Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/901/2025 du 19.08.2025 sur JTAPI/957/2024 ( ICCIFD ) , REJETE
En droit
| RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| 
 | POUVOIR JUDICIAIRE A/670/2024-ICCIFD ATA/901/2025 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 19 août 2025 4ème section | 
 | ||
dans la cause
A______ Sàrl recourante
 représentée par Me Andrea VON FLÜE, avocat
contre
ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE
 
 ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS intimées
 
_________
Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 23 septembre 2024 (JTAPI/957/2024)
A. a. A______ Sàrl est inscrite au registre du commerce depuis le ______ 2014. Elle a pour but l’acquisition, l’exploitation, la gestion et la gérance d’établissements publics.
B. a. Les comptes de pertes et profits 2016 à 2019 de la société font état, notamment, des éléments suivants pour l'impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) et l'impôt fédéral direct (ci-après : IFD) :
| Année fiscale | 2016 | 2017 | 2018 | 2019 | 
| Chiffre d’affaires brut | 329'506.- | 386'552.- | 647'792.- | 673'256.- | 
| Repas du personnel | - | - | 7'230.- | 7'431.- | 
| Parts privées gérants nourriture | - | - | - | 12'960.- | 
b. Les déclarations fiscales 2016 à 2019 de la société font, quant à elles, état des éléments imposables suivants :
| Année fiscale | 2016 | 2017 | 2018 | 2019 | 
| Bénéfice net | 1'976.- | (14'906.-) | 5'240.- | 60'371.- | 
| Pertes reportées | (40'135.-) | (38'159.-) | (53'065.-) | (47'825.-) | 
| Bénéfice net imposable | (38'159.-) | (53'065.-) | (47'825.-) | 12'546.- | 
c. Ces déclarations ont donné lieu aux taxations suivantes :
| Année fiscale | 2016 | 2017 | 2018 | 2019 | 
| Bénéfice net imposable | (38'159.-) | (53'065.-) | (49'030.-) | 11'341.- | 
| ICC | 0.- | 0.- | 0.- | 2'613.- | 
| IFD | 0.- | 0.- | 0.- | 961.- | 
d. Le 14 juin 2023, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a avisé la société de l’ouverture d’une procédure en rappel d’impôt et soustraction fiscale portant sur les années 2016 à 2018. La division principale de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après : la division TVA) de l’administration fédérale des contributions (ci-après : AFC-CH) lui avait communiqué des produits non comptabilisés, soit des tickets de caisse ainsi qu’un droit de subsistance, pour les montants suivants :
| Années fiscales | 2014 | 2015 | 2016 | 2017 | 2018 | 
| Tickets de caisse | - | 16'243.- | 6'691.- | 6'141.- | 26'779.- | 
| Droit de subsistance | 2'160.- | 12'960.- | 12'960.- | 15'360.- | 12'960.- | 
Compte tenu de ces reprises, la perte de l’exercice 2015 était ramenée à CHF 8'772.‑. L’impact fiscal ne se matérialisait dès lors qu’en 2016.
e. Le 4 août 2023, l’AFC-GE a informé la société que la procédure en rappel d’impôt et soustraction fiscale s’étendait à l’année 2019. Les reprises effectuées lors des périodes fiscales 2015 à 2018 épongeaient les pertes de ces exercices. Aucune perte reportée ne pouvait être déduite du bénéfice de l’exercice 2019.
f. Le 29 août 2023, l’AFC-GE a adressé à la société des bordereaux de rappel d’impôt et d’amende ICC et IFD pour les périodes fiscales 2016 à 2019.
Elle a retenu les éléments suivants:
| Année fiscale | 2016 | 2017 | 2018 | 2019 | 
| Bénéfice net imposable | 9'925.- | 5'172.- | 33'654.- | 48'628.- | 
| Rappel d’impôts ICC | 2'089.- | 989.- | 7'264.- | 8'572.- | 
| Rappel d’impôts IFD | 841.- | 433.- | 2'856.- | 3'170.- | 
La quotité des amendes ICC et IFD était fixée au même montant que les impôts éludés.
