Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/392/2025 du 08.04.2025 sur JTAPI/933/2024 ( PE ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/1036/2024-PE ATA/392/2025 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 8 avril 2025 1ère section |
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dans la cause
A______ recourant
contre
OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé
_________
Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 18 septembre 2024 (JTAPI/933/2024)
A. a. A______, né le ______ 1988, est ressortissant du Kosovo. Sa compagne et leurs trois enfants vivent au Kosovo.
b. Il a sollicité des visas de retour les 17 décembre 2018, 2 septembre 2019, 14 février 2020, 10 mai 2021 et 9 mai 2022 afin de rendre visite à sa famille au Kosovo.
B. a. Le 7 décembre 2018, il a saisi l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) d’une demande d’autorisation de séjour dans le cadre de l’« opération Papyrus », précisant notamment qu’il était arrivé en Suisse en 2008, qu’il avait toujours travaillé et qu’il était dans l’attente d’un contrat de travail.
Il a notamment joint les pièces suivantes :
- un formulaire M, indiquant qu’il avait trois enfants qui ne venaient pas habiter à Genève ;
- un contrat de bail aux noms de B______ et de C______ portant sur un appartement de trois pièces situé au 31, rue ______, aux ______ ;
- une attestation établie par B______ indiquant que A______ habitait à l’adresse précitée depuis le 1er novembre 2018 ;
- des attestations de stages dans le milieu du bâtiment, établies par D______ Sàrl le 17 janvier 2008 (stage du 15 au 16 janvier 2008) et le 12 avril 2009 (stage du 9 au 11 avril 2009), par E______ Sàrl le 9 juin 2011 (stage du 6 au 8 juin 2011), par F______ Sàrl le 24 mars 2010 (stage du 22 au 24 mars 2010), ainsi qu’une attestation de travail établie le 22 décembre 2017 par G______ Sàrl qui l’avait employé du 28 août 2014 au 24 novembre 2017 ;
- une attestation d’achat d’abonnements établie par les Transports publics genevois (TPG) le 15 novembre 2018, indiquant l’achat d’abonnements du 15 août 2012 au 24 juillet 2013, puis du 24 août au 24 novembre 2018 ;
- un document daté du 18 octobre 2018 attestant d’un niveau de français A2, à l’oral.
b. Le 7 février 2019, l’OCPM a autorisé l’intéressé à travailler auprès de H______, entreprise active dans le domaine du transport, qui l’avait engagé le 1er février 2019, pour un salaire mensuel brut de CHF 4'000.-. Il s’agissait d’une autorisation, révocable en tout temps, délivrée jusqu’à droit connu sur la demande d’autorisation de séjour.
c. Le 28 avril 2020, l’OCPM a dénoncé A______ au Ministère public, au motif qu’il avait des soupçons, dès lors que certains documents qu’il avait produits avaient été établis par des entreprises apparaissant dans de nombreux dossiers « Papyrus ».
d. Le 10 juin 2020, A______, assisté d’une traductrice, a été entendu par la police, en qualité de prévenu, pour séjour illégal et exercice d’une activité lucrative sans autorisation [art. 5, 10, 11 et 115 loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) ; anciennement LEtr], comportement frauduleux à l’égard des autorités (art. 118 LEI) et faux dans les titres [art. 251 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0)].
Il a notamment déclaré qu’il était arrivé en Suisse pour la première fois en 2008. Jusqu’en 2014, il avait travaillé très sporadiquement auprès de diverses entreprises dans le domaine du bâtiment et du jardinage, sans être déclaré. Durant l’été 2014, il avait été engagé par G______ Sàrl. Il y avait travaillé irrégulièrement pendant quatre ans, à raison d’environ trois mois par année. Son employeur avait entamé les démarches, par l’intermédiaire de son comptable, I______. Il avait ensuite retiré sa demande, car il n’avait pas les moyens de payer les charges sociales. Il n’avait pas fait appel aux services de I______ dans le cadre de sa demande d’autorisation de séjour. S’agissant des attestations de stage et de travail qu’il avait produites, elles lui avaient été remises par ses employeurs en 2018. Il ignorait la raison pour laquelle elles étaient antidatées. Il ne pouvait pas non plus fournir d’explications quant aux diverses incohérences entre les signataires de ces attestations et les inscriptions qui figuraient au registre du commerce, admettant que certains documents étaient erronés. Depuis mars 2019, il travaillait auprès d’J______ Sàrl qui le déclarait. Sa compagne et leurs trois enfants, soit une fille âgée de 9 ans et des jumeaux âgés de 5 ans, vivaient au Kosovo.
