Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/300/2024 du 30.04.2024 ( CHOMAG ) , REJETE
En droit
rÉpublique et | 1.1canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
| ||
A/2453/2023 ATAS/300/2024 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 30 avril 2024 Chambre 2 |
En la cause
A______
| recourante |
contre
OFFICE CANTONAL DE L’EMPLOI
| intimé |
A. a. Madame B______ (ci-après : l’employée) s’est inscrite à l’office cantonal de l’emploi (ci-après : l’OCE ou l’intimé) le 30 novembre 2020 et était au bénéfice d’un délai-cadre courant du 1er février 2021 au 30 avril 2023. Le 16 février 2022, elle a été engagée en qualité de secrétaire technique à 80% par A______ (ci-après : la société ou la recourante), société ayant pour but la gestion et la surveillance de chantiers, de même que l’exécution de mandats de conseils et d’expertises en matière administrative. Selon le contrat de travail de durée indéterminée établi à cette date, l’entrée en service était prévue le 1er mars 2022 et la durée du temps d’essai de trois mois.
b. Le 8 mars 2022, la société a complété et transmis à l’OCE une demande d’allocation d’initiation au travail (ci-après : AIT). À cette demande étaient joints notamment un plan d’initiation (détaillant les compétences que l’employée devait acquérir ou renforcer et les formations que l’employeur prévoyait à cet effet) et un document intitulé « coordonnées et engagement des parties contractantes », signé le 8 mars 2022 par l’employée et la société, aux termes duquel cette dernière s’engageait notamment à :
- initier l’employée dans son entreprise en lui permettant d’acquérir les compétences dont elle avait besoin pour être efficace et autonome à son poste de travail ;
- limiter la période d’essai à un mois ;
- informer au préalable l’OCE d’un possible échec de l’initiation, afin d’envisager ensemble des solutions visant à maintenir le rapport de travail.
c. Le 15 mars 2022, la société et l’employée ont conclu un avenant au contrat de travail, réduisant le temps d’essai à un mois (la fin de cette période étant fixée au 31 mars 2022) et précisant que toutes les autres dispositions du contrat restaient inchangées.
d. Par décision du 18 mars 2022, l’OCE a accepté la demande d’AIT pour une durée de douze mois, soit du 1er mars 2022 au 28 février 2023, le salaire mensuel de CHF 5’960.- étant couvert par l’AIT à hauteur de 60% du 1er mars au 31 août 2022, puis de 40% du 1er septembre au 28 février 2023. La caisse de chômage verserait les AIT à la société. Cette dernière bénéficierait également, de la part de l’OCE, d’un « bonus employabilité » prenant la forme d’un versement unique de CHF 4’000.-, « notamment sous réserve que :
- les conditions d’octroi des [AIT] soient respectées ;
- le temps d’essai limité à un mois soit concluant ;
- la salariée ne soit plus inscrite au chômage ».
Dite décision précisait également que le respect du contrat de travail « du 01.03.2022 » était une condition essentielle dont dépendait le versement des AIT et du bonus employabilité. Les AIT et le bonus employabilité versés pourraient être demandés en remboursement si le contrat était résilié en dehors du temps d’essai, et sans justes motifs, pendant la période d’initiation ou dans les trois mois qui suivaient.
e. Par courrier du 22 décembre 2022, remis le 26 décembre 2022 aux mains de l’employée, la société a résilié le contrat de travail pour le 31 janvier 2023 sans indiquer de motifs. Elle a également libéré l’employée de son obligation de travailler à partir du 31 décembre 2022.
f. Le 7 juin 2023, l’OCE a rendu une décision de révocation d’AIT au motif que la société avait mis fin aux rapports de travail la liant à l’employée avant la fin de l’AIT, sans invoquer de justes motifs. En outre, force était de constater que la société avait été dûment informée des conditions auxquelles l’octroi de l’AIT et du bonus employabilité étaient subordonnés, et des conséquences en cas de résiliation du contrat de travail avant le terme prévu ou dans les trois mois suivant la fin de la mesure. En conséquence, la décision d’octroi d’AIT du 18 mars 2022 était révoquée et la société tenue de rembourser le bonus employabilité de
CHF 4’000.- à l’OCE. En ce qui concernait les AIT perçues à tort, il appartenait à la caisse de chômage d’en demander le remboursement à la société.