C. a. Le 13 novembre 2023, la société a formé réclamation à l’encontre des bordereaux d’amendes ICC et IFD 2016 à 2019, qu’elle n’avait reçus que le 27 octobre 2023 en raison d’un problème d’adressage.
Les manquements révélés par le contrôle TVA étaient dus à des négligences de son ancienne fiduciaire, en laquelle elle avait pourtant entièrement confiance et à laquelle elle avait régulièrement remis ses documents comptables, avec la conviction que sa comptabilité était effectuée dans les règles. Elle n’avait eu à aucun moment la volonté de dissimuler une partie de son chiffre d’affaires et les erreurs commises n’étaient pas de son ressort.
b. Par décision du 17 janvier 2024, l’AFC-GE a rejeté la réclamation, en précisant qu’elle avait accepté d’entrer en matière malgré sa tardiveté, compte tenu du problème d’adressage des décisions querellées.
Elle a maintenu que la soustraction d’impôts avait été commise intentionnellement, à tout le moins par dol éventuel, car plusieurs produits n’avaient pas été comptabilisés.
S’agissant de la quotité de l’amende, elle a rappelé que le contribuable qui confiait la tenue de sa comptabilité à un mandataire n’était pas déchargé de ses obligations fiscales et devait supporter les inconvénients d’une telle intervention. Il répondait en particulier des erreurs de l’auxiliaire qu’il n’instruisait pas correctement ou dont il ne contrôlait pas l’activité, du moins s’il était en mesure de reconnaître ses erreurs. Les circonstances invoquées dans le cas d’espèce ne constituaient pas un facteur atténuant. La quotité de l’amende n’apparaissait pour le surplus nullement disproportionnée.
D. a. Le 26 février 2024, A______ Sàrl a recouru contre la décision susmentionnée auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), concluant à l’annulation des bordereaux d’amende ICC et IFD 2016 à 2019 et, subsidiairement, à la fixation de la quotité des amendes à un tiers du montant de l’impôt soustrait. Elle a préalablement sollicité l’apport du dossier constitué par la division de la TVA dans la procédure CHE-434.425.078.
Elle avait transmis la totalité de ses documents comptables à son ancienne fiduciaire, laquelle n’avait toutefois pas soigneusement accompli son travail. Ce fait pouvait être démontré par l’apport du dossier d’enquête susmentionné, lequel contenait des notes confirmant qu’elle avait bien remis toutes les pièces utiles à sa mandataire.
Aucune intention ni négligence ne pouvait lui être reprochée.
b. Dans sa réponse du 30 avril 2024, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours.
Il était établi que la société n’avait pas mentionné l’intégralité de ses revenus dans ses déclarations fiscales 2016 à 2019, violant ainsi l’obligation légale qui lui incombait.
c. Après un second échange d’écritures, le TAPI, a admis partiellement le recours par jugement du 23 septembre 2024, renvoyant le dossier à l’AFC-GE pour nouvelles décisions.
Les amendes devaient être réduites aux trois quarts des droits éludés compte tenu des sommes relativement marginales non déclarées en regard du chiffre d’affaires de la société. Les manquements en cause résultaient en outre d’une absence de contrôle de l’activité de la fiduciaire et non d’une intention délibérée de tromper les autorités fiscales, particulièrement pour l’année fiscale 2019, soit celle ayant donné lieu à l’amende la plus élevée, pour laquelle la seule erreur commise résidait dans l’imputation de pertes reportées excessives. La situation de la société n’apparaissait en outre pas particulièrement favorable et il n’apparaissait pas qu’elle aurait refusé de collaborer avec les autorités fiscales dans le cadre des procédures engagées contre elle.
E. a. Par acte posté le 28 octobre 2024, la société a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant principalement à son annulation ainsi qu’à celle des bordereaux d’amende ICC et IFD 2016 à 2019, subsidiairement à la réduction de la quotité des amendes au maximum d’un tiers du montant de l’impôt soustrait.
