Skip to main content

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/4055/2022

ATAS/485/2023 du 22.06.2023 ( CHOMAG ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/4055/2022 ATAS/485/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 22 juin 2023

Chambre 3

 

En la cause

Monsieur A______

 

recourant

contre

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE CHÔMAGE

 

 

intimée

 


 

 

EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), a travaillé pour le compte de B______ à compter du 1er juillet 2019 comme « Senior HR Project Manager » au bénéfice d'un contrat de durée indéterminée, jusqu'au 31 décembre 2021, date à laquelle son contrat a été transféré vers une société sœur : C______ AG (ci-après : l’employeur). Le 31 mars 2022, il a présenté sa démission pour le 30 juin 2022, à l’échéance du délai de congé contractuel de trois mois.

b. L’assuré a sollicité le versement de l’indemnité de chômage auprès de la Caisse cantonale genevoise de chômage (ci-après : la caisse) à compter du 1er juillet 2022 en expliquant en substance qu’étant suisse, mais d’origine ukrainienne, il lui était difficile, moralement, de continuer à travailler pour une entreprise appartenant à un homme d’affaires russe et ayant son siège principal à Moscou, compte tenu de la guerre opposant les deux pays. À ces explications, l’assuré joignait le bon de délégation établi par son médecin-traitant le 1er avril 2022 pour une prise en charge par un psychothérapeute.

c. À la caisse qui lui réclamait, entre autres justificatifs, un certificat médical attestant que des raisons pour lesquelles les rapports de travail avaient été dissous, l’assuré a répondu, par courriel du 15 juillet 2022, que sa démission n'était pas motivée par des raisons de santé.

d. Interrogé par la caisse, l’employeur a indiqué que l’assuré serait toujours employé s’il n’avait pas démissionné.

B. a. Par décision du 13 septembre 2022, la caisse a prononcé la suspension du versement de l’indemnité pour une durée de 31 jours, au motif que l’assuré était responsable de sa situation de chômage, puisqu’il avait démissionné sans s’assurer d’un autre emploi au préalable.

b. Par courrier du 6 octobre 2022, l’assuré s’est opposé à cette décision.

Il a expliqué avoir donné sa démission pour deux raisons : non seulement il n’estimait pas convenable, en tant qu’Ukrainien, de continuer à travailler pour une entreprise d’origine russe, mais pour le surplus, il disait avoir anticipé l’insolvabilité de son employeur qui ne manquerait pas de survenir compte tenu des effets des sanctions de l'Union européenne envers la Russie. En effet, il avait pu constater que les contrats des fournisseurs et des assurances avaient été annulés et que les salaires n'étaient plus payés. Dans ces conditions, il estimait que sa démission répondait à de justes motifs.

c. Par décision du 31 octobre 2022, la caisse a rejeté l’opposition. Considérant que les motifs invoqués ne relevaient pas d'un cas de force majeure pour quitter un emploi convenable sans s’assurer d’un autre au préalable, elle a estimé qu’il y avait bel et bien eu faute grave, passible d’une sanction de 31 à 60 jours de suspension. La caisse a fait remarquer qu’elle s’en était tenue au minimum prévu par le barème applicable.

C. a. Par écriture du 23 novembre 2022, l’assuré a interjeté recours contre cette décision en reprenant les arguments déjà développés précédemment. En substance, la continuation des rapports de travail lui était « intolérable » et il estime que ce travail ne pouvait plus, au vu de sa situation personnelle, être qualifié de convenable.

b. Invitée à se déterminer, l’intimée, dans sa réponse du 22 décembre 2022, a conclu au rejet du recours.

c. Les autres faits seront repris – en tant que de besoin – dans la partie « en droit » du présent arrêt.

 

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).

1.3 Interjeté dans la forme et le délai – de 30 jours – prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 ss LPGA et 62 ss de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

2.             Le litige porte sur le bien-fondé de la suspension de 31 jours du versement de l’indemnité infligée par l'intimée au recourant pour avoir démissionné de son poste de travail sans s'être préalablement assuré d'un autre emploi.

