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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4105/2023

ATA/927/2025 du 26.08.2025 sur JTAPI/241/2025 ( LCI ) , REJETE

Recours TF déposé le 29.09.2025, 1C_560/2025
Descripteurs : CONSTRUCTION ET INSTALLATION;AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ET DROIT PUBLIC DES CONSTRUCTIONS;PERMIS DE CONSTRUIRE;AUTORISATION DÉROGATOIRE(EN GÉNÉRAL);IMPLANTATION DE LA CONSTRUCTION;PRINCIPE D'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE;GARANTIE DE LA PROPRIÉTÉ;CONFORMITÉ À LA ZONE;REMISE EN L'ÉTAT;RÉTABLISSEMENT DE L'ÉTAT ANTÉRIEUR;ZONE INDUSTRIELLE ET ARTISANALE;PESÉE DES INTÉRÊTS;PROTECTION DE LA SITUATION ACQUISE;JONCTION DE CAUSES;RESTRICTION DE DROIT PUBLIC À LA PROPRIÉTÉ
Normes : Cst.5.al2; Cst.36; LAT.14; LAT.22; LAT.23; LAT.70; LCI.1; LCI.3.al3; LCI.49; LCI.80.al1; LCI.129; LCI.130; LaLAT.12; LaLAT.19; LZIAM.1; RCI.11.al4; RZIAM.9; RZIAM.13; RZIAM.14; RZIAM.31; RZIAM.33
Résumé : Recours contre un jugement du TAPI confirmant un ordre de remise en état des locaux concernés. Locaux destinés à des activités administratives transformés sans autorisation en cabinet médical (psychiatrie). Confirmation du changement d'affectation et de la nécessité d'obtenir une autorisation. La demande de régularisation n'a pas abouti et la nouvelle affectation n'est pas conforme à l'affectation de la zone (zone industrielle et artisanale). Ordre de remise en état fondé sur le principe. Examen des autres conditions permettant de prononcer un ordre de mise en conformité. Conditions réunies. Rejet du recours.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4105/2023-LCI ATA/927/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 26 août 2025

3ème section

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Mes Julien PACOT et Vadim HARYCH, avocats

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE - OAC intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 6 mars 2025 (JTAPI/241/2025)


EN FAIT

A. a. A______ (ci‑après : A______), dont le siège se trouve à H______, a pour but principal d'investir dans l'immobilier les capitaux qui lui sont confiés par ses investisseurs.

b. Depuis le 31 mai 2011, elle est propriétaire de la parcelle n° 4'116 de la ville de Genève, section B______, sise en zone industrielle et artisanale (C______) et sur laquelle se trouve un bâtiment destiné à des bureaux.

c. Le 23 décembre 1975, le département des travaux publics, devenu depuis lors le département du territoire (ci-après : DT), a délivré à l'ancien propriétaire de la parcelle n° 4'116 l'autorisation de construire DD 1______, dont l'objet était « bâtiment administratif ».

d. Le 10 mars 2011, la précédente propriétaire de la parcelle a conclu un contrat de bail à loyer, portant sur des locaux commerciaux, sis au 1er étage de l'immeuble situé sur la parcelle n° 4'116, sur des places de parc et sur un dépôt, avec D______ SA. Cette société n’a jamais été domiciliée, à teneur du registre du commerce genevois (ci-après : RC), dans l’immeuble.

Le contrat stipulait notamment que l’objet locatif devait servir « pour l’utilisation suivante : Bureau ».

e. En 2011, les locaux commerciaux sis au 1er étage de l'immeuble ont été aménagés afin d’accueillir, pour le cabinet E______, un cabinet pour psychiatres et psychologues. Aucune demande d'autorisation de construire n’a été déposée pour les aménagements réalisés.

f. Le 21 avril 2016, A______ a conclu un contrat de bail à loyer, concernant lesdits locaux commerciaux, les places de parc et le dépôt précités, avec le cabinet E______, le docteur E______ et son ex‑épouse. Par avenant du 27 septembre 2022, ce contrat a été transféré, à partir du 1er octobre 2022, à F______ SA (ci-après : F______), inscrite au RC le 1er juin 2022 et dont l'administrateur est E______.

B. a. Le 25 août 2022, F______ a déposé une demande d'autorisation de construire auprès du DT, exposant que les locaux en cause avaient été aménagés en 2011 afin d’accueillir un cabinet pour psychiatres et psychologues. Aucune demande de construire n’avait été déposée pour les travaux, vu leur petite ampleur. Elle souhaitait désormais être reconnue comme une institution de santé et obtenir un permis d’exploiter, ce qui « expliqu[ait] la raison de la demande de permis de construire en [autorisation de construire en procédure accélérée] APA ».

