Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/399/2023 du 05.06.2023 ( LAA ) , REJETE
En droit
rÉpublique et | 1.1 canton de genÈve![endif]>![if> | |
POUVOIR JUDICIAIRE
| ||
A/2025/2022 ATAS/399/2023 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 5 juin 2023 Chambre 1 |
En la cause
A______ représenté par Me Andres PEREZ, avocat
| recourant |
contre
SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS
| intimée |
A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant), ressortissant portugais né en 1964, a travaillé en qualité de manœuvre à Genève dès mars 1988. A ce titre, il était assuré contre les accidents auprès de la caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (ci-après : la SUVA ou l’intimée). ![endif]>![if>
b. Le 4 mai 1989, l’assuré a subi un accident alors qu’il jouait au football. Il a été blessé au genou droit.![endif]>![if>
Le médecin d’arrondissement de la SUVA a retenu les limitations fonctionnelles suivantes en raison de cette atteinte : pas de marche sur terrain en montée ou descente, sur terrain inégal, pas d’accroupissements et agenouillements ni de port de charges. Dans toute activité où ces sollicitations pouvaient être évitées, l’assuré pouvait travailler à temps complet sans diminution de rendement. Il serait souhaitable dans le cas d’une activité exercée essentiellement debout qu’il puisse s'asseoir de temps à autre.
c. Selon les renseignements donnés par son ancien employeur, l’assuré aurait perçu en 2001 un salaire horaire de CHF 24.25 pour 45 heures par semaine, 13ème salaire de 8.33% non inclus.![endif]>![if>
d. Par décision du 21 mars 2001, la SUVA a alloué à l’assuré une indemnité pour atteinte à l'intégrité de 20% pour l’atteinte au genou, ainsi qu’une rente dès le 1er avril 1993 correspondant à un degré d’invalidité de 30%. ![endif]>![if>
Ce degré d’invalidité résultait de la comparaison du revenu mensuel réalisable selon les descriptions de poste de travail (DPT) et d’un gain perdu de CHF 4'750.- par mois, conformément à une note interne de la SUVA établie la veille.
B. a. Dès 2015, l’assuré a travaillé en qualité de concierge pour une régie, à raison de 10 heures par semaine, soit à un taux de 24%. Pour cette activité, il était assuré contre les accidents auprès de la GENERALI ASSURANCES SA. Il a également été employé en tant que nettoyeur dès juillet 2017 à raison de 30 heures par semaine, soit à 70%. Pour cette seconde activité, il était assuré contre les accidents auprès de la SUVA.![endif]>![if>
b. L’assuré a subi un nouvel accident le 25 décembre 2019, lors duquel il a chuté sur l’épaule gauche, ce qui a entraîné une lésion du sus-épineux gauche réparée par arthroscopie le 5 février 2020.![endif]>![if>
La SUVA a pris en charge les suites de ce sinistre.
c. Le docteur B______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et médecin d’arrondissement de la SUVA, a examiné l’assuré en date du 23 juin 2021. Il a diagnostiqué une rupture de la coiffe des rotateurs et une réparation arthroscopique de l’épaule gauche, une rupture de la coiffe des rotateurs droite et une surdité appareillée. Une activité lourde n’était plus exigible pour l’épaule gauche, les limitations définitives pour cette articulation étant le travail prolongé avec le membre supérieur au-dessus du plan des épaules, les activités nécessitant de la force ou des mouvements répétés du membre supérieur et les activités avec le membre supérieur en porte-à-faux. L’état était stabilisé.![endif]>![if>
A la même date, le Dr B______ a estimé l'atteinte à l'intégrité à 10% pour la lésion à l’épaule gauche.
