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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2845/2023

ATA/136/2025 du 04.02.2025 sur JTAPI/442/2024 ( ICCIFD ) , ADMIS

Recours TF déposé le 12.03.2025, 9C_156/2025
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2845/2023-ICCIFD ATA/136/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 4 février 2025

 

dans la cause

 

A______ et B______ recourants

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE intimées

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 13 mai 2024 (JTAPI/442/2024)


EN FAIT

A. a. Les époux B______ et A______ ont deux enfants, C______ et D______, nés respectivement le ______ 2016 et le ______ 2018.

b. Selon leur déclaration fiscale 2022, les contribuables exercent tous deux une activité lucrative à raison de 100%.

c. Selon celle-ci, B______ était chargée de faillite et son époux exerçait la profession d’avocat.

d. Ils ont déduit de leurs revenus des frais de garde effectifs de CHF 18'678.- (soit CHF 8'578.- pour C______ et CHF 10'100.- pour D______) pour l’impôt fédéral direct (ci-après : IFD) et CHF 27'296.- (soit CHF 8'578.- pour C______ et CHF 18'718.- pour D______) pour l'impôt cantonal et communal (ci-après : ICC).

Ils ont notamment produit les justificatifs pour les frais de stage de E______ (pour C______ : CHF 610.- [hors repas] pour un stage d’une semaine en février 2022, CHF 1’580.- [hors repas] pour trois stages d’une semaine en juillet 2022 et CHF 610.- [hors repas] pour un stage d’une semaine en octobre 2022 ; pour D______ : CHF 660.- [hors repas] pour un stage d’une semaine en octobre 2022), et pour les frais des « cours créatifs » de E______ (soit CHF 5'265.- [hors frais d’inscription] pour 30 cours pour les deux enfants durant l’année scolaire 2022-2023 et CHF 682.50 pour quatre cours pour C______ durant l’année 2021‑2022).

B. a. Par avis et bordereaux de taxation datés du 29 mars 2023, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a fixé l'ICC 2022 des contribuables à CHF 30'153.65 sur la base d'un revenu imposable de CHF 161'700.- et d'une fortune nulle. Calculé sur un revenu imposable de CHF 171'200.-, l'IFD 2022 s'élevait quant à lui à CHF 8'316.-.

Elle a retenu, pour l’IFD, une déduction à hauteur de CHF 13’379.- sur les CHF 18’678.- demandés et, pour les ICC, une déduction à hauteur de CHF 18'771.- sur les CHF 27'296.- demandés. Selon leur pratique, les frais de camps thématiques étaient limités à CHF 250.- par semaine. De plus, les factures de cours créatifs et de repas n'étaient pas déductibles.

b. Les contribuables ont élevé réclamation à l'encontre de ces avis et bordereaux de taxation en joignant leur déclaration fiscale 2022 et ses annexes. Ils ont conclu à l'annulation de l'avis de taxation et des bordereaux du 29 mars 2023 afin que l'AFC‑GE statue à nouveau en prenant en compte l'ensemble des frais de garde effectifs déclarés.

Ces frais étaient justifiés par le fait qu'ils travaillaient le mercredi et durant une part importante des vacances scolaires, n'avaient aucune solution de garde parmi les membres de leurs familles et devaient ainsi trouver des solutions de garde et de placement, ceci pour une partie du mercredi et une part importante des vacances scolaires (février, Pâques, et été).

Ils avaient, pour ce faire, trouvé l'entreprise E______, située à proximité immédiate du lieu de travail de A______. L’intéressé pouvait ainsi aller déposer et rechercher facilement ses enfants.

Cette structure présentait par ailleurs l'avantage d'accueillir les enfants tous les mercredis, dès 8h00 du matin et jusqu'à 13h00 dans un environnement sûr, professionnel et pédagogique, les cours commençant à 9h00, mais l'accueil étant assuré dès 8h00.

Durant les vacances scolaires, les enfants étaient alors accueillis dès 8h00 (début du cours à 9h00) et jusqu'à 16h30-17h00 avec des possibilités d'assurer un service de garderie (inclus dans la prestation) au-delà de 16h30. Ils mangeaient sur place et n'avaient ainsi pas à être pris en charge par leurs parents durant la pause de midi.

c. Par décisions du 20 juillet 2023, envoyées par pli simple, l'AFC-GE a maintenu la taxation. De par sa nouvelle pratique, elle acceptait une partie des coûts de camps à hauteur de CHF 250.- par semaine, soit CHF 50.- par jour. Les frais de cours particuliers (p.ex. anglais, musique, danse, sport, bricolage, etc.) n'étaient pas déductibles. La garde des enfants était secondaire par rapport au but de formation. De ce fait, ces derniers n'étaient pas assimilables à des frais de garde.

C. a. Par acte du 11 septembre 2023, B______ et A______ ont recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), concluant à l'annulation de l'avis de taxation et des bordereaux du 29 mars 2023 afin que l'AFC-GE prenne une nouvelle décision, dans le sens des considérants.

C'était à tort que l’AFC-GE avait refusé de prendre en considération leurs frais de garde effectifs qui leur permettaient de poursuivre leurs activités professionnelles tout en conjuguant et assurant leur obligations professionnelles et parentales. Plus qu’un cours d’anglais, la société proposait des activités récréatives, en intérieur et en extérieur, ainsi que des sorties aux musées, le tout se pratiquant dans un cadre linguistique immersif. Les enfants pratiquaient des jeux, des bricolages et des activités au contact de personnel encadrant de langue maternelle anglaise, allemande ou italienne, selon l’option choisie. Leurs enfants avaient réalisé de nombreux bricolages et avaient pu se dépenser dans les parcs, dans les bois et en salle de sport. Il s’agissait ainsi d’une solution de garde pérenne, sûre et adaptée pour la prise en charge de leurs deux enfants durant leur temps de travail, tout en étant stimulés intellectuellement et physiquement.

Il n'y avait pas lieu d'appliquer la pratique de l'administration.