Les cases « changement d’affectation », sous la rubrique « nature des travaux », et « Hôpital/ Clinique/Lieu de santé », sous la rubrique « affectation », ont été cochées dans le formulaire par la requérante. Selon les plans versés au dossier, les vides d'étages étaient de 2.13 m et 2.25 m en fonction des pièces. La demande a été signée par le « cabinet E______ » et G______ SA, mais pas par A______.

b. La direction des autorisations de construire (ci-après : DAC) a reformulé d’office la description du projet dans le formulaire de requête, « travaux réalisés en 2011 pour un cabinet de psychiatres et de psychologues », en « régularisation, aménagement d’un cabinet de psychiatres et psychologues au 1er étage ».

c. Lors de l’instruction de la demande, enregistrée sous la référence APA 2______, divers préavis ont été sollicités auprès de certaines instances spécialisées, en particulier ceux exposés infra.

d. La DAC a requis l'apport de pièces complémentaires et la modification du projet. La requérante devait fournir la signature du propriétaire ou, à défaut, une procuration ou un mandat de gérance de l’immeuble. En outre, l'établissement devait comporter des installations sanitaires pour personnes à mobilité réduite ; les vides d'étages existants et projetés n'étaient pas conformes à la loi.

e. Le service du médecin cantonal a préavisé favorablement le projet, sous conditions.

f. La Fondation pour les Terrains Industriels de Genève (ci-après : FTI) a requis l'apport de pièces complémentaires. La requérante devait fournir la signature du propriétaire ou, à défaut, une procuration ou un mandat de gérance de l’immeuble. Une dérogation pour activité non conforme à la zone était nécessaire et une demande en ce sens, permettant de justifier la présence d’un cabinet de psychiatres et psychologues en zone industrielle, devait lui être adressée.

g. L’office de l'urbanisme (ci-après : OU) a rendu un préavis défavorable. Le maître d’ouvrage n’avait pas déposé de demande en autorisation de construire depuis son implantation en 2011 dans la zone industrielle et artisanale de C______, alors que son cabinet ne pouvait pas être considéré comme un service à la zone. La nature d’un cabinet médical était incompatible avec la zone.

h. Le 27 mars 2023, l'OAC a imparti un délai à F______ pour modifier son projet, se déterminer sur le préavis défavorable de l'OU et fournir les documents complémentaires demandés par la DAC et la FTI, soit la signature du propriétaire (ou une procuration de gérance du bâtiment) et une demande de dérogation pour activité non conforme à la zone.

i. Plusieurs prolongations de délai ont été accordées à la requérante afin qu’elle donne suite aux demandes de compléments, modifie son projet et se détermine sur le préavis défavorable de l’OU.

j. Le 21 juillet 2023, la requérante a informé le DT qu'elle préférait abandonner le projet, au vu des compléments requis, qu’elle ne parvenait pas à rassembler, et renonçait aux travaux envisagés. Elle sollicitait qu’un terme soit mis à l’étude du dossier.

C. a. En parallèle, le DT a ouvert un dossier d’infraction sous la référence I-3______.

b. Le 20 février 2023, il a informé A______ et F______ qu’un ou plusieurs éléments auraient été réalisés sur la parcelle sans autorisation, notamment le changement d’affectation et l’exécution de travaux d’aménagement d’un cabinet de psychiatres et de psychologues. Un délai leur était imparti pour transmettre leurs explications.

c. A______ a répondu ne pas avoir exécuté de travaux ni déposé de demande de changement d’affectation des surfaces en cause. F______ occupait ces locaux et était titulaire du bail depuis le 1er octobre 2013 (sic).

d. F______ a indiqué que le cabinet du Dr E______ occupait les locaux depuis le 1er septembre 2011.

e. Par décision du 16 octobre 2023, le DT a refusé de délivrer l’autorisation de construire APA 2______.

La DAC et la FTI avaient exigé du propriétaire ou de son représentant qu’il signe la demande d’autorisation, ce qui n’avait pas été fait malgré les différentes prolongations de délai accordées. F______ avait précisé qu’elle n’arriverait pas à fournir les documents demandés. Pour ce motif déjà, l’APA 2______ ne pouvait pas être délivrée. En outre, comme l'avait relevé l'OU, le projet était incompatible avec l'affectation de la zone.

f. Par décision du 3 novembre 2023, dans le cadre du dossier d’infraction I-3______, le DT a interdit à F______ d’exploiter les locaux concernés avec effet immédiat, jusqu’au rétablissement d’une situation conforme au droit. Il lui a aussi infligé une amende de CHF 1'000.-.

F______ a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci‑après : TAPI), contre cette décision, ce qui a donné lieu à l'ouverture de la procédure A/4176/2023. Le TAPI a rejeté le recours par jugement du 6 mars 2025, lequel a été contesté devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci‑après : la chambre administrative) par A______.

g. Le 3 novembre 2023 également, le DT a ordonné à A______ de rétablir une situation conforme au droit, d’ici au 31 janvier 2024, en procédant à la remise en état des locaux concernés par la DD 1______/1.

D. a. A______ a interjeté recours contre la décision du 3 novembre 2023 la concernant auprès du TAPI, concluant à son annulation.

b. Après un double échange d'écritures, le TAPI a rejeté le recours par jugement du 6 mars 2025.

E. a. Par acte déposé au greffe le 3 avril 2025, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative contre ce jugement, concluant à son annulation ainsi qu'à l'annulation de la décision du DT du 3 novembre 2023. Préalablement, elle a sollicité la jonction de la procédure à la cause A/4176/2023. Subsidiairement, elle a conclu à la confirmation du jugement du TAPI et à ce qu'il soit constaté que les décisions rendues le 3 novembre 2023 par le DT n'étaient pas fondées sur le motif de changement d'affectation illicite des locaux.