d. La SUVA a mis un terme au versement des indemnités au 31 octobre 2021.![endif]>![if>
e. Dans un avis du 25 novembre 2021, le docteur C______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et médecin d’arrondissement de la SUVA, a retenu les limitations fonctionnelles suivantes : pour le genou droit, marche en terrain irrégulier, en montée ou en descente ; montées et descentes répétitives d’escaliers ; travaux sur échelle ; port de charges et position accroupie ou à genoux. Pour l’épaule gauche, les positions prolongées du membre supérieur gauche au-dessus du plan de l’épaule, les activités nécessitant de la force et des mouvements répétés du membre supérieur gauche et les activités avec le membre supérieur gauche en porte-à-faux. Dans une activité adaptée à ces limitations fonctionnelles, la capacité de travail était totale, soit 8 heures 30 par jour sans diminution de rendement. Les atteintes à l’intégrité respectives se cumulaient, donnant droit à une indemnité globale de 30%. L’incapacité de gain actuelle était imputable à 94% à l’évènement du 25 décembre 2019 et à 6% à celui du 4 mai 1989.![endif]>![if>
f. Dans une note du 17 janvier 2022, la SUVA a calculé le degré d’invalidité de l’assuré. Elle a fondé le revenu d’invalide sur celui tiré d’activités simples et répétitives selon l'Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS) de 2018 (tableau TA1_tirage_skill_level, Ligne Total). Ce revenu était de CHF 65'004.-, et de CHF 68'992.51 après adaptation à la durée normale du travail et indexation à 2021. La SUVA a appliqué un abattement de 15% sur ce revenu, qui était ainsi de CHF 58'643.63. Le gain de valide de CHF 70'080.- correspondait au revenu de manœuvre calculé selon le salaire horaire prévu par la convention collective de travail (CCT) applicable, soit CHF 29.95 par heure. La comparaison des revenus aboutissait à un degré d’invalidité de 16%.![endif]>![if>
La SUVA a relevé que le taux d’invalidité s’était notablement modifié en 2019, avant même l’accident survenu en décembre. En effet, l’assuré avait perçu un revenu total de CHF 53'774.- pendant cette année, ce qui, comparé au revenu sans invalidité de CHF 69'013.- qu’il aurait pu obtenir sans l’accident du 4 mai 1989, portait le taux d’invalidité à 22.08%.
g. Par décision du 18 janvier 2022, la SUVA a octroyé à l’assuré une rente d'invalidité de 16% dès le 1er novembre 2021, ainsi qu’une indemnité pour atteinte à l'intégrité de 10% pour l’accident de décembre 2019. Elle a retenu que l’assuré était en mesure de réaliser un revenu d’invalide de CHF 58'644.-. Compte tenu du salaire de CHF 70'080.- sans accident, la perte de gain était de 16%. ![endif]>![if>
La SUVA a notifié cette décision à la GENERALI ASSURANCES SA.
h. Par opposition du 18 février 2022, complétée le 2 mai suivant, l’assuré a contesté cette décision. En mars 2001, la SUVA avait fondé l’examen du droit à la rente sur des DPT, alors que la décision querellée se basait sur les ESS. Cela conduisait à une différence flagrante dans le revenu d’invalide. Le salaire sans invalidité (sic) devait se fonder sur des bases de calcul identiques, soit sur les DPT utilisées à l’époque qui devaient être indexés à 2021. Compte tenu de l’indice des salaires nominaux, le revenu sans (recte avec) invalidité actualisé jusqu’en 2020 était de CHF 48'601.10. Dès lors, le taux d'invalidité était d'au minimum 31%. En outre, un abattement de 15% devait être appliqué sur le salaire sans invalidité (sic). L’assuré invitait la SUVA à rectifier sa décision dans ce sens. ![endif]>![if>
i. Par décision du 17 mai 2022, la SUVA a écarté l’opposition. Elle a souligné qu’elle n’utilisait plus de DPT, de sorte qu’il ne se justifiait pas de recourir à de telles données. De plus, les limitations fonctionnelles de l’assuré avaient évolué, si bien que certaines DPT n’étaient plus adaptées à sa situation actuelle. C’était ainsi, à juste titre, qu’elle avait fondé le revenu d’invalide sur les ESS. ![endif]>![if>
