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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/703/2023

ATAS/50/2024 du 29.01.2024 ( PC ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/703/2023 ATAS/50/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 29 janvier 2024

Chambre 6

 

En la cause

Monsieur A______

 

 

recourant

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Né le ______ 1959, Monsieur A______ (ci-après : l’intéressé ou le recourant) a adressé en date du 15 juin 2022 une demande de prestations complémentaires à l’AVS/AI auprès du service des prestations complémentaires (ci-après : le SPC ou l’intimé).

b. Dans le cadre de l’instruction de la demande, le SPC a sollicité divers documents relatifs à un bien immobilier sis à Berne dont l’assuré semblait avoir été propriétaire jusqu’en 2012, soit notamment une évaluation de la valeur vénale dudit bien pour 2021, ainsi qu’une copie de l’acte de vente ou de donation.

c. Après avoir produit l’acte de vente le 25 août 2022, l’intéressé a adressé un courrier au SPC le 9 septembre 2022 expliquant qu’il était initialement copropriétaire du bien immobilier en question avec sa compagne et mère de son fils, Madame B______. En 2012, suite à la séparation du couple, il avait vendu sa part du bien à Mme B______, qui en était depuis lors l’unique propriétaire. Dans le cadre de la vente, il avait uniquement récupéré une part de son 3ème pilier qui avait servi de « garantie de l’hypothèque ».

B. a. Par décision du 21 octobre 2022, le SPC a rejeté la demande de prestations complémentaires de l’intéressé, considérant qu’il s’était dessaisi en 2012 du bien immobilier bernois sans contre-prestation ni obligation légale. À teneur de l’acte notarié, le bien avait été évalué à l’époque à CHF 380'000.-. L’intéressé étant à l’époque propriétaire de la moitié du bien, il aurait pu prétendre à CHF 190'000.- dans le cadre de la vente. Dans la mesure où il n’avait pas touché cette somme et y avait donc au demeurant renoncé, il y avait lieu de retenir un dessaisissement à hauteur de CHF 190'000.- en mars 2012. Après abattement de CHF 10'000 par an depuis 2013, le solde dudit dessaisissement, s’élevait encore en 2022 à CHF 100'000.- pris en compte au titre de fortune, soit un montant excluant l’intéressé de tout droit à des prestations complémentaires.

b. Le 8 novembre 2022, l’intéressé a formé opposition à la décision du SPC. Concernant l’évaluation du bien dessaisi, il a produit le contrat relatif à l’hypothèque conclu en janvier 2007 pour une durée de dix ans et portant sur un crédit de CHF 290'000.-.

c. Le SPC a rejeté l’opposition le 1er février 2023, retenant une diminution de fortune de CHF 190'000.- en 2012 suite à la donation par l’intéressé de sa part de copropriété sur le bien immobilier sis à Berne. De ce fait, même après abattement, la fortune totale demeurait supérieure à CHF 100'000 et le droit aux prestations complémentaires devait être nié.

C. a. L’intéressé a recouru contre cette décision le 28 février 2023, concluant à son annulation et à ce que son droit aux prestations soit recalculé depuis le 1er février 2022, sans que ne soit pris en compte un quelconque dessaisissement de fortune. En effet, en 2012, sa part de copropriété valait la moitié de celle du bien, soit CHF 190'000.-. Sur ce montant, CHF 145'000.- correspondaient à la moitié de la dette hypothécaire, dont seuls les intérêts avaient jusqu’alors étaient acquittés, laquelle avait été entièrement reprise par Mme B______ comme indiqué dans le contrat de vente de la part de copropriété.

Sur le solde, seuls CHF 21'800.- avaient été versés à l’intéressé, le surplus, soit CHF 23'200.- correspondant à des dettes privées également reprises par Mme B______. Il n’y avait donc pas eu de donation, mais bien une vente moyennant une contre-prestation à hauteur de la valeur vénale de la part de copropriété cédée.