Elle avait eu pleine confiance en sa fiduciaire, convaincue que sa comptabilité avait été faite dans les règles. À aucun moment, il n’y avait eu la moindre volonté de diminuer fictivement le chiffre d’affaires. Or, l’AFC-GE et le TAPI avaient retenu le dol éventuel. La différence entre les montants effectivement perçus et ceux déclarés n’était pas si importante qu’elle ait été en mesure d’apprécier l’erreur, ayant pleine confiance dans son ancienne fiduciaire. Elle était de parfaite bonne foi. Le dossier TVA contenait des notes selon lesquelles elle avait bien transmis à la précédente fiduciaire l’intégralité de ses pièces comptables et ses revenus. Elle contestait que l’on puisse encore lui imputer un manquement et considérait comme encore trop importante l’amende infligée.
La décision manquait de proportionnalité, notamment à la lumière de la jurisprudence qu’elle citait. On ne saurait reprocher à un contribuable de signer sa déclaration sans en contrôler les moindres détails. Elle n’avait notamment pas remarqué que sa fiduciaire avait déclaré davantage de bénéfices pour la période fiscale 2019, la conduisant à payer davantage d’impôt que ce qu’elle aurait dû en réalité assumer. Cet indice démontrait qu’elle n’avait aucune intention délictuelle.
L’amende était excessivement sévère, sachant qu’elle avait délégué le travail de comptabilité à sa fiduciaire. Il fallait retenir une absence de faute de sa part. Elle subissait déjà les conséquences des manquements de sa fiduciaire. Sa faute ne pouvait être retenue, dans le pire des cas, que comme légère et entraînant une réduction de l’amende au tiers du montant éludé, ce qui demeurait un montant important à assumer.
b. Le 11 décembre 2024, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours.
Les reprises portaient sur des repas et autres marchandises prélevées par les employés pour leur propre consommation, qui devaient être prises en compte et comptabilisées dans le chiffre d’affaires de l’entreprise. Aucun argument nouveau n’était avancé par la recourante.
c. Le 3 février 2025, la société a répliqué.
La question n’était pas de savoir si elle devait ignorer que les repas et autres marchandises prélevés par les employés devaient être pris en compte et comptabilisés dans son chiffre d’affaires mais de savoir si elle pouvait déceler l’erreur de sa fiduciaire qui ne les avait pas comptabilisés.
Or, l’erreur étant mineure, elle n’avait pas été en mesure de la déceler et elle n’avait pas été commise intentionnellement. Sa faute devait être qualifiée de légère et l’amende restait non proportionnée à la situation.
d. L’AFC-GE ayant renoncé à dupliquer et la cause a ensuite été gardée à juger.
1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10 ; art. 145 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11 ; art. 7 al. 2 loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17).
2. Le litige porte sur la conformité au droit des bordereaux d'amendes ICC et IFD 2016 à 2019.
3. La recourante persiste à solliciter l’apport de son dossier TVA.
3.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour la personne intéressée de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou, à tout le moins, de s’exprimer sur son résultat lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre. Il n'empêche toutefois pas l'autorité de mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient pas l'amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_359/2022 du 20 avril 2023 consid. 3.1 et les références citées).
3.2 En l’espèce, l’apport du dossier TVA est demandé par la recourante dans la mesure où cela lui permettrait de prouver qu’elle a bien remis à son ancienne fiduciaire la totalité des pièces comptables. Comme cela sera vu ci-dessous, il s’avère que cette mesure n’est pas nécessaire, l’élément de fait qu’elle permettrait éventuellement d’établir n’étant pas déterminant en l’espèce.
En conséquence, il ne sera pas donné suite à la demande de la recourante.
4. La recourante conteste le principe même des amendes en l’absence de faute de sa part.
4.1 Le contribuable qui, intentionnellement ou par négligence, fait en sorte qu'une taxation ne soit pas effectuée alors qu'elle devrait l'être, ou qu'une taxation entrée en force soit incomplète, est puni d'une amende (art. 175 al. 1 LIFD ; art. 56 al. 1 LHID ; art. 69 al. 1 LPFisc).