e. Par ordonnance pénale et de non-entrée en matière partielle du 10 juillet 2020 (ci-après : l’ordonnance pénale), le Ministère public a décidé de ne pas entrer en matière s’agissant de l’infraction à l’art. 115 al. 1 let. a LEI datant de 2008, l’action pénale étant prescrite, et a condamné A______ à une peine pécuniaire de 160 jours-amende, avec sursis et délai d’épreuve de trois ans, pour faux dans les certificats (art. 252 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 [CP - RS 311.0]), infractions aux art. 115 al. 1 let. a, b et c LEI et tentative d’infraction à l’art. 118 al. 1 LEI.
Dans le cadre de ses investigations, la police avait relevé que les signataires des attestations émises par D______ Sàrl et E______ Sàrl n’étaient pas inscrits au registre du commerce. Une inversion entre les gérants effectifs des deux sociétés et les signataires des documents avait également été constatée. Lors de son audition du 10 juin 2020, A______ avait reconnu que les documents établis par ces sociétés étaient effectivement faux, mais qu’il ne l’avait pas su avant d’en prendre connaissance au moment de son audition. L’attestation de G______ Sàrl était également erronée et tous les documents étaient antidatés.
A______ n’a pas contesté cette ordonnance pénale qui est entrée en force.
f. Par courrier du 24 novembre 2023, l’OCPM a fait part à A______ de son intention de refuser de préaviser favorablement son dossier auprès du secrétariat d'État aux migrations (ci‑après : SEM) en vue de l’octroi d’une autorisation de séjour et de prononcer son renvoi de Suisse.
Dans la mesure où il avait produit des documents falsifiés, notamment une attestation de travail, pour induire l’OCPM en erreur et obtenir frauduleusement une autorisation de séjour, l’intéressé ne répondait pas aux critères de l’« opération Papyrus ».
Il ne remplissait pas non plus les conditions des art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201).
Il n’avait pas fait preuve d’une intégration socio-culturelle particulièrement remarquable, au vu de son comportement. Son intégration correspondait au comportement ordinaire qui pouvait être attendu de tout étranger souhaitant obtenir la régularisation de ses conditions de séjour. Il n'avait pas non plus établi une très longue durée de séjour en Suisse ni aucun élément permettant de déroger à cette exigence. Enfin, il n’avait pas démontré que sa réintégration au Kosovo aurait de graves conséquences sur sa situation personnelle, indépendamment des circonstances générales (économiques, sociales, sanitaires ou scolaires) affectant l'ensemble de la population restée sur place.
g. Le 9 février 2024, A______ a retracé son parcours, indiquant qu’il était venu en Suisse en 2008 pour échapper aux conditions de vie précaire dans son pays d’origine. Les divers documents versés à la procédure démontraient qu'il séjournait depuis plus de dix ans à Genève au moment du dépôt de sa demande d’autorisation de séjour, ce que confirmaient les témoignages écrits qu’il produisait.
Compte tenu de la précarité de sa situation, il n’avait jamais été titulaire d’un contrat de bail et ses constants déménagements et changements de lieu de vie ne lui avaient pas permis de conserver de documents. N’ayant pas de moyens financiers suffisants pour acheter des abonnements des TPG, il se déplaçait principalement à vélo. Cela étant, il ressortait de l’ordonnance pénale rendue à son encontre qu’il était entré en Suisse en 2008. Il produirait prochainement le relevé de son compte auprès de POSTFINANCE, qu’il avait clôturé le 26 mai 2014.
