Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/81/2024 du 08.02.2024 ( AI ) , IRRECEVABLE
En droit
rÉpublique et | canton de genÈve | |||
POUVOIR JUDICIAIRE
| ||||
|
En la cause
A______
| recourante |
contre
OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE
| intimé |
1. Madame A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante) a déposé une demande de prestations invalidité qui a abouti à un projet de décision de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI ou l’intimé) du 18 avril 2023.
2. L’assurée a contesté le projet de décision.
3. Par décision du 17 octobre 2023, l’OAI a rendu une décision de refus de rente invalidité et de mesures professionnelles.
4. Par courrier du 24 novembre 2023, déposé au guichet de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) en date du 28 novembre 2023, l’assurée a interjeté recours contre la décision du 17 octobre 2023.
5. Dans son acte de recours, l'assurée a exposé, sur la question de la recevabilité, qu’elle n’avait pas pu retirer à temps le courrier recommandé que lui avait adressé l’OAI en raison « d’une période de congés » et que ce dernier lui avait été à nouveau adressé par e-mail, en date du 30 novembre 2023. Sur le fond, l'assurée contestait la décision en considérant qu’elle n’était aucunement en mesure d’exercer une activité professionnelle, quelle qu’elle soit.
6. Par courrier du 28 novembre 2023, la chambre de céans a interpellé l’OAI et lui a demandé de lui fournir la preuve de la date à laquelle la décision du 17 octobre 2023 avait été reçue par son destinataire.
7. Par pli du 6 décembre 2023, l’OAI a transmis à la chambre de céans le relevé de la Poste, établissant que la décision était arrivée à l’office de distribution en date du 20 octobre 2023 et que la destinataire avait été avisée pour retrait le jour même, le dernier jour du délai de retrait étant fixé au 27 octobre 2023. En date du 28 octobre 2023, la décision avait été renvoyée à son expéditeur, faute de retrait.
8. Par courrier du 13 décembre 2023, la chambre de céans a interpellé la recourante et l’a informée que son recours pouvait être tardif, tout en lui fixant un délai au 11 janvier 2024 pour l’informer d'éventuelles circonstances qui l’auraient empêchée d’agir dans le délai légal, documents à l’appui.
9. Par courrier du 17 décembre 2023, l'assurée a exposé à la chambre de céans qu’elle avait été avisée du courrier recommandé de l’OAI le 20 octobre 2023 à 10h33 mais qu’elle avait déjà quitté Genève à destination de Marseille, comme en attestaient les copies des justificatifs de voyage jointes en annexe, soit un justificatif de voyage en TGV, Genève-Valence, en date du 20 octobre 2023, ainsi qu’un justificatif de voyage pour un retour Marseille-Lyon, puis Genève, en date du 27 octobre 2023. Elle exposait qu’elle avait contacté l’OAI dès son retour, pour que ladite décision lui soit renvoyée, mais qu’elle n’avait pu prendre connaissance du contenu du courrier que le lundi 30 octobre 2023. Par la suite, diminuée en raison d’une maladie virale, elle n’avait finalement pu déposer son recours que le 28 novembre 2023.
10. Par courrier du 9 janvier 2024, la recourante a transmis à la chambre de céans la copie d’un certificat médical rédigé par le docteur B______, spécialiste FMH en médecine générale, daté du 4 janvier 2024, dans lequel le praticien certifiait que la recourante avait souffert d’une pathologie infectieuse qu’il avait constaté lors de la consultation du 5 décembre 2023 et qui avait nécessité la poursuite du traitement jusqu’au 4 janvier 2024. Il ajoutait que, selon la patiente, la maladie avait débuté au mois de novembre 2023. Dans le courrier qui accompagnait le certificat, la recourante exposait que son premier épisode de fièvre avait débuté le 9 novembre 2023 et que, comme elle n’avait eu accès à la décision qu’en date du 30 octobre 2023, elle avait tout de même respecté le délai de recours de 30 jours, malgré sa maladie, puisque son recours avait été déposé en date du 28 novembre 2023.
11. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.
1. Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
2. Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA, qui s’applique à la présente espèce.
3. Il s'agit, en l'occurrence, d'examiner préalablement la recevabilité du recours.
3.1 L'art. 61 LPGA prévoit que la procédure devant la chambre des assurances sociales est réglée par le droit cantonal, sous réserve de ce que celui-ci respecte les exigences minimales requises par la LPGA.
Les décisions sur opposition et celles contre lesquelles la voie de l’opposition n’est pas ouverte sont sujettes à recours dans les 30 jours suivant la notification de la décision sujette à recours (art. 56 et 60 LPGA ; cf. également l’art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).