Les locaux en cause n'avaient pas fait l'objet d'un changement d'affectation et étaient conformes à l'affectation de leur zone. L'affectation d'origine était protégée par la garantie des droits acquis. Le fait d'avoir retenu un changement d'affectation illicite des locaux violait en outre le principe de la proportionnalité.

b. Le DT a conclu au rejet du recours et s'est opposé à la jonction des causes.

c. Dans sa réplique, la recourante a relevé que les décisions rendues par le DT, confirmées par le TAPI, portaient sur le même objet et étaient fondées sur le même état de fait, à savoir l'exécution de travaux sans autorisation de construire et un prétendu changement d'affectation illicite. Pour le surplus, elle a persisté dans ses explications et ses conclusions.

d. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

e. Dans le cadre de la procédure A/4176/2023, F______ a indiqué avoir quitté les locaux le 31 mai 2025, cette libération faisant suite à la réaction d'A______ qui avait résilié le contrat de bail par avis du 15 mai 2024 (recte : 2025). Il avait libéré les locaux dès qu'un bien de remplacement avait pu être trouvé.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10), sous réserve de ce qui suit.

1.1 L'objet du litige est principalement défini par l'objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5). L'objet d'une procédure administrative ne peut pas s'étendre ou qualitativement se modifier au fil des instances, mais peut tout au plus se réduire dans la mesure où certains éléments de la décision attaquée ne sont plus contestés. Ainsi, si un recourant est libre de contester tout ou partie de la décision attaquée, il ne peut pas prendre, dans son mémoire de recours, des conclusions qui sortent du cadre des questions traitées dans la procédure antérieure (ATA/748/2025 du 8 juillet 2025 consid. 2.1 ; ATA/1301/2020 du 15 décembre 2020 consid. 2b).

1.2 Selon un principe général de procédure, des conclusions constatatoires ne sont recevables que lorsque des conclusions condamnatoires ou formatrices sont exclues (ATF 141 II 113 consid. 1.7 ; 135 I 119 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_621/2024 du 30 avril 2025 consid. 1.5).

1.3 En l'espèce, la recourante conclut à l'annulation du jugement du TAPI, à l'annulation de la décision du DT du 3 novembre 2023 ainsi que, subsidiairement, au constat que les décisions rendues le 3 novembre 2023 par le DT ne sont pas fondées sur le changement d'affectation illicite des locaux.

La dernière de ces conclusions sera déclarée irrecevable pour deux raisons. D'une part, la recourante ne l'a pas prise devant le TAPI, si bien qu'il s'agit d'une conclusion nouvelle, qui ne réduit par ailleurs pas l’objet du litige. D'autre part, il s'agit également d'une conclusion constatatoire qui ne peut pas être recevable, dans la mesure où la recourante requiert simultanément l'annulation de la décision du DT et du jugement du TAPI, ce qui constitue des conclusions formatrices.

2.             Le litige porte sur la conformité au droit de la décision du DT par laquelle celui-ci a ordonné à la recourante de rétablir une situation conforme au droit en procédant à la remise en état des locaux.

3.             La recourante sollicite la jonction de la procédure à la cause A/4176/2023.

3.1 L'art. 70 LPA prévoit que l’autorité peut, d’office ou sur requête, joindre en une même procédure des affaires qui se rapportent à une situation identique ou à une cause juridique commune (al. 1). La jonction n’est toutefois pas ordonnée si la première procédure est en état d’être jugée alors que la ou les autres viennent d’être introduites (al. 2).

3.2 L'art. 70 LPA est de nature potestative et n'oblige pas le juge à joindre des causes quand bien même celles-ci seraient connexes (ATA/1332/2024 du 12 novembre 2024 consid. 4.3). La décision de joindre des causes en droit administratif procède de l'exercice du pouvoir d'appréciation du juge, qui est large en la matière (arrêts du Tribunal fédéral 2C_850/2014 et 2C_854/2014 du 10 juin 2016 consid. 11.1). La jonction peut répondre à un souci d'économie de procédure et correspondre à l'intérêt de toutes les parties (ATF 122 II 368 consid. 1a).

3.3 Selon la jurisprudence de la chambre administrative, il n’y a pas lieu de procéder à une jonction des causes lorsque des procédures portent sur des décisions rendues par la même autorité et prises en vertu des dispositions de la même loi visent un complexe de faits différent ou ne concernent pas les mêmes parties (ATA/107/2025 du 28 janvier 2025 consid. 2.2 ; ATA/1113/2024 du 24 septembre 2024 consid. 3.2).

3.4 En l'espèce, il n'est pas contesté que les décisions ayant mené à l'ouverture de la présente procédure et de celle enregistrée sous le numéro A/4176/2023 reposent sur un même complexe de faits. Toutefois, la première de ces procédures ne concerne pas F______, qui n'est partie que dans la cause A/4176/2023, désormais en tant qu'intimée. Dès lors, dans la mesure où les deux causes ne concernent pas les mêmes parties, leur jonction ne sera pas ordonnée.

4.             La recourante conteste que les locaux en cause aient fait l'objet d'un changement d'affectation et qu'ils ne soient pas conformes à l'affectation de la zone. Elle se prévaut également de la garantie des droits acquis et se plaint d'une violation du principe de la proportionnalité.

4.1 Selon l'art. 22 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700), aucune construction ou installation ne peut être créée ou transformée sans autorisation de l'autorité compétente (al. 1). L'autorisation est délivrée si la construction ou l'installation est conforme à l'affectation de la zone (al. 2 let. a) et si le terrain est équipé (al. 2 let. b). Le droit fédéral et le droit cantonal peuvent poser d'autres conditions (al. 3). Le droit cantonal règle les exceptions prévues à l'intérieur de la zone à bâtir (art. 23 LAT).