2.1 Aux termes de l'art. 30 al. 1 let. a LACI, le droit de l'assuré à l'indemnité est suspendu lorsqu'il est établi que celui-ci est sans travail par sa propre faute. Est notamment réputé sans travail par sa propre faute l'assuré qui a résilié lui-même le contrat de travail, sans avoir été préalablement assuré d'obtenir un autre emploi, sauf s'il ne pouvait être exigé de lui qu'il conservât son ancien emploi (art. 44 al. 1 let. b de l'ordonnance sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 31 août 1983 [OACI - RS 837.02]). Ce motif de suspension s'applique aussi lorsque l'assuré avait trouvé lui-même l'emploi qu'il décide ensuite de quitter. Cette circonstance n'atténue pas sa faute (Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l'assurance-chômage, 2014, p. 309, n°32 et les références citées).

2.2 La suspension du droit à l’indemnité est destinée à poser une limite à l’obligation de l’assurance-chômage d’allouer des prestations pour des dommages que l’assuré aurait pu éviter ou réduire. En tant que sanction administrative, elle a pour but de faire répondre l’assuré, d’une manière appropriée, du préjudice causé à l’assurance-chômage par son comportement fautif (ATF 133 V 89 consid. 6.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_316/2007 du 16 avril 2008 consid. 2.1.2).

2.3 Pour qu'un assuré puisse être sanctionné en vertu de l'art. 44 al. 1 let. b OACI, trois conditions doivent être réunies. Il faut premièrement que l'assuré ait donné lui-même son congé. Il importe ensuite qu'au moment de résilier son contrat de travail, l'assuré n'ait pas eu d'assurance préalable d'un nouvel emploi. Enfin, il faut qu'aucune circonstance ne se soit opposée à la poursuite des rapports de travail (critère de l'exigibilité).

2.4 Dans le cadre de l'art. 44 al. 1 let. b OACI, l'emploi quitté est présumé convenable, de sorte que la continuation des rapports est réputée exigible. Cette présomption est susceptible d'être renversée et il sied de ne pas se montrer trop strict quant à la preuve qui incombe alors à l'assuré. Cela étant, c'est de façon restrictive qu'il convient de trancher la question de savoir si l'on pouvait raisonnablement exiger du travailleur qu'il conserve son emploi (Boris RUBIN, op. cit., p. 309, n°33 à 37 et les références citées).

Des désaccords sur le montant du salaire ou un rapport tendu avec des supérieurs ou des collègues de travail ne suffisent par exemple pas à justifier l'abandon d'un emploi. Dans ces circonstances, on doit, au contraire, attendre de l'assuré qu'il fasse l'effort de garder sa place jusqu'à ce qu'il ait trouvé un autre emploi. Par contre, on ne saurait en règle générale exiger de l'employé qu'il conserve son emploi, lorsque les manquements d'un employeur à ses obligations contractuelles atteignent un degré de gravité justifiant une résiliation immédiate (arrêt du Tribunal fédéral 8C_285/2013 du 11 février 2014 consid. 4.1 et les références citées).

2.5 Aux termes de l'art. 16 al. 2 LACI n'est pas réputé convenable et, par conséquent, est exclu de l’obligation d’être accepté, tout travail qui :

-          n’est pas conforme aux usages professionnels et locaux et, en particulier, ne satisfait pas aux conditions des conventions collectives ou des contrats-type de travail (let. a),

-          ne tient pas raisonnablement compte des aptitudes de l’assuré ou de l’activité qu’il a précédemment exercée (let. b),

-          ne convient pas à l’âge, à la situation personnelle ou à l’état de santé de l’assuré (let. c),

-          compromet, dans une notable mesure, le retour de l’assuré dans sa profession, pour autant qu’une telle perspective existe dans un délai raisonnable (let. d),

-          doit être accompli dans une entreprise où le cours ordinaire du travail est perturbé en raison d’un conflit collectif de travail (let. e),

-          nécessite un déplacement de plus de deux heures pour l’aller et de plus de deux heures pour le retour et qui n’offre pas de possibilités de logement appropriées au lieu de travail, ou qui, si l’assuré bénéficie d’une telle possibilité, ne lui permet de remplir ses devoirs envers ses proches qu’avec de notables difficultés (let. f),

-          exige du travailleur une disponibilité sur appel constante dépassant le cadre de l’occupation garantie (let. g),

-          doit être exécuté dans une entreprise qui a procédé à des licenciements aux fins de réengagement ou à de nouveaux engagements à des conditions nettement plus précaires (let. h),

-          ou procure à l’assuré une rémunération qui est inférieure à 70% du gain assuré, sauf si l’assuré touche des indemnités compensatoires conformément à l’art. 24 (gain intermédiaire, let. i).