Ils ont joint à leur recours leur réclamation et ses annexes, ainsi que des documents au sujet de E______, notamment des extraits du Registre du commerce et du Répertoire des Entreprises du canton de Genève, de même que des extraits du site internet explicitant l'offre de cours.

b. L’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Sa pratique consistant à retenir en déduction la dépense de CHF 250.- par semaine de stage était plus souple que la jurisprudence actuelle, qui considérait que cette dépense ne visait pas principalement la garde des enfants proprement dite et devait être considérée comme faisant partie des frais d'entretien de la famille, lesquels ne pouvaient pas être déduits du revenu imposable.

En ce qui concernait le refus de déduire les frais de « cours créatifs » du mercredi, elle maintenait également sa position, la garde des enfants étant secondaire au but de formation. À ce titre, ces frais devaient être considérés comme des frais d'entretien de la famille.

Les frais de repas durant le cours devaient être considérés comme faisant partie de l'entretien courant que les parents devaient à leurs enfants et donc non déductibles.

c. Dans leur réplique du 8 novembre 2023, les contribuables ont relevé que l’AFC‑GE avait, à tort, estimé que le critère de garde était secondaire par rapport à l'apprentissage de la langue. L'activité proposée par E______ ne consistait pas en des cours d'anglais, les enfants étant ainsi amenés à faire des jeux, bricolages, musique, à lire des livres et vivre des aventures dans une autre langue. Ils relevaient parallèlement que l'État de Genève attendait de la Fondation genevoise pour l'animation socioculturelle (ci-après : FASE) une action éducative dans le cadre d'un projet d'animation visant le développement personnel de tous les usagers, et non uniquement un « parcage d'enfant ». Les stages durant les vacances ainsi que les demi-journées du mercredi devaient donc être considérés comme des solutions de garde pour pouvoir continuer de travailler et non comme des cours d'anglais.

Ils ont sollicité l'audition de F______, associée-gérante de E______, ainsi que de G______ ou H______, coordinateurs de la ville de Genève et de I______ pour la FASE.

d. Par jugement du 13 mai 2024, le TAPI a rejeté le recours.

Il ne pouvait suivre entièrement l’argumentation des contribuables. Les camps à thème pour lesquels ils demandaient une déduction des frais leur avaient certes permis d'exercer leur activité professionnelle pendant que leurs enfants étaient gardés à l'extérieur. Cependant, le but de la loi impliquait nécessairement de faire une distinction entre les prises en charge d'enfants qui visaient principalement à assurer leur garde et celles qui visaient principalement à leur permettre d'exercer une activité sportive, artistique, culturelle ou autre. À défaut d'une telle distinction, toute activité parascolaire organisée par une institution publique ou privée ou même par des personnes physiques pourrait être considérée comme de la garde d'enfants, dès lors que n'importe quelle proposition de loisirs offerte à des enfants en dehors du cadre familial impliquait nécessairement l'intervention d'adultes qui se retrouvaient à leur égard dans une position de garants et devaient dès lors veiller sur eux. Or, le législateur n'avait pas entendu permettre de manière générale la déduction des frais de participation aux cours offerts aux enfants dans n'importe quel cadre parascolaire, mais uniquement d’alléger la charge fiscale des familles dans lesquelles les parents ne pouvaient s'occuper entièrement eux-mêmes de leurs enfants. Le fait que des institutions dont la mission principale consistait à assurer la garde d'enfants offraient à ces derniers la possibilité de participer à différentes activités pendant le temps de garde n'avait rien que de très normal, puisqu'il s'agissait tout de même de permettre aux enfants de passer ce temps de manière agréable et d'éviter qu'ils ne soient entièrement livrés à eux-mêmes. Cela ne signifiait pas pour autant que les autres institutions, dont le but principal était de permettre l'exercice de telle ou telle activité, et qui n'offraient que de manière indirecte une solution de garde d'enfants, devaient être considérées de la même manière. À nouveau, toute autre solution aurait pour effet d'avantager les familles qui ne recherchaient pas et n'avaient pas besoin d'une solution de garde pour les enfants, mais qui pourraient néanmoins bénéficier des déductions fiscales y relatives.

Les camps pour lesquels les contribuables demandaient la déduction des frais offraient aussi et surtout la possibilité de d'apprendre et de pratiquer la langue anglaise ainsi que des activités sportives, culturelles et de loisirs spécifiques. En tant qu'elles ne visaient pas principalement la garde des enfants proprement dite, ces dépenses devaient être considérées comme faisant partie des frais d'entretien de la famille, lesquels ne pouvaient pas être déduits du revenu imposable conformément aux art. 34 let. a de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11) et 38 let. a de la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08). Cependant, la pratique de l'AFC-GE pour la prise en compte des frais de garde pour les stages pendant les vacances scolaires à hauteur de CHF 250.- par semaine offrait un assouplissement de la jurisprudence et de la doctrine en la matière, en faveur du contribuable. Les montants admis reposaient sur une base objective et uniforme, à savoir la grille tarifaire de la FASE. Il n'y avait pas lieu de remettre en question cette déduction, qui allait déjà plus loin que la doctrine et la jurisprudence.

En ce qui concernait le refus de déduire les frais de « cours créatifs » du mercredi matin revendiqués par les contribuables, bien que les activités proposées par E______ fussent variées, il s'agissait de retenir que l'apprentissage de l'anglais était le critère premier de ceux-ci. Proposer des activités variées en immersion était une méthode d'apprentissage de l'anglais reconnue et les parents ne sauraient prétendre que le choix de ce cours ne donnait lieu à aucune attente de résultat. Tel n’était pas le cas dans le cadre des offres de parascolaire ordinaire. La composante de garde était secondaire par rapport au but de formation. L'établissement communiquait par ailleurs très clairement sur son intention de proposer « des cours de langues créatifs et ludiques pour les enfants et les parents », et non des solutions de garde. Une admission de la déduction de ce type de cours ouvrirait la porte, contrairement à la volonté du législateur, à la déduction de l'ensemble des cours extra-scolaires, dans la mesure où ils avaient tous en commun de prendre en charge les enfants qui les suivaient sous la garde d'adultes qui en assuraient indirectement la garde. De même que relevé précédemment, en tant qu'elles ne visaient pas principalement la garde des enfants proprement dite, ces dépenses devaient être considérées comme faisant partie des frais d'entretien de la famille, lesquels ne pouvaient pas être déduits du revenu imposable conformément aux art. 34 let. a LIFD et 38 let. a LIPP.