L’intéressé a produit le contrat de vente et de dissolution de copropriété confirmant les chiffres précités.

b. Le 24 mars 2023, l’intimé a persisté dans les termes de sa décision, relevant qu’il était peu vraisemblable qu’un bien valant CHF 380'000.- soit grevé d’une dette hypothécaire de CHF 450'000.-. En outre, le recourant n’avait toujours pas produit d’estimation de la valeur vénale du bien immobilier, ce malgré plusieurs rappels. Il s’était contenté de fournir le contrat signé par les parties.

c. Le 14 avril, l’intéressé a notamment produit une estimation au 1er juin 2006 de la valeur vénale de l’immeuble dans lequel se situait le bien immobilier dont il est question. L’architecte mandaté concluait à une valeur nominale de l’immeuble de CHF 1'425'000.-.

d. Le 27 avril 2023, l’intimé s’étonnait de ce qu’un immeuble qui valait CHF 1'425'000.- en juin 2006 n’en vaille plus que CHF 380'000.- en 2012. Il se réservait le droit de reprendre ses calculs afin de tenir compte d’un dessaisissement plus important que celui retenu jusqu’alors.

e. Le 15 mai 2023, l’intéressé a souligné que l’estimation de juin 2006 portait sur la valeur de l’entier de l’immeuble, lequel avait été vendu sous le régime de la propriété par étage (PPE), en quatre parts égales en 2006. Mme B______ et
lui-même avaient uniquement acquis l’une de ces quatre parts qui représentait dès lors CHF 356'240.- (CHF 1'425'000.- / 4 parts).

f. Le 23 mai 2023, l’intimé a persisté dans les termes de sa décision, les différents éléments avancés par le recourant étant soit contradictoires, soit non démontrés par pièces.

g. Le 7 juin 2023, le recourant a produit un courrier de Mme B______ confirmant que l’appartement avait été acquis en 2006 pour la somme de CHF 373'800.- financée par l’hypothèque (CHF 290'000.-), par Mme B______ (CHF 61'500.-) et finalement par l’intéressé à hauteur de CHF 22'300.- empruntés à une amie (« C______ »). Le recourant s’était également acquitté des taxes à hauteur de CHF 10'900.-, toujours grâce à des fonds empruntés à cette même amie.

Lors de la vente de mars 2012, l’appartement valait CHF 380'000.-. La part de l’intéressé s’élevait donc à CHF 190'000. Sur cette part, il convenait de déduire la moitié de l’hypothèque, soit CHF 145'000.-, la dette privée en faveur de la
C______. Le solde de CHF 11'800.- correspondait à des parts impayées de la pension alimentaire.

Mme B______ a enfin précisé qu’aucune plus-value n’avait été prise en compte entre 2006 et 2012 dans la mesure où c’est bien elle-même et non l’intéressé qui avait fourni l’essentiel des fonds propres nécessaires à l’achat initial de l’appartement.

h. Le recourant a encore transmis le 5 janvier 2024 de nouvelles décisions de l’intimé relatives à son droit à des prestations complémentaires pour 2024, indiquant former recours à leur encontre. Il a également produit une opposition à l’encontre de cette même décision, qu’il avait adressé en parallèle, également le 5 janvier 2024, au SPC.

i. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Les dispositions de la LPGA s’appliquent aux prestations complémentaires fédérales à moins que la LPC n’y déroge expressément (art. 1 al. 1 LPC). En matière de prestations complémentaires cantonales, la LPC et ses dispositions d’exécution fédérales et cantonales, ainsi que la LPGA et ses dispositions d’exécution, sont applicables par analogie en cas de silence de la législation cantonale (art. 1A LPCC).

3.             Le délai de recours est de trente jours (art. 60 al. 1 LPGA; art. 43 LPCC; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA-GE - E 5 10] et art. 43 LPCC).

Interjeté dans les forme et délai légaux, le recours est recevable (art. 56 al. 1 et 60 al. 1 LPGA; art. 9 de la loi cantonale du 14 octobre 1965 sur les prestations fédérales complémentaires à l’assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité [LPFC - J 4 20]; art. 43 LPCC).

4.             En procédure juridictionnelle administrative, ne peuvent en principe être examinés et jugés que les rapports juridiques à propos desquels l'autorité administrative compétente s'est prononcée préalablement d'une manière qui la lie sous la forme d'une décision. Dans cette mesure, la décision détermine l’objet de la contestation qui peut être déféré en justice par la voie d'un recours. Le juge n'entre donc pas en matière, sauf exception, sur des conclusions qui vont au-delà de l’objet de la contestation (ATF 134 V 418 consid. 5.2.1 et les références).

5.             Le litige porte sur le calcul du droit aux prestations complémentaires du recourant pour 2022, en particulier sur la prise en compte par l’intimé de montants qu’elle considère comme correspondant à des biens dessaisis.

Il ne s’étend en revanche pas aux décisions relatives aux prestations complémentaires pour 2023 et 2024, celles-ci ayant fait l’objet d’une opposition chacune auprès de l’intimé, qui ne s’est pas encore déterminé à leurs égards.

6.              