C. a. Par écriture du 20 juin 2022, l’assuré a interjeté recours contre la décision de la SUVA auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans). Il a conclu, sous suite de dépens, préalablement à la production des DPT utilisées dans le cadre de la décision du 21 mars 2001 ; sur le fond à l’annulation de la décision de l’intimée et à l’octroi d’une rente d'invalidité conforme aux considérants ; et subsidiairement au renvoi à l’intimée pour instruction complémentaire et nouvelle décision. Il contestait la décision en tant qu’elle se fondait sur les ESS pour calculer le revenu avec invalidité. En effet, en 2001, l’intimée s’était basée sur les DPT et avait déterminé que la perte de gain était de 30%. Dans la décision litigieuse, alors même que son état de santé s’était dégradé, l’application des ESS menait à un degré d’invalidité de 16%. Cette modification artificielle de la base de calcul n’était pas conforme au droit et conduisait à un résultat arbitraire. Il a repris les arguments développés à l’appui de son opposition, alléguant en outre que le passage des DPT aux ESS constituait une violation du principe de la bonne foi. Le recourant pouvait en effet de bonne foi penser que le nouveau calcul d'invalidité se fonderait également sur les DPT. À aucun moment il n'avait pu imaginer qu'une aggravation de son état de santé entraînerait une réduction de sa rente. Il a allégué qu’un passage à l'évaluation du revenu d'invalide en fonction des ESS n’était possible que si un profil DPT initialement utilisé s’avérait inapplicable et que la SUVA n’était pas en mesure de fournir un autre profil. En l'occurrence, les DPT ne figuraient pas au dossier de l’intimée, si bien qu’on ignorait si elles correspondaient à son état de santé actuel. ![endif]>![if>
b. Dans sa réponse du 15 juillet 2022, l’intimée a conclu au rejet du recours. Elle a produit les DPT retenues lors de la fixation de la rente en 2001, tout en soutenant qu’elle ne disposait pas de DPT parfaitement adaptées aux handicaps actuels du recourant. Cette base de données ayant été abandonnée, l’intimée ne pouvait se baser sur des DPT de 1997 et 1998, ni les indexer jusqu’en 2020. Elle était ainsi en droit de se référer au salaire statistique tiré des ESS en l’absence de revenu concrètement réalisé, conformément à la jurisprudence. ![endif]>![if>
Les DPT joints portaient sur les postes suivants : ouvrier de fabrication dans le pliage de ressorts, salaire de CHF 41'600.- en 1997 ; ouvrier polyvalent avec une activité impliquant souvent le port de charges moyennes, salaire de CHF 38'181.- en 1998 ; portier auprès de la Migros, salaire de CHF 40'000.- en 1996 ; caissier à la Migros, salaire de CHF 41'795.- en 1997 ; mécanicien de précision, salaire de CHF 41'600.- en 1997.
c. Dans sa réplique du 16 août 2022, le recourant a persisté dans ses conclusions. Il a allégué que les DPT étaient parfaitement compatibles avec ses limitations fonctionnelles. Rien n’empêchait l’intimée d’actualiser les montants indiqués afin de ne pas créer une inégalité flagrante. S’agissant du salaire du poste de portier auprès de la Migros, une recherche sur internet montrait que le salaire minimal perçu avait été fixé à CHF 4'100.- dès 2022. La jurisprudence à laquelle se référait l’intimée différait du présent cas, car il ne s’agissait pas ici de statuer la première fois sur une rente. Les DPT restant adaptées, l’intimée avait l’obligation de les indexer. Elle devait être invitée à les mettre à jour et à procéder à un nouveau calcul du taux d’invalidité. ![endif]>![if>
d. Dans sa duplique du 24 août 2022, l’intimée a persisté dans ses conclusions.![endif]>![if>
e. Dans son écriture du 15 septembre 2022, le recourant a également persisté dans ses conclusions.![endif]>![if>
f. La chambre de céans a transmis copie de cette écriture à l’intimée le 19 septembre 2022.![endif]>![if>
g. Sur ce, la cause a été gardée à juger.![endif]>![if>
1. Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).![endif]>![if>
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
2. La modification du 21 juin 2019 de la LPGA est entrée en vigueur le 1er janvier 2021. ![endif]>![if>
Dès lors que le présent recours n’était pas pendant devant la chambre de céans à cette date, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA).
3. Déposé dans les forme et délai prévus par la loi (art. 56ss LPGA), le recours est recevable.![endif]>![if>
4. Le litige, tel que circonscrit par les griefs du recourant, porte sur son droit à la rente, plus particulièrement sur le revenu après atteinte à la santé retenu dans le calcul du degré d’invalidité. ![endif]>![if>
L’exigibilité de l’exercice d’une activité adaptée à plein temps n’est en revanche pas contestée, pas plus que l’indemnité pour atteinte à l'intégrité allouée.