L’AFC-GE ne commettait pas une inégalité de traitement insoutenable en acceptant une déduction, dans le cadre d'un camp à thème, de CHF 50.- par jour durant 9h, tout en n'acceptant pas de déduction pour un « cours créatif » durant 5h, les deux situations n'étant pas analogues.

D. a. Par acte du 11 juin 2024, B______ et A______ ont recouru devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement, concluant à son annulation et à celle du bordereau de taxation du 29 mars 2023 et de la décision sur réclamation du 20 juillet 2023.

Le TAPI avait violé leur droit d’être entendus en rejetant, sans motivation, leurs offres de preuve. Il était pourtant nécessaire de connaître avec précision la nature de la prise en charge des enfants par E______ et des maisons de quartier, afin d’évaluer la composante pédagogique de ces différentes activités et d’apprécier si une distinction et une différence de traitement étaient fondées.

Le jugement occultait l’aspect le plus important du dossier et la raison d’être des prestations proposées par E______, à savoir l’ampleur de la prise en charge et les jours et heures de ses prises en charge. La prise en charge de cette institution se distinguait d’une activité parascolaire traditionnelle par le fait que les enfants étaient accueillis, encadrés et gardés cinq heures d’affilée, les mercredis matin et 9 heures d’affilée durant les vacances. Des enfants âgés de 4 et 6 ans n’avaient pas la faculté et l’endurance de suivre cinq heures voire neuf heures en continu. L’aspect pédagogique était nécessairement plus modeste et secondaire par rapport à l’aspect « prise en charge ». Ils avaient inscrit leurs enfants à ces cours durant les vacances scolaires et le mercredi, soit durant leur temps de travail, la garde des enfants étant l’élément prédominant du contrat passé avec E______, contrairement à ce qu’avait retenu le TAPI. Leurs enfants n’avaient nullement besoin d’apprendre l’anglais mais avaient au contraire besoin d’être gardés durant les heures de travail de leurs parents. L’activité proposée par la société ne consistait pas en des cours d’anglais : les enfants étaient amenés à faire des jeux, sorties, bricolages, musique, à lire des livres et vivre des aventures dans une autre langue. L’aspect pédagogique était nécessairement plus modeste et secondaire par rapport à l’aspect « prise en charge ». À leur connaissance, les intervenants de la société ne disposaient d’aucune formation ou d’aucun diplôme particulier et n’étaient ainsi pas des enseignants reconnus, E______ n’ayant aucune certification particulière. L’attente des parents reposait ainsi surtout sur une prise en charge adéquate de leurs enfants. Ils n’avaient du reste pas inscrit leurs enfants à des cours du soir, ou le samedi et le dimanche, mais uniquement pendant leur temps de travail. En fondant son raisonnement sur les prétendues attentes des parents, la juridiction précédente avait abusé de son pouvoir d’appréciation.

Le TAPI avait violé l’art. 33 LIFD en occultant le fait que la prise en charge des enfants avait pour but de permettre aux contribuables de travailler et d’acquérir un revenu.

Le jugement entrepris consacrait une inégalité de traitement en fixant des critères artificiels en lien avec la prise en charge des enfants des contribuables. Il avait procédé à une distinction insoutenable entre la prise en charge assurée par E______, d’une part, et par les maisons de quartier ou les crèches, d’autre part. Les activités proposées par E______ se distinguaient d’un simple cours de solfège en ceci que les parents n’avaient pas à rester à proximité, dans l’attente de la fin de l’activité, mais pouvaient au contraire se « libérer » toute la demi-journée, voire la journée, afin de pouvoir se consacrer à leurs activités professionnelles. Il n’était dès lors pas question d’« ouvrir la porte à la déduction de l’ensemble des cours extra-scolaires », mais bien de considérer que les journées complètes et les demi-journées de prise en charge présentaient, par leur ampleur, des solutions de garde, au même titre qu’une crèche ou une maison de quartier.

b. Par réponse du 5 juillet 2024, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Il n’était pas nécessaire de procéder aux auditions sollicitées, dans la mesure où les pièces au dossier suffisaient à trancher l’objet du litige. Le droit d’être entendu des contribuables n’avait ainsi pas été violé.

Le TAPI avait validé à juste titre la nouvelle pratique de l’AFC-GE visant à accepter au titre de frais de garde un montant de frais, à durée équivalente, égal au placement dans un centre aéré (soit CHF 250.- par semaine ou CHF 50.- par jour), pour les semaines de camps/stages durant les vacances scolaires.

Il était visible sur le site de l’institut E______ que les « cours créatifs » auxquels avaient pris part les enfants des contribuables le mercredi consistaient à apprendre en « immersion totale » l’anglais en faisant des « jeux, bricolages, musique, livres et plein d’aventure ». Ces activités extra-scolaires étaient axées sur le développement personnel des enfants et la garde de ces derniers était secondaire par rapport au but de formation. Ces frais devaient être considérés comme des frais d’entretien de la famille, non déductibles au sens des art. 34 let. a LIFD et 38 let. a LIPP.

c. Les recourants ont renoncé à répliquer.

d. Sur quoi, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le litige porte sur la déductibilité des frais de garde relatifs aux camps thématiques et cours créatifs suivis par les enfants des recourants pour l'année 2022.

3.             Dans un premier grief, les recourants invoquent une violation de leur droit d’être entendus.

3.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit ne s'étend qu'aux éléments pertinents pour l'issue du litige et n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

3.2 Le droit d'être entendu implique également pour l'autorité l'obligation de motiver sa décision. Il suffit que le juge mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 143 III 65 consid. 5.2). L'autorité n'a toutefois pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à l'examen des questions décisives pour l'issue du litige (ATF 142 II 154 consid. 4.2). La motivation peut pour le reste être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_283/2020 du 12 novembre 2020 consid. 3.1).  