g. Par courrier du 3 juillet 2023, la société, représentée par une avocate, a formé opposition à cette décision en soutenant que la résiliation du contrat de travail était intervenue pour de justes motifs. Afin d’éviter tout problème supplémentaire avec cette « employée difficile », la société avait décidé de respecter le délai légal de congé en lui accordant un mois de préavis « malgré les nombreuses erreurs graves commises dans le cadre de son travail » et en la libérant de son obligation de travailler. Malgré tout, l’employée avait fait le choix de se mettre en arrêt maladie au mois de janvier alors qu’elle était libérée de son obligation de travailler, « preuve du mauvais climat relationnel qui régnait entre les parties et du caractère particulièrement perturbateur de l’employée ». Ainsi, la résiliation du contrat de travail était intervenue pour de justes motifs puisque les circonstances ne permettaient plus à la société de continuer les rapports de travail. Tous les employés pouvaient en témoigner. Cela ressortait aussi d’échanges de courriels, de nombreuses erreurs répertoriées et du congé maladie de l’employée pour burnout durant son délai de congé.
h. Par décision du 6 juillet 2023, l’OCE a rejeté l’opposition, motif pris qu’il n’était pas contesté que la société avait mis fin aux rapports de travail de l’employée le 22 décembre 2022 pour le 31 janvier 2023, soit durant la phase d’initiation et cela, sans qu’il existe de justes motifs de résiliation immédiate du contrat de travail. Par ailleurs, il appartenait à la société de vérifier, entre autres,
la capacité de travail de la future employée avant de l’engager, ce qu’elle n’avait apparemment pas fait, ou à tout le moins pas de manière suffisante.
B. a. Le 26 juillet 2023, la société a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre des assurances sociales ou la chambre de céans) d’un recours contre cette décision, concluant, sous suite de frais et dépens, à son annulation.
À l’appui de sa position, elle a répété en substance les éléments précédemment avancés dans l’opposition et fait valoir que l’employée n’exécutait pas la totalité des tâches demandées – pourtant inscrites à son cahier des charges –, telles que l’apport d’un support aux techniciens dans la réalisation des devis et de la facturation ou encore dans beaucoup de points administratifs. Elle ne prenait pas non plus les messages au téléphone et envoyait les soumissions en retard. « La conséquence de l’envoi des soumissions en retard [était] une faute grave en raison de l’impossibilité de les voir adjugées ». De nombreux témoins pouvaient attester des fautes graves commises.
b. Par réponse du 24 août 2023, l’intimé a conclu au rejet du recours en renvoyant aux motifs de la décision attaquée.
c. Le 29 août 2023, la chambre de céans a transmis une copie de ce courrier à la recourante et lui a accordé un délai pour consulter les pièces du dossier et faire part de ses éventuelles remarques.
d. Par courrier du 9 octobre 2023, la chambre de céans a informé les parties qu’en l’absence de réplique de la recourante dans le délai imparti, la cause était gardée à juger sur mesures d’instruction ou au fond.
e. Les autres faits seront mentionnés, si nécessaire, dans la partie « en droit » du présent arrêt.
1.
1.1 Conformément à l’art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l’organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-chômage obligatoire et l’indemnité en cas d’insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 À teneur de l’art. 1 al. 1 LACI, les dispositions de la LPGA s’appliquent à l’assurance-chômage obligatoire et à l’indemnité en cas d’insolvabilité, à moins que la LACI n’y déroge expressément.
1.3 La procédure devant la chambre de céans est régie par les dispositions de la LPGA et de la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985 (LPA ‑ E 5 10).
Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, compte tenu de la suspension des délais pendant la période du 15 juillet au 15 août inclusivement (art. 38 al. 4 let. b LPGA et art. 89C let. b LPA), le recours est recevable (art. 56ss LPGA et 62ss LPA).
2. Le litige porte sur le droit de l’intimé de révoquer sa décision du 18 mars 2022 d’octroi de l’AIT et du bonus employabilité pour la période du 1er mars 2022 au 28 février 2023, plus particulièrement sur la restitution du bonus employabilité de CHF 4’000.- à l’intimé.