5. Aux termes de l’art. 18 al. 1 LAA, si l’assuré est invalide (art. 8 LPGA) à 10% au moins par suite d’un accident, il a droit à une rente d’invalidité, pour autant que l’accident soit survenu avant l’âge ordinaire de la retraite.![endif]>![if>
6. On peut rappeler ce qui suit au sujet du calcul du degré d’invalidité. ![endif]>![if>
6.1 L’art. 16 LPGA prévoit que, pour évaluer le taux d’invalidité, le revenu que l’assuré aurait pu obtenir s’il n’était pas invalide est comparé avec celui qu’il pourrait obtenir en exerçant l’activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré. Il s'agit là de la méthode dite de comparaison des revenus, qu'il convient d'appliquer aux assurés exerçant une activité lucrative (ATF 128 V 29 consid. 1). Pour procéder à la comparaison des revenus, il convient en principe de se placer au moment de la naissance du droit à la rente (ATF 128 V 174 consid. 4a). ![endif]>![if>
6.2 Le revenu sans invalidité se détermine pour sa part en établissant au degré de la vraisemblance prépondérante ce que l’intéressé aurait effectivement pu réaliser au moment déterminant s’il était en bonne santé (ATF 129 V 222 consid. 4.3.1). Ce revenu doit être évalué de manière aussi concrète que possible si bien qu’il convient, en règle générale, de se référer au dernier salaire que l’assuré a obtenu avant l’atteinte à sa santé, en tenant compte de l’évolution des salaires (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 428/06 du 25 mai 2007 consid. 7.3.3.1). On n'admettra d'exceptions à ce principe que si elles sont établies au degré de la vraisemblance prépondérante (ATF 129 V 222 consid. 4.3.1). Les revenus réalisés dans des activités accessoires sont pris en compte dans le revenu sans invalidité si l'on peut admettre que l'assuré aurait continué, selon toute vraisemblance, à les percevoir sans la survenance de l'atteinte à la santé. En d'autres termes, la prise en compte d'un revenu accessoire suppose un lien entre l'atteinte à la santé et la cessation de l'activité s'y rapportant (arrêt du Tribunal fédéral 8C_274/2009 du 3 décembre 2009 consid. 6 et les références).![endif]>![if>
6.3 S'agissant de la fixation du revenu d'invalide, ce n'est pas le fait que l'assuré mette réellement à profit sa capacité résiduelle de travail qui est déterminant, mais bien plutôt le revenu qu'il pourrait en tirer dans une activité raisonnablement exigible. Le caractère raisonnablement exigible d'une activité doit être évalué de manière objective, c'est-à-dire qu'on ne peut simplement tenir compte de l'appréciation négative par l'assuré de l'activité en cause. Le revenu d'invalide doit être évalué avant tout en fonction de la situation professionnelle concrète de l'intéressé. En l'absence d'un revenu effectivement réalisé, la jurisprudence considère que le revenu d'invalide peut être évalué sur la base de statistiques salariales (ATF 126 V 75 consid. 3b), singulièrement à la lumière de celles figurant dans l'ESS, ou de données salariales résultant de DPT (ATF 139 V 592 consid. 2.3). ![endif]>![if>
6.3.1 Lors du recours aux données statistiques des ESS, il y a lieu de procéder à une réduction des salaires statistiques lorsqu'il résulte de l'ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité ou catégorie d'autorisation de séjour et taux d'occupation) que le revenu que pourrait toucher l'assuré en mettant en valeur sa capacité résiduelle de travail est inférieur à la moyenne. Un abattement global maximal de 25% permet de tenir compte des différents éléments qui peuvent influencer le revenu d'une activité lucrative (ATF 126 V 75 consid. 5b). ![endif]>![if>
6.3.2 L'étendue de l'abattement justifié dans un cas concret relève du pouvoir d'appréciation (ATF 132 V 393 consid. 3.3). Savoir s'il y a lieu de procéder à un abattement sur le salaire statistique en raison de circonstances particulières liées au handicap de la personne ou d'autres facteurs est une question de droit. L'étendue de l'abattement du salaire statistique dans un cas concret constitue en revanche une question relevant du pouvoir d'appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_633/2016 du 28 décembre 2016 consid. 5.2). Il y a excès ou abus du pouvoir d’appréciation si l'autorité cantonale a retenu des critères inappropriés, n'a pas tenu compte de circonstances pertinentes, n'a pas procédé à un examen complet des circonstances pertinentes ou n'a pas usé de critères objectifs (ATF 130 III 176 consid. 1.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_847/2018 du 2 avril 2019 consid. 6.2.3).![endif]>![if>