Il avait toujours travaillé depuis son arrivée en Suisse. Au vu de son statut de séjour, il avait été contraint d’accepter les conditions de travail d’employeurs peu scrupuleux qui l’avaient exploité. Depuis le 1er mars 2019, il travaillait auprès d’un employeur qui le soutenait. Il pouvait se prévaloir d’une bonne intégration. Il justifiait d’un niveau A2 en français et avait un cercle d’amis proches. Cela faisait plus de cinq ans qu’il avait déposé sa requête auprès de l’OCPM et l’ordonnance pénale prononcée à son encontre remontait à juillet 2020. Jusqu’à l’envoi de sa lettre d’intention, l’OCPM n’avait mené aucune investigation, le laissant s’intégrer davantage. Il avait tardé durant cinq années avant de statuer, en violation du principe de la célérité.
En tout état, si l’OCPM devait considérer qu’il ne remplissait pas la condition d’un séjour ininterrompu de dix ans au moment du dépôt de sa requête, il devrait alors examiner sa demande sous l’angle du cas de rigueur, dont il remplissait les conditions. En effet, il séjournait en Suisse depuis plus de quinze ans et pouvait se prévaloir d’une intégration professionnelle réussie. Il était financièrement indépendant, n’avait jamais émargé à l’assistance publique ni fait l’objet de poursuites. Il parlait le français et avait son cercle social à Genève. En cas de renvoi au Kosovo, il ne pourrait compter sur aucune aide. Il n’avait que peu de contacts avec son frère et ses sœurs. Quant à ses parents, ils étaient âgés et peinaient déjà à subvenir à leurs propres besoins.
Il a notamment produit les pièces suivantes :
- diverses photographies ;
- un extrait de son compte individuel établi par l’office cantonal des assurances sociales, faisant état de revenus auprès d’J______ Sàrl de mars à décembre 2019, puis de 2020 à 2022 ;
- diverses lettres de recommandation et de soutien, établies notamment par des personnes indiquant avoir fait sa connaissance, à Genève, en 2012, 2013 et 2014.
h. Par décision du 20 février 2024, l’OCPM a refusé, pour les motifs qui ressortaient de sa lettre d’intention du 24 novembre 2023, de préaviser favorablement le dossier de A______ auprès du SEM, en vue de l’octroi d’une autorisation de séjour. Il a également prononcé son renvoi, lui impartissant un délai au 20 mai 2024 pour quitter la Suisse, l’exécution de cette mesure paraissant possible, licite et raisonnablement exigible.
C. a. Par acte du 22 mars 2024, A______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision.
Après un séjour de plus de quinze ans, ses attaches les plus profondes se trouvaient en Suisse. Il y avait fait preuve d’une intégration professionnelle remarquable, après avoir vécu d’emplois précaires durant les premières années qui avaient suivi son arrivée en Suisse.
b. Par courrier du 28 juin 2024 adressé au TAPI, l’employeur de l’intéressé lui a apporté son soutien, le qualifiant d’un des piliers de la société et le décrivant en termes élogieux.
c. Par jugement du 18 septembre 2024, le TAPI a rejeté le recours.
Il n’avait pas apporté la preuve d’un séjour à Genève depuis 2008. Il ressortait de l’ordonnance pénale prononcée à son encontre que les documents établis par D______ Sàrl (couvrant trois jours en 2008 et trois jours en 2009) et par E______ Sàrl (couvrant trois jours en 2011) étaient faux, que l’attestation établie par G______ Sàrl (couvrant la période du 28 août 2014 au 24 novembre 2017) était erronée et que tous les documents étaient antidatés. Ces pièces devaient ainsi être écartées de la procédure. Même s’il ressortait des lettres de recommandation et de soutien que leurs signataires avaient fait la connaissance de l’intéressé à Genève entre 2012 et 2014, elles ne suffisaient pas à démontrer la continuité de son séjour depuis 2008. Il en allait de même de l’attestation établie par les TPG indiquant l’achat d’abonnements du 15 août 2012 au 24 juillet 2013, puis du 24 août au 24 novembre 2018. Lors de son audition par la police le 10 juin 2020, il avait déclaré que jusqu’en 2014, il avait travaillé très sporadiquement auprès de diverses entreprises, puis qu’à partir de 2014, il avait irrégulièrement travaillé auprès de son employeur pendant quatre ans, à raison d’environ trois mois par année. Ces explications tendaient fortement à démontrer qu'il n'effectuait que des séjours sporadiques en Suisse, entre lesquels il rentrait vraisemblablement au Kosovo ou se rendait éventuellement dans d'autres pays au gré des occasions professionnelles.