3.2 Les délais commencent à courir le lendemain de leur communication ou de l'événement qui les déclenche. Le délai fixé par semaines, par mois ou par années expire le jour qui correspond par son nom ou son quantième à celui duquel il court ; s'il n'y a pas de jour correspondant dans le dernier mois, le délai expire le dernier jour dudit mois. Lorsque le dernier jour du délai tombe un samedi, un dimanche ou sur un jour légalement férié, le délai expire le premier jour utile. Les écrits doivent parvenir à l'autorité ou être mis à son adresse à un bureau de poste suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse au plus tard le dernier jour du délai avant minuit. Les délais sont réputés observés lorsqu'une partie s'adresse par erreur en temps utile à une autorité incompétente (cf. art. 38 à 39 LPGA et art. 17 LPA).
Les délais en jours ou en mois fixés par la loi ou par l'autorité ne courent pas : a) du 7e jour avant Pâques au 7e jour après Pâques inclusivement ; b) du 15 juillet au 15 août inclusivement ; c) du 18 décembre au 2 janvier inclusivement (art. 38 al. 4 LPGA et art. 89C LPA).
La suspension des délais vaut pour les délais comptés par jours ou par mois, mais non pour les délais fixés par date. L’événement qui fait courir le délai peut survenir pendant la durée de la suspension ; dans ce cas, le délai commence à courir le premier jour qui suit la fin de la suspension. Pour calculer l’échéance du délai, on détermine d’abord la fin du délai en partant du jour de la communication, puis on ajoute le nombre de jours de suspension écoulés (ATF 131 V 314 consid. 4.6).
3.3 Le délai légal ne peut être prolongé (art. 40 al. 1 LPGA et 16 al. 1 LPA). En effet, la sécurité du droit exige que certains actes ne puissent plus être accomplis passé un certain laps de temps : un terme est ainsi mis aux possibilités de contestation, de telle manière que les parties sachent avec certitude que l’acte qui est l’objet de la procédure est définitivement entré en force (Pierre MOOR, Droit administratif, vol. 2, Berne 1991, p. 181).
4.
4.1 Selon la jurisprudence, une décision ou une communication de procédure est considérée comme étant notifiée, non pas au moment où le justiciable en prend connaissance, mais le jour où elle est dûment communiquée ; s'agissant d'un acte soumis à réception, la notification est réputée parfaite au moment où l'envoi entre dans la sphère de puissance de son destinataire. Point n'est besoin que celui-ci ait eu effectivement en mains le pli qui contenait la décision. Il suffit ainsi que la communication soit entrée dans sa sphère de puissance de manière qu'il puisse en prendre connaissance (ATF 122 III 319 consid. 4 et les références ; GRISEL, Traité de droit administratif, p. 876 et la jurisprudence citée ; KNAPP, Précis de droit administratif, 4ème éd., n° 704 p. 153 ; KÖLZ/HÄNER, Verwaltungsverfahren und Verwaltungsrechtspflege des Bundes, 2ème éd., n°341 p. 123). Lorsque la notification intervient par pli recommandé, elle est réputée parfaite lorsque l'intéressé ou toute personne qui le représente ou dont on peut légitimement penser qu'elle le représente (cf. ATF 110 V 37 consid. 3) a reçu le pli ou l'a retiré au guichet postal en cas d'absence lors du passage du facteur (ATFA non publié du 11 avril 2005, C 24/05 consid. 4.1).
4.2 Le délai commence à courir le lendemain de la communication (art. 38 al. 1 LPGA ; art. 62 al. 3 LPA). Une communication qui n'est remise que contre la signature du destinataire ou d'un tiers habilité est réputée reçue, au plus tard, sept jours après la première tentative infructueuse de distribution (art. 38 al. 2bis LPGA ; art. 62 al. 4 LPA). La règle de la fiction de la notification à l’échéance du délai de garde a été constamment confirmée par le Tribunal fédéral (ATF 137 III 208 consid. 3.1.3 ; 134 V 49 consid. 4 p. 51 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_679/2012 du 12 février 2013 consid. 2.2 ; 1C_549/2009 du 1er mars 2010).
4.3 Étant encore précisé que cette fiction légale n'est pas influencée par le délai de retrait fixé par la Poste : que ce délai soit plus long ou ait été prolongé ne modifie pas l'échéance légale des 7 jours (Y. DONZALLAZ, Loi sur le Tribunal fédéral, commentaire, n. 1089 ad art. 44 et la référence sous note n° 2553). Les actes de procédure étant soumis à réception, il s’agit d’éviter qu’un justiciable repousse à son gré le début d’un délai de recours en prenant connaissance, quand il lui plaît, d’un acte de procédure (cf. R. JEANPRETRE, L’expédition et la réception des actes de procédure et des actes juridiques, in RSJ, 69/1973, p. 349 ss).