4.1.1 L'art. 1 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) prévoit que sur tout le territoire du canton de Genève, nul ne peut, sans y avoir été autorisé, modifier même partiellement le volume, l’architecture, la couleur, l’implantation, la distribution ou la destination d’une construction ou d’une installation (al. 1 let. b). Les travaux projetés à l’intérieur d’une villa isolée ou en ordre contigu ne sont pas soumis à autorisation de construire, pour autant qu’ils ne modifient pas la surface habitable du bâtiment. Demeurent réservées les dispositions relatives à la protection du patrimoine (al. 2). En zone à bâtir, l’édification de constructions de très peu d’importance telles que définies par l’al. 5 n’est pas soumise à autorisation de construire. Demeurent réservées les dispositions relatives à la protection du patrimoine (al. 3).

En principe, tout changement d'affectation doit être autorisé avant d'être effectué (art. 1 al. 1 let. b LCI ; ATA/788/2023 du 18 juillet 2023 consid. 3.5, confirmé par l'arrêt du Tribunal fédéral 1C_483/2023 du 13 août 2024).

4.1.2 Le terme « transformation » de l'art. 22 al. 1 LAT vise également le changement d'affectation, soit la modification du but de l'utilisation, même lorsqu'il ne nécessite pas de travaux de construction (ATF 139 II 134, 140 consid. 5.2 ; 119 Ib 222, 227 consid. 3a ; Alexander RUCH in Heinz AEMISEGGER/Pierre MOOR/Alexander RUCH/Pierre TSCHANNEN [éd.], Commentaire de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire (VLP-ASPAN), 2009, p. 19 n. 34 ad art. 22 LAT). Selon la jurisprudence, un changement d'affectation, même lorsqu'il ne nécessite pas de travaux de construction, reste en principe soumis à l'octroi d'un permis de construire. En l'absence de travaux, la modification du but de l'utilisation peut cependant être dispensée d'autorisation de construire si la nouvelle affectation est conforme à celle de la zone en question ou si son incidence sur l'environnement et la planification est manifestement mineure (ATF 113 Ib 219 consid. 4d ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_2/2021 du 3 décembre 2021 consid. 3.1). Si les effets engendrés par la nouvelle utilisation se révèlent plus importants que précédemment, une autorisation de construire est en revanche requise ; il en va en particulier ainsi en cas d'augmentation significative des immissions (arrêts du Tribunal fédéral 1C_105/2023 du 13 novembre 2023 consid. 2.2 ; 1C_638/2020 du 17 juin 2021 consid. 3.1; 1C_2/2021 précité consid. 3.1).

4.1.3 La conformité à l'affectation de la zone implique que la fonction de la construction ou de l'installation concorde avec celle de la zone. Il ne suffit pas qu'elle ne soit pas contraire à la destination de la zone. L'utilisation de la construction ou de l'installation est pertinente pour juger de la conformité à l'affectation de la zone, en particulier si elle est connue au moment de l'octroi de l'autorisation (ATA/662/2020 du 7 juillet 2020 consid. 6b et les références citées).

4.2 Toutes les demandes d’autorisation doivent être datées et signées par le propriétaire de l’immeuble intéressé, ainsi que par le requérant ou l'éventuel mandataire professionnellement qualifié (art. 11 al. 4 du règlement d’application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 - RCI - L 5 05.01). Une requête déposée en vue de la délivrance d'une autorisation de construire doit avoir l'assentiment préalable et sans équivoque, du propriétaire de la parcelle concernée. Il ne s'agit pas d'une simple prescription de forme, car elle permet de s'assurer que les travaux prévus ne sont pas d'emblée exclus et que le propriétaire qui n'entend pas réaliser lui‑même l'ouvrage y donne à tout le moins son assentiment de principe (arrêt du Tribunal fédéral 1C_7/2009 du 20 août 2009 consid. 5.2). Ainsi, la signature du propriétaire du fonds a également comme but d'obtenir l'assurance que celui qui a la maîtrise juridique du fonds consent aux travaux et à tous les effets de droit public qui en découlent (arrêts du Tribunal fédéral 1C_576/2024 du 17 février 2025 consid. 3.3.2 ; 1C_7/2009 du 20 août 2009 consid. 5.2 ; ATA/988/2024 du 20 août 2024 consid. 4.2, confirmé par l'arrêt du Tribunal fédéral 1C_576/2024 précité).

4.3 Les constructions édifiées dans la zone industrielle, artisanale ou ferroviaire au sens de l’art. 19 al. 4 et 5 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30) sont soumises aux dispositions applicables à la 2e zone, sous réserve, en zone ferroviaire, des exceptions prévues par l’art. 19 al. 5 LaLAT (art. 80 al. 1 LCI).

En vertu de l’art. 14 LAT, les plans d’affectation règlent le mode d’utilisation du sol. Ils définissent en premier lieu les zones à bâtir, les zones agricoles et les zones à protéger.

À Genève, l’art. 12 LaLAT précise que pour déterminer l’affectation du sol sur l’ensemble du territoire cantonal, celui-ci est réparti en zones (al. 1), lesquelles sont de trois types (al. 2), à savoir les zones ordinaires (let. a ; cf. art. 18 à 27), les zones de développement (let. b ; cf. art. 30 à 30B) et les zones protégées (let. c ; cf. art. 28).

