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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/944/2024

ATAS/401/2024 du 23.05.2024 ( AVS ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/944/2024 ATAS/401/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 23 mai 2024

Chambre 3

 

En la cause

A______

représenté par Me Andrea VON FLÜE, avocat

recourant

 

contre

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE COMPENSATION

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré) était l’associé gérant président de la société B______ SARL (ci-après : la société).

b. Suite à la faillite de la société, la caisse cantonale genevoise de compensation (ci-après : la caisse) a rendu en date du 30 août 2019 une décision aux termes de laquelle elle sollicitait de l’assuré le paiement de CHF 58'773.- au titre de réparation du dommage qu’elle avait subi du fait du non-paiement des cotisations sociales. Ce montant correspondait aux cotisations paritaires (y compris frais et intérêts moratoires) dues et exigibles pour la période durant laquelle l’assuré avait assumé un mandat à la tête de la société.

c. Le 3 février 2023, la caisse a rappelé à l’assuré qu’il restait débiteur envers elle d’une somme de CHF 50'254.- au titre de réparation du dommage. Dans la mesure où elle envisageait de compenser cette créance avec la rente de vieillesse versée à l’intéressé, elle lui adressait un formulaire relatif à sa situation financière, qu’elle l’invitait à lui retourner dûment complété d’ici au 3 mars 2023. Il était souligné qu’à défaut, il serait considéré que son minimum vital n’était pas affecté par la compensation, de sorte que l’intégralité de la rente serait saisie.

d. Le 10 février 2023, l’assuré a répondu en alléguant que sa rente de vieillesse constituait son unique moyen de subsistance, que sa situation financière était intenable, qu’il avait donc décidé de quitter la Suisse et de retourner vivre en Espagne le 31 mars 2023, ajoutant que, même en Espagne, sa rente lui permettrait à peine de subvenir à ses besoins et que toute compensation entamerait son minimum vital.

B. a. Le 24 mars 2023, la caisse a informé l’assuré que, dans la mesure où il ne lui avait pas renvoyé le formulaire relatif à sa situation financière dans le délai imparti, elle procéderait à des retenues mensuelles de CHF 900.- dès le 1er avril 2023. Une éventuelle opposition à cette décision n’aurait pas d’effet suspensif.

b. Le 30 mars 2023, l’assuré s’est opposé à cette décision en sollicitant l’annulation de toute retenue sur sa rente de vieillesse au motif qu’une compensation porterait atteinte à son minimum vital, ses charges incompressibles se présentant comme suit :

-          minimum vital selon l’office des poursuites (OP) : CHF 1'200.-

-          loyer : CHF 621.50

-          assurance-maladie : CHF 601.60

-          TPG : CHF 45.-

total : CHF 2'468.10

Ces charges excédant le montant de sa rente de vieillesse, il n’était pas possible de réduire celle-ci sans porter atteinte à ses conditions minimales d’existence.

Au vu des circonstances, il demandait en outre la restitution de l’effet suspensif.

c. Le 11 octobre 2023, l’assuré a confirmé à la caisse avoir quitté la Suisse pour l’Espagne le 31 mars 2023.

À partir du 1er avril 2023, ses charges se présentaient comme suit :

-          minimum OP : CHF 1'200.-

-          loyer : CHF 485.-

-          assurance-maladie : CHF 337.-

-          frais de transport : CHF 200.-

total : CHF 2'222.-

Sa rente de vieillesse de CHF 2'210.- constituant toujours son seul revenu, toute retenue entamerait son minimum vital de manière illicite. Cela ressortait d’ailleurs d’un acte de défaut de biens établi par l’office des poursuites le 17 avril 2023 portant précisément sur la créance de la caisse envers lui.

d. Par décision du 28 février 2024, la caisse a rejeté l’opposition de l’assuré.

Suite à son établissement en Espagne, il y avait lieu, dès le 1er avril 2023, d’analyser sa situation financière sur la base du tableau de l’indice des niveaux de prix de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

Sur cette base, le minimum vital devait être fixé à CHF 672.-, auxquels il convenait d’ajouter le loyer (CHF 480.90), l’assurance-maladie (CHF 335.51) et d’autres frais (CHF 192.36). Les dépenses admissibles s’élevant ainsi, selon son calcul, à CHF 1'199.87, il restait un solde disponible de CHF 1'010.13 (CHF 2'210.- - CHF 1'199.87). Une retenue de CHF 900.- par mois était donc admissible.