Le droit d'être entendu est une garantie de nature formelle, dont la violation entraîne en principe l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recours sur le fond (ATF 135 I 187 consid. 2.2 ; 126 I 19 consid. 2d/bb). Selon la jurisprudence, sa violation peut cependant être réparée lorsque la partie lésée a la possibilité de s'exprimer devant une autorité de recours jouissant d'un plein pouvoir d'examen (ATF 135 I 279 consid. 2.6.1 ; 116 Ia 94 consid. 2). Toutefois, une telle réparation doit rester l'exception et n'est admissible, en principe, que dans l'hypothèse d'une atteinte qui n'est pas particulièrement grave aux droits procéduraux de la partie lésée ; cela étant, une réparation de la violation du droit d'être entendu peut aussi se justifier, même en présence d'un vice grave, lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure, ce qui serait incompatible avec l'intérêt de la partie concernée à ce que sa cause soit tranchée dans un délai raisonnable (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; 137 I 195 consid. 2.3.2). 

3.3 Devant la chambre de céans, les recourants reprochent à la juridiction précédente de ne pas avoir pris position sur leurs demandes d’audition de témoins.

Il ressort certes du jugement entrepris que les juges précédents ne se sont pas explicitement prononcés sur les demandes d’audition formées par les recourants dans leur réplique. Or, en statuant au fond, ils ont implicitement retenu que les éléments au dossier permettaient de statuer en connaissance de cause. Ce raisonnement n’apparaît pas critiquable in casu. Les recourants ont en effet eu l’occasion d’exposer en détail les raisons pour lesquelles ils avaient inscrit leurs enfants aux différentes activités proposées par l’établissement E______. Les prestations proposées par l’institution figurent au demeurant dans les pièces au dossier, si bien qu’une audition de l’associée-gérante de cet établissement ne s’avérait pas nécessaire. Comme on le verra, il n’apparaît pas non plus déterminant de comparer l’approche pédagogique des maisons de quartier avec celle de E______, si bien que l’audition des représentants de la FASE n’était pas susceptible d’influer sur l’issue du litige. On relèvera au demeurant que l’AFC-GE a observé, tant devant le TAPI que devant la chambre de céans, que ces auditions n’étaient pas nécessaires, les pièces au dossier étant suffisantes pour trancher le litige. Les recourants ont donc eu tout loisir de se déterminer sur ce point devant la chambre de céans. Ainsi, même à considérer que leur droit d’être entendus ait été violé, ce vice aurait été réparé devant la chambre de céans.

Enfin, devant la chambre de céans, les recourants offrent de prouver certains faits par une déclaration des parties. Ils ont toutefois eu tout loisir de s’exprimer par écrit, étant rappelé que le droit d'être entendu ne comprend pas le droit à une audition orale. Il apparaît ainsi que la chambre de céans dispose d'un dossier complet lui permettant de trancher le litige en connaissance de cause, sans qu'il soit nécessaire de procéder à une audience de comparution personnelle.

4.             Les recourants plaident la déductibilité des frais engagés auprès de l’institut E______ pour les cours créatifs et les camps thématiques.

4.1 À teneur de l’art. 34 let. a LIFD ne peuvent être déduits du revenu imposable notamment les frais d'entretien du contribuable et de sa famille, y compris les dépenses privées résultant de sa situation professionnelle.

L’art. 33 al. 3 LIFD, dans sa teneur en vigueur jusqu’au 1er janvier 2023, prévoit qu'un montant de CHF 10'100.- au plus par enfant dont la garde est assurée par un tiers est déduit du revenu si l'enfant a moins de 14 ans et vit dans le même ménage que le contribuable assurant son entretien et si les frais de garde documentés ont un lien de causalité direct avec l'activité lucrative, la formation ou l'incapacité de gain du contribuable. 

La déduction pour frais de garde des enfants par des tiers est conçue sous la forme d’une déduction anorganique. Les déductions anorganiques ne sont pas en rapport direct avec l’acquisition du revenu. Elles trouvent leur justification dans le fait que les dépenses sur lesquelles elles portent diminuent la capacité économique du contribuable et qu’il semble donc souhaitable qu’elles puissent être déduites pour des raisons de politique sociale (déductions générales), ou dans le fait qu’elles permettent de prendre en compte un statut social défini (déduction sociale ; Message du Conseil fédéral relatif à la modification de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct - Déduction fiscale des frais de garde des enfants par des tiers, du 9 mai 2018, FF 2018 p. 3150).

Selon le message du Conseil fédéral sur la loi fédérale sur le dégrèvement des familles avec enfants, les parents ne peuvent déduire que les frais engendrés pendant la durée effective de leur activité lucrative, de leur incapacité à exercer une telle activité ou de leur formation. Il en va de même pour les contribuables exerçant une activité lucrative à temps partiel: seuls les frais engendrés durant leur temps de travail sont pris en compte. Les frais de garde en dehors du temps de travail ou du temps de formation des parents (p. ex. des frais de « baby-sitting » le soir ou durant le week-end) ne sont donc pas déductibles. Les frais de garde liés par exemple aux loisirs des parents doivent être considérés comme des frais liés au train de vie et ne peuvent par conséquent pas être déduits (Message du Conseil fédéral sur la loi fédérale sur le dégrèvement des familles avec enfants du 30 juin 2009, FF 2009 4237, p. 4271 ; Rapport de la Commission de l’économie et des redevances du Conseil national du 14 mai 2021 - Initiative parlementaire. Frais pour l’accueil extrafamilial. Déduction fiscale de CHF 25'000.- au maximum par enfant et par an, FF 2021 1068, p. 8). Seuls sont déductibles les frais effectifs et prouvés de garde des enfants par des tiers. Ce sont uniquement les frais afférents au travail de garde des enfants. Les frais de nourriture ou d’autres frais d’entretien compris dans les frais de garde sont des frais afférents au train de vie qui ne sont pas déductibles. En effet, ces frais devraient être engagés même si l’enfant n’était pas gardé par des tiers (FF 2009 4237, p. 4272).