4.2 Pour qu'une soustraction fiscale soit réalisée, trois éléments doivent dès lors être réunis : la soustraction d'un montant d'impôts, la violation d'une obligation légale incombant au société et la faute de ce dernier. Les deux premières conditions sont des éléments constitutifs objectifs de la soustraction fiscale, tandis que la faute en est un élément constitutif subjectif (arrêts du Tribunal fédéral 2C_41/2020 du 24 juin 2020 consid. 9.1 et 11 ; 2C_874/2018 du 17 avril 2019 consid. 10.1 ; ATA/1183/2023 précité consid. 7.1 et l'arrêt cité).
4.3 La violation d'une obligation légale peut résulter d'une irrégularité dans la comptabilité ou du fait de remplir sa déclaration fiscale de manière non conforme à la vérité et non complète, en violation de l'art. 124 al. 2 LIFD (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1018/2015 du 2 novembre 2017 consid. 9.4.2 et les références citées).
4.4 La soustraction est punissable aussi bien intentionnellement que par négligence. La notion de négligence des art. 175 LIFD et 56 LHID est identique à celle de l'art. 12 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) : commet un crime ou un délit par négligence quiconque, par une imprévoyance coupable, agit sans se rendre compte ou sans tenir compte des conséquences de son acte. L'imprévoyance est coupable quand l'auteur n'a pas usé des précautions commandées par les circonstances et sa situation personnelle, par quoi l'on entend sa formation, ses capacités intellectuelles et son expérience professionnelle. Si le contribuable a des doutes sur ses droits ou obligations, il doit faire en sorte de lever ce doute ou, au moins, en informer l'autorité fiscale (ATF 135 II 86 consid. 4.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_874/2018 précité consid. 10.1.3 ; 2C_129/2018 du 24 septembre 2018 consid. 9.1 et les références citées).
La preuve d'un comportement intentionnel de la part du contribuable doit ainsi être considérée comme apportée lorsqu'il est établi avec une sécurité suffisante que celui-ci était conscient du caractère erroné ou incomplet des indications fournies. Si cette conscience est établie, il faut présumer qu'il a voulu tromper les autorités fiscales, afin d'obtenir une taxation plus favorable (arrêts du Tribunal fédéral 2C_792/2021 du 14 mars 2022 consid. 6.4.1 ; 2C_1052/2019 du 18 mai 2020 consid. 3.7.1). Cette présomption ne se laisse pas facilement renverser, car l'on peine à imaginer quel autre motif pourrait conduire un contribuable à fournir au fisc des informations qu'il sait incorrectes ou incomplètes (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1066/2018 du 21 juin 2019 consid. 4.1 ; 2C_129/2018 précité consid. 9.1). Le dol éventuel suffit pour retenir l'intention (arrêts du Tribunal fédéral 2C_78/2019 du 20 septembre 2019 consid. 6.2 ; 2C_444/2018 du 31 mai 2019 consid. 9.2) : il suppose que l'auteur envisage le résultat dommageable, mais agit néanmoins, parce qu'il s'en accommode au cas où il se produirait (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1073/2018 du 20 décembre 2019 consid. 17.3.1 et les arrêts cités). En revanche, agit par négligence celui qui, par une imprévoyance coupable, ne se rend pas compte ou ne tient pas compte des conséquences de son acte. L'imprévoyance est coupable lorsque l'auteur n'a pas usé des précautions commandées par les circonstances et sa situation personnelle, ce par quoi l'on entend sa formation, ses capacités intellectuelles et son expérience professionnelle (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1052/2019 précité consid. 3.7.1 ; 2C_1066/2018 précité consid. 4.1 ; 2C_1018/2015 précité consid. 9.4.4).
4.5 Lorsqu'il mandate une fiduciaire pour remplir sa déclaration d'impôts, le contribuable n'est pas déchargé de ses obligations et responsabilités fiscales, mais doit supporter les inconvénients d'une telle intervention ; il répond en particulier des erreurs de l'auxiliaire qu'il n'instruit pas correctement ou dont il ne contrôle pas l'activité, du moins s'il était en mesure de reconnaître ces erreurs (arrêts du Tribunal fédéral 9C_762/2023 du 26 juin 2024 consid. 10.2 ; 2C_908/2011 du 23 avril 2012 consid. 3.5 et les références, in RDAF 2012 II 324 ; ATA/1183/2023 du 31 octobre 2023 consid. 7.3).