C. a. Le 18 mars 2024, l’assuré a interjeté recours contre cette décision en concluant à son annulation et en sollicitant à titre préalable la restitution de l’effet suspensif pendant la procédure de recours. Il maintient que toute retenue sur sa rente porterait atteinte de manière illicite à son minimum vital.

b. Dans sa réponse du 16 avril 2024, l’intimée a conclu au rejet du recours.

Elle relève que le recourant ne conteste pas la réalité de sa créance envers lui.

Elle conteste que la retenue opérée entame le minimum vital, dans la mesure où, le niveau de vie en Espagne étant largement inférieur à celui prévalant en Suisse, il y a lieu d’ajuster le forfait de base de CHF 1'200.- pour une personne seule (prévu par les directives fédérales et repris par les normes d’insaisissabilité cantonales) en fonction de l’indice des niveaux de prix moyen de l’OCDE. Selon le dernier indice mensuel en vigueur au jour de la décision, un panier coûtant 100 unités en Suisse revient à 54 unités en Espagne, taux de change inclus. Ainsi, le forfait de base en Espagne, insaisissable, s’élève à CHF 648.- (1'200.- x 54%). En retenant par erreur un taux de 56%, l’intimée a en outre augmenté ce montant à CHF 572.-. Dans ces circonstances et dans la mesure où les autres frais évoqués par le recourant (loyer, assurance-maladie et autres frais) ont été pris en compte à la valeur alléguée par l’intéressé, puis convertis en francs suisses, le calcul opéré est conforme au droit.

L’intimée ajoute que, suite à une erreur administrative, il n’a été procédé à aucune retenue sur les rentes de l’intéressé de mai à août inclus. Les seules mensualités prélevées l’ont été en avril 2023, puis à partir de septembre 2023.

c. Dans sa réplique du 26 avril 2024, le recourant a persisté dans les termes et conclusions de son recours.

Il argue qu’il est arbitraire de réduire son minimum vital du fait qu’il vit désormais en Espagne. Il doit en effet se rendre régulièrement en Suisse pour y voir sa famille et ses amis. Il a en outre vécu l’essentiel de sa vie en Suisse. Enfin, il rappelle qu’il a quitté la Suisse pour ne pas représenter une charge pour la collectivité, en se contentant de sa rente de vieillesse sans réclamer les prestations complémentaires auxquelles il pourrait prétendre en restant à Genève.

 

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Au vu des éléments d'extranéité du litige, il convient en préambule de rappeler qu'en matière d'assurances sociales, est compétent le tribunal des assurances du canton de domicile de l'intéressé ou de l'une des parties (art. 58 al. 1er LPGA). Si l'intéressé ou une autre partie sont domiciliés à l'étranger, le tribunal des assurances compétent est celui du canton de leur dernier domicile en Suisse ou celui du canton de domicile de leur dernier employeur suisse. Si aucun de ces domiciles ne peut être déterminé, le tribunal des assurances compétent est celui du canton où l'organe d'exécution à son siège (art. 58 al. 2 LPGA).

1.2 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants, du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10).

1.3 En l’espèce, selon les données au dossier, le recourant a été domicilié à Genève jusqu’à son départ pour l’Espagne, le 1er avril 2023. L’intimée a en outre son siège à Genève.

La Cour de céans est par conséquent compétente ratione loci et materiae pour juger du cas d’espèce.

2.             Interjeté en temps utile (art. 60 LPGA), dans le respect des exigences de forme et de contenu prévues par la loi (art. 61 let. b LPGA), le recours est recevable.

3.             Le litige a pour objet la quotité de la compensation opérée par l’intimée sur la rente de vieillesse du recourant en avril 2023, puis à partir de septembre 2023, singulièrement le bien-fondé du calcul du minimum vital de l’assuré. Le principe même de la compensation n’est en revanche pas remis en cause.

4.              

4.1 Aux termes de l'art. 20 al. 2 let. a LAVS, les créances découlant de la LAVS peuvent être compensées avec des prestations échues. Contrairement à la teneur littérale de cette disposition, la caisse de compensation a non seulement le droit mais aussi l'obligation, dans le cadre des prescriptions légales, de compenser des cotisations dues, frais de poursuites et autres frais administratifs avec des prestations échues (ATF 115 V 341 consid. 2a et les références citées).