Dans l’hypothèse qui lui était la plus favorable, il y avait lieu de retenir que les preuves de sa présence continue à Genève remontaient au mois d’août 2018. Il ne totalisait manifestement pas dix ans de séjour continu à Genève, le 7 décembre 2018, date du dépôt de sa demande d’autorisation de séjour. Il ne pouvait par conséquent pas se prévaloir de « l’opération Papyrus », ce d’autant qu’il avait fait l’objet d’une condamnation pénale le 10 juillet 2020, notamment pour faux dans les certificats (art. 252 CP), infraction qui ne relevait pas du séjour illégal.
Sous l’angle du cas de rigueur, il ne pouvait pas se prévaloir d’une intégration socio‑professionnelle exceptionnelle. L’emploi qu’il exerçait en qualité de chauffeur-livreur ne témoignait pas d’une ascension professionnelle remarquable et il n’avait pas acquis des qualifications spécifiques susceptibles de justifier l’admission d'un cas de rigueur. Il ne pouvait pas non plus se prévaloir d’un comportement irréprochable. Sur le plan social, bien qu’il ait produit un document daté du 18 octobre 2018, attestant d’un niveau de français A2, à l’oral, il ressortait du dossier qu’il était assisté d’un traducteur lors de son audition par la police le 10 juin 2020, car il ne parlait qu’albanais. Par ailleurs, il n’avait pas démontré avoir noué avec la Suisse des liens dépassant en intensité ce qui pouvait être raisonnablement attendu d’un étranger ayant passé un nombre d'années équivalent dans le pays. Né au Kosovo, où il avait passé son enfance et son adolescence, soit les périodes cruciales pour l’intégration socio-culturelle, et le début de sa vie d’adulte, il avait également conservé de fortes attaches avec sa patrie, où vivaient, à tout le moins, son épouse, ses enfants, ses parents, son frère et ses sœurs. Il avait d’ailleurs sollicité des visas de retour les 17 décembre 2018, 2 septembre 2019, 14 février 2020, 10 mai 2021 et 9 mai 2022 afin de rendre visite à sa famille au Kosovo.
D. a. Par acte posté le 21 octobre 2024, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement. Il a sollicité l’audition de son employeur et de K______, ainsi que la production de son dossier pénal.
Il était arrivé à Genève en 2008 et avait travaillé pour de nombreux employeurs. Il avait commis des erreurs mais ne s’était pas rendu compte de la portée de son comportement. Il s’agissait pour lui de profiter de ce que des personnes mal intentionnées lui avaient présenté comme une chance inespérée et unique d’obtenir un permis de séjour. Il avait désormais un employeur qui lui avait accordé toute sa confiance depuis des années. Selon son employeur, sa position au sein de l’entreprise était primordiale et il comptait parmi les rares personnes indispensables au fonctionnement de l’entreprise. Il ne pourrait jamais retrouver un tel travail dans son pays d’origine.
b. L’OCPM a conclu au rejet du recours.
c. Le recourant a produit une attestation de K______, gérant de la société G______ Sàrl, confirmant qu’il avait travaillé pour ce dernier durant les années 2014 à 2017.
d. Sur quoi, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.
1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).
2. Le recourant sollicite l’audition de deux témoins, K______, gérant de la société G______ Sàrl, et L______, associé gérant de la société J______ Sàrl.
2.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit de faire administrer des preuves n'empêche cependant pas la juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier si elle acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1. ; 140 I 285 consid. 6.3.1). En outre, il n'implique pas le droit à l’audition orale ni à celle de témoins (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1).