6.1 Pour ce qui est des PCF, l’art. 9 al. 1 LPC dispose que le montant de la PC annuelle correspond à la part des dépenses reconnues qui excède les revenus déterminants, mais au moins au plus élevé des montants suivants: la réduction des primes la plus élevée prévue par le canton pour les personnes ne bénéficiant ni de PC ni de prestations d’aide sociale (al. 1); 60 % du montant forfaitaire annuel pour l’assurance obligatoire des soins au sens de l’art. 10 al. 3 let. d LPC (let. b).

6.2 En vertu de l'art. 11 al. 1 LPC, les revenus déterminants comprennent notamment: deux tiers des ressources en espèces ou en nature provenant de l’exercice d’une activité lucrative, pour autant qu’elles excèdent annuellement CHF 1'000.- pour les personnes seules (let. a); un quinzième de la fortune nette, un dixième pour les bénéficiaires de rentes de vieillesse, dans la mesure où elle dépasse CHF 30'000.- pour les personnes seules, CHF 50'000.- pour les couples et CHF 15'000.- pour les orphelins et les enfants donnant droit à des rentes pour enfant de l’AVS ou de l’assurance-invalidité (ci-après: AI); si le bénéficiaire de PC ou une autre personne comprise dans le calcul de ces prestations est propriétaire d’un immeuble qui sert d’habitation à l’une de ces personnes au moins, seule la valeur de l’immeuble supérieure à CHF 112'500.- entre en considération au titre de la fortune (let. c); les rentes, pensions et autres prestations périodiques, y compris les rentes de l’AVS et de l’AI (let. d).

6.3 Par ailleurs, aux termes de l'art. 9a LPC – en vigueur depuis le 1er janvier 2021 –, les personnes dont la fortune nette est inférieure aux seuils suivants ont droit à des PC: CHF 100'000.- pour les personnes seules (let. a); CHF 200'000.- pour les couples (let. b); CHF 50'000.- pour les enfants ayant droit à une rente d’orphelin ou donnant droit à une rente pour enfant de l’AVS ou de l’AI (let. c,
al. 1). L’immeuble qui sert d’habitation au bénéficiaire de PC ou à une autre personne comprise dans le calcul de ces prestations et dont l’une de ces personnes au moins est propriétaire n’est pas considéré comme un élément de la fortune nette au sens de l’al. 1 (al. 2). Les parts de fortune visées à l’art. 11a al. 2 à 4 LPC font partie de la fortune nette au sens de l’al. 1 (al. 3). Le Conseil fédéral peut ajuster ces valeurs de manière appropriée s’il modifie les prestations visées à l’art. 19 LPC (al. 4).

Il découle de cette nouvelle disposition légale, appliquée a contrario, que le droit même à des PCF est désormais exclu pour les personnes assurées dont la fortune nette dépasse l'un de ces seuils fixés à l'art. 9a LPC.

6.4 Concernant la fortune nette au sens des dispositions légales ci-dessus, s'appliquent notamment les règles qui suivent.

L'art. 17 al. 1 de l'ordonnance sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 15 janvier 1971 (OPC-AVS/AI - RS 831.301) – dans sa version en vigueur depuis le 1er janvier 2021 comme les autres articles de cette ordonnance mentionnés ci-après – dispose que la fortune nette est calculée en déduisant les dettes prouvées de la fortune brute.

Conformément à l'art. 17a OPC-AVS/AI, la fortune prise en compte doit être évaluée selon les règles de la législation sur l’impôt cantonal direct du canton du domicile (al. 1). Lorsque des immeubles ne servent pas d’habitation au requérant ou à une personne comprise dans le calcul de la PC, ils seront pris en compte à la valeur vénale (al. 4). En cas de dessaisissement d’un immeuble, à titre onéreux ou gratuit, est déterminante la valeur vénale pour savoir s’il y a renonciation à des parts de fortune au sens de l’art. 11 al. 1 let. g aLPC (article en vigueur avant le 1er janvier 2021, depuis lors art. 11a LPC). La valeur vénale n’est pas applicable si, légalement, il existe un droit d’acquérir l’immeuble à une valeur inférieure (al. 5). En lieu et place de la valeur vénale, les cantons peuvent appliquer uniformément la valeur de répartition déterminante pour les répartitions intercantonales (al. 6).