L’art. 19 LaLAT détaille les zones à bâtir. Son al. 4 prévoit que les zones industrielles et artisanales sont destinées aux constructions industrielles, artisanales et ferroviaires. Ainsi, selon la systématique suivie par le législateur genevois, les zones industrielles font partie des zones à bâtir, qui sont elles-mêmes englobées dans les zones ordinaires au sens des art. 12 et 18 LaLAT. À teneur de l’art. 30 LaLAT, les zones de développement sont régies, selon leur affectation, par la loi générale sur les zones de développement du 29 juin 1957 (LGZD - L 1 35) et par la loi générale sur les zones de développement industriel ou d’activités mixtes du 13 décembre 1984 (LZIAM - L 1 45). La LaLAT distingue ainsi les zones industrielles et artisanales « ordinaires » (art. 19 al. 4 LaLAT) et les zones de développement industriel et artisanal (art. 30 LaLAT et LZIAM ; ATA/882/2024 du 23 juillet 2024 consid. 4.2).

4.4 L'art. 49 LCI, applicable aux quatre premières zones de construction, prévoit que les vides d’étages (soit hauteur entre planchers et plafonds) ne peuvent être inférieurs à 3 m pour les rez-de-chaussée et 2.60 m pour tous les autres étages, sauf en 4e zone rurale où ils peuvent être ramenés à 2.50 m.

4.5 Selon son art. 1, la LZIAM a notamment pour but de fixer les conditions applicables à l’aménagement et l’occupation rationnelle des zones de développement industriel, dévolues aux activités industrielles et artisanales (ci‑après : activités du secteur secondaire).

Le règlement sur les zones industrielles et d’activités mixtes du 24 mai 2023 (RZIAM - L 1 45.05), entré en vigueur le 31 mai 2023 a abrogé le règlement sur les activités admissibles en zone industrielle ou de développement industriel, respectivement en zone de développement d’activités mixtes du 21 août 2013 (RAZIDI - L 1 45.05) entré en vigueur le 28 août 2013 (art. 31 RZIAM). Il a notamment pour but de définir les activités admissibles conformes à l’affectation de ces zones et celles qui peuvent être autorisées à titre dérogatoire (art. 1). Il s'applique notamment aux zones industrielles et artisanales, au sens de l’art. 19 al. 4 LaLAT (art. 2 al. 1 let. a).

En son titre II, « Zones industrielles », chapitre I, « Activités admises dans les zones industrielles », le RZIAM liste les types d’activités conformes dans les zones industrielles. Il s’agit de l’artisanat (art. 3 RZIAM), de l’industrie (art. 4 RZIAM), des activités numériques (art. 5 RZIAM), de l’entreposage et logistique (art. 6 RZIAM), des centres de formation (art. 7 RZIAM) et des logements de service (art. 8 RZIAM).

4.6 Les entreprises des secteurs primaire et tertiaire ne sont pas admises dans les zones industrielles. Demeurent réservées les autorisations dérogatoires en vertu du chapitre II du titre II (art. 9 al. 1 et 2 RZIAM). L’art. 13 RZIAM prévoit qu'à titre dérogatoire, des autorisations peuvent être délivrées à une entreprise déterminée pour des activités non prévues au chapitre I du titre II (al. 1). Les autorisations délivrées à titre dérogatoire peuvent être assorties de conditions et charges destinées à garantir leur mise en œuvre (al. 2). Nul n’a droit à l’octroi d’une autorisation dérogatoire (al. 3).

Selon l'art. 14 RZIAM, sont considérées comme services à la zone les activités du secteur tertiaire répondant aux besoins des utilisatrices et utilisateurs d’une zone industrielle (al. 1). Il s’agit notamment des cafés-restaurants et tea-rooms, des épiceries, des agences de distribution de tabacs et journaux, des guichets bancaires, des offices postaux, des salles de sport ou encore des structures d’accueil de la petite enfance (al. 2).

4.7 Selon la jurisprudence et la doctrine, en droit de la construction, la loi applicable est celle en vigueur au moment où statue la dernière instance saisie du litige. Si l’affaire est traitée par plusieurs autorités, sont déterminantes en principe les prescriptions en force lorsque la dernière juridiction statue. La jurisprudence admet ainsi d’une façon générale qu’une demande d’autorisation de bâtir déposée sous l’empire du droit ancien est examinée en fonction des dispositions en vigueur au moment où l’autorité statue sur cette demande, même si aucune disposition légale ou réglementaire ne le prévoit ; les particuliers doivent en effet toujours s’attendre à un changement de réglementation (ATF 101 Ib 299). En statuant sur une demande d’autorisation suivant des prescriptions devenues obligatoires après son dépôt, le juge ne tombe pas dans l’arbitraire, ni ne viole une disposition impérative ou la garantie de la propriété (ATF 107 1b 138 ; ATA/882/2024 du 23 juillet 2024 consid. 4.4.2 ; ATA/930/2018 du 11 septembre 2018 consid. 5e et les arrêts cités ; Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. I, Les fondements, 2012, p. 194-195).