6.3.3 La détermination du revenu d'invalide sur la base des DPT suppose, en sus de la production d'au moins cinq DPT, la communication du nombre total des postes de travail pouvant entrer en considération d'après le type de handicap, ainsi que du salaire le plus haut, du salaire le plus bas, et du salaire moyen du groupe auquel il est fait référence. Lorsque le revenu d'invalide est déterminé sur la base des DPT, une réduction du salaire, eu égard au système même des DPT, n'est ni justifiée ni admissible (ATF 129 V 472 consid. 4.2.3). Les activités décrites dans les DPT ayant servi de référence dans la décision initiale doivent être exigibles de l'assuré (arrêt du Tribunal fédéral 8C_430/2014 du 21 décembre 2015 consid. 4.4). Il appartient au juge cantonal d'examiner si les DPT produites satisfont aux conditions posées par la jurisprudence et, dans la négative, de renvoyer la cause à l'assureur pour compléter son enquête économique, ou de procéder lui-même à la détermination du revenu d'invalide sur la base des données statistiques issues de l’ESS (arrêt du Tribunal fédéral 8C_199/2017 du 6 février 2018 consid. 5.2). ![endif]>![if>
6.3.4 En ce qui concerne le recours aux DPT plutôt qu’aux salaires des ESS, le Tribunal fédéral a souligné qu’il n’apparaissait guère satisfaisant que la SUVA puisse définir le degré d’invalidité en fonction des DPT ou de l’ESS selon sa propre appréciation (ATF 139 V 592 consid. 6.2). La jurisprudence ne laissait pas le choix de la méthode à la SUVA, mais lui imposait de recourir aux DPT, à moins que les circonstances du cas d'espèce n’y fassent obstacle et qu'il ne lui soit pas possible de trouver dans la documentation disponible le nombre requis de postes de travail pouvant entrer en ligne de compte pour l'assuré concerné (arrêt du Tribunal fédéral 8C_607/2020 du 6 mai 2021 consid. 5.2).![endif]>![if>
6.3.5 La SUVA a abandonné la base de données des DPT au 1er janvier 2019 (arrêt du Tribunal fédéral 8C_171/2021 du 14 décembre 2021 consid. 3.2). Cela étant, les principes énoncés ci-dessus s'appliquent encore au contrôle des décisions de rentes fondées sur les DPT (arrêt du Tribunal fédéral 8C_315/2020 du 24 septembre 2020 consid. 3.2). La jurisprudence a par ailleurs souligné que l’abandon des DPT ne suffit pas à justifier un réexamen du droit à la rente en l’absence de motif de révision (arrêt du Tribunal fédéral 8C_517/2019 du 26 septembre 2019 consid. 6.1). Le Tribunal fédéral a en outre admis que la SUVA n’était plus techniquement en mesure de faire des recherches de DPT en raison de l’abandon de cette méthode, si bien que c’était à juste titre dans le cas d’espèce que la juridiction cantonale s’était appuyée sur les valeurs statistiques de l'ESS (arrêt du Tribunal fédéral 8C_171/2021 du 14 décembre 2021 consid. 4.3). ![endif]>![if>
7. Conformément à l’art. 17 al. 1 LPGA dans sa teneur jusqu’au 31 décembre 2021, si le taux d'invalidité du bénéficiaire de la rente subit une modification notable, la rente est, d'office ou sur demande, révisée pour l'avenir, à savoir augmentée ou réduite en conséquence, ou encore supprimée. ![endif]>![if>
7.1 Tout changement important des circonstances propres à influencer le degré d'invalidité, et donc le droit à la rente, peut motiver une révision selon l'art. 17 LPGA. La rente peut être révisée non seulement en cas de modification sensible de l'état de santé, mais aussi lorsque celui-ci est resté en soi le même, mais que ses conséquences sur la capacité de gain ont subi un changement important (147 V 167 consid. 4.1). ![endif]>![if>
Selon la jurisprudence, lorsque les faits déterminants pour le droit à la rente se sont modifiés au point de motiver une révision, le degré d'invalidité doit être fixé à nouveau sur la base d'un état de fait établi de manière correcte et complète sous tous ses aspects factuels et juridiques (« allseitige Prüfung »), sans que des évaluations antérieures ne revêtent un caractère obligatoire (ATF 141 V 9 consid. 2.3). En application de ce principe, le Tribunal fédéral a notamment retenu que le taux d’invalidité dans le cadre d’une révision du droit à la rente devait être établi sans référence au calcul effectué antérieurement par l’assurance-invalidité, dans le cas d’espèce en application de l’art. 31 aLAI dont la teneur avait dans l’intervalle été modifiée (arrêt du Tribunal fédéral 9C_718/2016 du 14 février 2017 consid. 6.2).