3.
3.1 Selon l’art. 59 al. 1 et 1bis LACI, l’assurance alloue des prestations financières au titre des mesures relatives au marché du travail en faveur des assurés et des personnes menacées de chômage. Ces mesures comprennent des mesures de formation (section 2), des mesures d’emploi (section 3) et des mesures spécifiques (section 4).
L’art. 65 let. b et c LACI prévoit, au titre de mesures spécifiques, que les assurés dont le placement est difficile et qui, accomplissant une initiation au travail dans une entreprise, reçoivent de ce fait un salaire réduit, peuvent bénéficier d’AIT lorsque le salaire réduit durant la mise au courant correspond au moins au travail fourni et (let. b) qu’au terme de cette période, l’assuré peut escompter un engagement aux conditions usuelles dans la branche et la région, compte tenu, le cas échéant, d’une capacité de travail durablement restreinte (let. c).
L’art. 66 al. 1 et 2bis LACI prévoit que les AIT couvrent la différence entre le salaire effectif et le salaire normal que l’assuré peut prétendre au terme de sa mise au courant, compte tenu de sa capacité de travail, mais tout au plus 60% du salaire normal (al. 1). Les assurés âgés de 50 ans ou plus ont droit aux allocations d’initiation au travail pendant douze mois (al. 2bis).
Aux termes de l’art. 90 al. 3 de l’ordonnance sur l’assurance-chômage obligatoire et l’indemnité en cas d’insolvabilité du 31 août 1983 (OACI - RS 837.02), l’autorité cantonale vérifie auprès de l’employeur si les conditions dont dépend l’octroi d’AIT sont remplies. Elle peut exiger que les conditions selon l’art. 65 let. b et c LACI fassent l’objet d’un contrat écrit.
Bien que les assurés soient eux-mêmes titulaires du droit aux AIT, celles-ci sont versées par la caisse à l’employeur et ce dernier les verse à son tour à l’assuré avec le salaire.
3.2 Sur le plan genevois, la loi en matière de chômage du 11 novembre 1983 (LMC - J 2 20) prévoit à son titre II (placement et autres mesures) des dispositions relatives au placement des chômeurs (chapitre 1) mais aussi d’autres mesures, parmi lesquelles les « projets-pilotes ».
Selon l’art. 6J LMC, des projets pilotes de durée limitée peuvent être proposés, destinés à favoriser la réinsertion rapide et durable des chômeurs (al. 1). Les projets-pilotes sont soumis au Conseil d’État pour approbation (al. 2). Les projets‑pilotes font l’objet d’une évaluation de leurs effets offrant toutes les garanties de qualité (al. 3). Sur la base de cette évaluation, portée à la connaissance du Grand Conseil, le Conseil d’État décide de leur poursuite (al. 4).
Le 23 juin 2021, en application de l’art. 6J LMC, le Conseil d’État a pris un arrêté concernant la création d’un projet-pilote bonus employabilité (ci-après : l’arrêté [cf. Feuille d’avis officielle du 30 juin 2021]) visant à renforcer l’employabilité du/de la bénéficiaire, tout en indemnisant les investissements de l’employeur en matière de formation, pour un recrutement gagnant-gagnant (art. 2 de l’arrêté). Le projet-pilote bonus employabilité consiste à majorer la participation financière fédérale des AIT, lors de tout engagement d’un·e candidat·e inscrit·e à l’OCE qui nécessite un plan de formation (art. 3 de l’arrêté).