2.2 En l'espèce, le dossier contient des attestations des deux témoins, dont le recourant sollicite l’audition, soit l’attestation de K______ du 8 janvier 2025 et le courrier de L______ du 28 juin 2024. Leur témoignage ne ferait ainsi que confirmer oralement leurs déclarations écrites. Le recourant n’explique pas en quoi ces auditions seraient de nature à apporter des éléments utiles à l’issue du litige qui n’auraient pas déjà été mentionnés dans les attestations versées à la procédure. Pour le reste, le recourant a versé des pièces au dossier et fourni des explications détaillées tant devant l’OCPM que devant le TAPI et la chambre de céans. La chambre administrative dispose ainsi d’un dossier complet lui permettant de trancher le litige en toute connaissance de cause. Il ne sera par conséquent pas donné suite aux demandes d'actes d'instruction.
3. Le litige porte sur bien-fondé du refus de l’OCPM de préaviser favorablement auprès du SEM la demande d’autorisation de séjour du recourant et de la décision de renvoi.
3.1 Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la LEI et de l’ordonnance relative à l’admission, au séjour et à l’exercice d’une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Conformément à l’art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l’espèce, avant le 1er janvier 2019 sont régies par l’ancien droit.
3.2 L’art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d’admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d’une extrême gravité ou d’intérêts publics majeurs.
L’art. 31 al. 1 OASA, dans sa teneur au moment du dépôt de la demande, prévoit que pour apprécier l’existence d’un cas individuel d’extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l’intégration du requérant (let. a), du respect de l’ordre juridique suisse (let. b), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière ainsi que de sa volonté de prendre part à la vie économique et d’acquérir une formation (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l’État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d’autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (directives LEI, état au 1er septembre 2018, ch. 5.6.12).
Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel et les conditions pour la reconnaissance d’une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l’obtention d’une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L’autorité doit néanmoins procéder à l’examen de l’ensemble des circonstances du cas d’espèce pour déterminer l’existence d’un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c).
La reconnaissance de l’existence d’un cas d’extrême gravité implique que l’étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d’un cas d’extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu’elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d’origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu’en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).
Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l’examen d’un cas d’extrême gravité, elle doit néanmoins être examinée à la lumière de l’ensemble des circonstances du cas particulier et être relativisée lorsque l’étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l’obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2).
3.3 Aux termes de l’art. 96 al. 1 LEI, les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d’appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l’étranger ainsi que de son intégration.
La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d’origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l’intéressé, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).
3.4 L’« opération Papyrus » développée par le canton de Genève a visé à régulariser la situation des personnes non ressortissantes de l’UE/AELE bien intégrées et répondant à différents critères, à savoir, selon le livret intitulé « Régulariser mon statut de séjour dans le cadre de Papyrus », avoir un emploi ; être indépendant financièrement ; ne pas avoir de dettes ; avoir séjourné à Genève de manière continue sans papiers pendant cinq ans minimum (pour les familles avec enfants scolarisés) ou dix ans minimum pour les autres catégories, à savoir les couples sans enfants et les célibataires ; faire preuve d’une intégration réussie ; absence de condamnation pénale (autre que séjour illégal).
L’« opération Papyrus » n’emportait aucune dérogation aux dispositions légales applicables à la reconnaissance de raisons personnelles majeures justifiant la poursuite du séjour en Suisse (art. 30 al. 1 let. b LEI), pas plus qu’à celles relatives à la reconnaissance d’un cas individuel d’extrême gravité (art. 31 al. 1 OASA), dont les critères peuvent entrer en ligne de compte pour l’examen desdites raisons personnelles majeures (ATA/334/2024 du 5 mars 2024 consid. 3.6). L’« opération Papyrus » a pris fin le 31 décembre 2018.
Ces conditions – cumulatives – devaient être remplies au moment du dépôt de la demande d’autorisation de séjour (ATA/1056/2023 du 26 septembre 2023 consid. 2.4 ; ATA/121/2021 du 2 février 2021 consid. 8b).
