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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/573/2023

ATAS/831/2023 du 30.10.2023 ( PC ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/573/2023 ATAS/831/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 30 octobre 2023

Chambre 6

 

En la cause

A______

représentée par Me Jean-Marie FAIVRE, avocat

 

recourante

contre

 

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l’intéressée), née le ______ 1959, originaire de Bosnie-Herzégovine, était domiciliée selon le fichier de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), jusqu’au 30 juin 2020 à l’avenue B______ à Meyrin.

b. Elle était au bénéfice de prestations complémentaires fédérales (PCF) et cantonales (PCC) depuis 2004, d’abord comme personne mariée, puis divorcée.

B. a. Dans le cadre de la révision de son dossier, le service des prestations complémentaires (ci-après : SPC) a requis de l’OCPM un rapport d’entraide administrative interdépartementale pour vérifier la présence de l’intéressée à son domicile.

b. Le 14 mai 2019, l’OCPM a rendu un rapport constatant que l’intéressée ne résidait pas régulièrement à l’avenue B______ à Meyrin et que sa présence au domicile ne dépassait pas 2-3 mois par année, depuis plusieurs années. Elle avait reconnu séjourner souvent chez ses enfants à Lausanne et en Bosnie chez son frère et sa mère. Son passeport démontrait de nombreuses absences.

c. Par décisions du 17 juillet 2019, le SPC a réclamé à l’intéressée le remboursement de CHF 126'064.- de PCF et PCC, de CHF 37'835.70 de subsides d’assurance maladie et de CHF 9'346.45 de frais médicaux versés en trop du 1er août 2012 au 31 juillet 2019, soit un total de CHF 173'246.15, au motif qu’elle ne résidait plus sur le territoire du canton de Genève.

d. Le 19 août 2019, l’intéressée a fait opposition aux décisions précitées, en faisant valoir qu’elle n’avait jamais quitté Genève, qui était son seul et unique centre d’intérêts.

e. Le 13 septembre 2019, le SPC a déposé une plainte pénale à l’encontre de l’intéressée.

f. Le 12 novembre 2019, le SPC a suspendu le traitement de l’opposition jusqu’à l’issue de la procédure pénale.

g. Le 2 décembre 2019, l’intéressée, représentée par un avocat, a complété son opposition. Elle vivait en Suisse depuis 1983 et à Genève depuis 1993 ; ses enfants et petits-enfants résidaient en Suisse et elle n’avait en Bosnie que sa mère et un frère. Elle cohabitait avec son ex-époux pour des raisons financières. Son passeport n’avait pas toujours été tamponné lorsqu’elle revenait en Suisse. Elle ne séjournait pas plus de deux mois par année en Bosnie.

h. Le 30 juin 2020, l’intéressée a annoncé son départ pour Lausanne à l’OCPM.

i. Par jugement du 11 novembre 2021, le Tribunal de police a déclaré l’intéressée coupable d’obtention frauduleuse de prestations sociales du 11 novembre 2014 au 30 septembre 2016 et d’obtention illicite de prestations d’une assurance sociale ou de l’aide sociale du 1er octobre 2016 au 31 juillet 2019, l’a condamnée à une peine privative de liberté et à une peine pécuniaire, au bénéfice du sursis, et a ordonné son expulsion de Suisse pour une durée de cinq ans.

j. Par arrêt du 30 juin 2022, la chambre pénale d’appel et de révision de la Cour de justice (ci-après : CPAR) a très partiellement admis l’appel et déclaré l’intéressée coupable d’obtention frauduleuse de prestations sociales du 1er janvier 2015 au 30 septembre 2016 et d’obtention illicite de prestations d’une assurance sociale du 1er octobre 2016 au 31 juillet 2019, l’a condamnée à une peine privative de liberté et à une peine pécuniaire, au bénéfice du sursis, et a ordonné son expulsion de Suisse pour une durée de cinq ans.

k. Par décision du 27 janvier 2023, le SPC a partiellement admis l’opposition de l’intéressée, en renonçant à réclamer les prestations perçues avant le 1er janvier 2015 ; la dette était ainsi réduite de CHF 173'246.15 à CHF 113'873.75.

C. a. Le 20 février 2023, l’intéressée, représentée par son avocat, a recouru à l’encontre de la décision précitée auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, en concluant à son annulation. Elle a fait valoir qu’aucune décision ne pouvait être rendue avant de connaitre l’issue de la procédure pénale, un recours ayant été interjeté au Tribunal fédéral à l’encontre de l’arrêt de la CPAR.

b. Le 16 mars 2023, le SPC a conclu au rejet du recours.

c. Le 24 avril 2023, la recourante a déclaré renoncer à répliquer.

d. Le 21 août 2023, la chambre de céans a requis de la recourante la transmission d’une copie de son recours au Tribunal fédéral, laquelle ne s’est pas exécutée.

e. Par arrêt incident du 21 août 2023, la chambre de céans a suspendu la cause, dans l’attente de l’arrêt du Tribunal fédéral, cause 6B_1089/2022.

f. Par arrêt du 16 août 2023 (6B_1089/2022), le Tribunal fédéral a rejeté le recours ; l’arrêt relève que la recourante s’est rendue plus de 90 jours par année en Bosnie-Herzégovine entre le 1er janvier 2015 et le 31 juillet 2019.

g. Par ordonnance du 12 septembre 2023, la chambre de céans a repris l’instruction de la cause et fixé un délai à la recourante pour qu’elle se détermine suite à l’arrêt du Tribunal fédéral.

h. Le 26 septembre 2023, la recourante a indiqué ne pas avoir d’autres arguments à faire valoir.


 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC ‑ RS 831.30).

Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.              

2.1 Les dispositions de la LPGA s’appliquent aux prestations complémentaires fédérales à moins que la LPC n’y déroge expressément (art. 1 al. 1 LPC). En matière de prestations complémentaires cantonales, la LPC et ses dispositions d’exécution fédérales et cantonales, ainsi que la LPGA et ses dispositions d’exécution, sont applicables par analogie en cas de silence de la législation cantonale (art. 1A LPCC).

2.2 Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours (du 14 septembre 2021) a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario), étant relevé que les dispositions matérielles de la LPGA ne sont pas applicables aux prestations en cours et aux créances fixées avant son entrée en vigueur (art. 82 LPGA).

2.3 Des modifications législatives et réglementaires sont entrées en vigueur au 1er janvier 2021 dans le cadre de la réforme des PC (LPC, modification du 22 mars 2019, RO 2020 585, FF 2016 7249 ; OPC-AVS/AI [ordonnance du 15 janvier 1971 sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité - RS 831.301], modification du 29 janvier 2020, RO 2020 599).

Du point de vue temporel, sous réserve de dispositions particulières de droit transitoire, le droit applicable est déterminé par les règles en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits, étant précisé que le juge n'a en principe pas à prendre en considération les modifications du droit postérieures à la date déterminante de la décision administrative litigieuse (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et les références ; ATF 136 V 24 consid. 4.3 ; ATF 130 V 445 consid. 1 et les références ; ATF 129 V 1 consid. 1.2 et les références).

Dans la mesure où le recours porte sur la restitution de prestations complémentaires perçues du 1er janvier 2015 au 31 juillet 2019, soit une période antérieure au 1er janvier 2021, le présent litige reste soumis à l'ancien droit, en l'absence de dispositions transitoires prévoyant une application rétroactive du nouveau droit. Les dispositions légales et réglementaires seront donc citées ci-après dans leur teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2020.

3.             Le délai de recours est de trente jours (art. 56 et 60 LPGA ; art. 9 de la loi cantonale du 14 octobre 1965 sur les prestations fédérales complémentaires à l'assurance-vieillesse et survivants et à l'assurance-invalidité [LPFC - J 4 20] ; art. 43 LPCC ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme (art. 61 let. b LPGA) et le délai prévus par la loi, compte tenu de la suspension des délais pour la période du 15 juillet au 15 août inclusivement (art. 38 al. 4 let. b LPGA et art. 89C let. b LPA), le recours est recevable.

4.             Le litige porte sur le bien-fondé de la demande de l’intimé à l’encontre de la recourante de restituer des prestations complémentaires pour un montant de CHF 113’873.75.

5.              

5.1 Sur le plan fédéral, les personnes qui ont leur domicile et leur résidence habituelle en Suisse et qui remplissent les conditions personnelles prévues aux art. 4, 6 et 8 LPC ont droit à des prestations complémentaires destinées à la couverture des besoins vitaux (cf. art. 2 al. 1 LPC). Ont ainsi droit aux prestations complémentaires notamment les personnes qui perçoivent une rente de l’assurance-invalidité conformément à l’art. 4 al. 1 let. c LPC.

5.2 Sur le plan cantonal, les personnes, dont le revenu annuel déterminant n’atteint pas le revenu minimum cantonal d’aide sociale applicable (art. 4 LPCC), qui ont leur domicile et leur résidence habituelle sur le territoire de la République et canton de Genève ont droit aux prestations complémentaires cantonales (ci‑après : PCC) à la condition, notamment, d'être au bénéfice de certaines prestations d'assurances sociales, dont une rente de l'assurance-invalidité (art. 2 al. 1 let. a et b LPCC).

5.3 Le droit auxdites prestations suppose donc notamment que le bénéficiaire ait son domicile et sa résidence habituelle respectivement en Suisse et dans le canton de Genève. Lesdites prestations ne sont pas exportables. Les conditions de domicile et de résidence sont cumulatives (Michel VALTERIO, Commentaire de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI, 2015, n. 15 ad art. 4 LPC ; ATAS/852/2019 du 24 septembre 2019 consid. 4b).

 

 

6.              

6.1 Selon l'art. 13 LPGA, le domicile d'une personne est déterminé selon les art. 23 à 26 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), et une personne est réputée avoir sa résidence habituelle au lieu où elle séjourne un certain temps même si la durée de ce séjour est d'emblée limitée.

Cette disposition s'applique en matière de prestations complémentaires fédérales, du fait du renvoi qu'opère la LPC à la LPGA de façon générale comme sur cette question spécifique (art. 1 et 4 al. 1 LPC), mais aussi en matière de prestations complémentaires cantonales, en raison du silence de la LPCC sur le sujet, appelant l'application de la LPGA (art. 1A al. 1 LPCC), ainsi que de motifs de sécurité juridique et d'harmonisation des pratiques administratives (ATAS/1235/2013 du 12 décembre 2013 consid. 5). Les notions de domicile et de résidence habituelle doivent donc être interprétées de la même manière pour les deux prestations considérées (ATAS/852/2019 précité consid. 4c).

6.2 Le domicile de toute personne est au lieu où elle réside avec l'intention de s'y établir (art. 23 al. 1 CC). La notion de domicile comporte deux éléments : l'un objectif, la résidence, soit un séjour d'une certaine durée dans un endroit donné et la création en ce lieu de rapports assez étroits ; l'autre, l'intention d'y résider, soit de se fixer pour une certaine durée au lieu de sa résidence, qui doit être reconnaissable pour les tiers et donc ressortir de circonstances extérieures et objectives. Cette intention implique la volonté manifestée de faire d'un lieu le centre de ses relations personnelles et professionnelles. Le domicile d'une personne se trouve ainsi au lieu avec lequel elle a les relations les plus étroites, compte tenu de l'ensemble des circonstances (ATF 136 II 405 consid. 4.3 et les arrêts cités). Le lieu où les papiers d'identité ont été déposés ou celui figurant dans des documents administratifs, comme des attestations de la police des étrangers, des autorités fiscales ou des assurances sociales, constituent des indices, qui ne sauraient toutefois l'emporter sur le lieu où se focalise un maximum d'éléments concernant la vie personnelle, sociale et professionnelle de l'intéressé (ATF 125 III 100 consid. 3 ; Michel VALTERIO, op. cit., n. 16 ad art. 4 LPC).

Lorsqu'une personne séjourne en deux endroits différents, il faut tenir compte de l'ensemble de ses conditions de vie, le centre de son existence se trouvant à l'endroit, lieu ou pays, où se focalise un maximum d'éléments concernant sa vie personnelle, sociale et professionnelle, de sorte que l'intensité des liens avec ce centre l'emporte sur les liens existant avec d'autres endroits ou pays (ATF 125 III 100 consid. 3). En ce qui concerne les prestations complémentaires, la règle de l'art. 24 al. 1 CC, selon laquelle toute personne conserve son domicile aussi longtemps qu'elle ne s'en est pas créé un nouveau, s'applique (ATF 127 V 237 consid. 1). Le domicile est maintenu lorsque la personne concernée quitte momentanément (p. ex. en raison d'une maladie) le lieu dont elle a fait le centre de ses intérêts ; le domicile reste en ce lieu jusqu'à ce qu'un nouveau domicile est, le cas échéant, créé à un autre endroit (ATF 99 V 106 consid. 2 ; Michel VALTERIO, op. cit., n. 22 ad art. 4 LPC).

6.3 Selon l'art. 13 al. 2 LPGA, une personne est réputée avoir sa résidence habituelle au lieu où elle séjourne un certain temps même si la durée du séjour est d'emblée limitée. Selon la jurisprudence, la notion de résidence doit être comprise dans un sens objectif, de sorte que la condition de la résidence effective en Suisse n'est en principe plus remplie à la suite d'un départ à l'étranger. Il n'y a cependant pas interruption de la résidence en Suisse lorsque le séjour à l'étranger, correspondant à ce qui est généralement habituel, est dû à des motifs tels qu'une visite, des vacances, une absence pour affaires, une cure ou une formation. De tels séjours ne peuvent en principe dépasser la durée d'une année. Des motifs contraignants et imprévisibles, tels que la maladie ou un accident, peuvent justifier de prolonger au-delà d'une année la durée du séjour. Il en va de même lorsque des motifs contraignants existant dès le début exigent une résidence à l'étranger de durée supérieure à une année, par exemple pour des motifs d'assistance, de formation ou de traitement d'une maladie (ATF 111 V 180 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_696/2009 du 15 mars 2010 consid. 3.3 ; voir également arrêt H.71/89 du 14 mai 1991 consid. 2a, in RCC 1992 p. 36).

Cela étant, dans la mesure où la durée admissible d'un séjour à l'étranger dépend en premier lieu de la nature et du but de celui-ci, la durée d'une année fixée par la jurisprudence ne doit pas être comprise comme un critère schématique et rigide (arrêt du Tribunal fédéral 9C_696/2009 précité consid. 3.3). Dans le même sens, le Tribunal fédéral a jugé trop schématique la durée de trois mois que prévoyait le ch. 2009 des directives de l'OFAS concernant les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI (ci-après : DPC) dans leur version du 1er janvier 2002 (arrêt du Tribunal fédéral 9C_345/2010 du 16 février 2011 consid. 5.1 in fine ; ATAS/852/2019 précité consid. 4e).

Le Tribunal fédéral a aussi jugé que des exceptions au principe de la résidence en Suisse ne peuvent entrer en considération que lorsque l'intéressé a envisagé dès le début un départ temporaire et non pas définitif de Suisse (ATF 111 V 180 consid. 4c ; Michel VALTERIO, op. cit., n. 27 i.f. ad art. 4 LPC).

7.              

7.1 Selon les DPC en vigueur dès le 1er avril 2011, dans leur état au 1er janvier 2019 ici applicable, lorsqu'une personne – également lors d'une période à cheval entre deux années civiles – séjourne à l'étranger plus de trois mois (92 jours) d'une traite sans raison majeure ou impérative, le versement de la prestation complémentaire est suspendue dès le mois suivant. Il reprend dès le mois au cours duquel l'intéressé revient en Suisse. Les jours d’arrivée et de départ ne sont pas considérés comme jours de résidence à l’étranger (DPC n° 2330.01).

7.2 Lorsqu'au cours d'une même année civile, une personne séjourne plus de six mois (183 jours) à l'étranger, le droit à la prestation complémentaire tombe pour toute l'année civile en question. Le versement de la prestation complémentaire doit dès lors être supprimé pour le restant de l'année civile ; les prestations complémentaires déjà versées doivent être restituées. Lors de plusieurs séjours à l'étranger au cours de la même année civile, lesdits séjours sont additionnés au jour près. En cas de séjour à cheval entre deux années civiles, seuls les jours de l'année civile correspondante sont pris en compte. Les jours d'arrivée et de départ ne sont pas considérés comme jours de résidence à l'étranger (DPC n° 2330.02).

7.3 Lors d'un séjour à l'étranger dicté par une raison majeure, la prestation complémentaire peut continuer à être versée pour une année au maximum. Si le séjour à l'étranger se prolonge au-delà de douze mois, le versement de la prestation complémentaire prend fin dès le mois civil suivant. La prestation complémentaire est à nouveau versée dès le mois civil à partir duquel la personne est de retour en Suisse (DPC n° 2340.01). Seuls des motifs d'ordre professionnel, ou la poursuite d'une formation professionnelle, peuvent être considérés comme relevant d'une raison majeure, mais pas un séjour pour cause de vacances ou de visites (DPC n° 2340.02). En cas de séjour à l'étranger dicté par des raisons impératives, la prestation complémentaire continue d'être versée tant et aussi longtemps que l'intéressé garde le centre de tous ses intérêts personnels en Suisse (DPC n° 2340.03). Les raisons impératives ne peuvent être que des raisons inhérentes à la santé des personnes comprises dans le calcul PC (p. ex. impossibilité de transport suite à maladie ou accident) ou d'autres circonstances extraordinaires qui rendent impossible tout retour en Suisse (DPC n° 2340.04).

7.4 Comme le Tribunal fédéral l'a rappelé dans l'arrêt 9C_345/2010 précité (consid. 5.1 in fine, mentionnant l'ATF 126 V 64 consid. 3b), de telles directives ne lient pas le juge des assurances sociales, ces délais de trois ou douze mois ne doivent pas être appliqués de façon schématique et rigide. Les exceptions n'en sont pas moins conçues d'une manière restrictive ne permettant guère sinon pas la prise en compte de raisons d'ordre social, familial, personnel (ATF 126 V 463 consid. 2c ; Michel VALTERIO, op. cit., n. 32 ad art. 4 LPC ; ATAS/852/2019 précité consid. 4f).

7.5 Selon l'art. 1 al. 1 du règlement relatif aux prestations cantonales complémentaires à l'assurance-vieillesse et survivants et à l'assurance-invalidité du 25 juin 1999 (RPCC-AVS/AI - J 4 25.03), le bénéficiaire qui séjourne hors du canton plus de trois mois au total par année perd son droit aux prestations, à moins qu'il ne s'agisse d'une hospitalisation ou d'un placement dans un home ou dans un établissement médico-social pour personnes âgées ou invalides.

La Cour de céans a cependant jugé (ATAS/1235/2013 précité consid. 5c) que cette disposition réglementaire en tant qu’elle pose une règle nouvelle restreignant le droit des administrés, outrepasse l’art. 2 al. 1 let. a LPCC en donnant une définition de la résidence – interrompue après trois mois de séjour hors du canton de Genève – plus restrictive que celle du droit fédéral (art. 4 LPC et 13 LPGA) auquel se réfère pourtant l’art. 2 al. 1 LPCC. Cette définition est en particulier plus restrictive que celle donnée par la jurisprudence du Tribunal fédéral, laquelle s’écarte des directives qui fixent une durée similaire à celle du RPCC. L’art. 1 al. 1 RPCC n’est donc pas applicable ; ATAS/430/2023 du 8 juin 2023 consid. 10.4).

8.             Sous réserve des exceptions prévues par l'art. 27 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'assurance-maladie (LaLAMal - J 3 05), non réalisées in casu, des subsides d'assurance-maladie sont destinés notamment aux bénéficiaires de prestations fédérales et/ou cantonales complémentaires à l'AVS/AI accordées par le SPC (cf. art. 20 al. 1 let. b et 22 al. 7 LaLAMal). Le droit aux subsides s'étend notamment au conjoint et aux enfants à charge de l'ayant droit (art. 21 al. 4 LaLAMal).

9.              

9.1 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b et les références ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références ; cf. ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

9.2 Le juge des assurances sociales est lié par une condamnation pénale, de même que par un prononcé libératoire constatant l’absence d’acte punissable (ATF 138 V 74 consid. 6.1). Le juge des assurances sociales ne s’écarte des constatations de fait du juge pénal que si les faits établis au cours de l’instruction pénale et leur qualification juridique ne sont pas convaincants, ou s’ils se fondent sur des considérations spécifiques du droit pénal, qui ne sont pas déterminantes en droit des assurances sociales (ATF 125 V 237 consid. 6a et les références).

10.         En l’occurrence, la recourante, condamnée pénalement, ne prétend pas que les faits établis au cours de l’instruction pénale et leur qualification juridique ne sont pas convaincants ou se fonderaient sur des considérations non déterminantes en droit des assurances sociales. Elle s’est bornée, dans son recours, à solliciter la suspension de la cause dans l’attente de l’arrêt du Tribunal fédéral, ce qui lui a été accordé. Le Tribunal fédéral ayant confirmé l’arrêt de la CPAR du 30 juin 2022, la chambre de céans est liée par cette condamnation pénale. Quoi qu’il en soit, aucun motif ne permet de s’écarter du jugement pénal. En effet, la CPAR a constaté que la recourante avait séjourné hors de Suisse durant 240 jours en 2015, 225 jours en 2016, 243 jours en 2017, 157 jours en 2018 et 112 jours en 2019 (du 1er janvier au 31 juillet 2019).

La durée de ces séjours a dépassé six mois pour les années pleines de 2015 à 2018 et est déjà de 112 jours sur sept mois du 1er janvier au 31 juillet 2019.

Certes, une absence à l’étranger au-delà de trois mois n’interrompt pas le droit à la prestation complémentaires jusqu’à une année si elle a été dictée pour des raisons valables, voire au-delà d’une année si elle s’est prolongée pour des motifs contraignants ou imprévisibles (ATAS/673/2023 du 31 août 2023). Or, en l’espèce, la recourante n’a fait valoir aucune raison valable, étant rappelé que des raisons d’ordre social, familial et personnel ne sont pas pertinentes (ATF 126 V 463). Il n’est ainsi pas contestable que la recourante, du point de vue des assurances sociales, ne résidait plus en Suisse durant la période du 1er janvier 2015 au 31 juillet 2019.

À défaut de raisons valables ayant justifié le séjour de la recourante à l'étranger durant plus de six mois chaque année entre 2015 et 2018 et de 112 jours du 1er janvier au 31 juillet 2019, c'est à juste titre que l'intimé a considéré qu'elle n'avait pas droit aux prestations complémentaires durant cette période. Ainsi, il n'est point nécessaire de déterminer si la recourante a conservé son domicile à Genève à cette époque, puisque l'exigence de résidence habituelle et celle de domicile conditionnant le droit aux prestations complémentaires sont cumulatives, de sorte qu'il suffit que l'une d'elles ne soit pas remplie pour que le droit auxdites prestations doive être nié.

Dans la mesure où la recourante a été reconnue coupable d’obtention frauduleuse de prestations sociales et obtention illicite de prestations d’une assurance sociale, et en l’absence de motif permettant de s’écarter du jugement pénal, la restitution des prestations reçues par la recourante durant cette période (PCC, PCF, subsides d’assurance-maladie et remboursement de frais médicaux) est justifiée.

11.         Reste encore à examiner si la demande de restitution des prestations est intervenue à temps.

11.1 S'agissant des prestations complémentaires fédérales, selon l'art. 25 al. 1 1ère phrase LPGA, en relation avec l'art. 2 al. 1 let. a de l'ordonnance sur la partie générale du droit des assurances sociales du 11 septembre 2002 (OPGA ‑ RS 830.11), les prestations indûment touchées doivent être restituées par le bénéficiaire ou par ses héritiers.

L'obligation de restituer suppose que soient remplies les conditions d'une révision procédurale (art. 53 al. 1 LPGA) ou d'une reconsidération (art. 53 al. 2 LPGA) de la décision – formelle ou non – par laquelle les prestations en cause ont été allouées (ATF 142 V 259 consid. 3.2 et les références ; ATF 138 V 426 consid. 5.2.1 et les références ; ATF 130 V 318 consid. 5.2 et les références).

En vertu de l'art. 25 al. 2 1ère phrase LPGA (dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2020 ici déterminante), le droit de demander la restitution s'éteint un an après le moment où l'institution d’assurance a eu connaissance du fait, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation.

Les délais de l'art. 25 al. 2 LPGA sont des délais (relatif et absolu) de péremption, qui doivent être examinés d'office (ATF 133 V 579 consid. 4 ; ATF 128 V 10 consid. 1).

Le délai de péremption relatif d'une année commence à courir dès le moment où l'administration aurait dû connaître les faits fondant l'obligation de restituer, en faisant preuve de l'attention que l'on pouvait raisonnablement exiger d'elle (ATF 122 V 270 consid. 5a). L'administration doit disposer de tous les éléments qui sont décisifs dans le cas concret et dont la connaissance fonde – quant à son principe et à son étendue – la créance en restitution à l'encontre de la personne tenue à restitution (ATF 111 V 14 consid. 3).

Contrairement à la prescription, la péremption prévue à l'art. 25 al. 2 LPGA ne peut être ni suspendue ni interrompue et lorsque s'accomplit l'acte conservatoire que prescrit la loi, comme la prise d'une décision, le délai se trouve sauvegardé une fois pour toute (arrêt du Tribunal fédéral C.271/04 du 21 mars 2006 consid. 2.5).

En vertu de l’art. 25 al. 2 2ème phrase LPGA, si la créance nait d’un acte punissable pour lequel le droit pénal prévoit un délai de prescription plus long, celui-ci est déterminant. Ainsi, tant que le bénéficiaire des prestations est susceptible d’être poursuivi pénalement, une péremption du droit à la restitution ne se justifie pas (cf. ATF 138 V 74 consid. 5.2).

11.2 Au plan cantonal, l'art. 24 al. 1 1ère phrase LPCC prévoit que les prestations indûment touchées doivent être restituées. Conformément à l’art. 43A LPCC, les décisions et les décisions sur opposition formellement passées en force sont soumises à révision si le bénéficiaire ou le service découvre subséquemment des faits nouveaux importants ou trouve des nouveaux moyens de preuve qui ne pouvaient être produits avant (al. 1). Le SPC peut revenir sur les décisions ou les décisions sur opposition formellement passées en force lorsqu’elles sont manifestement erronées et que leur rectification revêt une importance notable (al. 2).

La restitution peut être demandé dans un délai d'une année à compter de la connaissance du fait qui ouvre le droit à la restitution, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation (art. 28 LPCC).

11.3 S'agissant des subsides, l'art. 33 al. 2 LaLAMal prévoit que dans le cas où ils ont été indûment touchés par un bénéficiaire des prestations du SPC, ce dernier peut en demander la restitution au nom et pour le compte du service de l'assurance-maladie. Selon l'art. 33 al. 1 LaLAMal, la restitution des subsides indûment touchés doit être effectuée en appliquant par analogie l'art. 25 LPGA.

11.4 En l’occurrence, l’intimé a notifié une décision de restitution en date du 25 juillet 2019, soit environ deux mois après avoir eu connaissance du rapport de l’OCPM du 14 mai 2019 concernant le domicile de la recourante. Le délai relatif de prescription est ainsi respecté. Par ailleurs, la décision de restitution porte sur une période inférieure à cinq ans puisqu’elle remonte au 1er janvier 2015, de sorte que le délai de prescription absolu est également respecté, étant relevé que vu la condamnation pénale de la recourante pour obtention frauduleuse de prestations sociales et obtention illicite de prestations d’une assurance sociale, le délai de prescription plus long du droit pénal pourrait, si nécessaire, s’appliquer.

12.         Au vu de ce qui précède, le recours est rejeté.

La recourante, qui succombe, n'a pas droit à des dépens (art. 61 let. g LPGA a contrario).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).

 

 

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le