À son art. 4, l’arrêté prévoit qu’afin de favoriser le retour des candidat·e·s inscrit·e·s à l’OCE sur le marché du travail, le périmètre et la procédure d’octroi du bonus employabilité se déclinent comme suit :
- les entreprises concernées sont les entreprises privées, inscrites au registre du commerce du canton de Genève, qui annoncent un poste à l’OCE et qui n’ont pas licencié un·e travailleur·euse dans le but de le/la remplacer en bénéficiant du bonus employabilité ;
- les candidat·e·s concerné·e·s sont inscrit·e·s à l’OCE et peuvent bénéficier des AIT fédérales pour le poste considéré ;
- l’entreprise bénéficie du bonus employabilité lorsqu’elle engage un·e tel·le candidat·e en contrat de durée indéterminée (ci-après : CDI) et respecte les conditions imposées par les AIT (plan de formation et salaire minimum en usage notamment) ;
- le bonus employabilité est versé par l’OCE après le temps d’essai concluant limité à un mois et à la condition que le/la candidat·e ne soit plus inscrit·e au chômage ;
- lorsqu’une résiliation des rapports de travail intervient pendant la mesure AIT ou dans les trois mois civils qui suivent l’échéance de la participation financière AIT, la décision administrative est révoquée et fait l’objet d’une demande de remboursement de l’AIT et du bonus employabilité.
Selon l’art. 5 de l’arrêté, la durée du projet-pilote bonus employabilité est limitée aux exercices annuels 2021 et 2022.
En vertu de l’art. 6 de l’arrêté, le montant, le nombre de bénéficiaires et le financement en vue d’un bonus employabilité incitatif et crédible sont de CHF 4’000.-/bénéficiaire pour un total de 1’000 bénéficiaires au maximum par exercice annuel.
Selon l’art. 7 de l’arrêté, le projet-pilote bonus employabilité est financé à coût constant sur le budget des mesures cantonales de l’OCE.
Par arrêté du 7 décembre 2022, le Conseil d’État a prolongé le projet-pilote bonus employabilité jusqu’au 30 juin 2025, de manière à lui permettre de couvrir l’entier des exercices annuels 2022 à 2024 (cf. Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève [ci-après : FAO] du 9 décembre 2022).
3.3 Le Tribunal fédéral a retenu, à réitérées reprises, que la formule de confirmation de l’employeur relative à l’initiation au travail modifie et complète le contrat de travail en posant des conditions supplémentaires – notamment la durée minimale du contrat de travail – auxquelles l’employeur se soumet expressément en la signant. Il a jugé que l’autorité cantonale peut introduire de telles conditions, qui font l’objet d’une clause accessoire, dans le cadre des compétences qui lui sont conférées par l’art. 90 al. 3 OACI, dès lors qu’elles servent à la réalisation des exigences posées par la loi (arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 14/ 02 du 10 juillet 2002 consid. 3.1 et les références citées). Dans un arrêt C 15/05 du 23 mars 2006, le Tribunal fédéral des assurances a confirmé que ce formulaire est une clause accessoire au contrat de travail, laquelle prime tout accord contenant des clauses contraires.
3.3.1 L’art. 95 al. 1 LACI prévoit que la demande de restitution est régie par
l’art. 25 LPGA, sous réserve de cas particuliers – non pertinents en l’espèce – relatifs à l’indemnité en cas d’insolvabilité (art. 55 LACI) et aux subventions accordées aux organisateurs de mesures collectives de marché du travail
(art. 59cbis al. 4 LACI). Ainsi, la restitution de prestations suppose, en règle ordinaire, que soient remplies les conditions relatives à la révocation des décisions (révision procédurale [art. 53 al. 1 LPGA] ou reconsidération [art. 53 al. 2 LPGA]). Tel n’est cependant pas le cas lorsque l’octroi des AIT est soumis à la condition du respect du contrat de travail. Dans cette hypothèse, il s’agit d’une réserve de révocation qui a explicitement pour effet qu’en cas de violation des obligations contractuelles par l’employeur, notamment la durée minimale de l’engagement de l’assuré – sous réserve d’une résiliation pour justes motifs –, les conditions du droit aux AIT ne sont pas remplies. Une telle réserve est tout à fait admissible au regard du but de la mesure, qui est de favoriser l’engagement durable de personnes au chômage dont le placement est fortement entravé, ainsi que d’éviter une sous-enchère sur les salaires, ainsi qu’un subventionnement des employeurs par l’assurance-chômage. En outre, une remise de l’obligation de restituer selon l’art. 25 al. 1, 2ème phrase LPGA est exclue, car le débiteur doit s’attendre à devoir rembourser les prestations en cas de non-respect des conditions fixées, ce qui ne lui permet pas d’invoquer sa bonne foi (ATF 126 V 45 consid. 2a et la référence ; Boris RUBIN, Assurance-chômage et service public de l’emploi, 2019, p. 171, n. 840).
