 9 mai 2022, l’assurée a été licenciée pour le 31 juillet 2022, le délai de congé de deux mois étant respecté.
Son employeur a expliqué que sa décision de licencier l’assurée faisait suite à plusieurs avertissements oraux et écrits par lesquels il l’avait informée des griefs qu’il avait à son encontre, notamment des erreurs commises dans le cadre de sa fonction, erreurs qu’il considérait volontaires.
De son côté, l’assurée a mentionné, tant dans sa demande d’indemnités que sur le questionnaire en cas de licenciement, qu’elle avait été licenciée en raison d’une restructuration économique. Elle a affirmé ne pas avoir reçu d’avertissement écrit.
c. Par décision du 18 octobre 2022, la caisse cantonale genevoise de chômage (ci‑après : la caisse) a prononcé la suspension du droit à l’indemnité pour une durée de 21 jours au motif que l’assurée, en ne tenant pas compte de l’avertissement qui lui avait été donné, avait fourni à son employeur un motif de rupture de contrat et était responsable de sa situation de chômage.
d. Le 17 novembre 2022, l’assurée s’est opposée à la décision de la caisse.
Elle a expliqué en substance qu’elle avait été engagée par Madame B______, patiente souffrant de la maladie d’Alzheimer, qui nécessitait un accompagnement 24h/24, 7j/7. Plusieurs personnes étaient engagées au service de cette patiente, que l’assurée avait connue à un stade plus précoce de sa maladie, de sorte qu’une solide relation de confiance et de respect avait pu se bâtir entre elles. Cela expliquait que certains soins ne pouvaient être apportés que par elle.
Elle disait s’être totalement investie pour le bien-être de la patiente et avoir notamment accepté de n’être payée que 195 heures par mois, alors qu’elle en faisait beaucoup plus. Ainsi, entre le 1er août 2021 et le 31 mars 2022, elle avait accumulé 582 heures supplémentaires.
La patiente était une personne vulnérable et Madame C______, qui se présentait comme une amie, prenait les décisions pour elle ; sans détenir le pouvoir légal de représenter la patiente, elle l’avait fait dans les faits. L’assurée précisait que Mme C______ n’était aux côtés de Mme B______ que les mardis et vendredis, de 15h à 18h.
L’assurée relevait l’existence de deux versions contradictoires quant aux motifs de son licenciement : Mme C______ lui avait affirmé que les raisons étaient financières, alors qu’elle avait déclaré à l’assurance-chômage que des fautes professionnelles avaient été commises (blessure infligée à la patiente, nourriture préparée par une autre assistante et jetée par l’assurée, mauvaises relations avec ses collègues), que l’assurée contestait catégoriquement.
e. Par décision du 9 décembre 2022, la caisse a rejeté l’opposition.
Elle a expliqué s’être fondée, pour quantifier et admettre qu’une sanction devait être prononcée, sur le fait que l’assurée avait donné à son employeur plusieurs motifs de licenciement et n’avait pas respecté l’avertissement reçu. La quotité de la sanction correspondait à une faute moyenne, en tenant compte de toutes les circonstances atténuantes du cas d’espèce.
B. a. Par écriture du 27 janvier 2023, l’assurée a interjeté recours contre cette décision, en concluant à l’annulation de toute sanction.
En substance, elle reprend les arguments déjà développés dans son opposition, en arguant que son professionnalisme et son investissement ont été appréciés de tous, notamment du médecin traitant de la patiente, qui a indiqué qu’elle avait assumé de manière très professionnelle et avec toutes les compétences voulues le maintien très difficile de la patiente à domicile.
Elle réaffirme que lorsque Mme C______ a mis fin à son contrat, le 9 mai 2022, elle lui a affirmé que c’était pour des raisons financières.
b. Invitée à se déterminer, l’intimée, dans sa réponse du 23 février 2023, a conclu au rejet du recours.
c. Par écriture du 27 mars 2023, la recourante a persisté dans ses conclusions.
d. Le 26 avril 2023, l’intimée a fait de même.
e. Par écriture du 27 avril 2023, la recourante a sollicité l’audition de Mme C______.
f. Une audience d’enquêtes s’est tenue en date du 31 août 2023.