Le 1er janvier 2023, l’art. 33 al. 3 LIFD a été modifié en ce sens que le montant maximal de la déduction pour frais de garde des enfants par des tiers dans le cadre de l’impôt fédéral direct a été relevé à CHF 25'000.- au plus par enfant (RO 2022 120 ; FF 2021 1068). Selon le rapport de la Commission de l’économie et des redevances du Conseil national, il est souhaitable de rendre plus attrayante, dans les couples avec enfants d’âge préscolaire, une augmentation du temps de travail du conjoint exerçant l’activité lucrative secondaire (le plus souvent la mère). Cette évolution favorise l’indépendance financière mutuelle des parents, augmente l’égalité des chances sur le marché du travail pour les deux parents et diminue les répercussions négatives pour les assurances sociales, en particulier en cas de séparation ou de divorce ainsi que pendant la retraite. Un net relèvement de la déduction dans la LIFD permet de mieux atteindre cet objectif (FF 2021 1068, p. 8). Cette initiative porte sur la même modification de la LIFD proposée par le Conseil fédéral dans son message du 9 mai 2018 (FF 2018 3145). Dans ce message, le Conseil fédéral a relevé que les frais effectifs de garde des enfants par des tiers devaient être intégralement admis en déduction, et cela afin d’éliminer entièrement l’effet dissuasif sur l’exercice d’une activité lucrative au sens de la pénurie de personnel qualifié. Cependant, dans ce cas également, seuls les frais nécessaires encourus pour la garde des enfants par des tiers qui ne constituaient ni des dépenses liées au train de vie ni des dépenses de luxe devaient pouvoir être déduits. Étaient considérées comme dépenses de luxe les dépenses qui dépassaient le cadre des frais usuels et nécessaires de garde des enfants par des tiers et qui, par exemple, n’étaient effectuées que pour des raisons de prestige ou de statut social personnel et étaient par conséquent très coûteuses (crèche ou nurse de luxe, etc.). En pratique, la distinction entre les frais effectivement nécessaires de garde des enfants par des tiers et les dépenses liées au train de vie ou les dépenses de luxe pouvait comporter des difficultés. Un plafond permettait de limiter les difficultés de délimitation et les complications administratives qui en découlaient. Il était ainsi possible d’éviter la complication du droit fiscal à ce sujet. Un plafond garantissait de façon forfaitaire qu’il ne serait pas fait un usage disproportionné de la possibilité de déduction (FF 2018 3145, p. 3156).

4.2 Afin d'assurer l'application uniforme de certaines dispositions légales, l'administration peut expliquer l'interprétation qu'elle leur donne dans des directives. Celles-ci n'ont pas force de loi et ne lient ni les administrés, ni les tribunaux, ni même l'administration. Par ailleurs, elles ne peuvent sortir du cadre fixé par la norme supérieure qu'elles sont censées concrétiser. En d'autres termes, à défaut de lacune, elles ne peuvent prévoir autre chose que ce qui découle de la législation ou de la jurisprudence (ATF 141 II 338 consid. 6.1 ; 140 V 343 consid. 5.2 ; ATA/1288/2021 du 23 novembre 2021 consid. 4).

Le 21 décembre 2010, l’administration fédérale des contributions a adopté la circulaire n° 30 relative à l’imposition des époux et de la famille selon la LIFD (ci‑après : la circulaire), à teneur de laquelle le contribuable peut demander la déduction des frais de garde des enfants uniquement s’il ne peut l’exercer et que cet empêchement est en lien de causalité directe avec l’activité lucrative, la formation ou l’incapacité de gain (n. 8.3). La déduction correspond aux frais prouvés de la garde des enfants par des tiers jusqu’au plafond fixé par la loi. Seuls peuvent être déduits les frais engendrés exclusivement par la garde des enfants pendant la durée effective du travail, de la formation ou de l’incapacité de gain empêchant le contribuable de garder ses enfants. Sont par exemple déductibles à titre de frais de garde des enfants par des tiers les indemnités journalières des organisations publiques ou privées comme les crèches ou les garderies, et la rémunération des personnes dont la profession principale ou accessoire est de garder des enfants comme les mamans de jour et les familles d’accueil. En revanche, les frais de nourriture ou d’autres frais d’entretien compris dans les frais de garde sont des frais afférents au train de vie qui ne sont pas déductibles. En effet, ces frais devraient être engagés même si l’enfant n’était pas gardé par des tiers. Lorsque les parents assurent eux-mêmes la garde de leurs enfants, ces frais ne sont pas déductibles. Les frais de garde par des tiers en dehors du temps de travail ou du temps de formation des parents (p. ex. des frais de « baby-sitting » le soir ou le week-end) ne sont pas déductibles. Ces frais qui sont liés aux loisirs des parents doivent être considérés comme des frais liés au train de vie qui ne sont pas déductibles (n. 8.5 ; FF 2018 p. 3153).

4.3 Selon la doctrine majoritaire, ne sont pas déductibles à titre de frais de garde les frais de cours (de musique, de sport, de bricolage p.ex.) ou de colonies de vacances et de camps sportifs, étant donné que la garde des enfants proprement dite n’est pas mise au premier plan (Richner, Handkommentar zum DBG, 3e éd. 2016, n. 263 ad art. 33 LIFD ; Kommentar zum Zurcher Steuergesetz, 4e éd., Zurich 2021, n. 202 ad art. 31 StgG ; arrêt du Tribunal des recours en matière fiscale du canton de Zurich du 4 janvier 2021, 2 DB.2020.78/2 ST.2020.88). Afférentes à des activités culturelles, sportives ou de loisirs, ces dépenses, qui ressortissent à l’obligation d’entretien des parents, contribuent au bon développement de l’enfant et ne sauraient dès lors être considérées comme des frais de garde au sens de l’art. 33 al. 3 LIFD, quand bien même la présence d’adultes auprès de l’enfant à ces occasions peut permettre aux parents d’exercer leur activité lucrative. À défaut, les couples où l’un des parents reste au foyer pour assurer la garde des enfants, qui offrent également ce type d’activités à leurs enfants en vue d’assurer leur développement, seraient défavorisés (Christine JAQUES, Les frais liés à l’entretien de l’enfant : de quelques développements sur les allégements fiscaux en vigueur dès 2011, Archives 80, 2011, p. 217). Au demeurant, la déduction pour frais de garde a été introduite notamment en vue de permettre de concilier vie familiale et professionnelle, ce qui suppose des structures offrant des plages de temps suffisantes, en particulier pour exercer une activité lucrative (Christine JAQUES, Commentaire romand de la LIFD, Bâle 2017, art. 33 LIFD n. 91-147).