7.2 La révision peut concerner les revenus sur lesquels se base la comparaison. Une augmentation du revenu d’invalide relève d’un motif de révision (Ueli KIESER, ATSG-Kommentar, 4ème éd. 2020, n. 37 ad art. 17). L’institut de la révision vise les changements dans les circonstances personnelles de l’assuré, dont font partie les facteurs économiques. Le degré d’invalidité ne peut ainsi pas être modifié uniquement en raison de changements non pas dans la situation concrète de l’assuré, mais seulement dans les données statistiques (ATF 133 V 545 consid. 7.1). Cela vaut également lorsqu’il existe un motif de révision lié à la personne de l’assuré, mais que la modification du degré de la rente résulte uniquement de changements dans les statistiques (arrêt du Tribunal fédéral 9C_8/2010 du 19 mars 2010 consid. 3.2). ![endif]>![if>
On peut ici rappeler que l’ESS a connu plusieurs modifications en 2012 (à ce sujet, cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_370/2019 du 10 juillet 2019 consid. 4.1). Malgré cela, le Tribunal fédéral a confirmé l’utilisation de l’ESS 2012 dans tous les cas de première évaluation de l'invalidité et de nouvelle demande après un refus ou une suppression de la rente d'invalidité, ainsi que dans les procédures de révision de rentes octroyées par des décisions entrées en force sur la base des ESS jusqu’en 2010, sauf dans les cas où la référence à l’ESS 2012 entraîne à elle seule une modification - vers le haut ou vers le bas - du degré d'invalidité ayant une incidence sur le droit aux prestations. Il a noté que les rentes d’invalidité en cours, allouées sur la base des ESS établies jusqu’en 2010 en vertu de décisions passées en force, ne pouvaient pas être révisées sur la seule base des valeurs salariales de l’ESS 2012. En effet, dès lors que des changements mineurs des statistiques ne justifient pas une révision de la rente, faute de lien avec la situation personnelle de l’assuré, cela vaut a fortiori en cas de changements dans l’établissement des bases statistiques, tels que ceux intervenus lors du passage de l’ESS 2010 à l’ESS 2012. Pour ces motifs, le Tribunal fédéral n’a pas confirmé la lettre-circulaire AI n° 328 en tant qu’elle déclarait l’ESS 2012 applicable sans restriction à tous les cas de révision de la rente (ATF 142 V 178 consid. 2.5.8.1).
7.3 En cas d’allocation d’une rente résultant d’un nouvel accident, les règles sur la révision de l’art. 17 LPGA sont applicables. Cela signifie que l’assureur ou le juge en cas de litige peut examiner le revenu sans invalidité sans être lié par les précédentes qualifications de l’autorité (ATF 139 V 28 consid. 3.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 183/2002 du 26 mai 2003 consid. 6.2). Par ailleurs, dans le cadre d’une procédure de révision du droit à la rente, l’assureur-accidents est en droit de procéder à une comparaison des revenus chiffrés, quand bien même le degré initial d’invalidité a été déterminé uniquement par une comparaison en pourcent (arrêts du Tribunal fédéral 8C_211/2013 du 3 octobre 2013 consid. 4.1 et 8C_127/2013 du 22 avril 2013 consid. 3.2.1). ![endif]>![if>
Aux termes de l’art. 24 al. 4 ordonnance sur l'assurance-accidents du 20 décembre 1982 (OLAA - RS 832.202), lorsque le bénéficiaire d’une rente d’invalidité est victime d’un nouvel accident couvert par l’assurance qui aggrave son invalidité, le salaire déterminant pour le calcul de la nouvelle rente allouée pour les deux accidents est celui qu’il aurait reçu pendant l’année qui a précédé le dernier accident s’il n’avait pas subi auparavant un accident couvert par l’assurance. Si ce salaire est inférieur à celui qu’il touchait avant le premier accident couvert par l’assurance, le salaire supérieur est déterminant. Ainsi, dans l'hypothèse d'accidents successifs pris en charge par le même assureur, il y a lieu de procéder à une évaluation globale de la situation de l'assuré et de verser une seule rente (arrêt du Tribunal fédéral 8C_762/2007 du 2 juillet 2008 consid. 2.1).