3.5 En l’espèce, il n’est pas possible, sur la base des pièces au dossier, de retenir que le recourant remplissait la condition du séjour ininterrompu de dix ans requise au moment du dépôt de sa demande, le 7 décembre 2018. Dans son formulaire de demande, il a indiqué qu’il était arrivé en Suisse en 2008 et produit des attestations de stages dans le milieu du bâtiment, établies par D______ Sàrl le 17 janvier 2008 (stage du 15 au 16 janvier 2008) et le 12 avril 2009 (stage du 9 au 11 avril 2009). L’enquête menée par le MP a toutefois permis d’établir que les les attestations de travail de cette société avaient été signées par une personne qui ne figurait pas au registre du commerce de la société. Entendu devant la police, le recourant avait d’ailleurs déclaré avoir compris qu’il s’agissait de faux. Or, hormis ces attestations, aucune pièce au dossier ne permet de retenir une présence effective du recourant en 2008, étant précisé que l’extrait de son compte individuel AVS ne mentionne des revenus que depuis 2019. Quoi qu’il en soit, même à retenir un séjour continu de dix ans en Suisse, exigé dans le cadre de l’« opération Papyrus », le recourant ne remplit pas la condition de l’absence de condamnation pénale, étant précisé que la condamnation pour faux dans les titres ne relève pas d’une infraction à la LEI. Il résulte des éléments qui précèdent que le recourant ne remplit pas les conditions d’octroi d’une autorisation de séjour sous l’angle de l’« opération Papyrus ».
Reste à déterminer si le recourant remplit les conditions restrictives du cas de rigueur.
Comme indiqué ci-avant, les éléments au dossier ne permettent pas de retenir un séjour de longue durée en Suisse. Les pièces au dossier, en particulier l’attestation d’achat d’abonnement des TPG indiquant l’achat d’abonnements mensuels du 15 août 2012 au 24 juillet 203, puis du 24 août au 24 novembre 2018, permettent tout au plus de retenir une présence sporadique en Suisse depuis 2012, comme l’a retenu la juridiction précédente. Cela est d’ailleurs confirmé par les déclarations du recourant devant la police, selon lesquelles, à compter de l’été 2014, il avait travaillé « sur appel », soit trois mois par année, pour la société G______ Sàrl. L’intégralité de ce séjour s’est par ailleurs déroulée dans l’illégalité, voire, depuis sa demande de régularisation, au bénéfice d’une simple tolérance. S’ajoute à cela que le recourant ne peut se prévaloir d’une intégration socio-professionnelle exceptionnelle. Il a certes travaillé en qualité de chauffeur-livreur à satisfaction de son employeur, n’a pas recouru à l’aide sociale et n’a pas fait l’objet de dettes. Il ne soutient toutefois pas avoir acquis en Suisse des connaissances si spécifiques qu’il ne pourrait les mettre en œuvre ailleurs. Il n’établit pas non plus s’être investi dans la vie associative, culturelle ou sportive de la Suisse. Les lettres de soutien produites au dossier ne permettent pas de mettre en évidence une intégration exceptionnelle, étant rappelé qu'il est normal qu'une personne ayant effectué un séjour prolongé dans un pays tiers s'y soit créé des attaches et se soit familiarisée avec le mode de vie de ce pays. Il a certes produit une attestation de réussite du français oral, niveau A2, datée du 18 octobre 2018, mais a néanmoins dû se faire assister par une traductrice lorsqu’il a été entendu par la police le 10 juin 2020. Enfin, il a fait l’objet d’une condamnation pénale, pour avoir cherché à tromper l’OCPM. Quand bien même il a, depuis la condamnation, exprimé des regrets, cet élément trahit un mépris certain pour l’ordre juridique suisse qui exclut à lui seul une intégration, a fortiori exceptionnelle, et partant la réalisation d’un cas de rigueur. Dans la mesure où ladite condamnation est définitive, le recourant n’ayant pas formé opposition à l’ordonnance pénale, c’est en vain qu’il cherche à contester le caractère frauduleux de son comportement, étant d’ailleurs précisé qu’il ressort de l’ordonnance pénale qu’il avait reconnu les faits reprochés.