3.3.2 Sur le plan genevois, l’art. 48B al. 1 LMC dispose qu’en cas de violation de la présente loi, de son règlement d’exécution ou des obligations contractuelles mises à charge du bénéficiaire de la mesure, de l’entité utilisatrice ou de l’employeur, l’autorité compétente peut révoquer sa décision d’octroi et exiger la restitution des prestations touchées indûment.
En matière de bonus employabilité, cette disposition est précisée par l’arrêté du Conseil d’État du 23 juin 2021 (art. 4, 5ème tiret) précité, lequel soumet la restitution du bonus aux mêmes conditions que le remboursement de l’AIT elle‑même (cf. ci-dessus : 3.2 et 3.3.1).
3.4 Selon le ch. J27 du Bulletin LACI/MMT (teneur au 1er janvier 2022), du secrétariat d’État à l’économie (ci-après : SECO), l’employeur s’engage à remplir un certain nombre d’obligations. Afin que l’employeur soit parfaitement informé, il est ainsi recommandé d’introduire une clause dans la demande et confirmation relative à l’initiation au travail qui protège les assurés contre les licenciements pendant les AIT et/ou durant une période après l’échéance des AIT. Cela signifie que le contrat de travail ne peut pas être résilié durant les périodes précitées. L’employeur peut ainsi être tenu de restituer les allocations perçues si les rapports de travail sont résiliés sans justes motifs (art. 337 al. 2 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse [CO, Code des obligations -RS 220]) avant l’échéance du délai indiqué par l’autorité compétente. Cette restitution s’opère conformément à l’art. 95 al. 1 LACI (cf. ci-dessus : consid. 3.3.1).
4.
4.1 Aux termes de l’art. 337 CO, l’employeur et le travailleur peuvent résilier immédiatement le contrat en tout temps pour de justes motifs ; la partie qui résilie immédiatement le contrat doit motiver sa décision par écrit si l’autre partie le demande (al. 1). Sont notamment considérés comme de justes motifs toutes les circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, ne permettent pas d’exiger de celui qui a donné le congé la continuation des rapports de travail. Conformément à l’al. 3 de cette disposition, le juge apprécie librement s’il existe de justes motifs, mais en aucun cas il ne peut considérer comme tels le fait que le travailleur a été sans sa faute empêché de travailler (al. 2).
4.2 L’art. 337 al. 1 CO est une mesure exceptionnelle. La résiliation immédiate pour justes motifs doit être admise de manière restrictive. D’après la jurisprudence, les faits invoqués par la partie qui résilie doivent avoir entraîné la perte du rapport de confiance qui constitue le fondement du contrat de travail. Seul un manquement particulièrement grave justifie le licenciement immédiat du travailleur ou l’abandon abrupt du poste par ce dernier. En cas de manquement moins grave, celui-ci ne peut entraîner une résiliation immédiate que s’il a été répété malgré un avertissement. Par manquement de l’une des parties, on entend en règle générale la violation d’une obligation imposée par le contrat mais d’autres faits peuvent aussi justifier une résiliation immédiate (ATF 130 III 28 consid. 4.1 ; 129 III 380 consid. 2.2). Les justes motifs doivent avoir effectivement provoqué la destruction ou l’affaiblissement du lien de confiance réciproque (ATF 142 III 579 consid. 4.2). Ainsi, lorsque l’employeur se satisfait d’excuses ou opte pour un avertissement ou la résiliation ordinaire, ce qui relève de l’autonomie de la volonté, une résiliation ultérieure avec effet immédiat,
qui serait fondée sur les mêmes circonstances, est injustifiée (ATF 123 III 86
consid. 2b ; Giuseppe DONATIELLO in Luc THÉVENOZ/Franz WERRO [éd.], Commentaire romand, CO I, 3ème éd. 2021, n. 17 ad art. 337). Le juge apprécie librement, au regard des principes du droit et de l’équité déterminants selon
l’art. 4 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), si le congé abrupt répond à de justes motifs (art. 337 al. 3 CO). À cette fin, il prend en considération tous les éléments du cas particulier, notamment la position du travailleur, la nature et la durée des rapports contractuels, et la nature et l’importance des manquements (ATF 130 III 28 consid. 4.1 ; 127 III 351 consid. 4a ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_137/2014 du 10 juin 2014).