Dans un arrêt récent du 31 août 2023, le Tribunal administratif spécial du canton d’Argovie a admis la déductibilité de la totalité des frais relatifs à des camps d’échecs et de football. Selon le Tribunal cantonal, il n’y avait aucune raison objective de considérer comme déductibles les frais de garde par une assistante parentale se « contentant d’une surveillance purement passive » et non les frais d’un camp de sport permettant aux enfants d’acquérir des compétences motrices et sociales (arrêt du Spezielverwaltungsgericht du 31 août 2023, 3-RV.2022.11, consid. 4.5.1 ; Kommentar zum Aargauer Steuergesetz, 5e éd., Muri-Bern 2023, n. 210k ad art. 40 StG).

4.4 En vigueur depuis le 1er janvier 2017, la réforme législative consacrée à la responsabilité parentale a mis le bien de l’enfant au centre de toute réflexion (RO 2015 4299). Selon le message à l’appui de la réforme, l’enfant étant un être en devenir, le but de l’entretien est d’assurer son bon développement au plan physiologique, émotionnel ainsi qu’intellectuel, pour qu’il devienne une personne indépendante et responsable. Par conséquent, l’entretien de l’enfant comprend non seulement les biens dont il a besoin pour combler ses besoins en nourriture, en habillement, en logement, en hygiène et en traitement médicaux, mais également, selon son âge et sa santé, la présence de personnes qui l’aident à satisfaire ces besoins et lui apprennent, avec le temps, à les satisfaire lui-même (soins et éducation : FF 2014 p. 552 ; ATF 144 III 481 consid. 4.4).

4.5 Selon l’art. 9 al. 1 de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14), les dépenses nécessaires à l’acquisition du revenu et les déductions générales sont défalquées de l’ensemble des revenus imposables.

Est une déduction générale un montant déterminé par le droit cantonal pour chaque enfant dont la garde est assurée par un tiers, si l’enfant a moins de 14 ans et vit dans le même ménage que le contribuable assurant son entretien et si les frais de garde, documentés, ont un lien de causalité direct avec l’activité lucrative, la formation ou l’incapacité de gain du contribuable (al. 2 let. m).

Selon le message du Conseil fédéral sur la loi fédérale sur le dégrèvement des familles avec enfants, du point de vue de l’harmonisation verticale et de l’harmonisation horizontale, la déduction pour les frais de garde par des tiers devrait impérativement être inscrite aussi bien dans la LIFD que dans la LHID. Par ailleurs, elle devrait être soumise aux mêmes conditions. En revanche, la fixation du plafond doit être laissée à la libre appréciation des cantons (FF 2009 p. 4257 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_223/2023 du 25 juillet 2023 consid. 6). Les cantons conserveront donc la compétence de fixer l’étendue des frais dont ils autorisent la déduction (FF 2018 p. 3155).

4.6 Selon l’art. 38 LIPP, ne peuvent pas être déduits les autres frais et dépenses, en particulier les frais d’entretien du contribuable et de sa famille, y compris les loyers du logement et les dépenses privées résultant de sa situation professionnelle.

Selon l’art. 35 LIPP, dans sa version en vigueur depuis le 1er janvier 2019, un montant de CHF 25'000.- au plus par enfant dont la garde est assurée par un tiers est déduit du revenu si l’enfant a moins de 14 ans et vit dans le même ménage que le contribuable assurant son entretien et si les frais de garde, documentés, ont un lien de causalité direct avec l’activité lucrative, la formation ou l’incapacité de gain du contribuable. Selon l’art. 8 du règlement relatif à la compensation des effets de la progression à froid du 9 novembre 2016 (RCEPF - D 3 08.05), ce montant était fixé à CHF 25'048.- pour l’année fiscale 2022.

Selon un communiqué de presse du 1er décembre 2022 du département des finances, des ressources humaines et des affaires extérieures (ci-après : le département), dès la période fiscale 2022, l’AFC-GE a mis en place une nouvelle pratique s'agissant de la prise en compte des frais de garde pour les camps/stages durant les vacances scolaires. Considérant que le refus intégral des coûts de camps/stages sportifs et thématiques était sévère, la nouvelle pratique vise à accepter au titre de frais garde un montant de frais, à durée équivalente, égal au placement dans un centre aéré et ce, de sorte que la part de garde durant les camps/stages soit déductible. La nouvelle pratique consiste donc en un assouplissement en faveur des contribuables. Les dispositions légales en matière de déduction pour frais de garde avaient été assouplies dans le but d'assurer une égalité de traitement entre les contribuables, quelles que soient les modalités de gardes choisies ou disponibles. Le montant admis au titre de frais de garde repose sur la grille tarifaire de FASE applicable à l'ensemble des maisons de quartier en charge de l'organisation de centres aérés. La grille tarifaire dépend du niveau de revenu des parents (base RDU). Dans un souci de simplification, il a été décidé d'appliquer le coût tarifaire le plus élevé de la grille soit CHF 245.- par semaine (tarif sans repas), montant arrondi à CHF 250.-, respectivement à CHF 50.- par jour pour les durées inférieures à cinq jours.

4.7 En matière fiscale, il appartient à l'autorité de démontrer l'existence d'éléments créant ou augmentant la charge fiscale, tandis que le contribuable doit supporter le fardeau de la preuve des éléments qui réduisent ou éteignent son obligation d'impôts. S'agissant de ces derniers, il appartient au contribuable non seulement de les alléguer, mais encore d'en apporter la preuve et de supporter les conséquences de l'échec de cette preuve, ces règles s'appliquant également à la procédure devant les autorités de recours (ATF 133 II 153 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_89/2014 du 26 novembre 2014 consid. 7.2 ; ATA/412/2021 du 13 avril 2021 consid. 4c).