4.4 La règle de la fiction de la notification se veut ainsi d’être autonome de la durée du délai de retrait effective d’un envoi recommandé. En regard de la sécurité du droit et de l’égalité de traitement, on ne voit pas qu’il puisse en aller différemment lorsque la Poste prolonge le délai de garde de son propre chef ou suite à une demande du justiciable (arrêt du Tribunal fédéral I 108/07 du 4 juin 2007). Cela reviendrait en outre à laisser subsister un élément aléatoire dans la détermination de la date de notification, ce que la règle de la fiction de la notification a justement pour but de prévenir. Pour la computation des délais de recours, il y a lieu de s’en tenir dans tous les cas à la fiction de la notification à l’échéance du délai de garde tel qu’il est fixé dans les conditions générales de la Poste (ATF U 216/00 du 31 mai 2001). Le jour de l'échec de la notification est pris en compte dans le calcul du délai de garde (Y. DONZALLAZ, op. cit., n. 1113 ad art. 44).
5. De jurisprudence constante, celui qui se sait partie à une procédure judiciaire et qui doit, dès lors, s'attendre à recevoir notification d'actes du juge, est tenu de relever son courrier ou, s'il s'absente de son domicile, de prendre des dispositions pour que celui-ci lui parvienne néanmoins (ATF 141 IV 228 consid. 1.1 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_908/2017 du 17 janvier 2018) ; qu’à défaut, il est réputé avoir eu, à l'échéance du délai de garde, connaissance du contenu des plis recommandés que le juge lui adresse ; qu’une telle obligation signifie que le destinataire doit, le cas échéant, désigner un représentant, faire suivre son courrier, informer les autorités de son absence ou leur indiquer une adresse de notification (ATF 141 II 429 consid. 3.1 ; ATF 139 IV 228 consid. 1.1 ; ATF 119 V 94 consid. 4b).
6. En l’espèce, il n'est pas contesté que le courrier contenant la décision n’a pas été retiré par l’assurée auprès du guichet postal et que le délai de garde s’est donc écoulé sans retrait.
Partant, au regard des dispositions légales et de la jurisprudence concernant le droit de garde, le dernier jour du délai de garde est le 27 octobre 2023 et la décision est réputée avoir été notifiée à cette date. Le premier jour du délai de recours est donc le 28 octobre et le 30ème jour est le dimanche 26 novembre, ce qui reporte le dernier jour du délai au lundi 27 novembre 2023. Le recours a été déposé au greffe de la chambre de céans le 28 novembre 2023, soit un jour après l’échéance du délai.
La recourante allègue que le délai de recours doit être calculé à partir du moment où la décision lui a été renvoyée et qu’elle en a pris connaissance, soit le 30 octobre 2023. Or, comme cela été exposé supra, ce n’est pas le moment où l’assuré prend connaissance de la décision qui est déterminant, mais bien le moment de la notification, voire de l’épuisement du délai de garde si la décision n’a pas été retirée auprès du guichet postal.
L’absence de Genève invoquée par la recourante n’est pas pertinente car il appartenait à cette dernière de prendre ses précautions pour informer l’autorité de son absence ou s’assurer que le courrier soit retiré en son absence, conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral exposée supra.
7. Reste à examiner si une restitution de délai peut être accordée. Tel peut être le cas, de manière exceptionnelle, à condition que le requérant ait été empêché, sans sa faute, d’agir dans le délai fixé (art. 16 al. 3 LPA) et pour autant qu’une demande de restitution motivée, indiquant la nature de l’empêchement, soit présentée dans les dix jours à compter de celui où il a cessé. Il s’agit là de dispositions impératives auxquelles il ne peut être dérogé (Jurisprudence des autorités administratives de la Confédération [JAAC] 60/1996, consid. 5.4, p. 367 ; ATF 119 II 87 consid. 2a ; ATF 112 V 256 consid. 2a).
En l'occurrence, une restitution du délai de recours ne se justifie pas. En effet, le certificat médical produit par la recourante ne permet pas de retenir, au degré de la vraisemblance prépondérante, que la recourante a été empêchée, sans sa faute, d’agir dans le délai fixé en raison d’une « pathologie infectieuse sérieuse des voies respiratoires » constatée le 5 décembre 2023 et qui s’est poursuivie jusqu’au 4 janvier 2024, dès lors que cette maladie est largement postérieure à l’échéance du délai de recours.
Quant à l’allégation de la recourante, selon laquelle elle était déjà malade le 9 novembre 2023, le trouble de la santé n’est pas confirmé médicalement et ne peut donc pas être retenu comme un motif valable de restitution partielle ou totale du délai de recours.
8. En l'absence de motif valable de restitution de délai, le recours doit être déclaré irrecevable pour cause de tardiveté.
9. Pour le surplus, en l’absence de loi spéciale prévoyant des frais judiciaires, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA).
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours irrecevable pour cause de tardiveté.
2. Dit que la procédure est gratuite.
3. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Véronique SERAIN |
| Le président
Philippe KNUPFER |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le