Mme C______, entendue à cette occasion, a expliqué avoir été amie de longue date de la patiente, Mme B______, désormais décédée. Elle avait un frère mais, en accord avec celui-ci, c’est elle qui s’en est occupée. Il lui a délégué toutes les décisions à prendre.
Le jour où elle a licencié l'assurée, elle l’a fait devant un témoin, Madame D______ (une autre aide-soignante). Elle dit avoir indiqué à l’assurée que la relation de confiance était rompue en raison de plusieurs erreurs commises et de faits qu’elle considérait comme inadmissibles. Elle avait ainsi, à une occasion, jeté un repas préparé par une collègue. A une autre occasion, elle a découvert des points de suture au doigt de son amie, blessée par l’assurée, à laquelle elle reproche de ne pas l’avoir avisée que des sutures avaient été nécessaires ou qu'un chirurgien avait dû passer. Il arrivait ainsi à l’assurée de commettre des erreurs qu’elle ne reconnaissait qu’après un laps de temps de quatre à cinq jours, ce qui laissait le temps à ses collègues de culpabiliser. Cela contribuait une atmosphère de conflits : cela criait dans l'appartement entre aides-soignantes et c'était insupportable pour la patiente.
Selon Mme C______, le reste de l'équipe s'entendait très bien. D'ailleurs, il n'y a plus eu de problèmes depuis le licenciement de l’assurée. Les autres aides-soignantes ont pris le relais en effectuant plus d'heures. Ce ne sont donc absolument pas des motifs financiers qui ont présidé au licenciement, selon Mme C______.
Cette dernière a admis n’avoir aucune trace écrite, ni témoin des reproches formulés à l'encontre de l’assurée, pas plus que des plaintes émises par ses collègues, qui se sont pourtant longuement plaintes oralement auprès d’elle.
Le témoin dit avoir évoqué des erreurs « volontaires » parce qu’elle conçoit mal que l'on puisse jeter un repas sans le faire exprès. En revanche, elle n’entendait pas sous-entendre que l’assurée aurait blessé volontairement la patiente.
Il y avait une animosité certaine entre les soignantes, particulièrement entre Mme D______ et l'assurée, qui, toutes deux, ont un caractère très fort. Cela étant, les plaintes n'émanaient pas seulement de Mme D______, mais également des autres aides-soignantes, par exemple celles envoyées par E______.
L’assurée est restée cheffe d'équipe jusqu'à son licenciement.
Sur questions, Mme C______ a encore précisé que l'ensemble de l'équipe était géré financièrement par Chèque Service. A un moment donné, elle a transféré cette gestion à une fiduciaire, mais les coûts engendrés par l'application des normes par celle-ci se sont révélés beaucoup plus importants, d’autant que s’y ajoutaient les honoraires de la fiduciaire. C’est la raison pour laquelle Mme C______ a retransféré tout le personnel - sauf l’assurée, qui a refusé - chez Chèque Service. Pour réduire les coûts, Mme C______ a également demandé à l’assurée, qui faisait beaucoup de dimanches et d'heures supplémentaires – justifiés –, de changer ses horaires et de travailler plus en semaine. Cela ne lui a pas plu et elle s'est mise en arrêt maladie. C'est à son retour que Mme C______ l’a licenciée, tout en admettant que l’assurée lui avait fourni un certificat médical qu’elle n’avait pas contesté. Cependant, elle avait constaté que l’assurée, bien qu’en arrêt, était malgré tout venue donner une douche à la patiente.
Les dimanches, l’assurée aurait été remplacée par une autre aide-soignante, dont le salaire, n'étant pas géré par la fiduciaire, aurait été moindre.
Mme C______ a reconnu tout ignorer de la manière dont doit s'appliquer le contrat-type, raison pour laquelle elle s’est adressée à Chèque Service et à la fiduciaire.
Mme C______ a contesté tout lien de causalité entre le refus de l’assurée que sa rémunération passe par Chèque Service et son licenciement.