4.8 En l’occurrence, pour l’année 2022, les recourants ont requis la déduction de frais de garde relatifs à des camps thématiques auprès de l’Institut E______, ainsi que des « cours créatifs » dispensés par cet établissement les mercredis matin. Dans son bordereau du 29 mars 2023, l’AFC-GE a accepté de déduire les camps thématiques à hauteur de CHF 250.- par semaine (soit six semaines pour les deux enfants) et a refusé la déduction s’agissant des « cours créatifs ». Cette décision a été confirmée sur réclamation et par le TAPI. La juridiction précédente a retenu en particulier que les camps pour lesquels les recourants demandaient la déduction des frais offraient « aussi et surtout » la possibilité d’apprendre et de pratiquer la langue anglaise. En tant qu’elles ne visaient pas principalement la garde des enfants proprement dite, ces dépenses devaient être considérées comme faisant partie des frais d’entretien de la famille, lesquels ne pouvaient pas être déduits du revenu imposable conformément à l’art. 34 let. a LIFD et 38 let. a LIPP. Cependant, la pratique de l’AFC-GE pour la prise en compte des frais de garde pour les stages pendant les vacances à hauteur de CHF 250.- par semaine offrait un assouplissement de cette règle, en faveur du contribuable. Il n’y avait donc pas lieu de remettre en question cette déduction. S’agissant des frais de « cours créatifs » du mercredi matin, l’apprentissage de l’anglais constituait le premier critère de ceux-ci. La composante de garde était secondaire par rapport au but de formation, si bien que ces frais devaient être considérés comme faisant partie des frais d’entretien de la famille.

Les recourants contestent ce raisonnement. Contrairement à ce que retenait le TAPI, la garde des enfants proprement dite était mise au premier plan. Ils avaient inscrit leurs enfants auprès de E______, en raison de l’ampleur de la prise en charge proposée par l’établissement. Les enfants étaient accueillis, encadrés et gardés cinq heures d’affilée, les mercredis matins et neuf heures d’affilée durant les vacances. L’aspect pédagogique était nécessairement plus modeste s’agissant d’enfants de 4 et 6 ans. Les enfants étaient inscrits à ces cours durant les vacances scolaires et les mercredis, soit durant leur temps de travail, étant précisé qu’ils travaillaient tous deux à 100%.

Il n’est pas contesté que, durant la période fiscale 2022, les contribuables exerçaient une activité lucrative à plein temps, alors que leurs enfants étaient âgés de 4 et 6 ans. Il n’est ainsi pas non plus contestable que les recourants nécessitaient une garde pour leurs enfants durant leur temps de travail. La question se pose donc de savoir si, en inscrivant leurs enfants auprès de l’entreprise E______, le but principal était, comme le soutient l’intimée, d’assurer le développement des enfants par l’apprentissage de la langue anglaise ou, comme l’allèguent les recourants, s’il s’agissait surtout de trouver une solution de garde durant les heures de travail.

Selon les explications des recourants, leur choix s’est porté sur l’entreprise E______, car celle-ci était basée à proximité immédiate du lieu de travail du contribuable, ce qui permettait à ce dernier de déposer et de récupérer facilement les enfants. Cette structure présentait l’avantage d’accueillir les enfants tous les mercredis dès 8h00 du matin et jusqu’à 13h dans un environnement sûr, professionnel et pédagogique.

Ces explications emportent la conviction. Certes, comme le relève l’intimée, l’entreprise offre des « cours de langue créatifs et ludiques pour les enfants » et non de simples « solutions de garde ». Il n’en reste pas moins qu’elle propose des activités de 8h00 à 13h00. Il est ainsi indéniable qu’une telle structure permet aux parents d’exercer leur activité lucrative. Il est vrai que les cours en question offrent la possibilité d’apprendre et de pratiquer la langue anglaise, ainsi que des activités sportives, culturelles et de loisirs spécifiques. Or, comme le relèvent à juste titre les juges précédents, il apparaît « normal » que les institutions dont la mission principale consiste à assurer la garde d’enfants offrent à ces derniers la possibilité de participer à différentes activités pendant le temps de garde, étant rappelé que le but de l’entretien de l’enfant est d’assurer son bon développement au plan physiologique, émotionnel et intellectuel. Peu d’institutions mettent d’ailleurs l’accent sur la seule garde d’enfants. Or, le fait que les différentes institutions offrent une orientation particulière ne signifie pas encore que celle-ci serait au premier plan et que la garde d’enfants ne serait offerte que de « manière indirecte ». Bien au contraire, dans de nombreuses situations, c’est bien l’impossibilité d’assurer la garde des enfants pendant la durée effective du travail qui contraint les parents à y avoir recours. Dans le cas présent, les contribuables ont démontré à satisfaction de droit qu’il s’agissait là de la motivation première : de par son emplacement géographique – proche du travail du contribuable – et ses plages horaires étendues, l’établissement garantit une solution de garde effective pendant les heures de travail. S’ajoute à cela que, lors de la période fiscale litigieuse, les enfants des recourants étaient âgés de 4 et 6 ans. Or, compte tenu de leur jeune âge – lequel implique une faculté de concentration encore limitée –, il n’est pas possible de retenir, comme le fait la juridiction précédente, que le but de formation est au premier plan. On précisera, au demeurant, que les frais afférents aux « cours créatifs » dispensés par E______, soit CHF 24.40 par heure (factures au dossier), ne sont que légèrement supérieurs au salaire minimum à Genève (soit CHF 23.27 durant cette période, arrêté relatif au salaire minimum cantonal pour l’année 2022 - ArSMC-2022 - J 1 05.03). Or, il n’est pas contesté que les coûts d’une assistante parentale, par hypothèse anglophone, seraient entièrement déductibles. L’instauration d’un plafond (soit CHF 10'100.- du niveau fédéral et CHF 25'048.- au niveau cantonal) garantit, en toute hypothèse, de façon forfaitaire qu’il ne sera pas fait un usage disproportionné de la possibilité de déduction. Sur la base de ces éléments, il convient de retenir que, contrairement à ce qu’a retenu la juridiction précédente, la composante de garde était au premier plan dans le choix des parents d’inscrire leurs enfants à ladite institution. Les dépenses liées aux cours dispensés par l’institution les mercredi matins constituent donc des frais de garde déductibles au sens des art. 33 al. 3 LIFD et 35 LIPP. Cette solution s’inscrit, au demeurant, dans la droite ligne de la réforme récente de la LIFD, laquelle vise à améliorer la conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale.