4.8 Dans le système de la LCI, les demandes d’autorisation sont soumises, à titre consultatif, au préavis des communes, des départements et des organismes intéressés. L’autorité de décision n’est pas liée par ces préavis (art. 3 al. 3 LCI). Ainsi, les avis ou préavis ne lient pas les autorités et n’ont qu’un caractère consultatif, sauf dispositions contraires et expresses de la loi ; l’autorité reste libre de s’en écarter pour des motifs pertinents et en raison d’un intérêt public supérieur. Toutefois, lorsqu'un préavis est obligatoire, il convient de ne pas le minimiser. Selon une jurisprudence constante, chaque fois que l'autorité administrative suit les préavis des instances consultatives, l'autorité de recours observe une certaine retenue, en fonction de son aptitude à trancher le litige, l'autorité technique consultative étant composée de spécialistes capables d'émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/788/2025 du 22 juillet 2025 consid. 8.5 ; ATA/621/2025 du 3 juin 2025 consid. 7.8 ; ATA/507/2025 du 6 mai 2025 consid. 3.3 ; ATA/739/2024 du 18 juin 2024 consid. 6.5 et l'arrêt cité).

4.9 Lorsque l’état d’une construction, d’une installation ou d’une autre chose n’est pas conforme aux prescriptions de la LCI, des règlements qu’elle prévoit ou des autorisations délivrées en application de ces dispositions légales ou réglementaires, le département peut notamment en ordonner la remise en état, la réparation, la modification, la suppression ou la démolition (art. 129 let. e et 130 LCI). Les propriétaires ou leurs mandataires, les entrepreneurs et les usagers sont tenus de se conformer aux mesures ordonnées par le DT en application des art. 129 et 130 LCI (art. 131 LCI). Le département notifie aux intéressés, par lettre recommandée, les mesures qu'il ordonne. Il fixe un délai pour leur exécution, à moins qu'il n'invoque l'urgence (art. 132 al. 1 LCI).

4.9.1 De façon générale, la restriction de propriété liée à un ordre de remise en état n'est admissible que si elle repose sur une base légale, si elle est d'intérêt public et si elle est proportionnée (art. 36 Cst. ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_653/2023 du 13 mai 2025 consid. 7.1).

De jurisprudence constante, pour être valable, un ordre de mise en conformité doit respecter les cinq conditions cumulatives suivantes :

-         l'ordre doit être dirigé contre le perturbateur ;

-         les installations en cause ne doivent pas avoir été autorisées en vertu du droit en vigueur au moment de leur réalisation ;

-         un délai de plus de trente ans ne doit pas s'être écoulé depuis l'exécution des travaux litigieux, sauf en zone agricole, où la prescription ne court pas (ATF 147 II 309 consid. 4 et 5) ;

-         l'autorité ne doit pas avoir créé chez l'administré concerné, que ce soit par des promesses, par des infractions, des assurances ou encore un comportement des conditions telles qu'elle serait liée par la bonne foi ;

-         l'intérêt public au rétablissement d'une situation conforme au droit doit l'emporter sur l'intérêt privé de l'intéressé au maintien des installations litigieuses (ATA/540/2023 du 23 mai 2023 consid. 3.2.1 ; ATA/1134/2022 du 8 novembre 2022 consid. 11b).

 

4.9.2 Les mesures nécessaires à éliminer une situation contraire au droit doivent être dirigées contre le perturbateur (ATA/432/2022 du 26 avril 2022 consid. 2c ; ATA/1304/2020 du 15 décembre 2020 consid. 8c), à savoir celui qui a occasionné un dommage ou un danger par lui-même ou par le comportement d'un tiers relevant de sa responsabilité (perturbateur par comportement), mais aussi celui qui exerce sur l'objet qui a provoqué une telle situation un pouvoir de fait ou de droit (perturbateur par situation ; ATF 122 II 65 consid. 6a et les références cités). Le perturbateur par situation correspond avant tout au propriétaire, mais il peut également s'agir du locataire, le critère déterminant étant le pouvoir de disposition, qui permet à celui qui le détient de maintenir la chose dans un état conforme à la réglementation en vigueur (ATF 114 Ib 44 consid. 2c/aa ; ATA/119/2025 du 28 janvier 2025 consid. 2.3).

4.9.3 Selon le Tribunal fédéral, l'art. 129 let. e LCI reconnaît une certaine marge d'appréciation à l'autorité dans le choix de la mesure adéquate pour rétablir une situation conforme au droit, dont elle doit faire usage dans le respect des principes de la proportionnalité, de l'égalité de traitement et de la bonne foi, et en tenant compte des divers intérêts publics et privés en présence. C'est ainsi qu'il peut être renoncé à une remise en état des lieux, lorsque la violation est de peu d'importance, lorsque cette mesure n'est pas compatible avec l'intérêt public ou encore lorsque le propriétaire a pu croire de bonne foi qu'il était autorisé à édifier ou à modifier l'ouvrage et que le maintien d'une situation illégale ne se heurte pas à des intérêts publics prépondérants (arrêt du Tribunal fédéral 1C_391/2007 du 18 février 2008 consid. 3 et la référence citée). Il en va de même s'il y a des chances sérieuses de faire reconnaître la construction comme conforme au droit qui aurait changé dans l'intervalle, et même un constructeur qui n'est pas de bonne foi peut invoquer le principe de la proportionnalité. Toutefois, celui qui place l'autorité devant un fait accompli doit s'attendre à ce que celle-ci se préoccupe plus de rétablir une situation conforme au droit que d'éviter les inconvénients qui en découlent pour lui (arrêt du Tribunal fédéral 1C_114/2011 du 8 juin 2011 consid. 4.1 et les arrêts cités ; ATA/540/2023 du 23 mai 2023 consid. 3.2.2 ; ATA/1399/2019 du 17 septembre 2019 consid. 3c).