4.3 Eu égard à la diversité des situations envisageables, le Tribunal fédéral a refusé de poser des règles rigides sur le nombre et le contenu des avertissements qui doivent précéder un licenciement immédiat, lorsque le manquement imputable au travailleur n’est pas assez grave pour justifier une telle mesure sans avertissement. Il a rappelé que ce n’est pas l’avertissement en soi, fût-il assorti d’une menace de résiliation immédiate, qui justifie un tel licenciement, mais bien le fait que l’attitude du travailleur ne permet pas, selon les règles de la bonne foi, d’exiger de l’employeur la continuation des rapports de travail jusqu’à l’expiration du délai de congé. Ce comportement pourra certes résulter de la réitération d’actes contraires aux obligations contractuelles, mais savoir s’il y a gravité suffisante à cet égard restera toujours une question d’appréciation (cf. ATF 127 III 153 consid. 1c). Le Tribunal fédéral a conclu, dans cet arrêt, que les griefs d’arrivées tardives, formés à l’encontre de l’employé n’étaient pas propres à rompre le rapport de confiance entre les parties jusqu’à l’issue du délai de préavis de congé de deux mois (arrêt du Tribunal fédéral 4C.403/2004 du 1er février 2005).
Selon la jurisprudence, l’employeur doit notifier le licenciement immédiat dès qu’il a connu le juste motif dont il entend se prévaloir, ou au plus tard après un bref délai de réflexion. S’il tarde à réagir, il est présumé avoir renoncé au licenciement immédiat ; à tout le moins, il donne à penser que la continuation des rapports de travail est possible jusqu’à la fin du délai de congé (ATF 127 III 310 consid. 4b). Un délai général de réflexion d’une durée de deux à trois jours ouvrables est présumé approprié. Une prolongation de quelques jours n’est admissible qu’à titre exceptionnel, selon les circonstances particulières du cas concret (ATF 130 III 28 ibidem ; arrêt du Tribunal fédéral 4C.291/2005 du 13 décembre 2006).
Seul un événement s’étant produit avant le prononcé du licenciement immédiat peut entrer en ligne de compte comme juste motif (ATF 142 III 539 consid. 4.3). Il n’est pas rare que l’avocat qui intervient après le licenciement se demande si
le motif du licenciement est suffisant et suggère en conséquence de chercher d’autres motifs qui pourraient justifier le licenciement immédiat. Si cette recherche révèle d’autres manquements aux obligations de la personne licenciée, la question se pose de savoir si de tels motifs de licenciement peuvent être ajoutés postérieurement. Le Tribunal fédéral admet qu’il est toujours possible d’invoquer encore d’autres circonstances, à la condition que celles-ci aient existé au moment de la résiliation mais n’aient pas pu être invoquées parce qu’elles n’étaient pas ou ne pouvaient pas être connues de l’auteur de la résiliation au moment où celle-ci a été prononcée. Doit ainsi être exclu l’ajout d’un motif reposant sur un fait que l’employeur, au moment du prononcé du licenciement, connaissait mais n’a pas désigné comme motif de licenciement (ATF 142 III 579 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_372/2016 du 2 février 2017 consid. 5.1.2 ; Aurélien WITZIG, Droit du travail, 2018, p. 310, n. 888-889 ; Martin FARNER, in PORTMANN/ VON KAENEL [éd.], Fachhandbuch Arbeitsrecht, 2018, pp. 502‑503).
4.4 En matière d’AIT, le Tribunal fédéral a jugé qu’il n’est pas exclu de considérer une résiliation comme étant survenue pour de justes motifs, même si cela n’est pas mentionné dans la lettre de résiliation, pour autant que les motifs invoqués par la suite fassent apparaître comme non exigible la continuation des rapports de travail (ATF 126 V 42 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 15/05 du 23 mars 2006 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 14/02 du 10 juillet 2002 consid. 4). Il faut toutefois que les justes motifs invoqués après la résiliation soient en étroite corrélation avec les motifs figurant dans la lettre de licenciement (arrêt du Tribunal fédéral des assurances
C 14/02 précité, consid. 4.2). Tel est par exemple le cas lorsque l’employeur invoque, au moment de la résiliation, l’utilisation d’infrastructures de l’entreprise à des fins privées puis, en cours de procès, le caractère concurrentiel de l’activité déployée par l’employé grâce à cette utilisation (cf. arrêt du Tribunal fédéral du 15 juillet 1992, publié in SJ 1993 p. 368, auquel l’arrêt C 4/02 précité renvoie).