En conséquence, un travail est réputé convenable si toutes les conditions énoncées à l'art. 16 al. 2 LACI sont exclues cumulativement (ATF 124 V 62 consid. 3b ; cf. également arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 239/00 du 18 octobre 2000 consid. 1a).

2.6 S'agissant en particulier de l'art. 16 al. 2 let. c LACI, n'est pas réputé convenable un travail qui ne convient pas à l’âge, à la situation personnelle ou à l’état de santé de l’assuré.

La notion de situation personnelle englobe l’état civil, les devoirs d’assistance envers des proches, les conditions de logement, les restrictions confessionnelles, etc. (cf. Secrétariat d'Etat à l'économie [SECO]- Bulletin LACI IC / B 287ss).

La situation personnelle comprend l'organisation de la vie, les conditions de vie, la situation familiale, certains choix de vie tels que la volonté d'allaiter un enfant, ainsi que divers aspects liés aux droits fondamentaux, comme par exemple la liberté religieuse. Quant aux motifs de pure convenance personnelle, ils ne sont pas pris en considération (Boris RUBIN, op. cit., n. 31 ad art. 16 LACI).

Les critères de l'âge, de la situation personnelle et de l'état de santé dépendent de la situation de chaque assuré. La notion d'emploi convenable est donc relative. Les critères précités permettent à un assuré de refuser un emploi qui, par ailleurs, remplirait les autres critères d'admissibilité. Si l'assuré fait valoir des motifs supplémentaires de restriction à la disponibilité (horaire de disponibilité, préférence pour un poste bien précis, etc.), son aptitude au placement pourrait devoir être niée dans le cadre d'une appréciation globale de celle-ci (Boris RUBIN, op. cit., n. 31 ad art. 16 LACI).

Un assuré qui entend se prévaloir d'un motif de santé pour quitter ou refuser un poste de travail doit en principe fournir un certificat médical circonstancié, reposant sur une analyse clinique et technique ((Boris RUBIN, op. cit., n. 37 ad art. 16 LACI).

On signalera enfin qu'un assuré n'est pas tenu de prendre un emploi auprès d'un employeur avec qui il a été ou est encore dans une relation conflictuelle d'une certaine gravité. En pareille hypothèse, le rapport de confiance nécessaire à tout contrat de travail serait d'emblée compromis (Boris RUBIN, op. cit., n. 36 ad art. 16 LACI).

2.7 Il sied de souligner que l'exigibilité de la continuation des rapports de travail est examinée plus sévèrement que le caractère convenable d'un emploi au sens de l'art. 16 LACI. Les conditions fixées par l'art. 16 LACI n'en constituent pas moins des éléments d'appréciation importants du critère d'exigibilité. On pense notamment ici à la situation personnelle protégée par l'al. 2 let. c de cette disposition (âge, situation personnelle, santé), à l'inadéquation manifeste entre les exigences du poste et la formation ou l'expérience professionnelle du travailleur (art. 16 al. 2 let. b et d LACI) ou au temps de déplacement maximal exigible fixé par l'al. 2 let. f (Boris RUBIN, op. cit., p. 310, n°37 et les références citées).

La notion d'inexigibilité au sens de l'art. 44 al. 1 let. b OACI doit être interprétée conformément à la Convention OIT n° 168 qui permet de sanctionner celui qui a quitté volontairement son emploi « sans motif légitime » (ATF 124 V 234 consid. 3b ; arrêt du 8 octobre 2004 [C 22/04] consid. 3 ; v. l'art. 20 let. c de la Convention OIT précitée). Cette notion coïncide par ailleurs avec celle figurant à l'art. 44 al. 1 let. c OACI, rédigée dans les mêmes termes (arrêt du Tribunal fédéral C 302/01 du 4 février 2003 consid. 3.1 ; Boris RUBIN, op. cit., n. 36 ad art. 30 LACI). Généralement, des conditions de travail difficiles (chantiers, centres d'appels, etc.), des relations tendues avec les collègues et les supérieurs, une mauvaise atmosphère de travail ou des problèmes de santé non attestés médicalement ne suffisent pas à faire admettre que la continuation des rapports de travail n'était pas exigible (DTA 1989 p. 88 consid. 1a ; 1986 p. 90 ; 1976 p. 114 ; 1953 p. 68 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_12/2010 du 4 mai 2010, C 8/04 du 5 avril 2004 et C 104/02 du 2 septembre 2002 ; Boris RUBIN, op. cit., n. 37 ad art. 30 LACI).