8. En l’espèce, il convient en premier lieu de relever que le nouvel accident subi par le recourant à l’épaule gauche est bien un motif de révision au sens de la loi, ce que les parties ne contestent pas. On peut dans ce cadre également souligner que la perception en 2019 d’un revenu supérieur au gain d’invalide déterminé par les DPT en 2001, qui avait alors conduit à l’allocation d’une rente d’invalidité de 30%, aurait en soi également suffi à justifier la révision du droit à la rente. ![endif]>![if>
8.1 En ce qui concerne le nouveau calcul d’invalidité opéré par l’intimée, la fixation du revenu sans invalidité en référence au salaire de manœuvre obtenu avant le premier accident et indexé jusqu’en 2021, en fonction des salaires prévus par la CCT applicable, est conforme aux dispositions et principes rappelés ci-dessus. ![endif]>![if>
8.2 S’agissant du revenu après invalidité, le recourant fait grief à l’intimée de ne pas avoir tenu compte des DPT retenues en 2001 et indexées. Or, il faut rappeler que lorsque la comparaison des revenus est effectuée dans le cadre d’une révision de la rente, il convient de se placer au moment où le droit à la rente est modifié (Margit MOSER-SZELESS in Commentaire romand LPGA, 2018, n. 41 ad art. 16). De plus, le revenu d’invalide établi en fonction de données statistiques doit l’être sur la base des données statistiques les plus récentes (ATF 143 V 295 consid. 2.3). Au vu de ces éléments déjà, il ne paraît pas approprié de se contenter de revenus correspondant aux DPT recensés en 1997 et 1998, même indexés, étant en outre souligné qu’on ignore si tous ces postes existent encore. ![endif]>![if>
En outre, s’il est vrai que le Tribunal fédéral a souligné que l’abandon des DPT n’implique pas ipso facto l’annulation d’une décision de rente déterminée sur la base de ces données – pour autant que les conditions auxquelles la jurisprudence subordonne leur application soient respectées – on ne saurait à l’inverse exiger que tout nouveau calcul du degré d’invalidité s’opère selon les DPT lorsque ces descriptions ont été initialement utilisées, alors même que la base de données correspondante n’est plus mise à jour par l’intimée et qu’elle n’est selon ses explications au Tribunal fédéral plus en mesure d’y opérer des recherches (cf. arrêt précité du 14 décembre 2021). Du reste, la jurisprudence admet que lorsque les DPT ayant servi à déterminer le revenu d’invalide ne sont pas adaptées aux limitations fonctionnelles de l’assuré, le juge est fondé à établir ce revenu en fonction des ESS – ce qui démontre qu’un assuré ne peut se prévaloir de droits acquis en lien avec les bases applicables au calcul de la rente qu’il peut prétendre. Or, en l’espèce, si les DPT produites par l’intimée précisent bien si le travail implique le port de charges et indiquent la position de travail et les déplacements nécessaires, elles ne contiennent aucune indication sur la mesure dans laquelle les membres supérieurs sont sollicités. Il n’est ainsi pas possible de vérifier si les postes qui y sont décrits sont encore adaptés aux limitations fonctionnelles du recourant. En particulier, une de ces DPT concerne un poste de caissier à la Migros. Il y est mentionné que le port de charges est évité car les clients posent eux-mêmes leurs courses sur le tapis roulant. Cela étant, même si le DPT ne le précise pas, il est notoire qu’un caissier doit déplacer les articles qu’il a scannés. Ce faisant, il exerce des mouvements répétitifs des bras et se trouve avec les membres supérieurs en porte-à-faux, ce qui est incompatible avec les limitations fonctionnelles retenues dans le cas d’espèce par les Drs B______ et C______. De plus, une autre DPT décrit le port fréquent de charges moyennes jusqu’à 25 kg, ce qui suscite également certains doutes quant à son caractère adéquat au vu des limitations fonctionnelles liées au port de charges et à la force dans le membre supérieur gauche. Partant, les DPT fondant le revenu d’invalide en 2001 ne semblent – à tout le moins partiellement – plus adaptées à la situation actuelle du recourant, ce qui justifie également que l’on ne se réfère plus à ces données pour déterminer le revenu après invalidité. Le changement des bases de calcul du degré d’invalidité étant dicté par l’altération de l’état de santé du recourant, on ne se trouve pas dans le cas proscrit par la jurisprudence où la révision du droit à la rente résulte uniquement du recours à d’autres bases statistiques pour déterminer le taux d’invalidité.