5.
5.1 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b et les références ; 125 V 193 consid. 2 et les références ; cf. ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).
5.2 Si l’administration ou le juge, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles ils doivent procéder d’office, sont convaincus que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d’autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d’administrer d’autres preuves (appréciation anticipée des preuves ; ATF 145 I 167 consid. 4.1 et les références ; ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 et les références). Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d’être entendu selon l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101 ; SVR 2001 IV n. 10 p. 28 consid. 4b), la jurisprudence rendue sous l’empire de l’art. 4 aCst. étant toujours valable (ATF 124 V 90 consid. 4b ; ATF 122 V 157 consid. 1d).
6.
6.1 En l’espèce, la décision du 18 mars 2022 d’octroi de l’AIT et du bonus employabilité indique que ces prestations pourront être demandées en remboursement si le contrat est résilié en dehors du temps d’essai, et sans justes motifs, pendant la période d’initiation ou dans les trois mois qui suivent. Cette obligation fait partie des conditions d’octroi de l’AIT et du bonus employabilité.
Il n’est pas contesté qu’au cours de la période d’initiation de douze mois prévue dans la décision du 18 mars 2022 précitée, la recourante a licencié l’employée de manière ordinaire, soit en résiliant son contrat de travail le 22 décembre 2022 pour le 31 janvier 2023.
L’intimé, constatant que la recourante avait résilié le contrat de travail de l’employée durant la période d’initiation, a révoqué sa décision du 18 mars 2022. Il était fondé à agir de la sorte, pour autant que la recourante n’ait pas invoqué de justes motifs (ATF 126 V 42).
6.2 Il convient à ce stade d’examiner s’il existe de justes motifs de résiliation au au sens de l’art. 337 CO, étant rappelé que la lettre de licenciement est muette sur les raisons qui ont poussé la recourante à mettre un terme aux rapports de travail qui la liaient à l’employée.
Ce n’est qu’après la décision (initiale) du 7 juin 2023, révoquant celle du 18 mars 2022 et réclamant le remboursement du bonus employabilité de CHF 4’000.- que la recourante a indiqué, dans son opposition du 3 juillet 2023, que la résiliation du contrat de travail pour le 31 janvier 2023 était intervenue pour de justes motifs dans la mesure où le « mauvais comportement de l’employée au travail » et les erreurs commises au travail – dont certaines étaient « graves » – constituaient des circonstances qui ne permettaient plus d’envisager la continuation des rapports de travail. De plus, selon la recourante, le fait que l’employée ait fait le choix de se mettre en arrêt de travail alors qu’elle était libérée de son obligation de travailler attestait du mauvais climat relationnel entre les parties et du « caractère particulièrement perturbateur » de l’employée.
Dans son recours interjeté contre la décision sur opposition du 6 juillet 2023, la recourante a complété ses explications en indiquant que l’envoi de soumissions en retard était constitutif d’une faute grave et que l’employée avait « envoyé une soumission incomplète pour la crèche de C______ du 21 septembre 2022 à rendre
le 15 octobre 2022 » (sic). La recourante a précisé à cet égard qu’elle avait eu la confirmation qu’avec un dossier complet, elle aurait pu obtenir le chantier, cette perte ayant engendré un préjudice d’au moins CHF 85’000.-.