La recourante a pour sa part expliqué avoir été choquée par son licenciement. Elle dit avoir renoncé à attaquer son employeur aux Prud’hommes car elle ne voulait créer aucun préjudice à la patiente, dont le nom apparaissait partout, d’une part, et parce qu’elle avait cru comprendre que la caisse de chômage ne lui verserait pas le salaire en souffrance si elle attaquait son employeur, d’autre part.
La recourante a réaffirmé sa conviction selon laquelle ce sont essentiellement et avant tout des raisons économiques qui ont présidé à son licenciement. Elle en veut pour démonstration le fait que depuis le mois de mars déjà, Mme C______ lui disait qu'il fallait trouver une solution, car la patiente n'avait plus assez d'argent. Elle le lui a redit au moment de lui donner sa lettre de licenciement.
g. Les autres faits seront repris - en tant que de besoin - dans la partie "en droit" du présent arrêt.
1.
1.1 Conformément à l’art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l’organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-chômage obligatoire et l’indemnité en cas d’insolvabilité, du
25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 Interjeté dans les délai et forme prescrits par la loi, le recours est recevable
(art. 56 LPGA).
2. Le litige porte sur le bien-fondé de la suspension du droit de la recourante à l’indemnité de chômage pour une durée de 21 jours, en raison du fait qu’elle aurait donné à son employeur des motifs de la licencier et aurait ainsi fautivement provoqué son chômage.
3. Conformément à l’art. 8 al. 1 LACI, l’assuré a droit à l’indemnité de chômage : s’il est sans emploi ou partiellement sans emploi (art. 10 ; let. a), s’il a subi une perte de travail à prendre en considération (art. 11 ; let. b), s’il est domicilié en Suisse (art. 12 ; let. c), s’il a achevé sa scolarité obligatoire, qu’il n’a pas encore atteint l’âge donnant droit à une rente AVS et ne touche pas de rente de vieillesse de l’AVS (let. d, dans sa teneur en vigueur en 2023), s’il remplit les conditions relatives à la période de cotisation ou en est libéré (art. 13 et 14 ; let. e), s’il est apte au placement (art. 15 ; let. f), et s’il satisfait aux exigences du contrôle
(art. 17 ; let. g).
Selon l’art. 17 al. 1 LACI, l’assuré qui fait valoir des prestations d’assurance doit, avec l’assistance de l’office du travail compétent, entreprendre tout ce qu’on peut raisonnablement exiger de lui pour éviter le chômage ou l’abréger.
4. L'art. 30 al. 1 let. a LACI prévoit que le droit de l’assuré à l’indemnité est suspendu lorsqu’il est établi que celui-ci est sans travail par sa propre faute.
L'art. 44 al. 1 let. a de l'ordonnance sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité (OACI - RS 837.02) dispose qu'est notamment réputé sans travail par sa propre faute l’assuré qui, par son comportement, en particulier par la violation de ses obligations contractuelles de travail, a donné à son employeur un motif de résiliation du contrat de travail.
La suspension du droit à l’indemnité est destinée à poser une limite à l’obligation de l’assurance-chômage d’allouer des prestations pour des dommages que l’assuré aurait pu éviter ou réduire. En tant que sanction administrative, elle a pour but de faire répondre l’assuré, d’une manière appropriée, du préjudice causé à l’assurance-chômage par son comportement fautif (ATF 133 V 89 consid. 6.2.2 ; ATF non publié du 6 avril 2008, 8C.316/07, consid. 2.1.2).
La suspension du droit à l'indemnité prononcée en raison du chômage dû à une faute de l'assuré, en application de l'art. 44 al. 1 let. a OACI, ne suppose pas une résiliation des rapports de travail pour de justes motifs au sens des art. 337 et
346 al. 2 du Code des obligations (CO - RS 220). Il suffit que le comportement général de l'assuré ait donné lieu au congédiement de celui-ci, même sans qu'il y ait des reproches d'ordre professionnel à lui faire (arrêt du Tribunal fédéral 8C_497/2011 du 4 avril 2012 consid. 4). Il y a faute propre de l'assuré au sens de l'assurance-chômage, si et dans la mesure où la survenance du chômage n'est pas imputable à des facteurs objectifs, mais qu'elle est due à son comportement qui, compte tenu des circonstances et rapports personnels, aurait pu être évité, ce que l'assurance ne saurait prendre en charge (arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 207/05 du 31 octobre 2006 consid. 4.2). Le chômage est imputable à une faute de l’assuré notamment en cas de violation par celui-ci d’obligations découlant du contrat de travail.
Le motif de la suspension prévu par l’art. 30 LACI permet de sanctionner l’assuré non seulement en cas de faute grave, mais aussi en cas de négligence, même légère (ATAS/1057/2020 du 10 novembre 2020 consid. 3c ; ATAS/787/2020 du
9 septembre 2020 consid. 4 ; Boris RUBIN, Commentaire, op. cit. n. 15 ad
art. 30 LACI ; cf. aussi art. 45 al. 1 let. b OACI qui mentionne la négligence comme objet possible d’une décision de suspension).
Lorsqu’un assuré peut se prévaloir d’un motif valable, il n’y a pas forcément faute grave, même en cas de refus d’un emploi assigné et réputé convenable. Par motif valable, il faut entendre un motif qui fait apparaître la faute comme étant de gravité moyenne ou légère. Il peut s’agir, dans le cas concret, d’un motif lié à la situation subjective de la personne concernée ou à des circonstances objectives (ATF 130 V 125 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_225/2011 du 9 mars 2012
consid. 4.2). Constituent notamment de telles circonstances le salaire offert ou l’horaire de travail (arrêt du Tribunal fédéral C 311/01du 9 juillet 2002 consid. 5).
Le comportement fautif de l'assuré ayant donné à son employeur un motif de résiliation du contrat de travail doit être clairement établi (Circulaire du SECO, n° D20). Lorsqu'un différend oppose l'assuré à son employeur, les seules affirmations de ce dernier ne suffisent pas à établir une faute contestée par l'assuré et non confirmée par d'autres preuves ou indices aptes à convaincre l'administration ou le juge (ATF 112 V 245 consid. 1 et les arrêts cités; DTA 2001 n°22 p. 170 consid.3; Gerhards, Kommentar zum Arbeitslosenversicherungsgesetz, n. 10 ss ad art. 3). Aucune suspension pour chômage fautif ne sera prononcée lorsque le comportement de l'assuré est excusable (Circulaire du SECO, n° D22).
Il doit y avoir un lien de causalité juridiquement pertinent entre le motif de licenciement, c'est-à-dire le comportement fautif de l'assuré, et le chômage. Lorsque l'employeur invoque p. ex. comme motifs de licenciement à la fois le comportement de l'assuré et une restructuration de l'entreprise entraînant des suppressions de postes, il n'y a pas de lien de causalité entre le comportement reproché à l'assuré et son chômage si l'employeur avait de toute façon l'intention de le licencier à la même date, en raison de la restructuration de l'entreprise (Bulletin LACI n° D15).
5. Selon l’art. 30 al. 3, 3ème phrase LACI, la durée de la suspension est proportionnelle à la gravité de la faute et ne peut excéder, par motif de suspension, 60 jours, et dans le cas de l’al. 1 let. g, 25 jours.
5.1 L’art. 45 OACI prévoit que la suspension dure (al. 3) : de 1 à 15 jours en cas de faute légère (let. a), de 16 à 30 jours en cas de faute de gravité moyenne (let. b), de 31 à 60 jours en cas de faute grave (let. c). Il y a notamment faute grave lorsque, sans motif valable, l’assuré refuse un emploi réputé convenable (al. 4 let. b).
L’autorité doit tenir compte de circonstances telles que la situation personnelle (en particulier familiale), l’état de santé au moment où la faute a été commise, le milieu social, le niveau de formation, d’éventuels obstacles culturels et linguistiques (dans une certaine mesure). Cependant, certains facteurs ne jouent en principe aucun rôle dans l’évaluation de la gravité de la faute. Il en va ainsi, entre autres, d’éventuels problèmes financiers (arrêt du 26 septembre 2005
[C 21/05] ; 16 avril 2003 [C 224/02]) (Boris RUBIN, op. cit., ad. art. 30 N 101 et 109).
Contrairement au pouvoir d’examen du Tribunal fédéral, celui de l’autorité judiciaire de première instance n’est, concernant notamment la quotité de la suspension du droit à l’indemnité de chômage dans un cas concret, pas limité à la violation du droit (y compris l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation), mais s’étend également à l’opportunité de la décision administrative
(« Angemessenheitskontrolle »). En ce qui concerne l’opportunité de la décision en cause, l’examen du tribunal porte sur le point de savoir si une autre solution que celle que l’autorité, dans un cas concret, a adoptée dans le cadre de son pouvoir d’appréciation et en respectant les principes généraux du droit, n’aurait pas été plus judicieuse quant à son résultat. Le juge des assurances sociales ne peut, sans motif pertinent, substituer sa propre appréciation à celle de l’administration. Il doit s’appuyer sur des circonstances de nature à faire apparaître sa propre appréciation comme la mieux appropriée (ATF 137 V 71 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_758/2017 précité consid. 4.3).
5.2 En tant qu’autorité de surveillance, le SECO a adopté un barème (indicatif) à l’intention des organes d’exécution. Un tel barème constitue un instrument précieux pour ces organes d’exécution lors de la fixation de la sanction et contribue à une application plus égalitaire dans les différents cantons. Cela ne dispense cependant pas les autorités décisionnelles d’apprécier le comportement de l’assuré compte tenu de toutes les circonstances – tant objectives que subjectives – du cas concret, notamment des circonstances personnelles, en particulier celles qui ont trait au comportement de l’intéressé au regard de ses devoirs généraux d’assuré qui fait valoir son droit à des prestations (arrêts du Tribunal fédéral 8C_758/2017 du 19 octobre 2018 consid. 5 ; 8C_425/2014 du
12 août 2014 consid. 5.1). Elles ne lient ni les administrés, ni le juge, ni même l’administration qui pourront, le cas échéant, aller en dessous du minimum prévu par le barème indicatif (arrêt du Tribunal fédéral 8C_708/2019 consid. 4.1).
Les juridictions cantonales ne peuvent s’écarter des sanctions minimales prévues par ledit barème qu’en présence de situations singulières (arrêt du Tribunal fédéral 8C_758/2017 précité consid. 5 ; Boris RUBIN, Assurance-chômage et service public de l’emploi, 2019, n. 581).
5.3 Le barème du SECO prévoit, en cas de licenciement dans le respect des délais de congé en raison du comportement de l’assuré, une suspension oscillant entre le minimum de la faute légère et le maximum de la faute grave selon les circonstances, étant précisé que les avertissements de l’employeur peuvent entraîner un durcissement de la sanction ; leur nombre, leur intervalle, leur motif et le fait que le dernier avertissement précède ou non de peu la résiliation des rapports de service sont des facteurs à prendre en compte (Bulletin LACI IC/D75 1.B).
Il indique que l’infraction à l’obligation d’informer et d’aviser est à fixer selon la faute et le cas particulier (Bulletin LACI IC/D79.4)
6. Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 324 consid. 3.2 et 3.3 ; 126 V 360 consid. 5b ;
125 V 195 consid. 2). Il n’existe pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).
7. En l'espèce, se pose en premier lieu la question de savoir si la recourante a donné à son ancien employeur un motif de licenciement et si elle est sans travail par sa propre faute.
7.1 Dans sa décision litigieuse, l’intimée, après avoir interrogé Mme C______, qui a expliqué que sa décision de licencier l’assurée faisait suite à plusieurs avertissements oraux et écrits concernant des griefs à son encontre, notamment des erreurs commises dans le cadre de sa fonction (blessure infligée à la patiente, nourriture préparée par une autre assistante et jetée par l’assurée, mauvaises relations avec ses collègues), erreurs qu’elle considérait volontaires, a estimé que l’assurée, en ne tenant pas compte de ces avertissements, avait fourni à son employeur un motif de rupture de contrat et était responsable de sa situation de chômage.
7.2 De son côté, l’assurée a mentionné, tant dans sa demande d’indemnités que sur le questionnaire en cas de licenciement, qu’elle avait été licenciée en raison d’une restructuration économique. Elle affirme ne pas avoir reçu d’avertissement écrit.
7.3 Interrogée par l’intimée, Mme C______ a allégué avoir évoqué plusieurs griefs à l’encontre de l’assurée : le fait qu’elle avait blessé la patiente, qu’elle avait jeté un repas préparé par une collègue et ses mauvaises relations avec les autres aides-soignantes.
De l’audition des parties, il est cependant ressorti que ce n’est qu’à une seule reprise que la recourante a jeté un repas préparé par une collègue, geste qu’elle a expliqué par l’aspect douteux du plat en question, dont elle a préféré se débarrasser par précaution. Quant à la blessure infligée à la patiente, il a été reconnu par Mme C______ qu’elle n’était certainement pas volontaire. Elle a précisé que, ce qu’elle reprochait en réalité à l’assurée, c’était de ne pas l’avoir avisée tout de suite que la plaie avait nécessité des points de suture. A cet égard, l’assurée a répondu qu’elle avait immédiatement avisé Mme C______ de l’incident et que, si elle n’avait pas évoqué les points de suture, c’est parce qu’elle ignorait que ceux-ci avaient été nécessaires. Elle ne savait pas même qu’un médecin était passé, ni qui les avait pratiqués. Enfin, s’agissant des rapports décrits comme compliqués et conflictuels avec les autres aides-soignantes, les versions des protagonistes s’opposent.
Dès lors, il apparaît que l’importance des faits décrits initialement par Mme C______ comme « inadmissibles » se révèle finalement bien moindre qu’annoncé. Qui plus est, lors de son audition, Mme C______ a reconnu n’avoir pas la moindre trace, écrite ou par témoin, des reproches ou avertissements qu’elle affirmait avoir proférés à l’encontre de l’assurée.
Enfin, la recourante a produit une attestation du docteur F______, médecin de la patiente, qui affirme qu’elle a « su assumer de manière très professionnelle avec toutes les compétences voulues pour assurer ce maintien très difficile à domicile de [sa] patiente. »
Dans de telles circonstances, on ne saurait considérer que le comportement fautif de l'assurée ayant donné à son employeur un motif de résiliation du contrat de travail soit « clairement établi », étant rappelé que, lorsqu'un différend oppose l'assuré à son employeur, les seules affirmations de ce dernier ne suffisent pas à établir une faute contestée par l'assuré et non confirmée par d'autres preuves ou indices aptes à convaincre l'administration ou le juge. A ce propos, la Cour de céans relèvera qu’elle a renoncé à entendre l’aide-soignante dont Mme C______ a affirmé qu’elle était en conflit avec la recourante. D’une part, parce qu’en raison dudit conflit, ses propos seraient sujets à caution, d’autre part, parce qu’en audience, la recourante a admis que son précédent conseil avait pris langue avec cette personne pour l’inciter à témoigner.
On ajoutera qu’il est ressorti des enquêtes qu’effectivement, un problème financier semble avoir joué un rôle non négligeable dans la décision de licencier la recourante, seule des employées à avoir refusé de repasser sous le régime – apparemment moins coûteux pour l’employeur – de Chèque Service.
Il ressort de ce qui précède qu’il n’a pas été établi, au degré de la vraisemblance prépondérante requis, que l’assurée a véritablement donné à son employeur des motifs de la licencier, provoquant ainsi son chômage.
8. Partant, le recours est partiellement admis et la décision litigieuse annulée.
Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).
***
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. L’admet.
3. Annule la décision du 9 décembre 2022.
4. Condamne l’intimée à verser à la recourante la somme de CHF 1’500.- à titre de participation à ses frais et dépens.
5. Dit que la procédure est gratuite.
6. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Diana ZIERI |
| La présidente
Karine STECK
|
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d’Etat à l’économie par le greffe le