3.             En ce qui concerne la preuve, le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 324 consid. 3.2 et 3.3 ; 126 V 360 consid. 5b ; 125 V 195 consid. 2). Il n'existe pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).

À cet égard, pour examiner la question de savoir si l'assuré peut refuser un travail en raison de son état de santé, il y a lieu de s'en tenir au principe inquisitorial régissant la procédure administrative, principe comprenant en particulier l'obligation des parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (cf. consid. 3c du jugement entrepris et les références). Il incombe ainsi à l'assuré qui s'en prévaut d'établir, au moyen d'un certificat médical, que le travail n'est pas compatible avec son état de santé. Ce critère s'apprécie en effet non pas par rapport à ce que pourrait ressentir un assuré, mais sur la base de certificats médicaux (arrêt du Tribunal fédéral C 151/03 du 3 octobre 2003 consid. 2.3.2 et la référence citée).

4.             En l'espèce, l'intimée a considéré que le recourant était responsable de sa situation de chômage, raison pour laquelle elle lui a infligé une suspension de 31 jours du versement de l’indemnité.

Il n’est pas contesté que le recourant a démissionné de son emploi sans s’être préalablement assuré un nouveau poste, ce qu’il justifie par le fait que la poursuite des rapports de travail lui était devenue moralement intolérable au vu du conflit opposant la Russie à son pays d’origine, de l’« effondrement psychologique » que cela a entraîné chez lui et, enfin, de l’inévitable dégradation future de la solvabilité de son employeur.

Se pose donc en premier lieu la question du caractère convenable ou non du poste qu’occupait l’assuré, plus particulièrement de savoir s’il était exigible de sa part qu’il le conservât le temps de trouver un autre emploi.

La notion de travail convenable sert de référence pour déterminer à la fois les postes de travail qui doivent être acceptés et ceux qui doivent continuer à être occupés.

La Cour constate que le recourant a démissionné deux mois après que la Russie a envahi l'Ukraine. Il n'a pas allégué avoir eu un conflit personnel avec son employeur, ni que ses conditions de travail seraient devenues concrètement difficiles. Il apparaît ainsi que la résiliation de son contrat de travail n’était motivée que par un conflit moral personnel, comme il l’explique d’ailleurs clairement. C’est le lieu de souligner qu’il ne s'agit pas ici d'examiner la légitimité des préoccupations éthiques exprimées par l’assuré au vu du contexte géopolitique, mais uniquement de déterminer si celles-ci suffisaient à annihiler le caractère convenable de son emploi, au sens de la loi. Or, le conflit moral exposé par l’assuré – aussi légitime soit-il –, ne suffit pas, en soi, à rendre inexigible la continuation des rapports de travail au sens de l'art. 16 LACI. On en veut pour démonstration le fait qu’entre le début du conflit et la date de la cessation effective des rapports de travail (plus de cinq mois), le recourant a pu poursuivre son emploi. Qui plus est, le recourant ne prétend pas que les relations au sein de l’entreprise se seraient détériorées depuis le début du conflit ou que ses origines ukrainiennes l’auraient exposé à des comportements malvenus, par exemple. Dans ces circonstances, la seule origine russe du propriétaire de l’entreprise ne saurait suffire à qualifier son poste de « non convenable ».

Certes, selon le recourant, cette situation aurait conduit à son « effondrement psychologique ». À l’appui de ses dires, il produit une attestation de la docteure D______, psychothérapeute FSP, du 10 novembre 2022, mentionnant que, dans le contexte de la guerre en Ukraine, l’assuré – qui l'avait consultée en avril et mai 2022 –, présentait des signes de forte anxiété. Force est cependant de constater que, dès lors, et c’est parfaitement compréhensible, les difficultés psychologiques rencontrées par le recourant apparaissent liées à la guerre en Ukraine et non pas directement à son emploi et au conflit de loyauté qu’il évoque. On relèvera que le recourant ne produit aucun certificat médical attestant que la poursuite de son emploi n'aurait pas été compatible avec son état de santé. Il a d’ailleurs admis, dans son courriel du 15 juillet 2022 adressé à la caisse, que sa démission n'était pas motivée par des raisons de santé. Le recourant échoue ainsi à démontrer que sa démission se justifiait pour des motifs de santé.

Enfin, le recourant allègue qu’il n’aurait fait qu’anticiper l'insolvabilité de son employeur. Cet argument, formulé pour la première fois après réception de la décision de suspension, apparaît peu convaincant, d’autant que l’assuré ne démontre, ni ne rend vraisemblable que son employeur aurait rencontré de telles difficultés financières ou encore que son salaire ne lui aurait pas été versé. Au contraire, il ressort du dossier que le recourant a non seulement régulièrement perçu son salaire, mais qu’il a également reçu de son employeur une gratification de CHF 20'000.- en juin 2022. Cet argument tombe donc également à faux.

Au vu de ce qui précède, le poste litigieux ne saurait être qualifié de non convenable. On pouvait donc exiger de l’intéressé qu’il le conservât jusqu'à ce qu’il en trouve un autre. En d’autres termes, la continuation des rapports de travail était exigible de sa part, aucune des hypothèses énoncées par l’art. 16 al. 2 LACI n’étant réalisée.

Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'intimée a retenu que les éléments constitutifs d'un chômage fautif étaient réunis en l'espèce (art. 30 al. 1 let. a LACI cum 44 al. 1 let. b OACI). 

5.             Reste à déterminer si la durée de la suspension est bien fondée.

5.1 L'art. 30 al. 3 LACI prévoit notamment que la durée de la suspension est proportionnelle à la gravité de la faute. En vertu de l'art. 45 OACI, la suspension dure d'un à quinze jours en cas de faute légère (al. 3 let. a), de seize à trente jours en cas de faute de gravité moyenne (al. 3 let. b) et de trente-et-un à soixante jours en cas de faute grave (al. 3 let. c).

5.2 Il y a faute grave lorsque, sans motif valable, l'assuré abandonne un emploi réputé convenable sans être assuré d'obtenir un nouvel emploi (al. 4 let. a) ou qu'il refuse un emploi réputé convenable (al. 4 let. b) ; demeurent toutefois réservées des circonstances particulières faisant apparaître, dans le cas concret, la faute comme plus légère (arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 142/06 du 3 juillet 2007 consid. 3).

Selon la jurisprudence, lorsqu'un assuré peut se prévaloir d'un motif valable, il n'y a pas nécessairement faute grave en cas d'abandon d'un emploi convenable. Par motif valable, il faut entendre un motif qui fait apparaître la faute comme étant de gravité moyenne ou légère, il peut s'agir d'un motif lié à la situation subjective de la personne concernée ou à des circonstances objectives (ATF 130 V 125 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_225/2011 du 9 mars 2012 consid. 4.2). Si l'existence d'une faute de l'assuré doit être admise mais que celui-ci peut faire valoir des circonstances atténuantes, par exemple une situation comparable à du mobbing ou des provocations continuelles de la part de l'employeur, la durée de la suspension sera réduite en fonction de la gravité de la faute concomitante commise par l'employeur (arrêt du Tribunal fédéral C 74/06 du 6 mars 2007 consid. 3). Dès lors, même en cas d'abandon ou de refus d'emploi, il est possible, exceptionnellement, de fixer un nombre de jours de suspension inférieur à trente-et-un jours, en présence de circonstances particulières, objectives et subjectives (arrêt du Tribunal fédéral 8C_775/2012 du 29 novembre 2012 consid. 3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_616/2010 du 28 mars 2011 consid. 6 ; Boris RUBIN, op. cit., n. 117 ad art. 30 LACI). Il n'en demeure pas moins que, dans les cas de chômage fautif au sens de l'art. 30 al. 1 LACI, l'admission de fautes moyennes ou légères doit rester l'exception (arrêt du Tribunal fédéral C 161/06 du 6 décembre 2006 consid. 3.2 in fine). Les motifs permettant de s'écarter de la faute grave doivent être admis restrictivement (Boris RUBIN, op. cit., n. 117 ad art. 30 LACI).

5.3 La quotité de la suspension du droit à l'indemnité de chômage dans un cas concret constitue une question relevant du pouvoir d'appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 8C_194/2013 du 26 septembre 2013 consid. 5.2). Contrairement au pouvoir d'examen du Tribunal fédéral, celui de l'autorité judiciaire de première instance n'est, concernant notamment la quotité de la suspension du droit à l'indemnité de chômage dans un cas concret, pas limité à la violation du droit (y compris l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation), mais s'étend également à l'opportunité de la décision administrative (« Angemessenheitskontrolle »).