8.3 Le recourant ne peut pas non plus être suivi lorsqu’il fait valoir que le recours aux ESS pour déterminer le revenu après invalidité violerait le principe de la bonne foi. Découlant directement de l'art. 9 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. – RS 101) et valant pour l'ensemble de l'activité étatique, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu'il met dans les assurances reçues des autorités, lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration. Selon la jurisprudence, un renseignement ou une décision erronés de l'administration peuvent obliger celle-ci à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur, à condition que l'autorité soit intervenue dans une situation concrète à l'égard de personnes déterminées, qu'elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de ses compétences et que l'administré n'ait pas pu se rendre compte immédiatement de l'inexactitude du renseignement obtenu. Il faut encore qu'il se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice et que la réglementation n'ait pas changé depuis le moment où l'assurance a été donnée (ATF 141 V 530 consid. 6.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_695/2008 du 4 février 2009 consid. 3.1). Or, ces conditions ne sont pas réalisées en l’espèce. En premier lieu, l’intimée n’a donné aucune assurance quant aux bases de calcul appliquées pour déterminer le degré d’invalidité, et le recourant n’affirme du reste pas qu’il aurait pris certaines dispositions irréversibles en lien avec le calcul de sa rente. Quant au fait que le recours aux ESS constitue un changement de pratique et non un changement législatif, on saisit mal ce que le recourant entend en tirer. Certes, la jurisprudence relève qu’un changement de pratique ne justifie pas la reconsidération d’une décision au sens de l’art. 53 al. 2 LPGA (ATF 147 V 167 consid. 4.2). Il ne s’agit cependant en l’espèce pas d’une reconsidération de la décision initiale, mais bien d’une révision de celle-ci en raison de la survenance d’un nouvel accident. Enfin, le recourant n’allègue à juste titre pas qu’il bénéficierait de droits acquis en lien avec la rente qui lui a été allouée en 2001. ![endif]>![if>
Compte tenu de ces éléments, on ne saurait faire grief à l’intimée d’avoir déterminé le droit à la rente du recourant dès novembre 2021 en fonction des ESS.
8.4 S’agissant du calcul de celle-ci, il n’est pas contesté en tant que tel. Comme vu plus haut, le revenu sans invalidité a été fixé de manière conforme à l’art. 24 OLAA. En ce qui concerne le revenu après invalidité, la référence au tableau TA1_skill_level, Ligne Total n’est pas non plus critiquable. La jurisprudence admet en effet la référence à cette valeur statistique médiane en principe à tous les assurés qui ne peuvent plus accomplir leur ancienne activité parce qu'elle est physiquement trop astreignante pour leur état de santé, mais qui conservent néanmoins une capacité de travail importante dans des travaux légers. Pour ces assurés, ce salaire statistique est suffisamment représentatif de ce qu'ils seraient en mesure de réaliser en tant qu'invalides dès lors qu'il recouvre un large éventail d'activités variées et non qualifiées (branche d'activités), n'impliquant pas de formation particulière, et compatibles avec des limitations fonctionnelles peu contraignantes (arrêt du Tribunal fédéral 9C_603/2015 du 25 avril 2016 consid. 8.1). Quant à l’abattement de 15% appliqué par l’intimée, il tient adéquatement compte des limitations fonctionnelles du recourant, de sorte qu’il n’y pas lieu de revenir sur ce point. ![endif]>![if>
8.5 Compte tenu de ces éléments, la décision de l’intimée octroyant au recourant une rente correspondant à un degré d’invalidité de 16% doit être confirmée.![endif]>![if>
9. Le recours est rejeté.![endif]>![if>
Le recourant, qui succombe, n’a pas droit à des dépens (art. 61 let. g LPGA).
Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA).
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.![endif]>![if>
Au fond :
2. Le rejette.![endif]>![if>
3. Dit que la procédure est gratuite.![endif]>![if>
4. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.![endif]>![if>
La greffière
Stefanie FELLER |
| La présidente
Fabienne MICHON RIEBEN |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le