Pour le reste, le recourant a gardé des liens très étroits avec le Kosovo, où résident sa compagne et ses trois enfants, âgés de 13 ans et 9 ans (jumeaux). Il a formulé cinq demandes de visa pour le Kosovo depuis fin 2018, dont celle du 9 mai 2022 pour une durée de 90 jours. Il a passé au Kosovo son enfance, son adolescence, soit la période essentielle pour la formation de sa personnalité, ainsi que les premières années de sa vie d’adulte (dans l’hypothèse d’un séjour en Suisse depuis 2008). Il maîtrise la langue et les codes culturels du pays. Encore jeune et en bonne santé, il pourra compter sur l’appui de sa famille pour se réintégrer au Kosovo et tirer profit des connaissances professionnelles et linguistiques acquises lors de son séjour en Suisse.
C’est partant à juste titre que tant l’autorité intimée, qui n’a pas abusé de son pouvoir d’appréciation, que le TAPI, ont retenu que les conditions d’octroi d’une autorisation de séjour n’étaient pas remplies.
Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.
4. Reste à examiner la conformité au droit du renvoi qui a été prononcé.
4.1 Selon l’art. 64 al. 1 let. c LEI, toute personne étrangère dont l’autorisation est refusée, révoquée ou qui n’est pas prolongée après un séjour autorisé est renvoyée. La décision de renvoi est assortie d’un délai de départ raisonnable (art. 64 let. d al. 1 LEI).
Le renvoi d’une personne étrangère ne peut être ordonné que si l’exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI). L’exécution n’est pas possible lorsque la personne concernée ne peut quitter la Suisse pour son État d’origine, son État de provenance ou un État tiers ni être renvoyée dans un de ces États (art. 83 al. 2 LEI). Elle n’est pas licite lorsqu’elle serait contraire aux engagements internationaux de la Suisse (art. 83 al. 3 LEI). Elle n’est pas raisonnablement exigible si elle met concrètement en danger la personne étrangère, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (art. 83 al. 4 LEI).
4.2 En l’espèce, le recourant ne soutient pas que son renvoi serait impossible, illicite ou inexigible, et les éléments figurant au dossier ne laissent pas apparaître que tel serait le cas, si bien que le prononcé du renvoi ne prête pas le flanc à la critique.
Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.
5. Vu l’issue du recours, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).
* * * * *
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 21 octobre 2024 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 18 septembre 2024 ;
au fond :
le rejette ;
met un émolument de CHF 400.- à la charge de A______ ;
dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;
communique le présent arrêt à A______, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.
Siégeant : Eleanor McGREGOR, présidente, Patrick CHENAUX, Claudio MASCOTTO, juges.
Au nom de la chambre administrative :
le greffier-juriste :
F. SCHEFFRE
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| la présidente siégeant :
E. McGREGOR |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière :
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Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html
Recours en matière de droit public | Recours constitutionnel subsidiaire |
Art. 82 Principe Le Tribunal fédéral connaît des recours : a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ; … Art. 83 Exceptions Le recours est irrecevable contre : … c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent : 1. l’entrée en Suisse, 2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit, 3. l’admission provisoire, 4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi, 5. les dérogations aux conditions d’admission, 6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ; d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues : 1. par le Tribunal administratif fédéral, 2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ; … Art. 89 Qualité pour recourir 1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque : a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ; b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification. … Art. 95 Droit suisse Le recours peut être formé pour violation : a. du droit fédéral ; b. du droit international ; c. de droits constitutionnels cantonaux ; d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ; e. du droit intercantonal. Art. 100 Recours contre une décision1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète. ______________________________________________ | Art. 113 Principe Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89. Art. 115 Qualité pour recourir A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque : a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée. Art. 116 Motifs de recours Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels. Art. 100 Recours contre une décision 1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète. ___________________________________________
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Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)
1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.
2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.
3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.