4.10 Les mesures administratives ont pour objet d'imposer des obligations ou de refuser - ou de retirer - des droits à des administrés afin d'obliger ceux-ci à se conformer à des obligations générales ou particulières qui leur incombent en vertu de la loi ou de décisions. Elles se distinguent des mesures d'exécution forcée. De plus, si elles peuvent avoir un effet sanctionnateur, le but des mesures administratives est d'assurer le respect de la loi et de l'intérêt public poursuivi par celle-ci. Leur prononcé n'exige donc pas une faute de l'administré. Ces mesures peuvent consister en une injonction de cesser une activité violant le droit ou de rétablir une situation qui y soit conforme (ATA/540/2023 du 23 mai 2023 consid. 3.2.2 ; ATA/1399/2019 du 17 septembre 2019 consid. 3d et les références citées).

4.11 Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 5 al. 2 Cst., exige qu’une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et qu’ils ne puissent pas être atteints par une mesure moins incisive. En outre, ce principe interdit toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 145 I 297 consid. 2.4.3.1 et les références citées). Traditionnellement, le principe de la proportionnalité se compose des règles d'aptitude – qui exigent que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P. 269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/278/2025 du 18 mars 2025 consid. 5.6.3).

4.12 Sous le terme de droit acquis est désigné un ensemble assez hétérogène de droits des administrés envers l’État dont la caractéristique commune est qu’ils bénéficient d’une garantie particulière de stabilité. Des droits acquis peuvent être conférés par la loi lorsque celle-ci les qualifie comme tels ou lorsqu’elle garantit leur pérennité, soit si le législateur a promis dans la loi que celle-ci ne serait pas modifiée ou serait maintenue telle quelle pendant un certain temps (ATA/48/2024 du 16 janvier 2024 consid. 4.13 et l’arrêt cité).

4.12.1 Un droit acquis peut être créé dans les mêmes conditions que par la loi par une décision individuelle. En tant que telle, la répétition de décisions successives de contenu identique ne crée pas de droit acquis. La catégorie la plus importante de droits acquis est constituée de ceux qui sont créés par un contrat entre l’État et les administrés. La stabilité particulière du droit est ici fondée sur le principe pacta sunt servanda (principe de la confiance ; ATA/465/2025 du 29 avril 2025 consid. 6.1 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd., 2018, p. 266 s.).

4.12.2 Les constructions et exploitations existantes, au bénéfice d’une autorisation valablement délivrée et en force, peuvent être maintenues au titre des droits acquis même si elles ne sont plus conformes au RZIAM (art. 33 RZIAM).

5.             En l'espèce, l'ordre de remise en état des locaux contesté est fondé sur le fait que les travaux qui ont fait l'objet de la demande en autorisation de construire, déposée en 2022 et refusée le 16 octobre 2023, ont été exécutés sans autorisation.

5.1 Il ressort du dossier que des travaux ont effectivement été exécutés au premier étage de l'immeuble concerné en 2011, sans qu'une autorisation de construire ait été délivrée ni qu'une demande en ce sens ait été déposée. F______ l'a expressément admis lors du dépôt de sa requête en autorisation de construire le 25 août 2022. Il en va de même de la recourante qui, dans son mémoire de recours, a indiqué que « la société locataire a réalisé des travaux visant l'aménagement de son cabinet ».

Les travaux en question, qui ressortent également des plans joints à la requête en autorisation de construire, n'ont pas été exécutés à l’intérieur d’une villa isolée ou en ordre contigu (art. 1 al. 2 LCI) ni ne portent sur des constructions de très peu d’importance au sens de l'art. 1 al. 4 et 5 LCI. Ils étaient donc soumis à autorisation de construire (art. 1 al. 1 LCI). Aucune demande n'a toutefois été déposée et la demande de régularisation a été refusée à juste titre. En effet, la requête n'a pas été signée par le propriétaire, à savoir la recourante, et a de surcroît été retirée par la requérante. Dès lors, en l'absence d'autorisation de construire au sens de l'art. 1 LCI, les travaux ne sont pas conformes aux prescriptions de la LCI. Pour ce motif déjà, l'ordre de remise en état est fondé dans son principe (art. 129 let. e et 130 LCI).

5.2 Il apparaît également que, contrairement à ce qu'elle prétend, la requérante a procédé à un changement d'affectation, qui lui aussi était soumis à autorisation (art. 1 al. 1 let. b LCI), même dans l'hypothèse où il n'y aurait pas eu de travaux. En 2011, les locaux ont été transformés en cabinet médical (activité du secteur tertiaire), ce qu'ils n'étaient pas jusque-là. Il ressort en effet du dossier qu'ils étaient destinés, depuis le 23 décembre 1975 (date de délivrance de la DD 1______) et jusqu'en 2011, à des activités administratives (secteur tertiaire également), sans que d'autres précisions soient données, et non pas à des activités médicales. Partant, le but de l'utilisation des locaux a subi une modification, même si l'activité de la requérante est restée dans le secteur tertiaire.

À supposer encore que les travaux n'étaient pas soumis à autorisation, le changement d'affectation ne pourrait être soustrait à l'exigence de l'autorisation de construire que si la nouvelle affectation est conforme à celle de la zone en question ou si son incidence sur l'environnement et la planification est manifestement mineure. Or, tel n'est pas le cas. Comme l'a relevé le TAPI à titre liminaire, la parcelle concernée est située dans la ZIA C______, une zone industrielle et artisanale « ordinaire ». Elle est par conséquent soumise au RZIAM (art. 1 al. 1 let. a RZIAM), entré en vigueur le 31 mai 2023 et qui a remplacé l’ancien RAZIDI (art. 31 RZIAM), étant précisé que le RZIAM est applicable puisqu'il était déjà en vigueur au moment où le DT a prononcé l'ordre de remise en état. La parcelle n'est en revanche pas soumise à la LZIAM, qui traite des zones de développement industriel ou d’activités mixtes.