Lorsqu'un contribuable signe sa déclaration fiscale, conformément à l'art. 124 al. 2 LIFD, il endosse la responsabilité de la véracité des indications qui s'y trouvent ; il répond ainsi lui‑même des infractions fiscales commises si une faute lui est imputable. Il ne faut pas que le contribuable qui se fait représenter soit favorisé par rapport à celui qui remplit sa déclaration fiscale lui-même, par la possibilité de se soustraire à sa responsabilité en se retranchant derrière son représentant pour des fautes qui lui sont imputables. Pour retenir l'intention, à tout le moins par dol éventuel, il faut toutefois que la société ait pu reconnaître le caractère erroné de la déclaration fiscale s'il avait agi avec la diligence requise et qu'il ait ainsi été en mesure de la faire corriger (arrêt du Tribunal fédéral 2C_78/2019 du 20 septembre 2019 consid. 3 et les références, in RF 75/2020 p. 71). Lorsque le contribuable qui ne dispose pas de connaissances fiscales particulières choisit un mandataire compétent et lui communique tous les documents et renseignements nécessaires à l’établissement d’une déclaration conforme à la vérité, on ne peut raisonnablement pas lui reprocher de signer sa déclaration sans la contrôler dans les moindres détails. Il y aurait plutôt lieu de déterminer si le contribuable a transmis des documents incomplets à son mandataire, s’il l’a correctement instruit ou s’il s’est entendu avec lui pour commettre l’infraction fiscale (ATA/1262/2015 précité consid. 7c ; ATA/370/2015 précité consid. 6c ; ATA/798/2014 du 14 octobre 2014 et les références citées).
4.6 En l’espèce, la recourante ne conteste pas que les déclarations d’impôts étaient erronées, mais invoque son absence de compétences et de connaissances en matière comptable et fiscale. Elle s’en était remise au professionnel mandaté pour s’occuper du volet administratif de son entreprise.
Or, même sans être au bénéfice d’une formation particulière en fiscalité ou en comptabilité, les organes de la recourante – qui acquiert, gère et exploite des établissements publics – disposaient des capacités suffisantes pour se rendre compte des conséquences de l’absence d’enregistrement de certains revenus dans ses comptes. Ses organes ne pouvaient notamment ignorer que les repas et autres marchandises prélevées par ses employés pour leur propre consommation devaient être comptabilisés dans son chiffre d’affaires.
Ce résultat serait identique s’il était établi qu’elle avait remis à sa fiduciaire l’entier des tickets et droits de subsistance des employés omis dans la comptabilité. En effet, il ne s’agit pas d’une comptabilité complexe, ni de comptabilisation de détails ou de montants négligeables, quoiqu’en dise la recourante qui ne peut être suivie dans cette appréciation. Les montants sont suffisamment importants pour que, pour les années fiscales 2016, 2017 et 2018, un bénéfice net imposable soit constaté au lieu d’une perte, entraînant une taxation pour ces années. En outre, pour les années 2018 et 2019, les comptes font état d’un poste « repas du personnel » et « parts privées gérants nourriture ». Aucune explication n’est d’ailleurs fournie à cet égard, hormis l’absence de contrôle des comptes établis par la fiduciaire. Le même raisonnement est applicable au report des pertes diminuant le bénéfice déclaré pour l’année 2019.
Il faut donc retenir que si la recourante avait contrôlé la comptabilité comme cela lui incombait, elle aurait pu s’apercevoir des omissions et erreurs en cause. Ainsi, conformément à la jurisprudence précitée, elle ne peut se décharger de sa responsabilité, dans la mesure où il faut retenir qu’elle était à même de reconnaître les oublis potentiellement faits par son mandataire, comme l’ont d’ailleurs retenu à juste titre l’AFC-GE et le TAPI.
La preuve d'un comportement intentionnel, à tout le moins sous la forme du dol éventuel, doit ainsi être considérée comme apportée.