4.2 En raison de la nature des créances qui sont en jeu et compte tenu de l'art. 125 ch. 2 CO, la créance d'une institution de sécurité sociale ne peut être compensée avec une prestation due à un assuré, si de ce fait les ressources de celui-ci descendent au-dessous du minimum vital au sens de l'art. 93 de la loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP, RS 281.1) (ATF 138 V 235, consid. 7.2, 136 V 286 consid. 6.1, 130 V 505 consid. 2.4, 128 V 50 consid. 4a, 115 V 341 consid. 2c, 113 V 280 consid. 5b, 111 V 99 consid. 3b, 107 V 72 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_300/2013 du 14 novembre 2013 consid. 2.1 et les références ; Michel Valterio, op. cit., art. 50 LAI n° 9 ; Felix Frey/Hans-Jakob Mosimann/Susanne Bolliger, AHVG/IVG Kommentar, 2018, art. 20 LAVS n° 4). La notion du minimum vital est celle qui ressortit au droit de la poursuite pour dettes et de la faillite (RCC 1983, p. 69). Les Lignes directrices pour le calcul du minimum vital du droit des poursuites selon l'art. 93 LP du 1er juillet 2009, établies par la Conférence des préposés aux poursuites et faillites de Suisse, BISchK 2009 p. 193, sont donc applicables (ci-après : les Lignes directrices pour le calcul du minimum vital). Il convient de rappeler que l'art. 93 al. 1 LP prévoit que les biens relativement saisissables, tels que les pensions et prestations de toutes sortes destinées notamment à couvrir une perte de gain, ne peuvent être saisis que déduction faite de ce que le préposé estime indispensable au débiteur et à sa famille (minimum vital). Cette disposition garantit à ces derniers la possibilité de mener une existence décente, sans toutefois les protéger contre la perte des commodités de la vie ; elle vise à empêcher que l'exécution forcée ne porte atteinte à leurs intérêts fondamentaux, ne les menace dans leur vie ou leur santé ou ne leur interdise tout contact avec le monde extérieur. Les besoins du poursuivi et de sa famille reconnus par la jurisprudence sont ceux d'un poursuivi moyen et des membres d'une famille moyenne, c'est-à-dire du type le plus courant. Ils doivent toutefois tenir compte des circonstances objectives, et non subjectives, particulières au poursuivi (ATF 134 III 323 consid. 2, JT 2008 II 328 ; ATF 108 III 60 consid. 3, JT 1984 II 95 ; TF 7B.77/2002 du 21 juin 2002 consid. 2.1 ; Michel Ochsner, Le minimum vital [art. 93 al. 1 LP] in : SJ 2012 II 119, spéc. p. 126). La détermination du minimum indispensable est une question d'appréciation (ATF 134 III 323 consid. 2 ; Pierre-Robert Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, n. 165 ad art. 93 LP et les références citées).

4.3 Selon les Lignes directrices précitées, le minimum vital est composé d’un montant de base mensuel et de suppléments. Les frais pour l'alimentation, les vêtements et le linge y compris leur entretien, les soins corporels et de santé, l'entretien du logement, les frais culturels ainsi que les dépenses pour l'éclairage, le courant électrique ou le gaz pour cuisiner, etc., représentent, dans le revenu mensuel du débiteur, le montant de base absolument indispensable qui doit être exclu de la saisie au sens de l'art. 93 LP. Pour un débiteur vivant seul, le montant de base mensuel s’élève à CHF 1'200.-. Ce montant est également en vigueur à Genève où il est repris par les normes d’insaisissabilité établies par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites (E 3 60.04).

Les suppléments admis au montant de base sont en particulier les frais de logement (loyer ou intérêts hypothécaire, frais de chauffage et charges accessoires), les primes d’assurance-maladie obligatoire, les dépenses indispensables à l’exercice d’une profession (besoins alimentaires accrus, dépenses pour les repas hors du domicile, dépenses supérieures à la moyenne pour l’entretien des vêtements ou de blanchissage, déplacements entre le domicile et le lieu de travail), les pensions alimentaires dues en vertu de la loi, les dépenses particulières pour la formation des enfants et les paiements par acomptes ou loyer / leasing pour les objets de stricte nécessité.

Si, au moment de la saisie, le débiteur doit faire face de manière imminente à de grosses dépenses, par exemple frais médicaux, médicaments, franchise, naissance et soins apportés à des membres de sa famille, déménagement etc., il convient d’en tenir compte de manière équitable en augmentant temporairement le minimum vital du montant correspondant. Il convient de pratiquer aussi de la même manière, si de telles dépenses apparaissent en cours de saisie. Cependant, en règle générale, une modification de la saisie de salaire n’est effectuée que sur demande du débiteur.

4.4 Selon la jurisprudence, le calcul du minimum vital doit se rapporter au coût de l'existence en vigueur au domicile du débiteur, ce qui exige de déroger aux bases mensuelles définies par les Lignes directrices pour le calcul du minimum vital le montant mensuel de base prévu au chiffre I des Lignes directrices doit ainsi, dans ce cas, être adapté au coût de l'existence en vigueur dans le pays de domicile en se référant, notamment, à l'indice des prix à la consommation publié par l'OCDE (cf. ATF 91 III 81 ; arrêts du TAF C-4739/2018 du 18 février 2020 consid. 8.2.1 et C-3911/2012 du 1er mai 2014 consid. 6.1 ; Michel Ochsner, op. cit., p. 135).

L'indice parités du pouvoir d’achat (PPA) de l’OCDE, en tant qu'il retranscrit le pouvoir d'achat des pays membres, fournit une base de comparaison adéquate des niveaux de vie respectifs aux différents pays. S'agissant d'une statistique élaborée selon une méthodologie scientifique par une organisation réputée d'études économiques, la jurisprudence a régulièrement rappelé qu’il n’y avait pas de raison de s'en écarter (cf. entre autres : TAF C-1722/2009 du 26 janvier 2012 consid. 6 ; C-6740/2018 du 26 février 2019, consid. 8). Aussi, quand bien même d'autres méthodes sont envisageables (Ochsner, Le minimum vital [art. 93 al. 1 LP], in SJ 2012 II 119, 135), le recours à l'indice de l’OCDE n'est pas critiquable lorsqu'il s'agit d'adapter le montant de base en matière de poursuites, eu égard au domicile étranger d'un débiteur (cf. notamment arrêt du Tribunal administratif fédéral C-4739/2018 du 18 février 2020, consid. 8.2.1).

Les faits déterminant le revenu saisissable doivent être établis d'office, compte tenu des circonstances existant au moment de l'exécution de la saisie (cf. arrêt du TF 5A_919/2012 du 11 février 2013 consid. 4.3.1).

5.              

5.1 Dans le domaine des assurances sociales, le juge fonde généralement sa décision sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible ; la vraisemblance prépondérante suppose que, d'un point de vue objectif, des motifs importants plaident pour l'exactitude d'une allégation, sans que d'autres possibilités ne revêtent une importance significative ou n'entrent raisonnablement en considération (ATF 139 V 176 consid. 5.3 ; ATF 135 V 39 consid. 6.1 et les références citées).

Par ailleurs, la procédure est régie par le principe inquisitoire, selon lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par le juge, respectivement l'administration. Ce principe n'est toutefois pas absolu ; sa portée est restreinte par le devoir des parties de collaborer à l'instruction de l'affaire (ATF 122 V 157 consid. 1a), lequel comprend en particulier l'obligation pour les parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (ATF 125 V 193 consid. 2 et les références citées).

6.              

6.1 En l’espèce, il est établi et admis par les parties que la rente de vieillesse du recourant s’élève à CHF 2'210.- et qu’elle constitue son seul revenu.

Seul est litigieux le montant des charges incompressibles à prendre en compte sous l’angle du respect du minimum vital que, pour rappel, les parties présentent respectivement comme suit :

pour le recourant :

- forfait de base OP : CHF 1'200.-

- loyer : CHF 485.-

- assurance-maladie : CHF 337.-

- divers (transport) : CHF 200.-

total : CHF 2'222.-

pour l’intimée :

- forfait de base : CHF 672.-

- loyer : CHF 480.90

- assurance-maladie : CHF 335.51

- divers (transport) : CHF 192.36

total : CHF 1'199.87 (selon la décision entreprise)

Il sied tout d’abord de relever que le calcul de l’intimée est erroné dans la mesure où l’addition des postes qu’elle admet conduit non pas à un total de CHF 1'199.87 mais bien de CHF 1'680.77.

À ce stade, les charges prises en compte par l’intimée laissent ainsi uniquement apparaître un solde disponible mensuel de CHF 529.23 (CHF 2'210.- - CHF 1'1680.77) pouvant être utilisé à des fins de compensation.

6.2 Pour le surplus, la différence essentielle entre les positions respectives des parties réside dans l’évaluation du forfait de base, le recourant considérant que ce dernier doit rester fixé à CHF 1'200.-, conformément aux normes d’insaisissabilité.

Ce raisonnement ne saurait cependant être suivi, dans la mesure où le recourant est désormais domicilié en Espagne. C’est dès lors à juste titre que l’intimée a adapté le forfait sur la base de l’indice PPA de l’OCDE.

Selon l’Office fédéral de la statistique, les parités de pouvoir d’achat (PPA) sont des taux de conversion monétaire permettant d’exprimer dans une unité commune les pouvoirs d’achat des différentes monnaies. La parité de pouvoir d'achat d’un pays représente le pouvoir d’achat de sa monnaie nationale. Dans sa forme la plus simple, elle correspond au rapport entre les prix pratiqués pour un même produit dans plusieurs pays (deux au moins) dans leur monnaie nationale. Si, par exemple, un kilo de pommes (variété: Granny Smith, qualité 1A) coûte Euro 2.- en France et CHF 5.- en Suisse, la parité de pouvoir d'achat de la Suisse par rapport à la France est de CHF 2.50 pour Euro 1.-. De simples rapports de prix comme celui-ci sont extrapolés à des groupes de produits plus grands jusqu’au produit intérieur brut. Ils permettent d’éliminer les différences de niveau de prix existant entre les pays. En d’autres termes, les PPA ajustent les valeurs monétaires pour tenir compte des variations de prix entre les pays (https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiques/prix/comparaison-international-prix/parites-pouvoir-achat.html).

La jurisprudence a déjà rappelé que l’indice PPA de l’OCDE constitue une statistique élaborée selon une méthodologie scientifique par une organisation réputée d'études économiques et qu’il n’est pas critiquable d’y avoir recours lorsqu’il s’agit d’adapter le montant de base en matière de poursuite eu égard au domicile étranger d’un débiteur.

L’intimée était dès lors fondée à retenir l’indice des niveaux de prix comparés pour les pays de l'OCDE, défini par cet organisme comme représentant les rapports des PPA de la consommation finale privée et des taux de change, mesurant ainsi les différences de niveaux de prix entre les pays (en y intégrant les taux de change).

Le choix de l’indice mensuel de décembre 2023, semble cependant aléatoire et peu représentatif d’une moyenne de la différence des niveaux de prix sur l’ensemble de la période des saisies.

La Cour de céans estime que le dernier indice annuel, soit celui de 2022 (dernière année complète référencée sur le site de l’OCDE, tant au jour de la décision entreprise qu’à celui de la rédaction du présent arrêt) est plus indiqué pour comparer sur la durée les différences de niveau de prix entre la Suisse et l’Espagne. Il est en outre légèrement plus favorable au recourant et le protège donc davantage d’une atteinte à son minimum vital. Sur la base de cet indice, par rapport à la valeur de référence des pays de l’Union européenne (UE27 = 100), la Suisse a un indice de 137 et l’Espagne de 80 (https://data.oecd.org/fr/price/indices-des-niveaux-de-prix.htm, consulté le 13 mai 2024).

Cela signifie que CHF 1’200.- en Suisse donnent le même pouvoir d’achat que CHF 701.- en Espagne (CHF 1'200 x 80 /137), changés en Euros (l’indice intégrant les taux de change et permettant les calculs dans une monnaie commune).

Ainsi, le forfait de base retenu dans la décision entreprise doit être porté à CHF 701.-.

Il n’est en revanche pas justifié d’augmenter ce forfait pour tenir compte du fait que le recourant se rend régulièrement en Suisse pour y rencontrer sa famille et ses proches. Outre que cette allégation n’est pas rendue vraisemblable, encore moins chiffrée, l’on voit mal à quel titre elle justifierait un supplément au montant de base. Le chiffre II des Lignes directrices pour le calcul du minimum vital prévoit uniquement un supplément relatif aux frais de transport et de déplacements liés à l’exercice d’une activité professionnelle, condition non réalisée en l’espèce.

6.3 Concernant les autres différences, minimes, entre les charges retenues par les parties, elles résultent du fait que le recourant - qui paie ses charges en Euro (loyer, assurance maladie et autres frais) - considère que 1.- Euro équivaut à un Franc suisse, alors que l’intimée retient un taux de change de CHF 0.9618 pour Euro 1.-, sans pour autant indiquer à quelle date ce taux était en vigueur.

Le taux de change applicable aux dépenses effectuées en Espagne pour le loyer, l’assurance-maladie et les autres frais (transport) et acquittées en euros est un fait déterminant devant être établi d’office, compte tenu des circonstances existant au moment de l’exécution des retenues sur rente. Celles-ci étant intervenues à partir de septembre 2023 uniquement, il convient de se référer au taux de change moyen selon la Banque centrale européenne, du 1er avril 2023 au 30 avril 2024 (dernière retenue sur rente en date) qui était de CHF 0.9620 pour Euro 1.-. Durant cette même période, le taux le plus favorable au recourant a été de CHF 0.9954 pour Euro 1.-, le 4 avril 2023 (https://www.ecb.europa.eu/stats/policy_and_
exchange_rates/euro_reference_exchange_rates/html/eurofxref-graph-chf.fr.html).

Dans le souci de garantir qu’à aucun moment les retenues sur la rente de vieillesse n’ont porté atteinte au minimum vital du recourant, c’est ce dernier taux, plus favorable au recourant, qui sera pris en compte.

Au vu de ces éléments et sur la base des justificatifs produits par le recourant, ses charges incompressibles établies en conformité avec les Lignes directrices pour le calcul du minimum vital, adaptées au coût de l’existence en vigueur en Espagne selon l’indice des niveaux de prix de l’OCDE, se présentent comme suit :

-          forfait de base : CHF 701.-

-          loyer : CHF 482.77 (EUR 485 x 0.9954)

-          assurance-maladie : CHF 335.45 (EUR 337 x 0.9954)

-          divers : CHF 199.08 (EUR 200.- x 0.9954)

total : CHF 1'718.30

solde disponible : CHF 491.70 (CHF 2'210 – CHF 1'718.30)

Les retenues mensuelles de CHF 900.- portent ainsi bel et bien atteinte au minimum vital du recourant.

La décision de l’intimée doit donc être annulée et la retenue sur rente ramenée à CHF 490.- par mois au maximum depuis septembre 2023. L’excédent de CHF 410.- par mois, indûment prélevé, devra être restitué au recourant.

La Cour de céans recommande à l’intimée, au vu de la volatilité de certains facteurs pris en compte dans le calcul des charges, de procéder pour l’avenir à des saisies compensatoires d’un montant inférieur à celui de CHF 490.-, afin d’éviter des demandes de révisions systématiques à chaque variation du taux de change ou de l’indice des niveaux de prix.

7.             Eu égard à ce qui précède, le recours est partiellement admis. Les décisions des 24 mars 2023 et 28 février 2024 (décision sur opposition) de l’intimée sont réformées, en ce sens que les retenues sur rentes effectuées à partir d’avril 2023 sont réduites à CHF 490.- par mois au maximum. L’intimée est en outre condamnée à restituer au recourant l’excédent perçu indûment chaque mois où les saisies ont été effectuées.

Le recourant obtenant partiellement gain de cause, l'intimée lui versera un montant de CHF 2'000.- à titre de dépens (art. 61 let. g LPGA).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA).

 

***


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Réforme les décisions des 24 mars 2023 et 28 février 2024 (décision sur opposition) de l’intimée en ce sens que les retenues sur rentes effectuées à partir d’avril 2023 sont réduites à CHF 490.- par mois au maximum.

4.        Condamne l’intimée à restituer au recourant l’excédent perçu indûment chaque mois où les saisies ont été effectuées.

5.         Condamne l’intimée à verser au recourant la somme de CHF 2’000.- à titre de participation à ses frais et dépens.

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

Diana ZIERI

 

La présidente

 

 

 

Karine STECK

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le