L’art. 11 al. 1 LPC faisant mention de la « fortune nette », il y a lieu de déduire les dettes. Il s'agit notamment des dettes hypothécaires, des petits crédits auprès des banques, des prêts entre particuliers, ainsi que des dettes fiscales. La dette doit être effectivement née, mais son échéance n'est pas une condition préalable. Les dettes incertaines ou dont le montant n'a pas encore été déterminé, en revanche, ne peuvent pas être déduites. La dette doit être correctement documentée. En outre, seules les dettes qui grèvent la substance économique des actifs peuvent être prises en compte (ATF 142 V 311 consid. 3.1 et 3.3 ; ATF 140 V 201 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_365/2018 du 12 septembre 2018 consid. 3.2; ATAS/548/2022 du 15 juin 2022 consid. 6.1). Il n'y a aucun motif à ne pas appliquer cette jurisprudence également à la notion de "fortune nette" selon l'art. 9a LPC, qui est postérieur à celle-ci.

6.5 Pour le surplus, en l'absence d'une révision législative de la LPCC à la suite de la réforme de la LPC entrée en vigueur le 1er janvier 2021 (et donc en l'absence d'une disposition cantonale divergente), le canton de Genève applique également depuis cette date le seuil d'entrée sur la fortune pour l'octroi des PCC du fait du renvoi général qu'opère la LPCC à la LPC, la loi cantonale étant muette à ce sujet(ATAS/521/2023 du 29 juin 2023, consid. 12).

7.             La question des dessaisissements fait, depuis le 1er janvier 2021, l'objet d'un article spécifique, l'art. 11a LPC. Ce dernier est précisé notamment par les règles de l'OPC-AVS/AI citées ci-après.

7.1 Aux termes de l'art. 11a LPC, les autres revenus – que le revenu hypothétique correspondant à la renonciation volontaire à exercer une activité lucrative que l’on pourrait raisonnablement exiger de la personne (al. 1), hypothèse non réalisée ici –, parts de fortune et droits légaux ou contractuels auxquels l’ayant droit a renoncé sans obligation légale et sans contre-prestation adéquate sont pris en compte dans les revenus déterminants comme s’il n’y avait pas renoncé (al. 2). Un dessaisissement de fortune est également pris en compte si, à partir de la naissance d’un droit à une rente de survivant de l’AVS ou à une rente de l’AI, plus de 10 % de la fortune est dépensée par année sans qu’un motif important ne le justifie. Si la fortune est inférieure ou égale à CHF 100'000.-, la limite est de CHF 10'000.- par année. Le Conseil fédéral règle les modalités; il définit en particulier la notion de « motif important » (al. 3). L’al. 3 s’applique aux bénéficiaires d’une rente de vieillesse de l’AVS également pour les dix années qui précèdent la naissance du droit à la rente (al. 4).

Selon l’art. 17b OPC-AVS/AI ("Dessaisissement de parts de fortune. Principe"), il y a dessaisissement de fortune, notamment, lorsqu’une personne aliène des parts de fortune sans obligation légale et que la contre-prestation n’atteint pas au moins 90 % de la valeur de la prestation (let. a), ou lorsqu'elle a consommé, au cours de la période considérée, une part de fortune excédant ce qui aurait été admis sur la base de l’art. 11a al. 3 LPC (let. b).

L'art. 17c OPC-AVS/AI ("Montant du dessaisissement en cas d’aliénation") précise qu'en cas d’aliénation de parts de fortune, le montant du dessaisissement correspond à la différence entre la valeur de la prestation et la valeur de la contre-prestation.

Concernant une renonciation à des parts de fortune au sens de l'art. 11a al. 2 LPC – précisé par l'art. 17b let. a OPC-AVS/AI –, pour qu'un dessaisissement de fortune puisse être pris en compte dans le calcul des PC, la jurisprudence soumet cet acte à la condition qu'il ait été fait "sans obligation juridique", respectivement "sans avoir reçu en échange une contre-prestation équivalente". Les deux conditions précitées ne sont pas cumulatives, mais alternatives (ATF 131 V 329 consid. 4.4).

7.2 Le moment déterminant pour établir la valeur des parts de fortune dessaisies et de la contre-prestation éventuelle est celui du dessaisissement (Directives en matière de prestations complémentaires (ci‑après : DPC) ch. 3532.04; ATF 120 V 182 consid. 4b; arrêt du Tribunal fédéral 9C_67/2011 du 29 août 2011 consid. 5.1).

Il y a lieu de prendre en compte dans le revenu déterminant tout dessaisissement sans limite de temps (Pierre FERRARI, Dessaisissement volontaire et prestations complémentaires à l'AVS/AI in RSAS 2002, p. 420). Ainsi, la date à laquelle le dessaisissement a été accompli n'a, en principe, aucune importance (cf. ATF 146 V 306 consid. 2.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 9C_667/2021 du 17 mai 2022 consid. 3.3 et les références; ATAS/1180/2022 du 22 décembre 2022 consid. 7.1).

8.              

Il convient d’examiner dans un premier temps si l’aliénation du bien immobilier en 2012 en faveur de Mme B______ est assimilable à un dessaisissement de fortune. Dans la mesure où l’existence d’une obligation légale n’est pas alléguée, seule est litigieuse la question de savoir s’il y a eu contre-prestation et, le cas échéant, si celle-ci atteignait au moins 90% de la valeur de la prestation.

Ce sont donc ces deux valeurs (prestation et contre-prestation) qu’il sied d’évaluer, le montant du dessaisissement correspondant à la différence entre ces deux valeurs (DPC 3532.02). Le moment déterminant pour établir la valeur des parts de fortune dessaisies et de la contre-prestation éventuelle est celui du dessaisissement (DPC 3532.04).

En cas d’aliénation d’un immeuble ou d’un bien-fonds, c’est la valeur vénale (valeur du marché) qui est déterminante pour examiner la question d’un dessaisissement éventuel. En lieu et place de la valeur vénale, les cantons peuvent appliquer la valeur de répartition (DPC 3532.05).

Si l’immeuble dessaisi est grevé d’une hypothèque reprise en tout ou en partie par le nouveau propriétaire, la somme des dettes reprises fait partie de la contre-prestation (DPC 3532.06).

8.1 En l’espèce, à teneur de sa décision sur opposition du 1er février 2023 il appert que l’intimé retient un dessaisissement de CHF 190'000.- de la part du recourant en mars 2012, lorsqu’il a cédé à son ex-compagne sa part de copropriété sur le bien immobilier sis à Berne.

Quand bien même le raisonnement de l’intimé n’est guère limpide et a varié au fil de la procédure, celui-ci semble ainsi admettre, à juste titre d’ailleurs, que le bien immobilier dont il est question avait bien une valeur vénale de CHF 380'000.- au moment de la vente de la part de copropriété du recourant en mars 2012. Cette estimation n’apparaît en effet guère critiquable, le bien ayant été acquis par les deux copropriétaires un peu plus de cinq ans auparavant pour la somme de CHF 373'800.-, à teneur du contrat de vente du 5 décembre 2006.

La valeur vénale de la part de chacun des deux copropriétaires s’élevait ainsi bien à CHF 190'000.- en 2012 comme l’admet l’intimé. Celui-ci omet cependant le fait que le bien immobilier était grevé d’une hypothèque de CHF 290'000.-, intégralement reprise par Mme B______ lors du rachat de la part de copropriété du recourant. L’acheteuse a ainsi procédé à une reprise de dette à hauteur de CHF 145'000.- (CHF 290'000 / 2). Or, ce montant établi tant par le contrat de vente du 26 mars 2012 (entre le recourant et Mme B______) que par le contrat de prêt hypothécaire du 7 février 2012 (établi par la banque Migros en faveur de Mme B______) fait partie de la contre-prestation (DPC 3532.06).

Dès lors et sans même tenir compte des autres contre-prestations dont le recourant se prévaut, mais dont il n’a pas démontré la réalité à satisfaction de droit (soit notamment les emprunts allégués auprès de C______), l’aliénation du bien par le recourant pourrait tout au plus s’apparenter à un dessaisissement de fortune à hauteur de CHF 45'000.- (CHF 190'000.- de valeur vénale de la part vendue moins CHF 145'000.- de reprise de l’hypothèque y relative).

Suite aux abattements annuels de CHF 10'000.- depuis 2013 (art. 17a OPC-AVS/AI), il n’y avait manifestement plus aucun montant à prendre en compte au titre de dessaisissement de fortune en 2022 en lien avec cette vente. C’est ainsi à tort que l’intimé a rejeté la demande de prestations complémentaires du recourant au motif que sa fortune excédait les CHF 100'000.-.

9.             La décision sur opposition de l’intimée du 1er février 2023 est ainsi annulée et la cause lui est renvoyée pour qu’elle procède à un nouveau calcul du droit aux prestations complémentaires du recourant sans prendre en compte de dessaisissement de fortune en lien avec la vente en 2012 du bien immobilier sis à Berne.

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Annule la décision sur opposition de l’intimé du 1er février 2023.

4.        Renvoie la cause à l'intimé pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Pascale HUGI

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le