En ce qui concerne l'opportunité de la décision en cause, l'examen du tribunal porte sur le point de savoir si une autre solution que celle que l'autorité, dans un cas concret, a adoptée dans le cadre de son pouvoir d'appréciation et en respectant les principes généraux du droit, n'aurait pas été plus judicieuse quant à son résultat. Le juge des assurances sociales ne peut cependant, sans motif pertinent, substituer sa propre appréciation à celle de l'administration. Il doit s'appuyer sur des circonstances de nature à faire apparaître sa propre appréciation comme la mieux appropriée (ATF 137 V 71 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_758/2017 du 19 octobre 2018 consid. 4.3).

Il y a abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité, tout en restant dans les limites du pouvoir d'appréciation qui est le sien, se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 123 V 150 consid. 2 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_73/2013 du 29 août 2013 consid. 5.2).

5.4 En tant qu'autorité de surveillance, le SECO a adopté un barème (indicatif) à l'intention des organes d'exécution. Un tel barème constitue un instrument précieux pour ces organes d'exécution lors de la fixation de la sanction et contribue à une application plus égalitaire dans les différents cantons. Cela ne dispense cependant pas les autorités décisionnelles d'apprécier le comportement de l'assuré compte tenu de toutes les circonstances – tant objectives que subjectives – du cas concret, notamment des circonstances personnelles, en particulier celles qui ont trait au comportement de l'intéressé au regard de ses devoirs généraux d'assuré qui fait valoir son droit à des prestations (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_601/2012 du 26 février 2013 consid. 4.1, non publié in ATF 139 V 164 et les références citées).

Pour la détermination de la faute individuelle et de la quotité de la suspension dans le domaine de la faute grave, il faut partir, selon le Tribunal fédéral, du milieu de la fourchette de 31 à 60 jours (art. 45, al. 3, let. c OACI), soit 45 jours, et tenir compte des facteurs aggravants, atténuants et du principe de proportionnalité (ATF 123 V 153).

Il résulte de l’échelle des suspensions établie par le SECO que lorsque l’assuré a résilié son contrat de travail sans motif valable, sa faute est considérée comme grave (cf. bulletin LACI IC / D 75 1D).

La durée de la suspension est fixée en tenant compte de toutes les circonstances du cas particulier, telles que le mobile, les circonstances personnelles (l'âge, l'état civil, l'état de santé, une dépendance éventuelle, l'environnement social, le niveau de formation, les connaissances linguistiques, etc.), des circonstances particulières (le comportement de l'employeur ou des collègues de travail, le climat de travail, etc.), de fausses hypothèses quant à l'état de fait (par exemple quant à la certitude d'obtenir un nouvel emploi (Bulletin LACI IC / D 64). Le comportement général de la personne assurée doit également être pris en considération. Lorsque la suspension infligée s'écarte de ladite échelle, l'autorité qui la prononce doit assortir sa décision d'un exposé des motifs justifiant sa sévérité ou sa clémence particulière (Bulletin LACI IC / D 72).

5.5 Dans un arrêt non publié du 15 février 1999 (C 226/98), le Tribunal fédéral a considéré que, dans les cas de suspension pour le motif prévu à l’art. 44 al. 1 let. b OACI, l’art. 45 al. 3 OACI ne constituait qu’un principe dont l’administration et le juge des assurances pouvaient s’écarter lorsque les circonstances particulières du cas d’espèce le justifiaient. Dans ce sens, le pouvoir d’appréciation de l’une et de l’autre n’est pas limité à la durée minimum de suspension fixée pour les cas de faute grave. Aussi bien l’administration que le juge ont la possibilité d’infliger une sanction moins sévère (cf. ATAS/811/2011 du 1er septembre 2011).

5.6 En l’espèce, le recourant a résilié son contrat de travail de sa propre initiative et sans s’assurer préalablement d’un autre emploi. Comme constaté ci-dessus, le conflit de conscience qu’il évoque ne saurait à lui seul être considéré comme un motif valable.

L'emploi quitté étant réputé convenable, la faute de l’assuré doit être considérée comme grave au sens de l'art. 45 al. 4 let. a OACI.

La sanction infligée correspond au minimum de la fourchette prévue par le barème du SECO. Il apparaît donc que l’intimée a déjà opté pour la solution la plus favorable à l’assuré. Dès lors, elle n'a pas excédé son pouvoir d'appréciation en fixant la quotité de la sanction.

Partant, le recours, mal fondé, est rejeté.

Pour le surplus, la procédure est gratuite.

 

 

 

 

 


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Christine RAVIER

 

La présidente

 

 

 

 

Karine STECK

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le