5. Reste à examiner la quotité des amendes.
5.1 En cas de soustraction consommée, l’amende est, en règle générale, fixée au montant de l’impôt soustrait. Si la faute est légère, l’amende peut être réduite jusqu’au tiers de ce montant ; si la faute est grave, elle peut au plus être triplée (art. 175 al. 2 LIFD ; art. 56 al. 1 LHID ; art. 69 al. 2 LPFisc). Le montant de l’impôt soustrait constitue donc le premier critère de fixation de l’amende, la faute intervenant seulement, mais de manière limitée, comme facteur de réduction ou d’augmentation de sa quotité. En présence d'une infraction intentionnelle sans circonstances particulières, l'amende équivaut en principe au montant de l'impôt soustrait (arrêt du Tribunal fédéral 2C_41/2020 du 24 juin 2020 consid. 9.1).
La quotité précise de l’amende doit par ailleurs être fixée en tenant compte des dispositions de la partie générale du CP, les principes de l’art. 47 CP régissant la fixation de la peine s’appliquant. En droit pénal fiscal, les éléments principaux à prendre en considération sont le montant de l’impôt éludé, la manière de procéder, les motivations, ainsi que les circonstances personnelles et économiques de l’auteur. Les circonstances atténuantes de l’art. 48 CP sont aussi applicables par analogie (ATF 144 IV 136 consid. 7.2.1 s.).
Dans la mesure où elles respectent le cadre légal, les autorités fiscales cantonales, qui doivent faire preuve de sévérité afin d’assurer le respect de la loi, disposent d’un large pouvoir d’appréciation lors de la fixation de l’amende, l’autorité de recours ne censurant que l’abus du pouvoir d’appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 2C_12/2017 du 23 mars 2018 consid. 7.2.1 ; ATA/376/2024 du 12 mars 2024 consid. 6.3 et l'arrêt cité).
5.2 Il y a abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu’elle viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire, l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3).
5.3 Une décision viole le principe d'égalité consacré à l'art. 8 al. 1 Cst. lorsqu'elle établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou qu'il omet de faire des distinctions qui s'imposent au vu des circonstances. Il faut que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante. L'inégalité apparaît ainsi comme une forme particulière d'arbitraire, consistant à traiter de manière inégale ce qui devrait l'être de manière semblable ou inversement (ATF 146 II 56 consid. 9.1 ; 144 I 113 consid. 5.1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_555/2023 du 5 avril 2024 consid. 6.1).
5.4 En l’espèce, l’AFC-GE a fixé la quotité des amendes à hauteur des montants d’impôt éludés et le TAPI l'a ramenée aux trois quarts dudit montant, prenant en compte le fait que les sommes non déclarées demeuraient relativement marginales en regard du chiffre d’affaires de la recourante, tout comme l’impôt soustrait. Les manquements résultaient d’une absence de contrôle de l’activité de la fiduciaire et non d’une intention délibérée de tromper les autorités fiscales. L’amende pour 2019 résultait d’ailleurs uniquement de l’imputation de pertes excessives reportées. La recourante n’avait pas refusé de collaborer et sa situation n’apparaissait pas particulièrement favorable.
Devant la chambre de céans, la recourante ne fait pas valoir de circonstance supplémentaire qui n’aurait pas été prise en compte dans l’analyse faite par le TAPI pour diminuer la quotité de l’amende, fondant son analyse uniquement sur l’absence de faute intentionnelle, ainsi que sa situation économique qu’elle invoque sans toutefois apporter d’élément supplémentaire à ce sujet.
En conséquence, les amendes réduites infligées sont justifiées tant dans leur principe que dans leur quotité et doivent être confirmées.
Mal fondé, le recours sera rejeté.
6. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).
PAR CES MOTIFS
 LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 28 octobre 2024 par A______ Sàrl contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 23 septembre 2024 ;
au fond :
le rejette ;
met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de A______ Sàrl ;
dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;
communique le présent arrêt à Me Andrea VON FLÜE, avocat de la recourante, à l'administration fiscale cantonale, à l’administration fédérale des contributions ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.
Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Eleanor McGREGOR, juges.
Au nom de la chambre administrative :
| le greffier-juriste : 
 
 F. SCHEFFRE 
 | 
 | la présidente siégeant : 
 
 F. KRAUSKOPF | 
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
| Genève, le 
 
 
 
 
 | 
 | la greffière : 
 
 
 
 |