La chambre de céans constate tout d’abord qu’en tant que la recourante invoque l’arrêt maladie de l’employée ayant eu lieu en janvier 2023, elle se fonde sur des éléments postérieurs à la résiliation du contrat et, partant, non pertinents car sans lien avec sa volonté de mettre un terme aux rapports de travail. La recourante indique certes que l’arrêt maladie en question ne serait que la preuve du mauvais climat relationnel qui régnait entre les parties et du caractère particulièrement perturbateur de l’employée. Cela étant, les particularités alléguées ne sauraient être considérées comme des manquements particulièrement graves, à tout le moins sur la base de la description qui en est faite, et qui est notamment relativement imprécise. Il en va de même du fait de ne pas exécuter « la totalité des tâches demandées bien qu’inscrites [au] cahier des charges [de l’employée] » (cf. recours, p. 5), étant par ailleurs relevé que si l’on s’était trouvé, pour les raisons invoquées a posteriori à l’appui du licenciement, dans la situation d’un « possible échec de l’initiation » malgré le plan d’initiation qu’il appartenait à l’entreprise de mettre en œuvre, il eût incombé à la recourante d’en informer préalablement l’intimé « afin d’envisager ensemble des solutions visant à maintenir le rapport de travail » (cf. l’engagement pris le 8 mars 2022 par les parties au contrat). Or, il ne ressort ni des allégations ni des pièces du dossier que la recourante aurait informé l’intimé d’éventuelles difficultés rencontrées avec l’employée avant de la licencier.
Concernant l’éventuelle réalisation d’un manquement particulièrement grave du fait de l’envoi incomplet (et/ou tardif ?) par l’employée d’une (ou plusieurs ?) soumission(s), on ignore si ce manquement allégué – décrit de manière imprécise et non étayé par la moindre pièce – se serait répété malgré un éventuel avertissement. Les interrogations soulevées ne requièrent cependant pas de plus amples mesures d’instruction pour les raisons qui suivent : même si l’envoi incomplet et/ou tardif d’une soumission avait entraîné la perte du rapport de confiance à la base du contrat de travail, il n’en resterait pas moins que la gravité subjective nécessaire pour qualifier la situation de justes motifs faisait défaut. En effet, en optant pour la résiliation (ordinaire) du contrat pour le 31 janvier 2023, la recourante a clairement donné à penser qu’elle pouvait s’accommoder de la continuation des rapports de travail jusqu’à cette échéance (ATF 138 I 113 consid. 6.3.1 et les arrêts cités ; Giuseppe DONATIELLO, op. cit., n. 18 ad art. 337 CO). Ce faisant, elle a renoncé à se prévaloir d’un licenciement pour justes motifs, de sorte que des justes motifs au sens de l’art. 337 CO ne peuvent pas être retenus (cf. ATAS/505/2016 du 28 juin 2016 consid. 6c ; ATAS/376/2016 du 17 mai 2016 consid. 6a ; ATAS/61/2016 du 26 janvier 2016 consid. 11 ; ATAS/102/2016 du 4 février 2016 consid. 7 ; ATAS/158/2016 du 1er mars 2016 consid. 13).
Enfin, l’ensemble des « justes motifs » allégués n’ont été invoqués que plus de six mois après la notification de la lettre de licenciement à l’employée, alors qu’il ressort de la description des faits par la recourante et des pièces du dossier que ces motifs étaient connus au moment de la résiliation du contrat mais que la recourante ne s’en est pas prévalue dans la lettre de licenciement. Conformément à la jurisprudence précitée, il s’ensuit que les prétendus « justes motifs » invoqués postérieurement doivent également être écartés, compte tenu de leur absence de corrélation avec l’absence de motifs ressortant de la lettre de licenciement (ci‑dessus : consid. 4.4).
6.3 Il résulte de ce qui précède que la recourante a résilié le contrat de travail de l’employée sans justes motifs pendant la période d’initiation, contrairement à ses engagements (cf. ci-dessus : consid. 3.3), de sorte que l’intimé était fondé à révoquer l’octroi des AIT et du bonus employabilité alloués. Il s’ensuit que la recourante est tenue de restituer ces prestations perçues à l’appui de l’engagement de l’employée.
7. Le recours doit donc être rejeté.
8. La procédure est gratuite (art. 89H al. 1 LPA et vu l’art. 61 let. fbis LPGA).
*****
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. Le rejette.
3. Dit que la procédure est gratuite.
4. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi.
La greffière
Christine RAVIER |
| Le président
Blaise PAGAN |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d’État à l’économie par le greffe le