Contrairement à ce que retient la juridiction précédente, une telle solution n’a pas pour effet d’avantager les parents qui ne rechercheraient pas ou n’auraient pas besoin de solution de garde pour les enfants, puisque, précisément, ceux-ci ne bénéficieraient pas de la déduction fiscale y relative, faute de lien de causalité direct entre l’activité lucrative et l’impossibilité dans laquelle ils se trouvent d’assurer eux-mêmes cette garde. La déductibilité des frais litigieux n’a pas non plus pour effet d’« ouvrir la porte à la déduction de l’ensemble des cours extra-scolaires », puisque l’une des conditions pour l’application des déductions prévues art. 33 al. 3 LIFD et 35 LIPP est que la solution de garde permette au parent d’exercer son activité lucrative. La possibilité de déduire de tels frais est ainsi limitée aux activités qui présentent, par leur ampleur (soit des activités qui se déroulent sur une demi‑journée, à tout le moins), des solutions de garde effective, au même titre qu’une crèche ou une maison de quartier.

Ce raisonnement s’applique également aux coûts afférents aux camps de vacances. Pour les mêmes motifs que ceux exposés supra, il existe un lien de causalité direct entre l’activité lucrative des parents et l’impossibilité dans laquelle ils se trouvent d’assurer eux-mêmes la garde des enfants durant la période de travail. Le fait que l’institution propose différentes thématiques de stages ne change rien au fait que ces derniers constituent des solutions de garde effective pour occuper les enfants pendant la période des vacances scolaires. À nouveau, parmi les offres proposées par les différentes institutions, rares sont celles qui mettent l’accent sur la seule garde d’enfants. On ajoutera que les camps de vacances se déroulent sur une période limitée – en général une semaine –, si bien que l’objectif d’apprentissage est encore moins marqué que pour une activité se déroulant sur toute une année. Enfin, les élèves de l’école publique disposent de 13.5 semaines de vacances scolaires par année, ce qui est largement supérieur à la durée des vacances prévues par l’art. 329a de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220). Les parents n’ont dès lors d’autre choix que de trouver une solution de garde pour leurs enfants n’ayant pas encore 14 ans révolus pour, à tout le moins, une partie des vacances scolaires. Or, en l’occurrence, pour l’année 2022, les recourants ont sollicité la déduction des frais relatifs à cinq semaines de stage pour C______ (soit un stage en avril, trois en juillet et un octobre 2022) et une semaine pour D______ (soit un stage en octobre 2022). Il n’est ainsi pas contestable que la garde des enfants a eu lieu pendant le temps de travail des parents, et non pendant les périodes de loisirs ou de vacances, ce que l’intimée ne soutient d’ailleurs pas. Enfin, les frais afférents aux stages proposés par E______, soit CHF 15.50 par heure (factures au dossier), restent largement inférieurs au coût d’une assistante parentale, étant rappelé que le salaire minimum à Genève s’élevait à CHF 23.27 en 2022. Or, de tels coûts auraient été entièrement déductibles. Ainsi, admettre la déduction fiscale des coûts d’une assistante parentale à plein temps durant la période des vacances, mais la refuser pour des camps de vacances plus économiques, reviendrait à favoriser sans motif les familles avec plus de moyens. Partant, la totalité des frais afférents aux stages effectués par les enfants des recourants pour l’année 2022 constituent des frais déductibles au sens de l’art. 33 al. 3 LIFD.

Il en va de même en ce qui concerne les impôts cantonal et communal. La pratique cantonale consistant à prendre en compte ces frais à hauteur de CHF 250.- par semaine est ainsi insuffisante. L’autorité intimée se fonde en effet sur la prémisse erronée que les camps de vacances doivent être considérés comme faisant partie des frais d’entretien de la famille. Or, comme indiqué supra, il s’agit de frais de garde déductibles au sens de l’art. 33 al. 3 LIFD. Dans la mesure où la déduction cantonale pour les frais de garde par des tiers doit être soumise aux mêmes conditions que celles prévues par la LIFD (supra consid. 4.5), de tels frais, effectifs et documentés, doivent être déduits dans leur totalité s’agissant des ICC.

Les considérants qui précèdent conduisent à l’admission du recours. Le jugement du TAPI sera annulé tant pour l’IFD que pour l’ICC. Le dossier sera renvoyé à l'autorité intimée pour qu’elle établisse des nouveaux bordereaux IFD et ICC 2022, tenant compte des déductions pour les frais de garde dûment documentés par les contribuables.

5.             Vu l’issue du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA). Il n’y a pas lieu d’allouer une indemnité de procédure, les recourants plaidant en personne et n’ayant pas allégué avoir exposé des frais pour assurer leur défense (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 11 juin 2024 par A______ et B______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 13 mai 2024 ;

au fond :

l’admet ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 13 mai 2024 ;

renvoie le dossier à l’administration fiscale cantonale pour nouvelles décisions au sens des considérants ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A______ et B______, à l’administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Patrick CHENAUX, Eleanor McGREGOR, Michèle PERNET, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. KRAUSKOPF

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :


 

 

 

OPINION SÉPARÉE

 

(art. 119 Cst.-GE et art. 28 al. 4 et 5 du règlement de la Cour de justice – E 2 05.47)

 

 

La solution retenue me paraît contraire aux art. 33 al. 3 LIFD et 35 LIPP.

Les déductions admises pour frais de garde constituant une exception à l’imposition du revenu, il se justifie de les interpréter de manière restrictive. La loi admettant la déduction de frais de garde, seuls ceux-ci peuvent être déduits. Or, en l’occurrence, les enfants des recourants bénéficient le mercredi matin de cours de langue anglaise, adaptés à leur très jeune âge. Les cours proposés par E______ sont décrits, dans l’arrêt, comme « créatifs et ludiques », dispensés en immersion totale de l’anglais sous forme de jeux, bricolages, musique, livres et « plein d’aventures ». L’apprentissage de l’anglais est ainsi placé au premier plan. La garde des enfants n’est qu’un accessoire aux cours proposés par l’école précitée. Ainsi, les cours d’anglais que suivent les enfants des recourants tous les mercredis de 8h00 à 13h00 répondent à un choix éducatif des recourants. Les coûts y afférents entrent dès lors dans les frais d’entretien de la famille, qui ne sont pas déductibles (art. 34 let. a LIFD et 38 al. 1 let. a LIPP).