L’activité de la requérante consiste en l'exploitation d'un cabinet médical (psychiatrie) et relève donc du secteur tertiaire. Dès lors, elle ne correspond non seulement à aucune des activités décrites aux art. 3 à 8 RZIAM mais n'est pas non plus admise dans les zones industrielles telles que la ZIA C______ où elles se situe, conformément à l'art. 9 RZIAM. Partant, la nouvelle affectation n'est pas conforme à celle de la zone en question. Par ailleurs, si l'incidence de l'activité de la requérante sur l'environnement semble mineure, son incidence sur la planification spatiale ne l'est pas. Son activité s'écarte de façon significative de celles qui peuvent être autorisées à titre exceptionnel en zone industrielle et artisanale, soit les activités du secteur tertiaire répondant aux besoins des utilisatrices et utilisateurs d’une zone industrielle (services à la zone ; art. 14 al. 1 et 2 RZIAM) et les activités culturelles ou festives (art. 16 et 17 RZIAM).

Par conséquent, dans la mesure où le changement d'affectation auquel la requérante a procédé était soumis à une autorisation qui n'a pas été délivrée, l'ordre de remise en état est fondé dans son principe (art. 129 let. e et 130 LCI) pour ce motif également.

5.3 Reste à déterminer si les conditions posées par la jurisprudence pour un ordre de remise en état sont réunies.

L'ordre de remise en état est fondé sur les art. 129 let. e et 130 LCI, qui sont des bases légales formelles, si bien que l'exigence de la base légale est remplie. La mesure est dirigée contre la recourante, qui est la propriétaire des locaux concernés. Elle est donc perturbatrice par situation, si bien que c'est conformément au droit que l'ordre de remise en état a été dirigé contre elle.

Aucune demande d'autorisation de construire n'ayant été délivrée pour les travaux litigieux, ceux-ci n'ont nécessairement pas été autorisés en vertu du droit en vigueur au moment de leur exécution. Rien ne permet d'affirmer que le DT aurait créé chez la recourante, que ce soit par des promesses, des assurances ou encore un comportement, des conditions telles qu’il serait lié par la bonne foi. L'intéressée ne le prétend d'ailleurs pas.

Les travaux ayant été exécutés en 2011, la prescription trentenaire n'est pas acquise.

La mesure querellée poursuit des intérêts publics, soit le respect de la loi, aucune demande d'autorisation de construire n'ayant été délivrée pour les travaux exécutés, en violation de l'art. 1 al. 1 LCI, et les locaux concernés n'étant pas conformes à l'affectation de la zone. Il y a également lieu de prendre en compte le principe du respect de l'égalité de traitement vis-à-vis des autres administrés ainsi que la garantie de la salubrité des locaux, la DAC ayant relevé que les vides d’étage existants et projetés ne respectaient pas l’art. 49 LCI, ce qui ressort des plans, les vides d'étages étant de 2.13 m et 2.25 m selon les pièces des locaux.

La mesure prononcée à l'encontre de la recourante, qui conduira à un retour à l'état initial des locaux, est apte à atteindre le but visé, soit assurer le respect de la législation, en particulier la conformité des locaux à la zone concernée, et garantir la salubrité des locaux.

Il n'existe manifestement pas de mesures moins incisives que celles ordonnées par le DT. La recourante ne le prétend d'ailleurs pas.

Dans la pesée des intérêts, il y a lieu de prendre en compte le fait que de nombreuses prescriptions légales n'ont pas été respectées, que les travaux posent problème d'un point de vue de la salubrité des locaux et que le DT a été mis devant le fait accompli. Ces éléments justifient l'atteinte aux intérêts privés de la recourante, ce d'autant qu'il ressort de la procédure A/4176/2023 que F______ a quitté les locaux à la suite de la résiliation du contrat de bail par la recourante et que l'ordre de remise en état n'empêche pas celle-ci de relouer les locaux à un tiers.

Les considérations sur lesquelles le DT s'est fondé pour prononcer l'ordre de remise en état ne manquent dès lors pas de pertinence ni ne sont étrangères au but visé par la loi. Il n'a donc pas abusé de son pouvoir d'appréciation en prononçant la mesure attaquée.

L'ordre de remise en état est donc conforme au droit.

5.4 La recourante estime finalement qu'elle devrait bénéficier de la garantie des droits acquis.

Or, les locaux n'étant pas conformes au RZIAM, ils ne peuvent être maintenus en l'état que si leur aménagement a été mis au bénéfice d’une autorisation valablement délivrée et en force. Or, tel n'est pas le cas. La recourante ne peut donc pas se prévaloir de l'art. 33 RZIAM.

Les griefs seront donc écartés.

Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours.

6.             Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 3 avril 2025 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 6 mars 2025 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge d'A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Mes Julien PACOT et Vadim HARYCH, avocats de la recourante, au département du territoire - OAC ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Patrick CHENAUX, président, Jean-Marc VERNIORY, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

le président siégeant :

 

 

P. CHENAUX

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :